La cosmogonie d'Urantia
La première publication française du Livre d'Urantia

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  • 1. L'UNIVERS CENTRAL ET LES SUPERUNIVERS
    • Introduction
    • 1. Le père universel
    • 2. La nature de Dieu
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    • 4. Relations de Dieu avec l'univers
    • 5. Relations de Dieu avec les individus
    • 6. Le fils éternel
    • 7. Relations du fils éternel avec l'univers
    • 8. L'esprit infini
    • 9. Relations de l'esprit infini avec l'univers
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    • 11. L’île éternelle du Paradis
    • 12. L'univers des univers
    • 13. Les sphères sacrées du Paradis
    • 14. L'univers central et divin
    • 15. Les sept superunivers
    • 16. Les sept maîtres esprits
    • 17. Les sept groupes spirituels suprêmes
    • 18. Les personnalités suprêmes de la trinité
    • 19. Les êtres coordonnés d'origine trinitaire
    • 20. Les fils paradisiaques de Dieu
    • 21. Les fils paradisiaques créateurs
    • 22. Les fils de Dieu trinitisés
    • 23. Les messagers solitaires
    • 24. Personnalités supérieures de l'esprit infini
    • 25. Les armées des messagers de l'espace
    • 26. Les esprits tutélaires de l'univers central
    • 27. Le ministère des supernaphins primaires
    • 28. Esprits tutélaires des superunivers
    • 29. Les directeurs de pouvoir de l'univers
    • 30. Personnalités du grand univers
    • 31. Le corps de la finalité
  • 2. L'UNIVERS LOCAL
    • 32. L'évolution des univers locaux
    • 33. Administration de l'univers local
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    • 35. Les fils de Dieu de l'univers local
    • 36. Les porteurs de vie
    • 37. Personnalités de l'univers local
    • 38. Esprits tutélaires de l'univers local
    • 39. Les armés séraphiques
    • 40. Les fils ascendants de Dieu
    • 41. Aspects physiques de l'univers local
    • 42. Energie - pensée et matière
    • 43. Les constellations
    • 44. Les artisans célestes
    • 45. L'administration du système local
    • 46. Le siège du système local
    • 47. Les sept mondes des maisons
    • 48. La vie morontielle
    • 49. Les mondes habités
    • 50. Les princes planétaires
    • 51. Les Adams planétaires
    • 52. Stades planétaires de la vie humaine
    • 53. La rébellion de Lucifer
    • 54. Problèmes de la rébellion de Lucifer
    • 55. Les sphères de lumière et de vie
    • 56. Unité universelle
  • 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
    • 57. L'origine d'Urantia
    • 58. L'établissement de la vie sur Urantia
    • 59. L'ère de la vie marine sur Urantia
    • 60. Urantia pendant l'ère de la vie terrestre primitive
    • 61. L'ère des mammifères sur Urantia
    • 62. Les races à l'aurore de l'homme primitif
    • 63. La première famille humaine
    • 64. Les races évolutionnaires de couleur
    • 65. Le supercontrôle de l'évolution
    • 66. Le prince planétaire d'Urantia
    • 67. La rébellion planétaire
    • 68. L'aurore de la civilisation
    • 69. Les institutions humaines primitives
    • 70. L'évolution du gouvernement humain
    • 71. Développement de l'état
    • 72. Un gouvernement sur une planète voisine
    • 73. Le jardin d’Éden
    • 74. Adam et Ève
    • 75. La faute d'Adam et d’Ève
    • 76. Le second jardin
    • 77. Les créatures médianes
    • 78. La race violette après les jours d'Adam
    • 79. L'expansion Andite en orient
    • 80. L'expansion Andite en occident
    • 81. Développement de la civilisation moderne
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    • 86. L'évolution primitive de la religion
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3. L'HISTOIRE D'URANTIA

70. L'évolution du gouvernement humain

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Category: 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
Created: 02 December 2025

L'ÉVOLUTION DU GOUVERNEMENT HUMAIN

À peine l'homme eut-il partiellement résolu le problème de sa subsistance qu'il fut confronté par la tâche d'organiser les contacts humains. Le développement de l'industrie exigeait des lois, de l'ordre, et une mise au point sociale; la propriété privée nécessitait un gouvernement.

Dans un monde évolutionnaire, les antagonismes sont naturels, la paix ne s'assure que par un système social régulateur. Les règlements publics sont inséparables de l'organisation sociale; une association implique une autorité qui commande. Le gouvernement oblige à coordonner les antagonismes entre tribus, clans, familles, et individus.

Le gouvernement est un développement inconscient; il évolue par tâtonnements. Il possède une valeur de survie, et en conséquence il devient traditionnel. L'anarchie accroît la misère; c'est pourquoi les gouvernements (la loi et l'ordre relatifs) émergèrent lentement ou sont en train d'apparaître. Les exigences coercitives de la lutte pour l'existence ont littéralement poussé la race humaine sur la route progressive de la civilisation.

1. -- LA GENÈSE DE LA GUERRE

La guerre est l'état naturel et l'héritage de l'homme en évolution; la paix est l'étalon social mesurant le développement de la civilisation. Avant que les races en progrès n'aient été partiellement organisées au point de vue social, l'homme était très individualiste, extrêmement méfiant, et querelleur à un point incroyable. La violence est la loi de la nature, l'hostilité est la réaction automatique des enfants de la nature, tandis que la guerre représente ces mêmes activités poursuivies collectivement. Dans toutes les circonstances où le tissu dont est fait la civilisation est soumis à des tensions à cause des complications découlant du progrès de la société, il se produit toujours un retour immédiat et ruineux à ces méthodes initiales pour ajuster par la violence les frictions provenant des relations entre humains.

La guerre est une réaction animale contre les malentendus et les irritations; la paix accompagne la solution civilisée de tous ces problèmes et difficultés. Les races Sangik, ainsi que les Adamites et les Nodites ultérieurement dégénérés, étaient tous belliqueux. Les Andonites apprirent de bonne heure la règle d'or; aujourd'hui encore leurs descendants, les Esquimaux, vivent principalement selon ce code; les coutumes sont tenaces parmi eux, et ils sont relativement exempts d'antagonismes violents.

Andon apprit à ses enfants à résoudre leurs litiges en les faisant frapper chacun un arbre avec un bâton tout en maudissant l'arbre; le premier dont le bâton cassait était proclamé vainqueur. Plus tard, les Andonites réglèrent leurs différends en organisant des séances publiques au cours desquelles les adversaires se raillaient et se ridiculisaient mutuellement, tandis que l'auditoire désignait le vainqueur par acclamations.

Mais le phénomène de la guerre ne pouvait apparaître avant que la société ait assez évolué pour expérimenter effectivement des périodes de paix et sanctionner des pratiques guerrières. Le concept même de la guerre implique un certain degré d'organisation.

Après l'apparition de groupements sociaux, les irritations individuelles commencèrent à se fondre dans les sentiments collectifs, et ceci favorisa la tranquillité à l'intérieur des tribus, mais aux dépens de la paix entre tribus. La paix fut donc d'abord la prérogative du groupe interne, ou tribu, qui détestait et haïssait toujours le groupe externe, les étrangers. Les hommes considéraient comme louable de verser le sang étranger.

Même ceci ne réussit pas au début. Quand les premiers chefs essayèrent d'aplanir des malentendus, ils se virent souvent obligés d'autoriser, au moins une fois par an, des combats à coups de pierre dans la tribu. Les membres du clan se divisaient en deux groupes et se lançaient dans une bataille qui durait toute la journée, sans aucune autre raison que de s'amuser; ils aimaient réellement se battre.

La guerre subsiste parce que l'homme descend de l'animal par évolution, et que tous les animaux sont belliqueux. Parmi les premières causes de guerre, on compte:

  1. La faim, qui conduit à des razzias sur la nourriture. La rareté des terres a toujours amené la guerre, et au cours de ces luttes, les premières tribus pacifiques furent pratiquement exterminées.
  2. La pénurie de femmes -- une tentative pour suppléer à l'insuffisance d'aide domestique. Le rapt des femmes a toujours provoqué la guerre.
  3. La vanité -- le désir d'exhiber les prouesses de la tribu. Les groupes supérieurs combattaient pour imposer leur mode de vie aux peuples inférieurs.
  4. Les esclaves -- le besoin de recrues pour la main-d'oeuvre.
  5. La vengeance constituait le motif de guerre quand une tribu croyait qu'une autre tribu voisine avait occasionné la mort d'un des siens. Le deuil se prolongeait jusqu'à ce qu'une tête fut rapportée. La guerre de vengeance fut considérée comme justifiée jusqu'à une époque relativement moderne.
  6. Le délassement -- la guerre était envisagée comme une récréation par les jeunes de ces temps reculés. Quand il n'y avait pas de prétexte assez bon et suffisant pour déclencher une guerre, quand la paix devenait déprimante, les tribus voisines avaient l'habitude de faire des sorties de combat semi-amical afin de passer des vacances en incursions, de jouir d'un simulacre de bataille.
  7. La religion -- le désir de convertir à un culte. Toutes les religions primitives sanctionnaient la guerre. C'est seulement tout récemment que la religion a commencé à la désapprouver. Malheureusement, l'ancien clergé était en général allié aux puissances militaires. L'une des grandes mesures des âges pour la paix fut la tentative de séparer l'Eglise de l'Etat.

Les anciennes tribus faisaient toujours la guerre à la demande de leurs dieux, sur ordre de leurs chefs ou de leurs sorciers. Les Hébreux croyaient en un tel « Dieu des batailles » (1) ; l'histoire de leur raid contre les Madianites (2) est un récit typique de la cruauté atroce des anciennes guerres de tribus; cette attaque, avec le massacre de tous les mâles et la tuerie subséquente de tous les enfants mâles ainsi que de toutes les femmes qui n'étaient pas vierges, aurait fait honneur aux moeurs d'un chef de tribu d'il y a deux cent mille ans. Et tout ceci fut accompli au « nom du Seigneur Dieu d'Israël ».

Le présent récit décrit l'évolution de la société -- la solution naturelle des problèmes des races -- l'homme élaborant sa propre destinée sur terre. Ces atrocités ne furent pas commises à l'instigation de la Déité, nonobstant la tendance des hommes à en faire porter la responsabilité à leurs dieux.

La miséricorde militaire a été lente à se manifester dans l'humanité. Même pendant qu'une femme, Débora, régnait sur les Hébreux, la cruauté en masse persista. Lors de sa victoire sur les Gentils, le commandant des troupes de Débora fit « passer toute l'armée au fil de l'épée; il n'en subsista pas un seul » (3).

Très tôt dans l'histoire de la race, on employa des armes empoisonnées. Toutes sortes de mutilations furent pratiquées. Saül n'hésita pas à réclamer cent prépuces de Philistins comme dot à payer par David pour sa fille Mical (4).

Les premières guerres eurent lieu entre tribus entières, mais plus tard, lorsque deux individus appartenant à des tribus différentes avaient une dispute, ils se battaient en duel au lieu d'entraîner les deux tribus dans une bataille générale. La coutume s'établit également pour deux armées de tout miser sur l'issue d'un combat entre deux représentants choisis de part et d'autre, comme ce fut le cas pour David et Goliath (5).

Le premier adoucissement de la guerre consista à faire des prisonniers. Puis les femmes furent exemptées des hostilités, et ensuite vint la récognition des non-combattants. Des castes militaires et des armées permanentes se développèrent bientôt pour marcher de pair avec la complexité croissante du combat. De bonne heure il fut interdit aux guerriers de s'adjoindre des femmes; ces dernières avaient depuis longtemps cessé de combattre, bien qu'elles aient toujours nourri et soigné les soldats et les aient exhortés à se battre.

La pratique de déclarer la guerre représenta un grand progrès. Ces déclarations d'intention de se battre dénotaient l'avènement d'un sens de loyauté qui fut suivi par le développement graduel des règles de la guerre «civilisée ». Très tôt l'usage s'établit de ne pas combattre près des lieux consacrés à la religion et, plus tard, de ne point se battre pendant certains jours sanctifiés. Ensuite vint la reconnaissance générale du droit d'asile; les réfugiés politiques reçurent une protection.

La guerre évolua ainsi graduellement de la primitive chasse à l'homme au système plus ordonné des nations « civilisées » plus récentes. Cependant, le comportement social d'amitié ne remplaça que lentement celui d'inimitié.

  (1) Isaïe LIV-5.
  (2) Nombres XXXI-1 à 20.
  (3) Juges IV-16.
  (4) 1 Samuel XVIII-25.
  (5) 1 Samuel XVII.

2. -- LA VALEUR SOCIALE DE LA GUERRE

Dans les âges passés, une guerre féroce provoquait des changements sociaux et facilitait l'adoption d'idées neuves qui autrement n'auraient pas vu naturellement le jour en dix mille ans. Le prix terrible payé pour ces avantages certains consistait en des reculs temporaires de la société à l'état sauvage; la raison civilisée était forcée d'abdiquer. La guerre est un médicament puissant, très coûteux, et fort dangereux; elle guérit souvent certains troubles sociaux, mais parfois elle tue le patient, elle détruit la société.

La nécessité constante de la défense nationale crée de nombreux ajustements sociaux nouveaux et progressifs. De nos jours, la société jouit du bénéfice d'une longue liste d'améliorations utiles qui furent d'abord uniquement militaires; elle doit même à la guerre la danse, dont l'une des formes premières était un exercice militaire.

La guerre eut une valeur sociale pour les civilisations du passé parce qu'elle:

  1. Imposait de la discipline, obligeait à la coopération.
  2. Donnait une prime à la force d'âme et au courage.
  3. Encourageait et renforçait le nationalisme.
  4. Détruisait les peuples faibles et inaptes.
  5. Supprimait l'illusion d'égalité primitive, et stratifiait sélectivement la société.

La guerre a eu une certaine valeur évolutive et sélective mais, tout comme l'esclavage, elle doit être un jour abandonnée au cours des lents progrès de la civilisation. Les guerres d'antan encourageaient les voyages et les relations culturelles maintenant ces fins sont mieux servies par les méthodes modernes de transport et de communication. Les guerres de jadis fortifiaient les nations, mais les luttes modernes disloquent la culture civilisée. Les guerres anciennes aboutissaient à décimer les peuples inférieurs; le résultat net des conflits modernes est la destruction sélective des meilleures souches humaines. Les guerres du passé favorisaient l'organisation et le rendement, mais ceux-ci sont maintenant devenus les buts de l'industrie moderne. Au cours des temps passés, la guerre était un ferment social qui frayait le chemin à la civilisation; ce résultat s'obtient mieux maintenant par l'ambition et l'invention. Les guerres anciennes contenaient le concept d'un Dieu des batailles, mais l'homme moderne a été informé que Dieu est amour. La guerre a servi bien des desseins utiles dans le passé, elle a été un échafaudage indispensable pour construire la civilisation, mais elle court rapidement à sa faillite culturelle -- elle devient totalement incapable de donner en gains sociaux des dividendes proportionnés aux pertes terribles qui l'accompagnent.

Jadis, les médecins croyaient à la saignée pour guérir de nombreuses maladies, mais depuis lors ils ont découvert des remèdes plus efficaces pour la plupart des cas. De même il faudra certainement que la saignée internationale de la guerre fasse place à la découverte de meilleures méthodes pour guérir les maux des nations.

Les nations d'Urantia se sont déjà engagées dans la lutte gigantesque entre le militarisme nationaliste et l'industrie. Sous bien des rapports, ce conflit est l'homologue de la lutte séculaire entre les pâtres-chasseurs et les cultivateurs. Mais si l'industrie doit triompher du militarisme, elle doit éviter les dangers qui l'assaillent. Les périls qui menacent l'industrie naissante sur Urantia sont:

  1. La forte tendance au matérialisme, l'aveuglement spirituel.
  2. L'adoration de la puissance de la richesse, la dénaturation des valeurs.
  3. Les vices attenants au luxe, le manque de maturité culturelle.
  4. Les dangers croissants de l'indolence, l'absence d'esprit de service.
  5. L'accroissement d'une mollesse raciale indésirable, la dégénérescence biologique.
  6. La menace d'esclavage industriel standardisé, la stagnation de la personnalité. Le travail ennoblit, mais les corvées abêtissent.

Le militarisme est autocrate et cruel -- voire sauvage. Il favorise l'organisation sociale parmi les conquérants, mais il désintègre les vaincus. L'industrie est plus civilisée et devrait être menée de manière à encourager les initiatives et l'individualisme. La société devrait favoriser l'originalité par tous les moyens.

Ne commettez pas l'erreur de glorifier la guerre; discernez plutôt ce qu'elle a fait pour la société afin de pouvoir imaginer plus exactement le rôle de ses substituts pour continuer à faire progresser la civilisation. A défaut de substituts adéquats, vous pouvez être certains que la guerre continuera encore longtemps.

Les hommes n'accepteront jamais la paix, en tant que mode normal de vie, avant d'avoir été convaincus entièrement et à maintes reprises que la paix est ce qu'il y a de mieux pour leur bien-être matériel, et aussi avant que la société ait sagement fourni des substituts pacifiques à l'une de leurs tendances inhérentes, celle de laisser périodiquement libre cours à une poussée collective destinée à libérer les sentiments et les énergies perpétuellement refoulés provenant des réactions de l'instinct humain de conservation.

Même sur son déclin, la guerre devrait être honorée en tant qu'école d'expérience qui a contraint une race d'individualistes arrogants à se soumettre à une autorité hautement concentrée -- un chef exécutif. La guerre à l'ancienne mode conduisait à choisir pour chefs les hommes naturellement éminents, mais la guerre moderne ne le fait plus. La société doit maintenant se tourner du côté des conquêtes pacifiques: l'industrie, la science, et les réalisations sociales.

3. -- LES ASSOCIATIONS HUMAINES PRIMITIVES

Dans la société la plus primitive, la horde est tout; même les enfants lui appartiennent en commun. La famille évoluante remplaça la horde dans la puériculture, tandis que les clans et tribus émergeants prenaient sa place en tant qu'unités sociales.

L'appétit sexuel et l'amour maternel instaurent la famille, mais aucun véritable gouvernement n'apparaît avant que des groupes super-familiaux aient commencé à se former. Aux temps pré-familiaux de la horde, le commandement était assuré par des individus choisis sans formalités. Les Boschimans africains n'ont jamais dépassé ce stade primitif; leurs hordes n'ont pas de chefs.

Les familles s'unirent par des liens de sang en clans, en assemblées de parents, et les clans se transformèrent plus tard en tribus, en communautés territoriales. La guerre et la pression extérieure forcèrent les clans de parenté à s'organiser en tribus, mais ce furent le commerce et le négoce qui assurèrent la cohésion de ces groupes primitifs avec un certain degré de paix intérieure.

La paix sur Urantia sera amenée plutôt par des organisations de commerce international que par toute la sophistique sentimentale des plans chimériques de paix. Les relations commerciales ont été facilitées par le développement du langage et par des méthodes perfectionnées de transmission des idées, ainsi que par l'amélioration des moyens de transport.

L'absence d'un langage commun a toujours entravé la croissance des groupes pacifiques, mais l'argent est devenu le langage universel du commerce moderne. La cohésion de la société moderne est en grande partie assurée par le marché industriel. L'appât du gain est un important élément civilisateur quand le désir de servir s'y ajoute.

Au début, chaque tribu était entourée par des zones concentriques de peur et de soupçons croissants, d'où l'ancienne coutume de tuer tous les étrangers et, plus tard, de les réduire en esclavage. La vieille idée d'amitié signifiait l'adoption dans le clan; on croyait que l'on continuait à appartenir à son clan après la mort -- ce fut l'un des premiers concepts de la vie éternelle.

La cérémonie d'adoption consistait à boire le sang l'un de l'autre. Dans certains groupes on échangeait de la salive au lieu de boire du sang; ce fut l'origine du baiser conventionnel. Les cérémonies d'association, qu'elles fussent de mariage ou d'adoption, se terminaient toujours par des festins.

Plus tard, on employa du sang dilué dans du vin rouge, et finalement on but seulement du vin pour sceller la cérémonie d'adoption; celle-ci était notifiée par l'attouchement des coupes de vin et consommée par l'absorption de la boisson. Les Hébreux employèrent une forme modifiée de cette cérémonie d'adoption. Leurs ancêtres arabes utilisaient le serment prêté pendant que la main du candidat reposait sur l'organe génital du natif de la tribu. Les Hébreux traitèrent les étrangers adoptés avec bienveillance et fraternité. «L'étranger qui séjourne parmi vous sera pour vous comme l'Israélite de naissance, et tu l'aimeras comme toi-même » (1).

« L'amitié de l'hôte » était une relation d'hospitalité temporaire. Quand les invités en visite partaient, on cassait un plat en deux moitiés, dont l'une était donnée à l'ami partant pour servir d'introduction appropriée à une tierce personne qui pourrait arriver plus tard en visite. Il était de règle pour les convives de payer leur écot en racontant des histoires de leurs voyages et aventures. Les conteurs d'antan devinrent si populaires que les moeurs finirent par leur interdire d'exercer leurs talents aux époques de la chasse ou des moissons.

Les premiers traités de paix furent les « liens de sang ». Les ambassadeurs de paix de deux tribus en guerre se rencontraient, se rendaient hommage, et ensuite se mettaient à piquer leur peau jusqu'à ce qu'elle saigne; après quoi ils suçaient mutuellement leur sang et déclaraient la paix.

Les premières missions de paix consistèrent en des délégations d'hommes amenant leurs plus belles jeunes filles pour assouvir l'appétit sexuel de leurs ex-ennemis, cet appétit étant utilisé pour combattre les tendances belliqueuses. La tribu ainsi honorée rendait la visite, avec son offrande de jeunes filles; sur quoi la paix était fermement établie et des manages entre les familles des chefs étaient bientôt sanctionnés.

  (1) Lévitique XIX-34.

4. -- CLANS ET TRIBUS

Le premier groupe pacifique fut la famille; vinrent ensuite le clan, la tribu, et plus tard la nation, qui devint en fin de compte l'Etat territorial moderne. Le fait que les groupes pacifiques de nos jours se soient développés depuis longtemps au delà des liens du sang pour englober des nations est fort encourageant, malgré le fait que les nations d'Urantia dépensent encore des sommes immenses pour des préparatifs de guerre.

Les clans étaient des groupes liés par le sang, au sein de la tribu. Ils devaient leur existence à certains intérêts communs, tels que:

  1. Leur filiation remontant à un ancêtre commun.
  2. La fidélité à un totem religieux commun.
  3. L'emploi d'un même dialecte.
  4. La cohabitation dans une même localité.
  5. La crainte des mêmes ennemis,
  6. Le partage d'une expérience militaire commune.

Les chefs des clans étaient toujours subordonnés au chef de la tribu; les premiers gouvernements tribaux furent une vague confédération de clans. Les aborigènes australiens n'ont jamais développé une forme tribale de gouvernement.

Les chefs pacifiques des clans régnaient en général par la ligne maternelle; les chefs guerriers des tribus établirent la ligne paternelle. La cour des chefs de tribu et des premiers rois se composait des chefs de clans. La coutume voulait qu'ils fussent invités plusieurs fois par an à se présenter devant le roi, ce qui lui permettait de les surveiller et de mieux s'assurer leur coopération. Les clans jouèrent un rôle très utile dans les autarchies locales, mais retardèrent considérablement la croissance de nations grandes et fortes.

5. -- LES DÉBUTS DU GOUVERNEMENT

Toute création humaine a eu un commencement, et le gouvernement civil est un produit de l'évolution progressive au même titre que le mariage, l'industrie, et la religion. À partir des premiers clans et des tribus primitives se développèrent progressivement les régimes successifs de gouvernement humain qui ont apparu et disparus pour arriver finalement aux formes de réglementation civile et sociale qui caractérisent le deuxième tiers du XXième siècle.

Avec l'apparition graduelle des unités familiales, les bases du gouvernement furent établies par l'organisation du clan, le groupement de familles consanguines. Le premier véritable corps gouvernemental fut le conseil des anciens. Ce groupe régulateur se composait d'hommes âgés qui s'étaient distingués par leur compétence. La sagesse et l'expérience furent appréciées de bonne heure même par des hommes barbares, et il s'ensuivit une longue période de domination par les aînés. Ce règne oligarchique de l'âge se transforma petit à petit en l'idée du patriarcat.

Les premiers conseils des anciens contenaient le potentiel de toutes les fonctions gouvernementales: l'exécutif, le législatif, et le judiciaire. Quand le conseil interprétait les moeurs courantes, il était un tribunal; quand il établissait de nouveaux modes d'usages sociaux, il était une assemblée législative; dans la mesure où ces décrets et promulgations étaient mis en vigueur, il était le pouvoir exécutif. Le président du conseil des anciens fut un des précurseurs du chef de tribu subséquent.

Certaines tribus avaient des conseils féminins, et de temps à autre bien des tribus furent régies par des femmes. Certaines tribus d'hommes rouges conservèrent l'enseignement d'Onamonalonton en suivant les décisions unanimes du « conseil des sept ».

Il a été difficile au genre humain d'apprendre que ni la paix ni la guerre ne peuvent être régies par une assemblée consultative. Les « palabres » primitives furent rarement utiles. La race apprit de bonne heure qu'une armée commandée par un groupe de chefs de clans n'avait aucune chance contre une forte armée n'ayant qu'un seul chef. La guerre a toujours engendré des rois.

Au début, les chefs militaires furent choisis uniquement pour conduire la guerre; ils abandonnaient un peu de leur autorité pendant les périodes de paix où leurs devoirs étaient davantage d'ordre social. Mais peu à peu ils commencèrent à empiéter sur les intervalles de paix avec tendance à continuer leur règne d'une guerre à la suivante. Souvent ils veillaient à ce qu'une guerre ne mit pas trop longtemps à suivre la précédente. Ces seigneurs guerriers primitifs n'aimaient point la paix.

Plus tard, certains chefs furent choisis pour d'autres raisons que le service militaire, et sélectionnés à cause de leurs exceptionnelles qualités physiques ou de leurs remarquables aptitudes personnelles. Les hommes rouges avaient souvent deux groupes de chefs -- les sachems, ou chefs de paix, et les chefs militaires héréditaires. Les régents pacifiques étaient également des juges et des éducateurs.

Quelques-unes des premières communautés furent régies par des sorciers qui agirent souvent en tant que chefs. Un seul homme exerçait les fonctions de prêtre, de médecin, et de chef exécutif. Les premiers insignes royaux avaient très souvent commencé par être des symboles ou des emblèmes de vêtements sacerdotaux.

Ce fut par ces étapes que la branche exécutive du gouvernement prit graduellement corps. Les conseils des clans et des tribus continuaient leur activité à titre consultatif et en tant que précurseurs des départements législatif et judiciaire qui apparurent plus tard. En Afrique, de nos jours, toutes ces formes de gouvernement primitif existent effectivement parmi les diverses tribus.

6. -- LE GOUVERNEMENT MONARCHIQUE

Un gouvernement d'Etat efficace n'apparut qu'avec l'arrivée d'un chef ayant pleine autorité exécutive. Les hommes découvrirent que l'on ne peut avoir de gouvernement efficace qu'en conférant le pouvoir à une personnalité, et non en sou tenant une idée. Le gouvernement prit naissance dans l'idée de l'autorité ou de la richesse des familles. Quand un roitelet patriarcal de venait un véritable roi, on l'appelait parfois « père de son peuple ». Plus tard, on crut que les rois étaient issus de héros. Plus tard encore, le pouvoir devint héréditaire parce que l'on croyait à l'origine divine des rois.

La royauté héréditaire empêchait l'anarchie qui avait précédemment sévi entre la mort d'un roi et l'élection de son successeur, et provoqué des catastrophes. La famille avait un chef biologique et le clan un chef naturel sélectionné, mais la tribu et plus tard l'Etat n'avaient pas de chef naturel; ce fut un motif supplémentaire pour rendre héréditaires les pouvoirs des rois-chefs. L'idée des familles royales et de l'aristocratie fut également fondée sur la coutume de « posséder un nom » dans les clans.

La succession des rois fut finalement considérée comme surnaturelle. On crut que le sang royal remontait à l'époque où se matérialisa l'état-major du Prince Caligastia. Les rois devinrent ainsi des personnages fétiches et furent démesurément craints; une forme spéciale de langage fut adoptée à l'usage de la cour. Encore récemment, on a cru que l'attouchement des rois guérissait les maladies, et certains peuples d'Urantia considèrent encore que leurs souverains ont une origine divine.

Le roi-fétiche d'antan était souvent gardé dans l'isolement; on le considérait comme trop sacré pour être vu, sauf pendant les jours fériés ou saints. On choisissait ordinairement un représentant pour le personnifier; c'est à l'origine des premiers ministres. Le premier chef de cabinet fut un administrateur des aliments; d'autres ne tardèrent pas à suivre. Les souverains nommèrent bientôt des représentants chargés du commerce et de la religion; le développement des cabinets ministériels fut une mesure directe pour dépersonnaliser l'autorité exécutive. Les adjoints des premiers rois formèrent la noblesse attitrée, et l'épouse du roi fut graduellement élevée à la dignité de reine à mesure que les femmes en vinrent à être plus estimées.

Des souverains sans scrupules acquirent de grands pouvoirs par la découverte de poisons. La magie pratiquée dans les premières cours était diabolique; les ennemis du roi mouraient bientôt. Toutefois les tyrans, même les plus despotes, étaient assujettis à certaines restrictions; ils étaient au moins freinés par la peur toujours présente d'être assassinés. Les sorciers, les médecins magiciens, et les prêtres ont toujours puissamment freiné les rois. Par la suite, l'aristocratie des propriétaires fonciers exerça une influence restrictive, et de temps à autre les clans et tribus se soulevaient tout simplement et renversaient leurs despotes et tyrans. Quand les souverains déposés étaient condamnés à mort, on leur accordait souvent le choix de se suicider, d'où l'origine de l'ancienne popularité du suicide en certaines circonstances.

7. -- LES CLUBS PRIMITIFS ET LES SOCIÉTÉS SECRÈTES

Les liens du sang déterminèrent les premiers groupes sociaux. Les clans de parenté s'agrandirent par association. Les mariages inter-tribaux furent l'étape suivante d'accroissement du groupe, et la tribu complexe résultante forma le premier véritable corps politique. Le progrès suivant dans le développement social fut l'évolution des cultes religieux et des clubs politiques. Ils apparurent en premier lieu comme sociétés secrètes, entièrement religieuses à l'origine. Ensuite, ces clubs fixèrent des règles. D'abord ce furent des clubs d'hommes; plus tard apparurent des groupes de femmes. Bientôt ils se divisèrent en deux classes: politico-sociale et mystico-religieuse.

Ces sociétés avaient de nombreuses raisons pour rester secrètes, telles que:

  1. La crainte d'attirer le courroux des chefs pour avoir violé quelque tabou.
  2. Le désir de pratiquer des rites religieux minoritaires.
  3. L'intention de conserver de précieux secrets « d'esprits » ou de commerce.
  4. La possession de quelque talisman ou la connaissance d'une magie spéciale.

Le fait même du secret conférait à tous les membres de ces sociétés l'autorité du mystère vis-à-vis du reste de la tribu. Le secret flatte également la vanité; les initiés formaient l'aristocratie sociale de leur temps. Après leur initiation, les jeunes gens chassaient avec les hommes, tandis qu'auparavant ils cueillaient les légumes avec les femmes. Et l'humiliation suprême, la disgrâce vis-à-vis de la tribu, consistait à échouer aux épreuves de puberté et à être ainsi obligé de rester hors de la demeure des hommes en compagnie des femmes et des enfants, à être tenu pour efféminé. D'ailleurs les non-initiés n'avaient pas la permission de se marier.

Les peuples primitifs apprirent de très bonne heure à leurs jeunes adolescents à maîtriser leurs impulsions sexuelles. La coutume s'établit de séparer les garçons de leurs parents à partir de la puberté jusqu'au mariage, et de confier leur éducation et leur formation aux sociétés secrètes des hommes. L'une des fonctions principales de ces clubs était de conserver un contrôle sur les jeunes gens adolescents afin d'éviter les naissances illégitimes.

La prostitution commercialisée débuta quand ces clubs d'hommes payèrent en argent le droit de disposer de femmes d'autres tribus. Mais les groupes primitifs étaient remarquablement exempts de licence sexuelle.

La cérémonie d'initiation de la puberté s'étendait généralement sur une période de cinq années. Beaucoup d'entailles douloureuses et de tortures que l'on s'infligeait soi-même faisaient partie de ses épreuves. La circoncision fut pratiquée d'abord comme rite d'entrée dans une de ces confraternités secrètes. Les marques de la tribu furent incisées dans le corps comme faisant partie de l'initiation de la puberté; le tatouage fut à l'origine un insigne d'appartenance à ces sociétés. Les tortures, ainsi que de multiples privations, avaient pour but d'endurcir les jeunes gens, de leur donner une idée des réalités de la vie et de ses tribulations inévitables. Ce résultat est mieux atteint par les jeux athlétiques et les épreuves physiques qui furent instaurés plus tard.

Les sociétés secrètes cherchaient réellement à améliorer la moralité des adolescents. L'un des buts principaux des cérémonies de puberté était de faire comprendre aux garçons qu'ils ne devaient pas toucher aux épouses des autres hommes.

Après ces années de discipline et d'entraînement rigoureux, et juste avant leur mariage, on laissait généralement aux jeunes gens une courte période de loisirs et de liberté après laquelle ils revenaient se marier en acceptant pour le reste de leur vie l'asservissement aux tabous de leur tribu. Cette ancienne coutume a subsisté jusqu'aux temps modernes dans le stupide concept de « jeter sa gourme ».

Beaucoup de tribus sanctionnèrent ultérieurement la formation de clubs secrets de femmes, dont le but était de préparer les jeunes filles adolescentes à devenir des épouses et des mères. Après leur initiation, les jeunes filles étaient éligibles pour le mariage et recevaient la permission d'assister à « la présentation des filles à marier », l'équivalent des débuts mondains de notre époque. Des ordres féminins avec voeux de célibat apparurent de bonne heure.

Bientôt des clubs non secrets firent leur apparition quand des groupes masculins et féminins de célibataires formèrent leurs organisations séparées. En réalité, ces associations furent les premières écoles. Tandis que les clubs d'hommes et les clubs de femmes s'adonnaient souvent à des persécutions mutuelles, certaines tribus plus évoluées, après contact avec les éducateurs de Dalamatia, expérimentèrent l'enseignement mixte avec des internats pour chaque sexe.

Les sociétés secrètes contribuèrent à instaurer des castes sociales, principalement à cause du caractère mystérieux de leurs initiations. Les membres de ces sociétés portèrent d'abord des masques pour effrayer les curieux et les écarter de leurs rites de deuil -- du culte des ancêtres. Ce rituel se transforma plus tard en pseudo-séances auxquelles des fantômes étaient censés avoir participé. Les sociétés anciennes de la « nouvelle naissance » utilisaient des signes et employaient un langage secret spécial; elles proscrivaient aussi certains aliments et boissons. Elles jouaient le rôle de police de nuit et avaient par ailleurs une activité très étendue dans le domaine social.

Toutes les associations secrètes imposaient un serment à leurs adhérents, prescrivaient la confiance, et enseignaient la conservation des secrets. Ces ordres secrets impressionnaient les foules et les tenaient en respect; ils agissaient également comme sociétés de vigilance et pratiquaient ainsi la loi de Lynch. Leurs membres furent les premiers espions des tribus en guerre et formèrent la première police secrète en temps de paix. Mieux encore, ils maintinrent les rois peu scrupuleux dans un état d'anxiété. Pour leur faire contrepoids, les rois entretinrent leur propre police secrète.

Ces sociétés donnèrent naissance aux premiers partis politiques. Le premier gouvernement de parti fut celui des « forts » contre les « faibles ». Dans les temps anciens, la guerre civile n'était suivie que d'un changement d'administration, ce qui prouvait amplement que les faibles étaient devenus forts.

Les clubs furent employés par les marchands pour faire rentrer leurs créances et par les souverains pour recouvrer des impôts. La taxation fiscale a été une longue lutte, dont l'une des premières formes fut la dîme, le dixième du produit de la chasse ou du butin. À l'origine, les impôts furent prélevés pour maintenir le train de vie de la maison royale, mais on découvrit qu'il était plus facile de les recouvrer en les déguisant sous forme d'une offrande pour contribuer au service des temples.

Petit à petit, les associations se transformèrent en oeuvres charitables, puis évoluèrent en sociétés religieuses primitives annonciatrices des Eglises. Finalement quelques-unes de ces sociétés devinrent communes à plusieurs tribus; ce furent les premières confréries internationales.

8. -- LES CLASSES SOCIALES

L'inégalité mentale et physique des êtres humains provoque l'apparition de classes sociales. Les seuls mondes sans couches sociales sont les plus primitifs ou les plus avancés. A son aurore, une civilisation n'a pas encore commencé la différenciation des niveaux sociaux, tandis qu'un monde ancré dans la lumière, de la vie a transcendé ces divisions de l'humanité, si caractéristiques de toutes les étapes intermédiaires de l'évolution.

Dans la mesure où une société sort de la sauvagerie pour entrer dans la barbarie, ses composants humains tendent à se grouper en classes pour les raisons générales suivantes:

   1. Raisons naturelles -- contact, parents, et mariage; les premières distinctions sociales furent basses sur le sexe, l'âge, et le sang -- la parenté avec le chef.

   2. Raisons personnelles -- la récognition des aptitudes, de l'endurance, de l'habileté et de la force d'âme, bientôt suivie par celle de la maîtrise du langage, du savoir, et de l'intelligence générale.

   3. Raisons de chance -- la guerre et l'émigration aboutirent à séparer des groupes humains. L'évolution des classes fut fortement influencée par les conquêtes, les rapports entre vainqueurs et vaincus, tandis que l'esclavage amena la première division générale de la société entre hommes libres et serfs.

   4. Raisons économiques -- riches et pauvres. La fortune et la possession d'esclaves furent une base qui engendra l'une des classes de la société.

   5. Raisons géographiques -- des classes se formèrent par suite de l'établissement de la population dans des régions urbaines ou rurales. Villes et campagnes ont respectivement contribué à la différenciation entre éleveurs-cultivateurs et marchands-industriels, avec leurs réactions et leurs points de vue divergents.

   6. Raisons sociales -- des classes se sont graduellement formées selon l'appréciation populaire de la valeur sociale de différents groupes. Parmi les premières divisions de ce genre, on trouve les démarcations entre prêtres-éducateurs, chefs guerriers, capitalistes-marchands, manoeuvres ordinaires, et esclaves. L'esclave ne pouvait jamais devenir un capitaliste, mais le salarié pouvait parfois entrer dans les rangs capitalistes.

   7. Raisons professionnelles -- au fur et à mesure que les professions se multiplièrent, elles tendirent à établir des castes et des corporations. Les travailleurs se scindèrent en trois groupes: les cadres professionnels y compris les médecins, puis les ouvriers qualifiés, et enfin les manoeuvres non spécialisés.

   8. Raisons religieuses -- les premiers clubs cultuels donnèrent naissance à leurs propres classes à l'intérieur des clans et tribus; la piété et le mysticisme ont longtemps perpétué la prêtrise en tant que groupe social distinct.

   9. Raisons raciales -- la présence de deux ou plusieurs races dans une nation ou une unité territoriale donnée produit généralement des castes de couleur. Le système originel des castes aux Indes était basé sur la couleur, comme d'ailleurs celui de l'ancienne Egypte.

   10. Raisons d'âge -- jeunesse et maturité. Dans les tribus, les garçons demeuraient sous la surveillance de leur père tant que ce dernier vivait, tandis que les filles étaient laissées aux soins de leur mère jusqu'à leur mariage.

Des classes flexibles et mouvantes sont indispensables à une civilisation évoluante, mais quand les classes deviennent des castes, quand les niveaux sociaux se pétrifient, le progrès de la stabilité se paye par une déperdition de l'initiative privée. La caste sociale résout le problème de trouver votre place dans l'industrie, mais elle amoindrit considérablement le développement individuel et empêche virtuellement la coopération sociale.

Du fait que les classes sociales se sont formées naturellement, elles persisteront jusqu'à ce que les hommes arrivent à les faire disparaître progressivement par évolution en manipulant avec intelligence les ressources biologiques, intellectuelles, et spirituelles d'une civilisation en progrès, et notamment les suivantes:

  1. Le renouvellement biologique des souches raciales -- l'élimination sélective des lignées humaines inférieures. Cela tendra à effacer de nombreuses inégalités humaines.
  2. L'entraînement éducatif de la puissance cérébrale accrue par cette amélioration biologique.
  3. La stimulation religieuse des sentiments de parenté et de fraternité humaines.

Ces mesures ne peuvent porter leurs véritables fruits que dans les lointains millénaires de l'avenir, bien que d'importantes améliorations sociales doivent suivre immédiatement le maniement intelligent, sage, et patient de ces facteurs accélérateurs du progrès culturel. La religion est le puissant levier qui élève la civilisation au-dessus du chaos, mais elle est impuissante sans le point d'appui d'une pensée saine et normale, solidement basée sur une hérédité également saine et normale.

9. -- LES DROITS DE L'HOMME

La nature ne confère aucun droit aux hommes. Elle ne leur donne que la vie et un monde où la vivre. La nature ne leur assure même pas le droit de rester vivants, comme on peut s'en rendre compte en imaginant ce qui se passerait probablement si un homme sans armes rencontrait face à face un tigre affamé dans une forêt vierge. Le don primordial que la société fait aux hommes est la sécurité.

La société affirmera graduellement ses droits qui, à l'heure actuelle, sont les suivants:

  1. L'assurance d'un approvisionnement en vivres.
  2. La défense militaire -- la sécurité par l'état de préparation.
  3. La sauvegarde de la paix interne -- la prévention contre les violences personnelles et les désordres sociaux.
  4. Le contrôle sexuel -- le mariage, l'établissement de la famille.
  5. La propriété -- le droit de posséder.
  6. L'encouragement de l'émulation individuelle et collective.
  7. La prise de dispositions pour éduquer et former la jeunesse.
  8. L'aménagement des échanges et du commerce -- le développement industriel.
  9. L'amélioration de la condition et de la rémunération des travailleurs.
  10. La garantie de la liberté du culte, afin que toutes les autres activités sociales puissent être exaltées en étant motivées par l'esprit.

Quand des droits sont si anciens que l'on ne peut connaître leur origine, ils sont souvent appelés droits naturels. Cependant les droits humains ne sont pas réellement naturels; ils sont entièrement sociaux. Ils sont relatifs et toujours changeants, et ne représentent rien de plus que les règles du jeu -- une mise au point reconnue des rapports qui régissent le phénomène kaléidoscopique de la concurrence humaine.

Ce que l'on peut considérer comme un droit à une époque donnée ne l'est plus à une autre. La survie d'un grand nombre de déficients et de dégénérés n'est pas due à leur droit naturel d'encombrer la civilisation du XXième siècle, mais simplement au fait que la société de l'époque, les moeurs, l'ont ainsi décrété.

L'Europe du Moyen âge reconnaissait peu de droits humains. Chaque homme appartenait alors à quelqu'un d'autre, et les droits n'étaient que des privilèges ou des faveurs accordés par l'État ou l'Église. La révolte contre cette erreur fut également une erreur parce qu'elle fit croire que tous les hommes naissent égaux.

Les hommes faibles et inférieurs ont toujours lutté pour avoir des droits égaux; ils ont toujours insisté pour que l'État oblige ceux qui sont forts et supérieurs à subvenir à leurs besoins et à compenser encore autrement les insuffisances qui sont trop souvent le résultat naturel de leur propre indifférence et de leur indolence.

L'idéal d'égalité est né de la civilisation; il ne se trouve pas dans la nature. Même la culture démontre de manière probante l'inégalité naturelle des hommes en faisant ressortir leurs aptitudes inégales à l'assimiler. La réalisation soudaine et non-évolutive d'une prétendue égalité naturelle ferait rapidement rétrograder les hommes civilisés aux grossiers usages et coutumes des époques primitives. La société ne peut offrir des droits égaux à tous, mais elle peut promettre d'administrer loyalement et équitablement les droits variables de chacun. Elle a la responsabilité et le devoir de fournir aux enfants de la nature une occasion équitable et paisible de pourvoir à leurs besoins, de participer à la reproduction, et de jouir en même temps de certaines satisfactions personnelles, la somme de ces trois facteurs constituant le bonheur humain.

10. -- L'ÉVOLUTION DE LA JUSTICE

La justice naturelle est une théorie élaborée par les hommes; elle n'est pas une réalité. Dans la nature, la justice est purement théorique, totalement fictive. La nature ne fournit qu'une seule sorte de justice -- la conformité inévitable des résultats aux causes.

La justice telle que les hommes la conçoivent consiste à faire valoir ses droits, et c'est pourquoi elle est une affaire d'évolution progressive. Le concept de justice peut bien faire partie constituante d'une intelligence douée de spiritualité, mais la justice toute faite ne surgit pas spontanément dans les mondes de l'espace.

Les hommes primitifs attribuaient tous les phénomènes à une personne. Quand un sauvage trépassait, on ne se demandait pas ce qui l'avait fait périr, mais qui l'avait tué. Le meurtre accidentel n'était donc pas reconnu et, lors de la punition d'un crime, le mobile du coupable n'était aucunement pris en considération. Le jugement était rendu d'après le tort causé.

Au début des sociétés primitives, l'opinion publique agissait directement; il n'y avait pas besoin d'agents de la justice. La vie primitive ne connaissait pas d'intimité. Les voisins d'un homme étaient responsables de sa conduite; ils avaient donc le droit de fureter dans ses affaires personnelles. La société était réglementée d'après la théorie que la communauté des membres du groupe doit s'intéresser au comportement de chaque individu et, dans une certaine mesure, avoir autorité sur lui.

On crut de très bonne heure que des esprits dispensaient la justice par l'entremise des sorciers et des prêtres. Cela fit des membres de ces ordres les premiers détectives et agents de la loi. Leurs méthodes primitives pour découvrir les crimes consistaient à faire subir les épreuves du feu, du poison, et de la douleur. Ces épreuves sauvages n'étaient rien de plus que de grossières techniques d'arbitrage; elles ne réglaient pas nécessairement les différends avec justice. Par exemple, quand on administrait un poison, l'accusé était tenu pour innocent s'il le vomissait.

L'Ancien Testament relate une de ces épreuves, un test de culpabilité conjugale (1). Si un homme suspectait sa femme de lui être infidèle, il l'emmenait chez le prêtre et exposait ses soupçons, après quoi le prêtre préparait un breuvage composé d'eau bénite et de balayures du sol du tabernacle. A la suite d'un cérémonial approprié comprenant des malédictions menaçantes, on obligeait la femme accusée à boire l'écoeurante potion. Si elle était coupable « l'eau qui cause la malédiction entrera en elle et deviendra amère, et son ventre enflera, et ses cuisses pourriront, et la femme sera en exécration à son peuple ». Si par hasard une femme pouvait avaler cette immonde boisson sans montrer de symptômes de maladie physique, elle était acquittée des accusations portées par son mari jaloux.

  (1) Nombres V-11 à 31.

Ces méthodes atroces de détection des crimes furent pratiquées à une époque ou à une autre par presque toutes les tribus en évolution. Le duel est une survivance moderne du jugement par épreuves.

Il ne faut pas s'étonner que les Hébreux et d'autres tribus semi-civilisées aient pratiqué ces techniques primitives d'administration de la justice il y a plus de trois mille ans, mais il est stupéfiant que des hommes réfléchis aient ultérieurement inséré ces restes de barbarie dans les pages d'un recueil d'Écritures saintes. La simple réflexion devrait rendre évident que nul être divin n'a jamais donné aux mortels des instructions aussi iniques concernant la détection et le jugement des infidélités conjugales soupçonnées.

La société adopta de bonne heure l'attitude de compensation par représailles; oeil pour oeil (1), vie pour vie. Les tribus en évolution reconnurent toutes le droit de vengeance par le sang. La vengeance devint le but de la vie primitive, mais depuis lors la religion a grandement modifié ces premières pratiques des tribus. Les instructeurs de la religion révélée ont toujours proclamé: « à moi la vengeance, dit le Seigneur » (2). Dans les temps primitifs, les meurtres par vengeance n'étaient pas tellement différents de ceux que l'on commet aujourd'hui en alléguant la loi non écrite.

  (1) Lévitique XXIV-20  ; Deutéronome XIX-21 ; Matthieu V-38.
  (2) Deutéronome XXXII-35 ; Romains XII-19 ; Hébreux X-30.

Le suicide était un mode ordinaire de représailles. Si un homme était incapable de se venger lui-même durant sa vie, il mourait persuadé qu'il pourrait revenir comme fantôme et exercer sa colère contre son ennemi. Cette croyance était très générale, et la menace de se suicider sur le seuil d'un ennemi était habituellement suffisante pour l'amener à composition. Le suicide à propos de vétilles était commun, mais les enseignements des Dalamatiens réduisirent beaucoup cette coutume. A une époque plus récente, les loisirs, le confort, la religion, et la philosophie se sont alliés pour rendre la vie plus douce et plus désirable. Les grèves de la faim présentent toutefois une analogie moderne avec ces anciens procédés de représailles.

L'une des premières expressions de progrès dans la loi tribale concernait la reprise de la vendetta comme une affaire de la tribu. Il est étrange de constater que même alors un homme pouvait tuer sa femme sans punition, pourvu qu'il eût entièrement payé le prix de son achat. Cependant, aujourd'hui encore, les Esquimaux laissent à la famille lésée le soin de décider et d'administrer la sanction d'un crime, même s'il s'agit d'un meurtre.

Un autre progrès fut l'imposition d'amendes pour avoir violé un tabou, l'institution de pénalités. Ces amendes constituèrent les premiers revenus publics. La pratique de payer « l'argent du sang » entra également en vogue comme substitut de la vengeance du sang. Les dommages correspondants étaient habituellement payés en femmes ou en bétail; il fallut longtemps pour que des amendes réelles, des compensations monétaires, fussent imposées comme punition d'un crime. Puisque l'idée de punition d'un crime représentait essentiellement une compensation, toutes les choses, y compris la vie humaine, finirent par avoir un prix que l'on pouvait payer à titre de dommages-intérêts. Les Hébreux furent les premiers à abolir la pratique de payer l'argent du sang. Moïse leur enseigna qu'ils ne devaient « point prendre de rançon pour la vie d'un meurtrier coupable d'avoir tué; il sera certainement mis à mort » (3).

La justice fut donc exercée d'abord par la famille, ensuite par le clan, et plus tard par la tribu. L'administration de la véritable justice date du moment où la revanche fut enlevée aux groupes privés et apparentés pour être confiée aux soins du groupe social, l'Etat.

La punition d'un coupable en le brûlant vif fut jadis de pratique courante. Elle était admise par beaucoup d'anciens chefs, y compris Hammourabi et Moïse. Ce dernier ordonna que beaucoup de crimes, en particulier les crimes graves de nature sexuelle, fussent punis en brûlant le coupable attaché à un poteau. Si « la fille d'un prêtre » ou de tout autre citoyen de marque s'adonnait publiquement à la prostitution, les Hébreux avaient coutume de la « brûler au feu » (4).

La trahison -- le fait de « vendre » ou de trahir un membre de la tribu -- fut le premier crime capital. Le vol du bétail était universellement puni par une exécution sommaire, et encore récemment le vol de chevaux a été puni de la même manière. A mesure que le temps passait, on apprit que la punition du crime avait moins de valeur préventive par sa sévérité que par sa certitude et sa rapidité.

Quand la société ne réussit pas à punir les crimes, la rancune du groupe s'affirme généralement sous forme de lynchage. L'établissement de sanctuaires fut un moyen d'échapper à ces accès de colère collective. Le lynchage et le duel représentent le comportement des individus qui refusent d'abandonner à l'Etat le redressement privé.

  (3) Nombres XXXV-31.
  (4) Lévitique XXI-9.

11. -- LOIS ET TRIBUNAUX

Il est tout aussi difficile de faire des distinctions tranchées entre les moeurs et les lois que d'indiquer exactement, à l'aurore, à quel moment le jour a succédé à la nuit. Les moeurs sont des lois et des règlements de police en gestation. Quand elles sont établies depuis longtemps, les moeurs mal définies tendent à se cristalliser en lois précises, en règles concrètes, et en conventions sociales bien nettes.

Au commencement, la loi est toujours négative et prohibitive; dans les civilisations en progrès, elle devient de plus en plus positive et directrice. La société primitive opérait négativement; elle accordait à l'individu le droit de vivre en imposant à tous les autres le commandement « tu ne tueras point » (1). Tout octroi de droits ou de libertés à un individu implique une restriction de la liberté de tous les autres, ce qui est effectué par le tabou, la loi primitive. L'idée tout entière du tabou est négative par inhérence, car la société primitive était entièrement négative dans son organisation, et l'administration primitive de la justice consistait à imposer des tabous. A l'origine, les lois ne s'appliquaient qu'aux membres de la tribu, comme on en vit plus tard un exemple chez les Hébreux qui avaient, pour traiter avec les Gentils, un code moral différent de leur code intérieur.

  (1) Exode XX-13 ; Deutéronome V-17 ; Matthieu V-21 ; Jacques II-11.

Le serment prit naissance aux jours de Dalamatia dans un effort pour rendre les témoignages plus véridiques. Les serments consistaient alors à prononcer une malédiction sur soi-même. Auparavant, nul individu n'aurait voulu témoigner contre son groupe natal.

Le crime consistait en une attaque contre les moeurs de la tribu, le péché était la transgression des tabous bénéficiant de l'approbation des fantômes, et il y eut une longue confusion due à ce que l'on ne parvenait pas à séparer le crime du péché.

L'intérêt personnel fit instaurer le tabou interdisant de tuer, la société le sanctifia sous forme de moeurs traditionnelles, et enfin la religion en consacra la coutume comme une loi morale; les trois facteurs contribuèrent ainsi à rendre la vie humaine plus sûre et plus sacrée. Dans les premiers temps, la société se serait désagrégée si les droits n'avaient pas eu la sanction de la religion; la superstition fut la police morale et sociale des longs âges évolutionnaires. Les anciens prétendaient tous que leurs lois antiques, les tabous, avaient été données à leurs ancêtres par les dieux.

La loi est une transcription codifiée d'une longue expérience humaine, une opinion publique cristallisée et légalisée. Les moeurs furent la matière première, l'expérience accumulée, à partir de laquelle les intelligences directrices ultérieures formulèrent les lois écrites. Les anciens juges n'avaient pas de lois. Quand ils signifiaient une décision, ils disaient simplement: « C'est la coutume ».

La référence à des précédents dans les décisions des tribunaux représente l'effort des juges pour adapter les lois écrites aux conditions changeantes de la société. Elle permet l'adaptation progressive aux conditions sociales évoluantes, conjuguée avec la solennité de la continuité traditionnelle.

Les différends sur la propriété étaient tranchés selon des principes fort variés tels que:

  1. La destruction de la propriété contestée.
  2. La force -- les contestants se battaient jusqu'au bout.
  3. L'arbitrage -- une tierce partie décidait.
  4. L'appel aux anciens -- et plus tard aux tribunaux.

Les premiers tribunaux furent des rencontres pugilistiques réglementées où les juges étaient simplement des arbitres. Ils veillaient à ce que le combat se poursuive selon les règles approuvées. Avant d'engager une action devant le tribunal, chacun des lutteurs déposait une somme entre les mains du juge pour garantir le paiement des frais et de l'amende par le vaincu. « La force était encore le droit ». Plus tard, les arguments verbaux furent substitués aux coups physiques.

Toute l'idée de la justice primitive ne consistait pas tant à être équitable qu'à régler la contestation et à empêcher ainsi les désordres publics et la violence privée. Les hommes primitifs n'éprouvaient guère de ressentiment contre ce que l'on considérerait aujourd'hui comme une injustice; il était admis que ceux qui disposaient du pouvoir l'emploieraient égoïstement. Néanmoins, on peut déterminer très exactement le statut de n'importe quelle civilisation par le sérieux et l'équité de ses tribunaux et par l'intégrité de ses juges.

12. -- L'ATTRIBUTION DE L'AUTORITÉ CIVILE

La grande lutte dans l'évolution du gouvernement a concerné la concentration du pouvoir. Les administrateurs de l'univers ont appris par expérience que la meilleure manière de régler la vie des peuples évolutionnaires sur les mondes habités est un gouvernement civil du type représentatif où l'équilibre de pouvoir est maintenu par une bonne coordination entre les branches exécutive, législative, et judiciaire.

Alors que l'autorité primitive était basée sur la force, sur la puissance physique, le gouvernement idéal est le système représentatif où le commandement est fondé sur la capacité; mais en ces temps de barbarie, la guerre sévissait beaucoup trop pour permettre à un gouvernement représentatif de fonctionner efficacement. Dans la longue lutte entre la division de l'autorité et l'unité de commandement, ce furent les dictateurs qui gagnèrent. Les pouvoirs initiaux et diffus du conseil primitif des anciens se concentrèrent progressivement entre les mains du monarque absolu. Après l'instauration de véritables rois, les groupes d'anciens subsistèrent comme corps consultatifs quasi -- législatifs -- judiciaires. Plus tard, des législatures à statut coordonné firent leur apparition, et finalement des cours suprêmes de jugement furent établies en dehors des législatures.

Les rois faisaient appliquer les moeurs, la loi originelle non écrite. Plus tard, ils imposèrent les actes législatifs, la cristallisation de l'opinion publique. Les assemblées populaires en tant qu'expression de l'opinion publique furent lentes à apparaître, mais marquèrent un grand progrès social.

Les pouvoirs des premiers rois étaient grandement limités par les moeurs -- par la tradition ou l'opinion publique. À une époque plus récente, certaines nations d'Urantia ont codifié les moeurs en des documents formant une base pour gouverner.

Les mortels d'Urantia ont droit à la liberté. Il leur appartient de créer leurs systèmes gouvernementaux, d'adopter leurs constitutions ou d'autres chartes d'autorité civile ou de procédure administrative. Après avoir fait cela, ils devraient choisir pour chefs exécutifs leurs compagnons les plus compétents et les plus dignes. Ils ne devraient sélectionner, pour représentants dans la branche législative, que des personnes intellectuellement et moralement qualifiées pour en porter les responsabilités sacrées; et pour juges de leurs tribunaux élevés et suprêmes, que des personnes douées d'une aptitude naturelle et rendues sages par une profonde expérience.

Si les hommes veulent conserver leur liberté, il leur faut, après avoir choisi leur charte de libération, s'arranger pour quelle soit interprétée sagement, intelligemment, et sans peur, afin d'empêcher:

    1. L'usurpation d'un pouvoir injustifié par la branche exécutive ou par la branche législative.
    2. Les machinations d'agitateurs ignorants et superstitieux.
    3. Le retard dans les progrès scientifiques.
    4. L'impasse de la domination par la médiocrité.
    5. La domination par des minorités corrompues.
    6. Le contrôle par des aspirants dictateurs ambitieux et habiles.
    7. Les dislocations désastreuses dues aux paniques.
    8. L'exploitation par des hommes sans scrupules.
    9. La transformation des citoyens en esclaves fiscaux de l'Etat.
  10. Le défaut d'équité sociale et économique.
  11. L'union de l'Eglise et de l'Etat.
  12. La perte de la liberté personnelle.

Tels sont les desseins et les buts des tribunaux constitutionnels agissant comme gouverneurs sur les rouages du gouvernement représentatif d'un monde évolutionnaire.

La lutte de l'humanité pour perfectionner le gouvernement sur Urantia concerne la mise au point des canaux administratifs, leur adaptation aux besoins courants en perpétuel changement, l'amélioration de la répartition des pouvoirs à l'intérieur du gouvernement, et ensuite la sélection de chefs administratifs vraiment sages. Il existe une forme de gouvernement divine et idéale, mais elle ne peut être révélée; elle doit être lentement et laborieusement découverte par les hommes et les femmes de chaque planète dans tous les univers du temps et de l'espace.

 

[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]

69. Les institutions humaines primitives

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Category: 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
Created: 02 December 2025

LES INSTITUTIONS HUMAINES PRIMITIVES

SUR le plan émotionnel, l'homme transcende ses ancêtres animaux par son aptitude à goûter l'humour, l'art, et la religion. Sur le plan social, l'homme montre sa supériorité en fabriquant des outils, en communiquant sa pensée, et en établissant des institutions.

Quand des êtres humains restent longtemps groupés en société, ces collectivités manifestent toujours certaines tendances d'activité qui culminent en institutions. Presque toutes les institutions humaines ont fait apparaître une économie de travail tout en contribuant dans une certaine mesure à accroître la sécurité collective.

L'homme civilisé tire une grande fierté du caractère, de la stabilité, et de la permanence des institutions établies, mais toutes les institutions humaines ne représentent que l'accumulation des moeurs du passé telles qu'elles ont été conservées par les tabous et revêtues de dignité par la religion. Ces legs deviennent des traditions, et les traditions se métamorphosent finalement en conventions.

1. -- LES INSTITUTIONS HUMAINES FONDAMENTALES

Toutes les institutions humaines répondent à un besoin social quelconque, passé ou présent, bien que leur développement excessif amoindrisse infailliblement la valeur propre de l'individu en éclipsant la personnalité et en restreignant les initiatives. L'homme devrait dominer ses institutions et non se laisser diriger par ces créations d'une civilisation qui progresse.

Les institutions humaines appartiennent à trois classes générales:

   1. Les institutions d'auto-conservation. Ces institutions comprennent les pratiques nées de la faim et des instincts de conservation qui lui sont liés. Nous citerons l'industrie, la propriété, la guerre d'intérêt, et toute la machinerie régulatrice de la société. Tôt ou tard, l'instinct de la peur conduit à établir ces institutions de survivance au moyen de tabous, de conventions, et de sanctions religieuses. Mais la peur, l'ignorance, et la superstition ont joué un rôle prédominant dans la création et le développement ultérieur de toutes les institutions humaines.

   2. Les institutions d'auto-perpétuation. Ce sont les créations de la société nées de l'appétit sexuel, de l'instinct maternel, et des sentiments affectifs supérieurs des races. Elles embrassent les sauvegardes sociales du foyer et de l'école, de la vie familiale, de l'éducation, de la morale, et de la religion. Elles comprennent les coutumes du mariage, la guerre défensive, et l'édification des foyers.

   3. Les pratiques de satisfaction égoïste. Ce sont les pratiques nées des tendances à la vanité et des sentiments d'orgueil; elles comprennent les coutumes d'habillement et de parure personnelle, les usages sociaux, les guerres de prestige, la danse, les amusements, les jeux, et toutes les formes de plaisirs sensuels. Mais la civilisation n'a jamais produit d'institutions spéciales pour les satisfactions égoïstes.

Ces trois groupes de pratiques sociales sont intimement reliés et dépendent à tout instant les uns des autres. Ils représentent sur Urantia une organisation complexe qui fonctionne comme un seul mécanisme social.

2. -- L'AURORE DE L'INDUSTRIE

L'industrie primitive prit lentement forme comme assurance contre les terreurs de la famine. Dès le début de son existence, l'homme commença à imiter certains animaux qui emmagasinaient de la nourriture pendant les périodes de surabondance en vue des jours de pénurie.

Avant l'apparition d'un premier effort de société et d'industrie, les tribus étaient en général réduites au dénuement et à de véritables souffrances. L'homme primitif devait entrer en lutte avec la totalité du monde animal pour trouver sa nourriture. L'âpreté de la compétition entraîne toujours l'homme vers le niveau de la bête; la pauvreté est son état naturel et tyrannique. La richesse n'est pas un don de la nature; elle résulte du travail, de la connaissance, et de l'organisation.

L'homme primitif se rendit rapidement compte des avantages de l'association. L'association conduisit à l'organisation, et le premier résultat de l'organisation fut la division du travail, avec son économie immédiate de temps et de matériaux. Les spécialisations du travail naquirent d'une adaptation aux pressions extérieures -- suivant les lignes de moindre résistance. Les sauvages primitifs n'ont jamais volontairement ni de bonne grâce fourni un travail réel. C'est la contrainte des nécessités qui les força à s'y plier.

L'homme primitif détestait travailler beaucoup et ne se dépêchait jamais, à moins de se trouver en face d'un grand danger. Le temps considéré comme élément du travail, l'idée d'accomplir une tâche donnée dans une certaine limite de durée, sont des notions entièrement modernes. Les anciens n'étaient jamais pressés. C'est la double exigence d'une lutte intense pour l'existence et de la progression constante des niveaux de vie qui poussa les races primitives, naturellement indolentes, dans les voies de l'industrie.

Le travail et les efforts de conception distinguent l'homme de la bête dont les efforts sont essentiellement instinctifs. La nécessité de travailler est la plus grande bénédiction pour l'homme. Tous les membres de l'état-major du Prince travaillaient; ils firent beaucoup pour ennoblir le travail physique sur Urantia. Adam fut un jardinier; le Dieu des Hébreux travaillait -- il était le créateur et le soutien de toutes choses. Les Hébreux furent la première tribu à attacher un prix suprême à l'industrie; ils furent le premier peuple à décréter que « celui qui ne travaille pas ne mangera pas ». Mais beaucoup de religions du monde retournèrent à l'idéal primitif de l'oisiveté. Jupiter était un joyeux viveur et Bouddha devint un fervent adepte des loisirs.

Les tribus Sangik furent assez industrieuses quand elles demeurèrent loin des tropiques. Mais il y eut un très, très long combat entre les adeptes paresseux de la magie et les apôtres du travail -- les prévoyants de l'avenir.

La première provision humaine s'attacha à la conservation du feu, de l'eau, et de la nourriture. Mais l'homme primitif était un joueur né; il voulait toujours avoir quelque chose pour rien et, dans ces temps anciens, les succès obtenus par un travail assidu furent trop souvent attribués à la magie. La magie mit longtemps à céder la place à la prévoyance, à l'abnégation, et à l'industrie.

3. -- LA SPÉCIALISATION DU TRAVAIL

Dans la société primitive, les divisions du travail furent déterminées par des circonstances d'abord naturelles, puis sociales. L'ordre primitif des spécialisations fut le suivant:

   1. La spécialisation fondée sur le sexe. Le travail de la femme se trouva déterminé par la présence sélective des enfants; par nature, les femmes aiment davantage les bébés que ne le font les hommes. La femme devint ainsi la travailleuse routinière, tandis que l'homme chassait et combattait, passant par des périodes nettement marquées de travail et de repos.

Tout au long des âges, les tabous ont contribué à maintenir strictement la femme dans son domaine propre. L'homme a fort égoïstement choisi le travail le plus agréable, laissant à la femme les corvées courantes. L'homme a toujours eu honte de faire le travail de la femme, mais la femme n'a jamais montré de répugnance à accomplir celui de l'homme. Fait étrange à noter, l'homme et la femme ont toujours travaillé de concert à construire et meubler leur foyer.

   2. Les modifications dues à l'âge et de la maladie. Ces différences déterminèrent la division suivante du travail: les hommes figés et les infirmes furent chargés de bonne heure de la fabrication des outils et des armes. On les affecta plus tard à la construction des réseaux d'irrigation.

   3. Les différenciations fondées sur la religion. Les médecins furent les premiers êtres humains à être exemptés de travail physique; ils furent les pionniers des professions libérales. Les forgerons formaient un petit groupe concurrent des médecins comme magiciens. Leur habileté au travail des métaux les fit craindre. Les « forgerons blancs » et les « forgerons noirs » (1) donnèrent naissance à la croyance primitive aux magies blanche et noire. Cette croyance s'attacha plus tard à la superstition des bons et des mauvais fantômes, des bons et des mauvais esprits.

(1) White smiths ans black smiths. La langue anglaise a conservé les mots smith et blacksmith pour désigner les forgerons.

Les forgerons furent le premier groupe non-religieux à bénéficier de privilèges spéciaux. Ils étaient considérés comme neutres pendant les guerres, et ces loisirs supplémentaires les conduisirent à devenir, en tant que classe, les politiciens de la société primitive. Mais les forgerons abusèrent grossièrement de leurs privilèges et devinrent l'objet d'une haine universelle que leurs concurrents les médecins s'empressèrent d'attiser. Dans cette première épreuve de force entre la science et la religion, la religion, ou plutôt la superstition, triompha. Après avoir été chassés des villages, les forgerons tinrent les premières auberges, les premières hostelleries aux abords des agglomérations.

   4. Les maîtres et les esclaves. Les relations entre vainqueurs et vaincus produisirent une nouvelle différenciation du travail, qui signifia le commencement de l'esclavage humain.

   5. Les différenciations fondues sur divers dons physiques et mentaux. Les différences inhérentes aux hommes favorisèrent d'autres divisions du travail, car les êtres humains ne naissent pas tous égaux.

Les premiers spécialistes de l'industrie furent les tailleurs de silex et les maçons, puis vinrent les forgerons. Ensuite, les spécialisations collectives se développèrent; des familles et des clans entiers se vouèrent à certains genres de travaux. L'origine de l'une des plus anciennes castes de prêtres, en dehors des médecins tribaux, provint du respect superstitieux porté à une famille de remarquables fabricants de sabres.

Les premiers spécialistes collectifs furent les exportateurs de sel gemme et les potiers. Les femmes fabriquaient la poterie simple et les hommes la poterie de fantaisie. Dans certaines tribus, le tissage et la couture étaient faits par les femmes, dans d'autres par les hommes.

Les premiers commerçants furent des femmes; elles étaient employées comme espionnes, et leur commerce était un accessoire. Le commerce prit bientôt de l'expansion, les femmes servant d'intermédiaires-revendeurs. Puis apparut une classe de marchands qui prirent une commission, un bénéfice, pour leurs services. La croissance du troc entre groupes donna naissance au commerce, et l'échange de la main-d'oeuvre spécialisée suivit l'échange des denrées.

4. -- LES DÉBUTS DU COMMERCE

De même que le mariage par contrat fit suite au mariage par capture, de même le commerce par échange suivit la saisie par raids. Mais une longue période de piraterie intervint entre les pratiques primitives du troc silencieux (sans contact personnel) et le commerce ultérieur par des méthodes d'échange modernes.

Les premiers trocs furent effectués par des commerçants armés qui laissaient leurs biens en un point neutre. Les femmes tinrent les premiers marchés; elles furent les commerçants les plus anciens parce que c'étaient elles qui portaient les fardeaux: les hommes étaient des guerriers. Les comptoirs de vente apparurent très tôt sous forme de murs suffisamment larges pour empêcher les commettants de s'atteindre mutuellement avec leurs armes.

On se servait d'un fétiche pour monter la garde auprès des biens déposés pour le troc silencieux. Ces lieux de marché étaient à l'abri du vol; rien ne pouvait en être retiré qui ne fût troqué ou vendu; avec un fétiche de garde, les biens étaient toujours en sûreté. Les premiers commerçants étaient scrupuleusement honnêtes au sein de leurs propres tribus, mais trouvaient tout à fait normal de tromper des étrangers éloignés. Les premiers Hébreux eux-mêmes observaient un code moral distinct pour leurs affaires avec les Gentils.

Le troc silencieux se perpétua pendant des âges avant que les hommes n'acceptent de se réunir sans armes sur la place sacrée du marché. Ces mêmes places de marchés devinrent les premiers emplacements de sanctuaires et furent connues plus tard dans certaines régions comme « villes de refuge ». Tout fugitif atteignant le lieu du marché était sain et sauf, à l'abri de toute attaque.

Les premiers poids utilisés furent des grains de blé et d'autres céréales. La première monnaie d'échange fut un poisson ou une chèvre. Plus tard, la vache devint une unité de troc.

L'écriture moderne a son origine dans les premières notes commerciales; la première littérature de l'homme fut un document poussant au commerce, une publicité pour du sel. Beaucoup de guerres primitives furent livrées pour la possession de gisements naturels, par exemple de silex, de sel, ou de métaux. Le premier traits officiel signé entre des tribus concernait l'exploitation en commun d'un gisement de sel. Ces lieux de traités fournirent à des tribus variées des occasions de s'unir et d'échanger amicalement et pacifiquement des idées.

L'écriture progressa en passant par les stades « du bâton-message, des cordes à noeuds, des dessins, des hiéroglyphes, et des wampums (colliers de coquillages) » avant d'atteindre les alphabets symboliques primitifs. La transmission des messages se fit d'abord au moyen de signaux de fumée, puis de coureurs, de cavaliers, de chemins de fer, et enfin d'avions, doublés du télégraphe, du téléphone, et des radiocommunications.

Les commettants de l'antiquité firent circuler dans le monde habité des idées nouvelles et des méthodes améliorées. Le commerce, lié à l'aventure, conduisit à l'exploration et à la découverte, lesquelles donnèrent naissance aux moyens de transport. Le commerce a été le grand civilisateur en provoquant les échanges culturels.

5. -- LES DÉBUTS DU CAPITAL

Le capital naît d'un travail comportant renonciation aux résultats immédiats en faveur de l'avenir. Les économies représentent une forme d'assurance pour l'entretien et la survivance. La thésaurisation de la nourriture développa la maîtrise de soi et créa les premiers problèmes de capital et de travail. L'homme qui possédait de la nourriture en réserve, en admettant qu'il ait pu la protéger contre les voleurs, avait un net avantage sur celui qui n'avait rien à manger.

Le banquier primitif était l'homme le plus vaillant de la tribu. Il gardait en dépôt les trésors du groupe, et le clan tout entier était prêt à défendre sa hutte en cas d'attaque. L'accumulation des capitaux individuels et des richesses collectives conduisit donc immédiatement à une organisation militaire. À l'origine, ces précautions étaient destinées à défendre la propriété contre les pillards étrangers, mais on prit bientôt l'habitude de maintenir l'entraînement de l'organisation militaire en lançant des raids sur les propriétés et les richesses des tribus voisines.

Les mobiles essentiels de l'accumulation du capital furent:

   1. La faim -- associée à la prévoyance. L'économie et la conservation de la nourriture signifiaient puissance et confort pour ceux qui étaient assez prévoyants pour pourvoir ainsi aux besoins futurs. Le stockage de la nourriture était une bonne assurance contre les risques de famine et de désastre. Tout l'ensemble des moeurs primitives avait en réalité pour but d'aider les hommes à subordonner le présent à l'avenir.

   2. L'amour de la famille -- le désir de pourvoir à ses besoins. Le capital représente l'épargne d'un bien malgré la pression des nécessités du jour, afin de s'assurer contre les exigences de l'avenir. Une partie de cet avenir peut concerner la postérité de l'épargnant.

   3. La vanité -- le désir de faire étalage de l'accumulation de ses biens. La possession de vêtements de rechange fut l'une des premières marques de distinction. La vanité du collectionneur flatta de bonne heure l'orgueil des hommes.

   4. Le rang social -- le vif désir d'acheter un prestige social et politique. Une noblesse commerciale surgit très tôt; l'admission dans ses rangs dépendait de services particuliers rendus à la royauté ou était ouvertement accordée contre un versement d'argent.

   5. Le pouvoir -- la soif d'être le maître. Le prêt de trésors était employé comme moyen d'asservissement car, dans ces temps anciens, le taux de l'intérêt était de cent pour cent par an. Les prêteurs se faisaient eux-mêmes rois en se créant une armée permanente de débiteurs. Les serviteurs esclaves comptèrent parmi les premières formes de propriété que l'on accumulait. Dans l'antiquité, l'esclavage pour dettes s'étendait même jusqu'à la possession du corps après la mort.

   6. La peur des fantômes des morts -- le salaire payé aux prêtres pour être protégé. Les hommes commencèrent de bonne heure à faire des présents funéraires aux prêtres avec l'idée que cet emploi de leurs biens faciliterait leurs progrès dans la vie future. Les prêtres devinrent ainsi très riches; ils furent les magnats des capitalistes d'autrefois.

   7. Le désir sexuel -- le désir d'acheter une ou plusieurs femmes. La première forme de commerce entre les hommes fut l'échange de femmes; il précéda de beaucoup le commerce des chevaux. Mais jamais le troc d'esclaves pour des raisons sexuelles n'a fait progresser la société; ce trafic fut et est toujours une honte raciale, car il a toujours et simultanément gêné le développement de la vie familiale et pollué les aptitudes biologiques des peuples supérieurs.

   8. Les nombreuses formes de satisfaction égoïste. Certains ont cherché la fortune parce qu'elle conférait le pouvoir; d'autres peinèrent pour acquérir des droits de propriété parce que cela leur rendait la vie facile. Les hommes primitifs (et d'autres plus évolués) avaient tendance à dilapider leurs ressources en luxe. Les boissons alcooliques et les drogues piquaient la curiosité des races primitives.

À mesure que la civilisation se développa, les hommes eurent de nouvelles raisons d'épargner; de nouveaux besoins s'ajoutaient rapidement à la faim originelle. La pauvreté devint un tel sujet d'horreur que seuls les riches étaient censés aller directement au ciel quand ils mouraient. La propriété devint une valeur si respectée qu'il suffisait de donner un festin prétentieux pour effacer le déshonneur d'un nom.

L'accumulation des richesses devint rapidement la marque de la distinction sociale. Dans certaines tribus, des individus allaient jusqu'à amasser des biens pendant des années uniquement pour faire sensation en les brûlant à l'occasion de quelque fête ou en les distribuant largement aux membres de leur tribu. Cela en faisait de grands hommes. Les peuples modernes eux-mêmes se complaisent à de somptueuses distributions de cadeaux de Noël, tandis que les hommes riches dotent les grandes institutions philanthropiques et éducatives. Les techniques de l'homme varient, mais sa nature ne change aucunement.

Il est toutefois équitable de rappeler que bien des hommes riches de l'antiquité distribuèrent une grande partie de leur fortune par peur d'être tués par ceux qui convoitaient leurs trésors. Des hommes fortunées sacrifiaient communément des douzaines d'esclaves pour montrer leur dédain des richesses.

Bien que le capital ait contribué à libérer les hommes, il a énormément compliqué leur organisation sociale et industrielle. Son emploi abusif par des capitalistes injustes n'infirme pas le fait que le capital est la base de la société industrielle moderne. Grâce à lui et aux inventions, la génération actuelle jouit d'un degré de liberté qui n'a jamais été atteint auparavant sur terre. Nous rappelons cela comme un fait et non pour justifier les nombreux abus que des conservateurs égoïstes et inconséquents ont fait du capital.

6. -- L'IMPORTANCE DU FEU DANS LA CIVILISATION

La société primitive avec ses quatre sections -- industrielle, législative, religieuse, et militaire -- se forma en employant le feu, les animaux, les esclaves, et la propriété.

L'allumage des feux a séparé d'un seul coup et pour toujours l'homme de l'animal; c'est l'invention ou la découverte humaine fondamentale. Le feu permit à l'homme de demeurer sur le sol la nuit, car tous les animaux en ont peur. Le feu encouragea les rapports sociaux à la tombée du jour. Non seulement il protégeait du froid et des bêtes féroces, mais il protégeait aussi contre les fantômes. On rechercha d'abord sa lumière plutôt que sa chaleur; beaucoup de tribus arriérées refusent encore aujourd'hui de dormir sans qu'une flamme brûle toute la nuit.

Le feu fut un grand civilisateur, car il fournit à l'homme le premier moyen d'être altruiste sans rien perdre; un homme pouvait offrir des braises à un voisin sans se priver lui-même de feu. Au foyer familial, le feu était entretenu par la mère ou par la fille aînée; il fut le premier éducateur, car il exigeait de la vigilance et forçait à faire confiance. Le foyer primitif n'était pas constitué par une cheminée, mais par la famille elle-même réunie autour du feu, de l'être familial. Quand un ils fondait un nouveau foyer, il emportait un brandon de l'être familial.

Bien qu'Andon, l'inventeur du feu, eût évité de le traiter comme un objet d'adoration, beaucoup de ses descendants considérèrent la flamme comme un fétiche ou un esprit. Ils ne surent pas tirer bénéfice du feu pour l'hygiène, car ils se refusaient à brûler leurs détritus. L'homme primitif craignait le feu et cherchait toujours à le garder dans de bonnes dispositions; c'est pourquoi il l'aspergeait d'encens. En aucune circonstance les anciens n'auraient craché dans un feu, pas plus qu'ils n'auraient passé entre quelqu'un et un feu allumé. L'humanité primitive tenait même pour sacrés les pyrites de fer et les silex utilisés pour allumer le feu.

C'était un péché d'éteindre une flamme si une hutte prenait feu, on la laissait brûler. Les feux des temples et des mausolées étaient sacrés et ne devaient jamais s'éteindre. On avait cependant coutume de rallumer de nouveaux feux chaque année ou après une calamité quelconque. Les femmes furent choisies comme prêtresses parce qu'elles étaient les gardiennes des feux familiaux.

Les premiers mythes sur le feu descendu de chez les dieux naquirent de l'observation d'incendies provoqués par la foudre. Les idées sur l'origine surnaturelle du feu conduisirent directement à son adoration, et le culte du feu donna naissance à la coutume du « passage dans les flammes », pratique qui fut conservée jusqu'à l'époque de Moïse. L'idée que l'on passe à travers le feu après la mort persiste toujours. Le mythe du feu fut un grand lien dans les temps primitifs, et subsiste encore dans le symbolisme des Parsis.

Le feu incita l'homme à faire cuire ses aliments; « manger-cru » devint un terme de dérision. La cuisson diminua la dépense d'énergie vitale nécessaire pour digérer la nourriture et laissa ainsi à l'homme primitif quelques forces pour se cultiver socialement; en même temps, l'élevage réduisait l'effort indispensable pour se procurer des aliments et donnait du temps pour les activités sociales.

Il ne faut pas oublier que le feu ouvrit la porte à la métallurgie et conduisit plus récemment à la découverte de la puissance de la vapeur et aux utilisations actuelles de l'électricité.

7. -- L'EMPLOI DES ANIMAUX

À l'origine, le monde animal tout entier était l'ennemi de l'homme; les êtres humains durent apprendre à se protéger contre les bêtes. L'homme commença par manger les animaux, mais apprit plus tard à les domestiquer et à les dresser pour le servir.

La domestication des animaux apparut fortuitement. Les sauvages chassaient les troupeaux à peu près comme les Indiens américains chassaient le bison. En encerclant le troupeau, ils pouvaient garder le contrôle des animaux et ne les tuer que dans la mesure où ils en avaient besoin pour se nourrir. Ils construisirent plus tard des enclos et capturèrent des troupeaux entiers.

Il fut facile d'apprivoiser certains animaux, mais beaucoup d'entre eux, à l'instar des éléphants, ne se reproduisaient pas en captivité. On découvrit bientôt que certaines espèces supportaient la présence de l'homme et se reproduisaient en captivité. La domestication des animaux s'instaura ainsi par l'élevage sélectif, art qui a fait de grands progrès depuis l'époque de Dalamatia.

Le chien fut le premier animal à être domestiqué; la difficile expérience de son dressage commença lorsqu'un certain chien, après avoir accompagné un chasseur toute une journée, le suivit jusque chez lui. Pendant des générations, le chien servit de nourriture, d'animal de compagnie, et d'auxiliaire pour la chasse et les transports. A l'origine, les chiens ne faisaient que hurler, mais plus tard ils apprirent à aboyer. Le flair subtil du chien fit naître l'idée qu'il était capable de voir les esprits, et c'est ainsi qu'apparut le culte du chien-fétiche. L'emploi de chiens de garde permit pour la première fois au clan tout entier de dormir la nuit. On prit alors l'habitude d'employer des chiens de garde pour protéger le foyer contre les esprits aussi bien que contre les ennemis matériels. Quand le chien aboyait, c'était signe qu'un homme ou une bête approchait, mais quand il hurlait, les esprits ne devaient pas être loin. Même aujourd'hui, beaucoup de gens croient encore que le hurlement d'un chien la nuit est un signe de mort.

Tant que les hommes furent des chasseurs, ils restèrent assez bons pour les femmes, mais après la domestication des animaux, alors que régnait en outre la confusion de Caligastia, beaucoup de tribus traitèrent leurs femmes d'une façon honteuse, en n'ayant pas beaucoup plus d'égards pour elles que pour leurs animaux. Les traitements brutaux infligés aux femmes par les hommes constituent l'un des chapitres les plus sombres de l'histoire d'Urantia.

8. -- L'ESCLAVAGE, FACTEUR DE CIVILISATION

Les hommes primitifs n'hésitèrent jamais à réduire leurs compagnons en esclavage. La femme fut le premier esclave, un esclave familial. Les peuplades pastorales asservirent les femmes en faisant des partenaires sexuelles inférieures. Cette sorte d'esclavage sexuel découla directement de l'indépendance accrue des hommes par rapport aux femmes.

Il n'y a pas si longtemps, l'esclavage était le sort des prisonniers de guerre qui refusaient la religion de leurs vainqueurs. Dans les temps plus anciens, les captifs étaient mangés ou torturés à mort, ou contraints de se combattre mutuellement, ou sacrifiés aux esprits, ou réduits en esclavage. L'esclavage fut un grand progrès sur le massacre des vaincus et le cannibalisme.

L'esclavage fut un pas en avant vers un traitement plus clément des prisonniers de guerre. L'embuscade d'Aï (1) , suivie du massacre total des hommes, des femmes, et des enfants, le roi seul étant épargné pour satisfaire la vanité du vainqueur, est une image fidèle des boucheries barbares auxquelles se livraient même des peuples supposés civilisés. Le coup de main contre Og, roi de Basan (2) , fut tout aussi brutal et efficace. Les Hébreux « détruisaient complètement » leurs ennemis et s'emparaient de tous leurs biens à titre de butin. Ils imposaient un tribut à toutes les villes sous peine de «destruction de tous les mâles ». Mais beaucoup de tribus de la même époque manifestaient moins d'égoïsme tribal et avaient depuis longtemps commencé à adopter les captifs supérieurs.

  (1) Josué VIII.
  (2) Deutéronome III.

Les chasseurs, par exemple les Peaux-Rouges américains, ne pratiquaient pas l'esclavage. Ils adoptaient leurs captifs ou bien ils les tuaient. L'esclavage n'était pas répandu chez les peuples pasteurs parce qu'ils avaient besoin de peu d'ouvriers. En temps de guerre, les peuplades de bergers avaient l'habitude de tuer tous les hommes captifs et de n'emmener en esclavage que les femmes et les enfants. Le code de Moïse contient des dispositions spécifiques pour régulariser les mariages de ces captives. Si elles ne plaisaient pas, les Hébreux avaient le droit de les chasser, mais ils n'avaient pas le droit de vendre comme esclaves leurs épouses répudiées -- ce fut au moins un progrès de la civilisation. Bien que le niveau social des Hébreux fût grossier, il était malgré tout très supérieur à celui des tribus environnantes.

Les pasteurs furent les premiers capitalistes; leurs troupeaux représentaient un capital, et ils vivaient sur l'intérêt -- le croît naturel. Ils n'étaient guère enclins à confier leurs richesses aux soins d'esclaves ou de femmes. Plus tard, ils firent des prisonniers masculins qu'ils forcèrent à cultiver le sol. Telle est l'origine première du servage -- l'homme attaché à la terre. Les Africains apprenaient facilement à labourer la terre, et c'est pourquoi ils devinrent la grande race esclave.

L'esclavage fut un maillon indispensable dans la chaîne de la civilisation humaine. Il constitua le pont sur lequel la société passa du chaos et de l'indolence à l'ordre et aux activités de la civilisation; il contraignit au travail les peuples arriérés et paresseux, ce qui procura à leurs supérieurs les richesses et les loisirs permettant le progrès social.

L'institution de l'esclavage força l'homme à inventer les mécanismes régulateurs de la société primitive; elle donna naissance aux premières formes de gouvernement. L'esclavage exige une forte réglementation; il disparut virtuellement pendant le Moyen Âge européen parce que les seigneurs féodaux ne pouvaient plus contrôler leurs esclaves. Les tribus arriérées des anciens temps, tout comme les aborigènes australiens d'aujourd'hui, n'eurent jamais d'esclaves.

Il est vrai que l'esclavage fut opprimant, mais c'est à l'école de l'oppression que les hommes apprirent l'industrie. Les esclaves partagèrent en fin de compte les bienfaits d'une société supérieure qu'ils avaient bien involontairement contribué à bâtir. L'esclavage crée une organisation culturelle et des réalisations sociales, mais attaque bientôt insidieusement la société par l'intérieur et se révèle la plus grave des maladies sociales destructrices.

Les inventions mécaniques modernes ont rendu l'esclavage suranné. L'esclavage, comme la polygamie, sont en voie de disparaître parce qu'ils ne payent pas. Par contre, il s'est toujours révélé désastreux de libérer d'un seul coup un grand nombre d'esclaves; leur émancipation progressive donne lieu à moins de troubles.

À l'heure actuelle, les hommes ne sont plus des esclaves sociaux, mais des milliers de personnes permettent à l'ambition de les asservir par des dettes. L'esclavage involontaire a cédé la place à une forme nouvelle et améliorée de servitude industrielle modifiée.

Bien que l'idéal de la société soit la liberté universelle, l'oisiveté ne devrait jamais être tolérée. Toute personne valide devrait être forcée d'accomplir une quantité de travail au moins suffisante pour la faire vivre.

La société moderne agit en sens contraire. L'esclavage a presque disparus; les animaux domestiques sont en train d'en faire autant, et la civilisation revient au feu -- au monde inorganique -- pour l'énergie dont elle a besoin. L'homme est sorti de l'état sauvage grâce au feu, à l'esclavage, et aux animaux. Aujourd'hui, il reprend la route inverse; il rejette le concours des esclaves et l'assistance des animaux, et cherche à arracher aux réserves élémentaires de la nature de nouveaux secrets et de nouvelles sources de richesse et de puissance.

9. -- LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE

Bien que la société primitive fût virtuellement communautaire, les hommes primitifs ne pratiquaient pas les doctrines modernes du communisme. Le communisme de ces premiers temps n'était ni une pure théorie ni une doctrine sociale; il était un ajustement automatique simple et pratique. Cet esprit communautaire empêchait le paupérisme et la misère. La mendicité et la prostitution étaient à peu près inconnues dans ces anciennes tribus.

Le communisme primitif ne nivela pas spécialement les hommes par le bas; il n'exalta pas la médiocrité, mais donna une prime à l'oisiveté et à la paresse, étouffa l'industrie, et détruisit l'ambition. L'esprit communautaire fut l'échafaudage indispensable à la croissance de la société primitive, mais il céda la place à l'évolution d'un ordre social plus élevé, parce qu'il allait à l'encontre de quatre puissants sentiments humains:

   1. La famille. L'homme ne cherche pas seulement à accumuler des biens; il désire léguer son capital à sa progéniture. Dans la société communautaire primitive, le capital laissé par un homme au moment de sa mort était soit consommé immédiatement, soit réparti entre les membres de son groupe. On n'héritait pas d'une propriété -- les droits successoraux étaient de cent pour cent. La coutume ultérieure d'accumuler des capitaux et de transmettre la propriété par héritage représenta un progrès social très net, et ceci en dépit des grossiers abus ultérieurs accompagnant le mauvais emploi du capital.

   2. Les tendances religieuses. L'homme primitif voulait également se constituer une propriété comme un point de départ pour sa vie dans sa prochaine existence. Ce mobile explique pourquoi l'on garda si longtemps la coutume d'ensevelir les biens personnels d'un défunt avec lui. Les anciens croyaient que seuls les riches survivaient à la mort avec quelque dignité et plaisir dans l'immédiat. Ceux qui enseignèrent les religions révélées, et plus spécialement les éducateurs chrétiens, furent les premiers à proclamer que les pauvres pouvaient obtenir leur salut dans les mêmes conditions que les riches.

   3. Le désir de liberté et de loisirs. Aux premiers temps de l'évolution sociale, la mainmise du groupe sur les revenus individuels était pratiquement une forme d'esclavage; le travailleur devenait l'esclave de l'oisif. La faiblesse auto-destructrice de ce communisme fut que les imprévoyants prirent l'habitude de vivre aux crochets des économes. Même chez nos contemporains, les imprévoyants comptent sur l'Etat (sur les contribuables économes) pour prendre soin d'eux. Ceux qui n'ont pas de capitaux s'attendent toujours à être nourris par ceux qui en ont.

   4. Le besoin de sécurité et de puissance. Ce communisme fut finalement éliminé par les fraudes d'individus progressistes et prospères qui eurent recours à divers subterfuges pour éviter de devenir esclaves des paresseux oisifs de leur tribu. Au début, la thésaurisation fut secrète, car l'insécurité des temps primitifs empêchait d'accumuler visiblement des capitaux. Même plus tard, il fut extrêmement dangereux d'amasser de trop grandes richesses; on était sûr que le roi forgerait quelque accusation pour confisquer les biens d'un homme fortuné. D'ailleurs, quand un homme riche mourait, les funérailles étaient retardées jusqu'à ce que la famille ait fait don d'une forte somme à une institution publique ou au roi, ce qui était une forme de taxe successorale.

Dans les premiers temps, les femmes étaient propriété de la communauté et la mère dominait la famille. Les chefs primitifs possédaient toutes les terres et étaient propriétaires de toutes les femmes; un mariage ne pouvait se conclure sans le consentement du chef de la tribu. Quand le communisme disparut, les femmes devinrent propriété individuelle, et le père de famille assuma peu à peu le pouvoir domestique. C'est ainsi que le foyer apparut; les coutumes prédominantes de polygamie furent progressivement remplacées par la monogamie. (La polygamie est la survivance du concept d'esclavage de la femme dans le mariage. La monogamie est l'idéal, libre de tout esclavage, de l'association incomparable d'un seul homme et d'une seule femme dans la merveilleuse et difficile entreprise d'édifier un foyer, d'élever des enfants, de se cultiver mutuellement, et de s'améliorer.)

À l'origine, tous les biens, y compris les outils et les armes, étaient propriété commune de la tribu. La propriété privée comprit d'abord toutes les choses qu'un individu avait personnellement touchées. Si un étranger buvait dans une coupe, cette coupe était désormais la sienne. Plus tard, toute place où du sang avait été versé devenait la propriété de la personne ou du groupe blessé.

La propriété privée fut donc respectée à l'origine parce qu'on la supposait chargée d'une certaine partie de la personnalité de son possesseur. L'honnêteté à l'égard de la propriété reposait en sécurité sur cette superstition; nulle police n'était nécessaire pour protéger les biens personnels. Il n'y avait pas de vols à l'intérieur du groupe, mais les hommes n'hésitaient pas à s'approprier les biens des autres tribus. Les relations de propriété ne prenaient pas fin avec la mort; de bonne heure les effets personnels furent brûlés, puis ensevelis avec le défunt, et plus tard hérités par la famille survivante ou par la tribu.

Les effets personnels d'ordre décoratif tirèrent leur origine du port d'amulettes; la vanité doublée de la peur des fantômes amena les hommes primitifs à résister à toute tentative de les délester de leurs amulettes favorites auxquelles ils attribuaient plus de valeur qu'au nécessaire.

L'emplacement où il dormait fut l'une des premières propriétés de l'homme. Plus tard, des domiciles furent attribués par le chef de la tribu, qui détenait toute la propriété foncière pour le compte du groupe. Bientôt, l'emplacement du feu conféra la propriété. Plus tard encore, un puits constitua un droit sur les terres attenantes.

Les trous d'eau et les puits figurèrent parmi les premières possessions privées. Toutes les pratiques fétichistes furent employées pour protéger les trous d'eau, les puits, les arbres, les récoltes, et le miel. Quand la foi dans les fétiches disparut, des lois furent élaborées pour protéger la propriété privée. Mais les lois sur le gibier, les droits de chasse, précédèrent de beaucoup les lois foncières. Les hommes rouges américains ne comprirent jamais la propriété privée des terres; ils ne pouvaient saisir le point de vue de l'homme blanc.

La propriété privée fut jalonnée de bonne heure par des insignes de famille, lointaine origine des emblèmes héraldiques. Les biens fonciers pouvaient aussi être placés sous la garde des esprits. Les prêtres «consacraient » un terrain qui reposait alors sous la protection des tabous magiques érigés sur lui. On disait des propriétaires de ce terrain qu'ils avaient un « titre de prêtre ». Les Hébreux portaient un grand respect à ces bornes familiales: « Maudit soit celui qui déplacera la borne de son voisin » (1). Ces jalons de pierre portaient les initiales du prêtre. Les arbres eux-mêmes devenaient propriété privée quand ils étaient marqués d'initiales.

  (1) Deutéronome XIX-14 et XXVII-17.

Dans les temps primitifs, seules les récoltes étaient propriétés privées, mais des récoltes successives conféraient un droit; l'agriculture fut ainsi la genèse de la propriété privée des terres. Les individus ne reçurent d'abord une terre qu'en viager; à leur mort, la terre revenait à la tribu. Les tout premiers droits fonciers donnés aux individus par la tribu furent des tombeaux -- des cimetières familiaux. À une époque plus récente, la terre appartint à ceux qui l'entourèrent d'une barrière. Mais les villes se réservèrent toujours certaines terres comme pâtures publiques et pour servir en cas de siège; les « biens communaux » sont la survivance des formes primitives de propriété collective.

Ce fut finalement l'Etat qui attribua la propriété aux individus, en se réservant le droit de lever des impôts. Une fois qu'ils eurent assuré leurs titres, les propriétaires fonciers purent percevoir des loyers, et la terre devint une source de revenus -- un capital. Finalement la terre devint vraiment négociable, avec des ventes, des transferts, des hypothèques, et des forclusions.

La propriété privée accrut la liberté et renforça la stabilité; mais la possession privée de la terre ne reçut de sanction sociale qu'après l'échec du contrôle et de la direction par la communauté. Elle fut bientôt suivie de l'apparition successive d'esclaves, de serfs, et de classes sociales dépourvues de terres. Mais le perfectionnement du machinisme délivre progressivement l'homme de l'esclavage des travaux serviles.

Le droit de propriété n'est pas absolu il est purement social. Mais les gouvernements, les lois, l'ordre, les droits civils, les libertés sociales, les conventions, la paix, et le bonheur que connaissent les peuples modernes se sont tous développés autour de la propriété privée des biens.

L'ordre social actuel n'est pas nécessairement juste -- il n'est ni divin ni sacré mais l'humanité fera bien d'aller lentement pour procéder à des modifications. Le système que vous avez mis en place est bien supérieur à tous ceux qu'ont connu vos ancêtres. Quand vous changerez l'ordre social, assurez-vous que vous le ferez pour un ordre meilleur. Ne vous laissez pas convaincre d'expérimenter avec les formules rejetées par vos aïeux. Allez de l'avant, ne reculez pas! Laissez l'évolution se poursuivre! Ne faites pas un pas en arrière.

 

[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]

68. L'aurore de la civilisation

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Category: 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
Created: 02 December 2025

L'AURORE DE LA CIVILISATION

VOICI le commencement du récit du long, très long combat de l'espèce humaine allant de l'avant, partant d'un statut un peu meilleur qu'une existence animale, et passant par les âges intermédiaires pour arriver aux temps plus récents où une civilisation réelle, bien qu'imparfaite, s'est développée parmi les races supérieures de l'humanité.

La civilisation est une acquisition; elle n'est pas biologiquement inhérente à la race; c'est pourquoi tous les enfants doivent être élevés dans une ambiance de culture et chaque génération successive doit recevoir à nouveau son éducation. Les qualités supérieures de la civilisation -- scientifiques, philosophiques, et religieuses -- ne se transmettent pas d'une génération à l'autre par héritage direct. Ces réalisations culturelles ne sont préservées que par la protection éclairée du patrimoine social.

L'évolution sociale d'ordre coopératif fut inaugurée par les instructeurs de Dalamatia. Pendant trois cent mille ans, l'humanité fut élevée dans l'idée qu'il fallait agir collectivement. Les hommes bleus profitèrent plus que tous les autres de ces enseignements sociaux primitifs; les hommes rouges en profitèrent dans une certaine mesure, et les hommes noirs moins que tous les autres. A des époques plus récentes, les races jaune et blanche ont présenté le développement social le plus avancé d'Urantia.

1. -- LA PROTECTION PAR LA SOCIÉTÉ

Quand les hommes sont amenés à se rapprocher étroitement, ils apprennent souvent à s'aimer mutuellement, mais les hommes primitifs ne débordaient pas naturellement de sentiments fraternels ni du désir de contacts sociaux avec leurs semblables. C'est plutôt par de tristes expériences que les races primitives apprirent que « l'union fait la force »; et c'est ce manque d'attirance fraternelle naturelle qui fait actuellement obstacle à une réalisation immédiate de la fraternité des hommes sur Urantia.

De bonne heure, l'association devint le prix de la survie. L'homme isolé était impuissant s'il ne portait pas une marque tribale témoignant de son appartenance à un groupe qui se vengerait certainement de toute attaque contre lui. Même à l'époque de Caïn, il était funeste d'aller seul au loin sans porter la marque de quelque groupe. La civilisation est devenue l'assurance de l'homme contre une mort violente, et ses primes sont payées par la soumission aux nombreuses exigences légales de la société.

La société primitive fut ainsi fondée sur les nécessités réciproques et sur l'accroissement de sécurité dû aux associations. C'est sous l'empire de la peur de l'isolement et grâce à une coopération donnée à contrecoeur que la société humaine a évolué pendant des cycles millénaires.

Les hommes primitifs apprirent de bonne heure que les groupes sont beaucoup plus grands et plus forts que la simple somme des individus qui les composent. Cent hommes unis et travaillant à l'unisson peuvent déplacer un gros bloc de pierre; une vingtaine de gardiens de la paix bien entraînés peuvent contenir une foule en colère. C'est ainsi que naquit la société, non d'une simple association numérique, mais plutôt grâce à l'organisation de coopérateurs intelligents. La coopération n'est pas une caractéristique naturelle de l'homme; celui-ci apprend à coopérer d'abord par peur, et plus tard parce qu'il découvre que c'est très avantageux pour faire face aux difficultés du temps présent et pour se protéger contre les périls supposés de l'éternité.

Les peuples qui s'organisèrent ainsi de bonne heure en sociétés primitives obtinrent de meilleurs résultats dans leurs attaques contre la nature ainsi que dans leur défense contre leurs semblables. Ils avaient de plus grandes possibilités de survie. La civilisation a donc constamment progressé sur Urantia malgré ses nombreux reculs. C'est uniquement parce que la valeur de survie est accrue par l'association que les nombreuses bévues des hommes n'ont réussi jusqu'à présent ni à arrêter ni à détruire la civilisation humaine.

La société culturelle contemporaine est un phénomène plutôt récent. Cela est bien démontré par la survie, à l'heure actuelle, de conditions sociales aussi primitives que celles des aborigènes australiens, et des Boschimans et Pygmées d'Afrique. Chez ces peuplades arriérées, on peut encore observer quelque peu l'hostilité tribale, la suspicion personnelle, et d'autres traits hautement anti-sociaux si caractéristiques de toutes les races primitives. Ces misérables restes des peuples a-sociaux de jadis témoignent éloquemment du fait que la tendance individualiste naturelle de l'homme ne peut lutter avec succès contre les organisations et associations de progrès social plus efficaces et plus puissantes.

Ces races non sociales arriérées et soupçonneuses, dont les dialectes changent tous les soixante ou quatre-vingts kilomètres, montrent dans quel monde vous auriez risqué de vivre s'il n'y avait pas eu les enseignements de l'état-major corporel du Prince Planétaire et les apports ultérieurs du groupe adamique des élévateurs raciaux.

L'expression moderne « retour à la nature » est une illusion de l'ignorance, une croyance à la réalité d'un ancien « âge d'or » fictif. La légende de l'âge d'or a pour seule base historique l'existence de Dalamatia et d'Eden, mais ces sociétés améliorées étaient loin de réaliser les rêves utopiques.

2. -- LES FACTEURS DE PROGRÈS SOCIAL

La société civilisée résulte des efforts initiaux des hommes pour surmonter leur aversion de l'isolement, ce qui n'implique pas nécessairement une affection mutuelle. L'état turbulent actuel de certains groupes primitifs illustre bien les difficultés que traversèrent les premières tribus. Bien que les membres d'une civilisation puissent se heurter et se combattre, et bien que la civilisation elle-même puisse apparaître comme un ensemble incohérent de tentatives et de luttes, elle n'en démontre pas moins un effort soutenu, et non la monotonie mortelle de la stagnation.

Le niveau de l'intelligence a puissamment contribué au rythme de la progression culturelle, mais la société a essentiellement pour but de diminuer l'élément risque dans le mode de vie individuel. Elle progresse à l'allure même où elle réussit à diminuer la souffrance et à augmenter l'élément plaisir dans la vie. C'est ainsi que le corps social tout entier avance lentement vers le but de sa destinée -- la survie ou la disparition -- selon qu'il recherche sa préservation ou son plaisir égoïste. Le conservatisme fait naître la société, tandis que l'excès des jouissances détruit la civilisation.

Une société s'occupe de se perpétuer, de se conserver, et de se satisfaire, mais l'épanouissement de l'homme est digne de devenir l'objectif immédiat de beaucoup de groupes culturels.

L'instinct grégaire naturel à l'homme ne suffit pas à expliquer le développement d'organisations sociales semblables à celles qui existent actuellement sur Urantia. Bien que cette propension innée soit à la base de la société humaine, une grande part de la sociabilité de l'homme est un acquêt. Deux grandes influences qui contribuèrent aux associations primitives d'êtres humains furent la faim et l'amour sexuel, besoins instinctifs que les hommes partagent avec le monde animal. Deux autres sentiments ont rapproché les êtres humains et les ont maintenus rapprochés, la vanité et la peur.

L'histoire n'est que le compte-rendu de la lutte millénaire des hommes pour leur nourriture. L'homme primitif ne pensait que lorsqu'il avait faim; économiser de la nourriture fut son premier renoncement, son premier acte de discipline personnelle. Avec le développement de la société, la faim cessa d'être le seul motif d'association. De nombreuses autres sortes de faims, le désir d'assouvir des besoins divers, conduisirent l'humanité à s'associer plus étroitement. Mais la société d'aujourd'hui est surchargée par la croissance excessive de prétendus besoins humains. La civilisation occidentale du XXième siècle piétine et gémit sous l'énorme poids mort du luxe et la multiplication désordonnée des envies et des désirs humains. La société moderne subit la tension d'une phase fort dangereuse d'inter-association à grande échelle et d'interdépendance hautement complexe.

La pression sociale de la faim, de la vanité, et de la peur des fantômes fut continue, mais celle de la satisfaction sexuelle fut temporaire et sporadique. A lui seul, le désir sexuel ne contraignait pas les hommes et les femmes primitifs à assumer les lourdes charges de l'entretien d'un foyer. Le foyer primitif fut fondé sur l'effervescence sexuelle du mâle privé de satisfactions fréquentes, et sur le profond amour maternel de la femme, amour qu'elle partage dans une certaine mesure avec les femelles de tous les animaux supérieurs. La présence d'un enfant sans défense détermina la première différenciation entre les activités masculines et féminines; la femme dut entretenir une résidence fixe où elle pouvait cultiver le sol. Depuis les temps les plus reculés, l'endroit où se tient la femme a toujours été considéré comme le foyer.

La femme devint donc de bonne heure indispensable à l'évolution du plan social, moins à cause d'une éphémère passion sexuelle que par suite du besoin de nourriture; elle était une partenaire essentielle à la conservation de soi. Elle était un fournisseur de nourriture, une bête de somme, et une compagne capable de supporter de grands abus sans ressentiment violent; en plus de tous ces traits désirables, elle était un moyen toujours présent de satisfaction sexuelle.

Presque toutes les valeurs durables de la civilisation ont leurs racines dans la famille. La famille fut le premier groupement pacifique couronné de succès, car l'homme et la femme apprirent à concilier leurs antagonismes tout en enseignant la recherche de la paix à leurs enfants.

La fonction du mariage dans l'évolution est d'assurer la survie de la race, et non simplement de réaliser un bonheur personnel. Les vrais objectifs du foyer consistent à se préserver et à se perpétuer. La satisfaction égoïste est accessoire; elle n'est essentielle que comme stimulant assurant l'association sexuelle. La nature exige la survivance, mais les arts de la civilisation ne cessent d'accroître les plaisirs du mariage et les satisfactions de la vie familiale.

Si nous élargissons la notion de vanité pour y faire entrer l'orgueil, l'ambition, et l'honneur, nous pouvons alors discerner non seulement comment ces propensions contribuent à former des associations humaines, mais aussi comment elles maintiennent les hommes réunis, puisque ces sentiments seraient vains sans un public à impressionner. À la vanité s'adjoignirent bientôt d'autres sentiments et d'autres impulsions nécessitant un cadre social pour s'exhiber et s'assouvir. Ce groupe de sentiments donna naissance aux premières manifestations de tous les arts et cérémonies et de toutes les formes de compétitions et de jeux sportifs.

La vanité contribua puissamment à la naissance de la société, mais au moment où ces révélations sont faites, les efforts tortueux d'une génération vaniteuse menacent d'inonder et de submerger toute la structure complexe d'une civilisation hautement spécialisée. Le besoin de plaisirs a depuis longtemps supplanté la faim; les objectifs sociaux légitimes de l'auto-préservation se transforment rapidement en formes viles et menaçantes de satisfactions égoïstes. L'instinct de conservation édifie la société; le déchaînement des satisfactions détruit infailliblement la civilisation.

3. -- L'INFLUENCE SOCIALE DE LA PEUR DES FANTOMES

Les désirs primitifs produisirent la société originelle, mais la peur des fantômes assura sa cohésion et imprima à son existence un aspect extra-humain. La peur ordinaire avait une origine physiologique: la peur de la douleur physique, la faim inassouvie, ou quelque calamité terrestre; mais la peur des fantômes fut une sorte de terreur nouvelle et sublime.

Le plus important facteur individuel dans l'évolution de la société humaine fut probablement de rêver des fantômes. Bien que la plupart des rêves eussent troublé profondément la pensée primitive, les fantômes apparus en rêve terrorisèrent littéralement les premiers hommes et amenèrent les rêveurs superstitieux à se jeter dans les bras les uns des autres avec une volonté sincère d'association pour se protéger mutuellement contre les dangers invisibles, vagues, et imaginaires du monde des esprits. Rêver des fantômes fut une des différences qui apparut le plus tôt entre la pensée humaine et la pensée animale. Les animaux n'imaginent pas la survie après la mort.

À part le facteur des fantômes, toute la société fut fondée sur des instincts biologiques et des besoins fondamentaux. Mais la peur des fantômes introduisit dans la civilisation un nouveau facteur, une peur qui s'écarte et va au delà des besoins élémentaires de l'individu, et s'élève même bien au-dessus des luttes pour préserver les collectivités. La crainte des esprits des trépassés mit en lumière une nouvelle et étonnante forme de peur, une terreur effroyable et puissante, qui donna un coup de fouet aux ordres sociaux relâchés des premiers âges et provoqua la formation des groupes primitifs, plus sérieusement disciplinés et mieux contrôlés, de l'antiquité. Par la peur superstitieuse de l'irréel et du surnaturel, cette superstition insensée, qui subsiste encore en partie, prépara la pensée des hommes à une découverte ultérieure, celle de « la crainte du Seigneur qui est le commencement de la sagesse » (1) . Les peurs sans fondement dues à l'évolution sont destinées à être supplantées par le respect craintif de la Déité inspiré par la révélation. Le culte primitif de la peur des fantômes devint un lien social puissant et, depuis ce jour bien lointain, l'humanité s'est toujours plus ou moins efforcée d'atteindre la spiritualité.

La faim et l'amour rapprochèrent les hommes; la vanité et la peur des fantômes les gardèrent unis; mais ces seuls sentiments, sous l'influence des révélations pacificatrices, sont incapables de supporter les tensions provoquées par les suspicions et les irritations des associations humaines. Sans l'aide des sources supra-humaines, la tension sociale aboutit à une rupture quand elle atteint certaines limites; les mêmes influences qui avaient contribué établir la société -- faim, amour, vanité, et peur -- conspirent alors à plonger l'humanité dans la guerre et les effusions de sang.

La tendance à la paix de la race humaine n'est pas un don naturel; elle dérive des enseignements de la religion révélée, de l'expérience accumulée des races progressives, et plus spécialement des enseignements de Jésus, le Prince de la Paix.

(1) Job XXVIII-28. Psaume CXI-10.

4. -- L'ÉVOLUTION DES MOEURS

Toutes les institutions sociales modernes proviennent de l'évolution des coutumes primitives de vos ancêtres sauvages; les conventions d'aujourd'hui sont les coutumes d'hier élargies et modifiées. L'habitude est pour l'individu l'homologue de la coutume pour le groupe; les coutumes des groupes se transforment en usages populaires ou en traditions tribales -- en conventions de masse. Toutes les institutions de la société humaine contemporaine ont leur modeste origine dans ces premiers efforts.

Il faut se rappeler que les moeurs prirent naissance dans un effort pour adapter la vie des groupes aux conditions d'existence en masse; les moeurs furent la première institution sociale de l'homme. Toutes ces réactions tribales résultèrent de l'effort accompli pour éviter la douleur et l'humiliation tout en cherchant à jouir des plaisirs et du pouvoir. L'origine des usages populaires, à l'instar de celle des langages, est toujours inconsciente et non-intentionnelle, donc toujours enveloppée de mystère.

La peur des fantômes conduisit l'homme primitif à envisager le surnaturel; elle établit ainsi des bases solides pour les puissantes influences sociales de la morale et de la religion, qui à leur tour préservèrent intactes de génération en génération les moeurs et coutumes de la société. Les moeurs se trouvèrent de bonne heure établies et cristallisées par la croyance que les trépassés tenaient jalousement à la manière dont ils avaient vécu et dont ils étaient morts. On croyait donc qu'ils puniraient implacablement les personnes osant traiter avec une négligence dédaigneuse les règles de vie qu'ils avaient respectées pendant leur incarnation. Cette doctrine est parfaitement illustrée par le respect que la race jaune porte actuellement à ses ancêtres. Les religions primitives qui apparurent plus tard renforcèrent puissamment l'action de la peur des fantômes en stabilisant les moeurs, mais le développement de la civilisation a progressivement libéré l'humanité des liens de la peur et de l'esclavage de la superstition.

Avant la libération apportée par l'enseignement libéral des maîtres de Dalamatia, l'homme était la victime impuissante du rituel des moeurs; le sauvage primitif était prisonnier d'un cérémonial sans fin. Tout ce qu'il faisait depuis son réveil matinal jusqu'au moment où il s'endormait le soir dans sa caverne devait être accompli exactement d'une certaine façon, conformément aux usages populaires de sa tribu. Il était esclave de la tyrannie des moeurs; sa vie ne comportait rien de libre, de spontané, ni d'original. Aucun progrès naturel ne le menait vers une existence mentale, morale, ou sociale supérieure.

Les hommes primitifs étaient enserrés dans l'étau de la coutume; le sauvage était un véritable esclave des usages; mais de temps à autre apparurent des types variants de personnalités qui osèrent inaugurer de nouvelles manières de penser et des méthodes de vie améliorées. Néanmoins, l'inertie de l'homme primitif constitue le frein de sécurité biologique contre la précipitation consistant à se lancer trop soudainement dans les dérèglements désastreux accompagnant une civilisation qui progresse trop vite.

Toutefois, ces coutumes ne sont pas un mal sans contrepartie; leur évolution devrait se poursuivre. Il est presque toujours fatal pour le maintien de la civilisation de vouloir les modifier globalement par une révolution radicale. La coutume est le fil de continuité de la civilisation. La voie de l'histoire humaine est jonchée de vestiges de coutumes abandonnées et de pratiques sociales surannées; mais nulle civilisation n'a survécu en abandonnant ses moeurs, à moins d'avoir adopté des coutumes meilleures et mieux appropriées.

La survie d'une société dépend principalement de l'évolution progressive de ses moeurs. Le processus d'évolution des coutumes est fondé sur le désir d'expérimenter. Des idées nouvelles sont mises en avant -- la concurrence s'ensuit. Une civilisation progressive embrasse les idées avancées et elle dure; le temps et les circonstances choisissent en dernier ressort le groupe le plus apte à survivre. Cela ne signifie pas que chaque changement distinct et isolé dans la composition de la société humaine ait été un gain. Non! certes non! car il y eut maints et maints reculs dans la longue lutte de la civilisation d'Urantia vers le progrès.

5. -- LES TECHNIQUES DU SOL -- LES ARTS D'ENTRETIEN

La terre est le théâtre de la société; les hommes en sont les acteur. L'homme doit toujours adapter son jeu pour se conformer à la situation de la terre. L'évolution des moeurs dépend toujours de la densité de la population. Ceci est vrai, bien qu'il soit difficile de le discerner. Les techniques des hommes pour traiter le sol, ou arts d'entretien, ajoutées à leur niveau de vie, forment le total des usages populaires constituant les moeurs. Et la somme des adaptations humaines aux exigences de la vie correspond à sa civilisation agricole.

Les premières cultures de l'homme apparurent le long des fleuves de l'hémisphère oriental; d'autre part, il y eut quatre grandes étapes dans la marche en avant de la civilisation:

   1. Le stade de la cueillette. La contrainte alimentaire, la faim, conduisit à la première forme D'organisation industrielle, les chaînes primitives de cueillette de la nourriture. La ligne des marcheurs de la faim parcourant un pays en glanant la nourriture s'étendait parfois sur quinze kilomètres. Ce fut le stade primitif de culture nomade et c'est le mode de vie actuel des Boschimans d'Afrique.

   2. Le stade de la chasse. L'invention des armes-outils permit aux hommes de devenir des chasseurs et de se libérer ainsi en grande partie de l'esclavage de la nourriture. Un Andonite réfléchi qui s'était sérieusement meurtre le poing dans un combat violent redécouvrit l'idée d'utiliser, au lieu de son bras, un long bâton à l'extrémité duquel il avait attaché avec des tendons un morceau de silex dur pour remplacer le poing. De nombreuses tribus firent, chacune de leur côté, des découvertes de ce genre, et les diverses formes de marteaux représentèrent l'un des grands pas en avant de la civilisation humaine. Certains indigènes australiens n'ont guère dépassé ce stade à l'heure actuelle.

Les hommes bleus devinrent des chasseurs et des trappeurs experts. En barrant les rivières, ils prenaient de grandes quantités de poissons dont ils séchaient le surplus en prévision de l'hiver. De nombreuses formes de pièges et de traquenards ingénieux furent employées pour attraper le gibier, mais les races les plus primitives ne chassaient pas les animaux de grande taille.

   3. Le stade pastoral. Cette phase de la civilisation fut rendue possible par la domestication des animaux. Les Arabes et les indigènes d'Afrique figurent parmi les peuples pastoraux les plus récents.

La vie pastorale apporta une atténuation supplémentaire à l'esclavage alimentaire. L'homme apprit à vivre sur l'intérêt de son capital, sur le croît de son troupeau. Il eut ainsi plus de loisirs pour faire des progrès et se cultiver.

La société pré-pastorale avait été une société de coopération sexuelle, mais l'extension de l'élevage plongea la femme dans un abîme d'esclavage social. Aux époques primitives, l'homme avait la charge d'assurer la nourriture animale tandis que la femme devait fournir les légumes comestibles. La dignité du statut féminin s'abaissa donc considérablement dès que l'homme entra dans l'ère pastorale de son existence. La femme dut encore travailler pour produire les aliments végétaux nécessaires à la vie, alors que l'homme n'eut plus qu'à recourir à son troupeau pour fournir de la nourriture animale en abondance. L'homme devint ainsi relativement indépendant de la femme, et le statut de la femme déclina régulièrement pendant tout l'âge pastoral. Vers la fin de cette période, la femme n'était guère plus qu'un animal humain, réduit à travailler et à porter la descendance de l'homme, tout comme les animaux des troupeaux sur qui l'on comptait pour travailler et mettre bas leurs petits. Les hommes de l'âge pastoral portaient un grand amour à leurs troupeaux; il est d'autant plus regrettable qu'ils n'aient pu développer une affection plus profonde pour leurs femmes.

   4. Le stade agricole. Cette ère fut inaugurée par la culture des plantes, qui représente le type le plus élevé de civilisation matérielle. Caligastia et Adam s'efforcèrent d'enseigner l'horticulture et l'agriculture. Adam et Eve furent des jardiniers et non des pasteurs, car à cette époque le jardinage était une forme avancée de culture. La culture des plantes exerce une influence ennoblissante sur toutes les races de l'humanité.

L'agriculture fit plus que quadrupler la densité de population du monde. Elle peut se combiner avec les occupations pastorales du stade agricole précédent. Quand les trois stades chevauchent, l'homme chasse et la femme cultive le sol.

Il y a toujours eu des frictions entre les bergers et les laboureurs. Le chasseur et le pasteur sont militants et belliqueux; l'agriculteur est plus pacifique. L'association avec les animaux suggère la lutte et la force; l'association avec les plantes instille l'esprit de patience, de quiétude, et de paix. L'agriculture et l'industrie sont les activités de la paix. Leur faiblesse commune, en tant qu'activités sociales sur le plan mondial, est leur monotonie et leur manque d'aventures.

La société humaine a évolué en partant du stade de la chasse et passé par celui de l'élevage pour atteindre le stade terrien de l'agriculture. Chaque étape de cette progression de la civilisation fut marquée par une diminution constante du nomadisme; les hommes se mirent à vivre de plus en plus à leur foyer.

Maintenant l'industrie s'ajoute à l'agriculture, avec un accroissement correspondant de l'urbanisation et une multiplication des groupes non-agricoles parmi les classes de citoyens. Mais une civilisation industrielle ne peut espérer survivre si ses dirigeants ne se rendent pas compte que les développements sociaux, même les plus élevés, doivent toujours reposer sur une base agricole saine.

6. -- L'ÉVOLUTION DE LA CULTURE

L'homme est une créature du sol, un enfant de la nature; quels que soient ses efforts pour échapper à la terre, il est certain d'échouer en dernier ressort. « Tu es poussière et tu redeviendras poussière (1) » est littéralement vrai pour l'humanité tout entière. La lutte fondamentale de l'homme a été, est, et sera toujours la conquête de la terre. Les premières associations d'êtres humains primitifs eurent pour seul objectif de gagner ces batailles pour la terre. La densité de la population est sous-jacente à toute civilisation sociale.

(1) Genèse III-19.

L'intelligence de l'homme accrut le rendement de la terre grâce aux arts et aux sciences; en même temps, l'accroissement naturel de sa descendance fut quelque peu contrôlé, assurant ainsi les moyens d'existence et les loisirs permettant d'établir une civilisation culturelle.

La société humaine est commandée par une loi décrétant que la population doit varier en proportion directe des arts du sol et en proportion inverse du niveau de vie. Tout au long des âges primitifs, encore plus qu'à présent, la loi de l'offre et de la demande concernant l'homme et la terre détermina la valeur estimative de l'un et de l'autre. Pendant les périodes où les terres libres abondaient -- territoires inoccupés -- le besoin d'hommes était grand et la valeur de la vie humaine fortement rehaussée en conséquence; les pertes de vies étaient alors considérées comme plus horribles. Pendant les périodes de rareté des terres et de surpeuplement correspondant, la vie humaine représentait comparativement une moindre valeur, si bien que la guerre, les famines, et les épidémies étaient alors considérées avec moins d'inquiétude.

Quand le rendement de la terre diminue, ou quand la population s'accroît, l'inévitable lutte reprend et les pires traits de la nature humaine remontent à la surface. L'accroissement du rendement de la terre, l'extension des arts mécaniques, et la réduction de la population tendent tous à encourager le meilleur côté de la nature humaine.

Une société de défricheurs produit des manoeuvres non qualifiés; les beaux-arts et le véritable progrès scientifique, ainsi que la culture spirituelle, ont toujours eu leurs meilleures chances de prospérer dans les grands centres de vie soutenus par une population agricole et industrielle un peu moins dense que la moyenne du pays. Les villes multiplient toujours le pouvoir de leurs habitants, pour le bien comme pour le mal.

La prolifération des familles a toujours subi l'influence du niveau de vie. Plus le niveau s'élève, plus le nombre d'enfants décroît, jusqu'au point où la famille se stabilise ou s'éteint graduellement.

Tout au long des âges, les standards de vie ont déterminé la qualité d'une population survivante en contraste avec sa seule quantité. Les niveaux de vie d'une classe localisée donnent naissance à de nouvelles castes sociales, à de nouvelles moeurs. Quand les niveaux de vie deviennent trop compliqués ou comportent un luxe excessif, ils tournent rapidement au suicide. Les castes résultent directement de la forte pression sociale d'une concurrence due à la densité de la population.

Les races primitives eurent souvent recours à des pratiques restrictives de la population; toutes les tribus primitives tuaient les enfants mal venus ou malades. Avant l'époque de l'achat des épouses, on tuait souvent les petites filles à leur naissance. Les nouveau-nés étaient parfois étranglés, mais la méthode la plus courante consistait à les laisser mourir de froid. Un père de jumeaux insistait généralement pour que l'un des deux soit tué, car on croyait que les naissances multiples étaient dues à la magie ou à l'infidélité. Pourtant, les jumeaux de même sexe étaient généralement épargnés. Bien que ces tabous sur les jumeaux aient été jadis presque universels, ils ne firent jamais partie des moeurs des Andonites; ces peuples considéraient toujours les jumeaux comme d'heureux présages.

De nombreuses races apprirent la technique de l'avortement, et cette pratique devint très courante après l'établissement du tabou sur les enfants de célibataires. Les jeunes filles eurent longtemps pour coutume de tuer leur enfant mais, dans les groupes plus civilisés, les enfants illégitimes devinrent pupilles de leur grand'mère maternelle. De nombreux clans primitifs furent virtuellement exterminés par les pratiques conjointes de l'avortement et de l'infanticide. Toutefois, malgré la tyrannie des moeurs, il était très rare de voir tuer des enfants après qu'ils eussent pris le sein une seule fois -- l'amour maternel est trop fort.

Il subsiste encore au vingtième siècle des restes de ces pratiques primitives de contrôle des naissances. Dans une tribu d'Australie, les mères refusent d'élever plus de deux ou trois enfants. Il n'y a pas très longtemps, les membres d'une tribu cannibale mangeaient chaque enfant cinquième né. À Madagascar, quelques tribus détruisent encore tous les enfants nés certains jours néfastes, et cette pratique provoque la mort d'environ vingt-cinq pour cent des nouveau-nés.

Du point de vue mondial, le surpeuplement n'a jamais posé de question grave dans le passé, mais si les guerres se raréfient et si la science réussit à maîtriser progressivement les maladies humaines, il peut devenir un problème sérieux dans un proche avenir. À ce moment-là, la grande épreuve de sagesse dans la conduite du monde se présentera. Les dirigeants d'Urantia auront-ils la clairvoyance et le courage de favoriser la multiplication d'êtres humains moyens et stabilisés, ou de favoriser celle des groupes extrêmes, d'une part ceux qui dépassent la normale et d'autre part la masse vertigineusement croissante des êtres inférieurs à la normale? L'homme normal devrait être encouragé; il est l'épine dorsale de la civilisation et la source des génies mutants de la race. L'homme inférieur à la normale devrait être gardé sous le contrôle de la société; il ne devrait pas en être produit plus qu'il n'en faut pour travailler aux niveaux inférieurs de l'industrie, aux tâches qui demandent une intelligence dépassant le niveau animal, mais exigent des activités d'un niveau tellement inférieur qu'elles deviennent véritablement un esclavage et un asservissement pour les types supérieurs de l'humanité.

 

[Présenté par un Melchizédek jadis stationné sur Urantia.]

67. La rébellion planétaire

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Category: 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
Created: 02 December 2025

LA RÉBELLION PLANÉTAIRE

IL est impossible de comprendre les problèmes associés à l'existence de l'homme sur Urantia sans avoir des notions sur certaines grandes époques du passé, notamment sur l'occurrence et les conséquences de la rébellion planétaire. Bien que ce soulèvement n'ait pas eu de conséquences sérieuses sur le progrès de l'évolution organique, il modifia notablement le cours de l'évolution sociale et du développement spirituel. Toute l'histoire hyperphysique de la planète fut profondément influencée par cette calamité dévastatrice.

1. -- LA TRAHISON DE CALIGASTIA

Caligastia avait eu la charge d'Urantia depuis trois cent mille ans lorsque Satan, l'assistant de Lucifer, fit l'une de ses visites l'inspection périodiques. Quand Satan arriva sur la planète, son aspect ne ressemblait en rien à vos caricatures de son infâme majesté. Il était, et il est toujours, un fils Lanonandek d'un grand éclat. « Et ce n'est pas étonnant, car Satan lui-même est une brillante créature de lumière (1) ».

Au cours de cette inspection, Satan informa Caligastia de la « Déclaration de Liberté » que Lucifer se proposait alors de faire et, ainsi que nous le savons maintenant, le Prince tomba d'accord pour trahir la planète dès que la rébellion serait annoncée. Les personnalités loyales de l'univers éprouvent un dédain particulier pour le Prince Caligastia à cause de cette trahison préméditée de sa mission. Le Fils Créateur exprima ce mépris lorsqu'il dit: « Tu ressembles à ton chef, Lucifer, et tu as perpétué son iniquité d'une façon coupable. Il fut un falsificateur dès qu'il commença à s'exalter lui-même, parce qu'il ne demeurait pas dans la vérité ».

Dans tout le travail administratif d'un univers local, nulle mission importante n'est jugée plus sacrée que celle d'un Prince Planétaire qui prend la responsabilité du bien-être et de la direction des mortels évolutionnaires sur un monde nouvellement habité. De toutes les formes du mal, aucune n'a d'effet plus destructeur sur le statut de la personnalité que la trahison d'une charge et la déloyauté envers des amis confiants. En commettant délibérément ce péché, Caligastia faussa si complètement sa personnalité que sa pensée ne fut plus jamais pleinement capable de retrouver son équilibre.

Il existe de nombreuses façons d'envisager le péché mais, du point de vue philosophique universel, le péché est le comportement d'une personnalité qui résiste sciemment à la réalité cosmique. On peut considérer l'erreur comme une fausse conception ou comme une déformation de la réalité. Le mal est une réalisation incomplète des réalités universelles ou un ajustement défectueux à ces dernières. Mais le péché est une résistance réfléchie à la réalité divine -- un choix conscient de s'opposer au progrès spirituel -- tandis que l'iniquité consiste à défier ouvertement et avec persistance la réalité reconnue; elle représente un tel degré de désintégration de la personnalité qu'elle frise la démence cosmique.

L'erreur suggère un manque d'acuité intellectuelle; le mal, un défaut de sagesse; et le péché, une pauvreté spirituelle abjecte; mais l'iniquité dénote que le contrôle de la personnalité est en voie de disparaître.

Quand le péché a été bien des fois choisi et souvent répété, il peut devenir une habitude. Les pécheurs impénitents peuvent facilement devenir iniques et se rebeller dans leur coeur contre l'univers et toutes ses réalités divines. Alors que toutes les formes de péché peuvent être pardonnées, nous doutons qu'un être inique confirmé puisse jamais éprouver de regrets sincères pour ses méfaits ou accepter le pardon de ses péchés.

  (1) Cf. 2 Corinthiens XI-14.

2. -- LE DÉBUT DE LA RÉBELLION

Peu après l'inspection de Satan et alors que l'administration planétaire était à la veille de réaliser de grandes choses sur Urantia, un jour au milieu de l'hiver des continents septentrionaux, Caligastia tint une longue conférence avec son associé Daligastia, à la suite de laquelle ce dernier convoqua les dix conseils d'Urantia en session extraordinaire. L'assemblée fut ouverte par la déclaration que le Prince Caligastia était sur le point de se proclamer souverain absolu d'Urantia et exigeait que tous les groupes administratifs abdiquent en remettant toutes leurs fonctions et tous leurs pouvoirs entre les mains de Daligastia, désigné comme mandataire en attendant la réorganisation du gouvernement planétaire et la redistribution consécutive des charges de l'autorité administrative.

La présentation de cette ahurissante demande fut suivie du magistral appel de Van, président du conseil suprême de coordination. Cet éminent administrateur et remarquable juriste stigmatisa la proposition de Caligastia en la dénonçant comme un acte frisant la rébellion planétaire. Il conjura ses collègues de s'abstenir de toute participation tant que l'on n'aurait pas interjeté appel auprès de Lucifer, Souverain du Système de Satania; il obtint l'appui de l'état-major tout entier. En conséquence, un appel fut lancé à Jérusem d'où revinrent immédiatement des ordres désignant Caligastia comme souverain suprême d'Urantia et enjoignant une obéissance absolue et aveugle à ses commandements. C'est en réponse à ce message stupéfient que le noble Van fit son fameux discours de sept heures dans lequel il accusait formellement Daligastia, Caligastia, et Lucifer d'outrager la souveraineté de l'univers de Nébadon; il fit alors appel aux Très Hauts d'Édentia pour être soutenu et confirmé.

Entre-temps les circuits du système avaient été coupés; Urantia était isolée. Tous les groupes de vie céleste présents sur la planète se trouvèrent soudain isolés sans préavis, c'est-à-dire totalement privés de tous avis et conseils extérieurs.

Daligastia proclama officiellement Caligastia « Dieu d'Urantia et suprême au dessus de tout ». Avec cette proclamation, les dés étaient jetés; chaque groupe se retira et commença ses délibérations, discussions destinées finalement à déterminer le sort de toutes les personnalités supra-humaines sur la planète.

Des séraphins et des chérubins et d'autres êtres célestes furent impliqués dans les décisions de cette lutte implacable, de ce long et coupable conflit. De nombreux groupes supra-humains qui se trouvaient par hasard sur Urantia au moment de son isolement y furent retenus et, à l'instar des séraphins et de leurs associés, contraints de choisir entre le péché et la droiture -- entre les voies de Lucifer et la volonté du Père invisible.

La bataille se poursuivit pendant plus de sept ans. Tant que chaque personnalité touchée n'eut pas pris sa décision définitive, les autorités d'Édentia ne voulurent pas interférer et n'intervinrent pas. C'est alors seulement que Van et ses associés loyaux reçurent leur justification et furent dégagés de leur longue anxiété et de leur intolérable incertitude.

3. -- LES SEPT ANNÉES DÉCISIVES

La nouvelle que la rébellion avait éclaté sur Jérusem, capitale de Satania, fut télédiffusée par le conseil des Melchizédeks. Les Melchizédeks chargés des affaires urgentes furent immédiatement envoyés à Jérusem, et Gabriel se porta volontaire pour représenter le Fils Créateur dont l'autorité avait été mise au défi. En même temps que l'annonce de l'état de rébellion dans Satania, le système fut mis en quarantaine, isolé de ses systèmes frères. Il y eut « guerre dans le ciel (1) » (dans le quartier général de Satania) et elle s'étendit à toutes les planètes du système local.

  (1) Apocalypse XII-7.

Sur Urantia, quarante membres de l'état-major corporel des cent (y compris Van) refusèrent de se joindre à l'insurrection. De nombreux assistants humains (modifiés et autres) de l'état-major furent également de nobles et braves défenseurs de Micaël et du gouvernement de son univers. Il y eut une terrible perte de personnalités parmi les séraphins et les chérubins. Près de la moitié des séraphins administratifs et des séraphins provisoirement attachés à la planète firent cause commune avec leur chef et avec Daligastia pour défendre la cause de Lucifer. 40.119 médians primaires se joignirent à Caligastia, mais les 9.881 autres restèrent fidèles à leur mission.

Le Prince félon mit en place les médians déloyaux et d'autres groupes de personnalités rebelles, et les organisa pour exécuter ses ordres, tandis que Van rassemblait les médians loyaux et d'autres groupes fidèles et commençait la grande bataille pour sauver l'état-major planétaire et les autres personnalités célestes bloquées sur Urantia.

Durant la lutte, les loyalistes s'installèrent dans un établissement peu protégé et sans remparts situé à quelques kilomètres à l'est de Dalamatia, mais leurs habitations étaient gardées jour et nuit par les médians loyaux toujours vigilants et attentifs, et ils avaient en leur possession l'inestimable arbre de vie.

Lors de l'éclatement de la rébellion, des chérubins et des séraphins loyaux, aidés de trois médians fidèles, assurèrent la garde de l'arbre de vie et permirent seulement aux quarante loyalistes de l'état-major et à leurs associés humains modifiés d'avoir accès aux fruits et aux feuilles de cette plante énergétique. Ces Andonites modifiés associés à Van étaient au nombre de cinquante-six; seize autres qui avaient suivi l'état-major déloyal refusèrent d'entrer en rébellion avec leurs maîtres.

Au long des sept années décisives de la rébellion de Caligastia, Van se consacra totalement à prendre soin de son armée loyale d'hommes, de médians, et d'anges. La clairvoyance spirituelle et la constance morale qui permirent à Van de conserver cette attitude inébranlable de loyauté envers le gouvernement de l'univers étaient le produit d'une pensée claire, d'un raisonnement sage, d'un jugement logique, d'une motivation sincère, d'un dessein généreux, d'une loyauté intelligente, d'une mémoire expérientielle, d'un caractère discipliné, et d'une personnalité consacrée sans réserve à faire la volonté du Père paradisiaque.

Ces sept années d'attente furent un temps d'examen de conscience et de discipline de l'âme. De pareilles crises dans les affaires de l'univers démontrent la prodigieuse influence de la pensée comme facteur de choix spirituel. Education, formation, et expérience sont des facteurs vitaux dans la plupart des décisions de toute créature morale évolutionnaire, mais il est parfaitement possible à l'esprit intérieur d'entrer en contact direct avec les pouvoirs qui déterminent les décisions de la personnalité humaine et de permettre ainsi à la volonté totalement consacrée de la créature d'accomplir des actes stupéfiants de dévotion loyale à la volonté et aux voies du Père céleste. C'est précisément ce qui arriva dans l'expérience d'Amadon, l'associé humain modifié de Van.

Amadon est le héros humain le plus remarquable de la rébellion de Lucifer. Ce descendant mâle d'Andon et de Fonta fut l'un des cent mortels qui avaient apporté leur plasma vivant à l'état-major du Prince, et il ne cessa pas, depuis cet événement, d'être attaché à Van à titre d'associé et d'assistant humain. Amadon choisit de rester aux côtés de son chef pendant toute cette longue lutte éprouvante; ce fut un spectacle vivifiant de voir cet enfant des races évolutionnaires demeurer insensible aux sophismes de Daligastia, tandis qu'au cours des sept années de la lutte Van et ses associés loyaux résistaient avec une fermeté inébranlable à tous les enseignements trompeurs du brillant Caligastia.

Caligastia, avec un maximum d'intelligence et une vaste expérience des affaires de l'univers, s'égara -- il embrassa le péché. Amadon, avec un minimum d'intelligence et une absence totale d'expérience universelle, resta opiniâtrement au service de l'univers et fidèle à son associé. Van employa à la fois sa pensée et son esprit dans une magnifique et efficace combinaison de résolution intellectuelle et de perspicacité spirituelle; il atteignit ainsi le niveau expérientiel d'épanouissement de la personnalité de l'ordre le plus élevé auquel on puisse parvenir. Quand la pensée et l'esprit sont pleinement unis, ils ont le potentiel nécessaire pour créer des valeurs supra-humaines, voire même des réalités morontielles.

On pourrait raconter indéfiniment les événements sensationnels de ces jours tragiques, mais enfin la dernière personnalité en jeu prit sa décision définitive, et alors, mais alors seulement, un Très Haut d'Édentia arriva en compagnie des Melchizédeks chargés des problèmes d'urgence pour se saisir de l'autorité sur Urantia. Les annales panoramiques du règne de Caligastia furent effacées sur Jérusem et la période probatoire de la réhabilitation planétaire commença.

4. -- LES CENT DE CALIGASTIA APRÈS LA RÉBELLION

Après avoir procédé à l'appel nominatif final, on constata que les membres corporels de l'état-major du prince s'étaient répartis comme suit: Van et tous les membres de son tribunal coordonnateur étaient restés loyaux. Ang et trois membres du conseil de l'alimentation avaient survécu. Tout le conseil de la domestication des animaux avait rejoint la rébellion, ainsi que tous les consultants chargés de la protection contre les bêtes de proie. Fad et cinq membres du collège d'enseignement étaient sauvés. Nod et toute la commission de l'industrie et du commerce avaient suivi Caligastia. Hap et tout le collège de la religion révélée restaient loyaux à Van et à son noble groupe. Lut et tout le conseil de la santé étaient perdus. Le conseil de l'art et de la science resta loyal dans sa totalité mais Tut et tous les membres de la commission des gouvernements tribaux s'égarèrent. Sur les cent, quarante étaient donc sauvés. Ils furent transférés plus tard sur Jérusem, d'où ils reprirent leur périple vers le Paradis.

Les soixante membres de l'état-major planétaire qui prirent parti pour la rébellion choisirent Nod pour chef. Ils travaillèrent de tout coeur pour le Prince rebelle, mais s'aperçurent bientôt qu'ils étaient privés, du soutien des circuits vitaux du système. Ils prirent conscience du fait qu'ils avaient été rabaissés au statut des êtres mortels. Ils étaient certes surhumains, mais en même temps matériels et mortels. Dans un effort pour accroître leur nombre, Daligastia ordonna un recours immédiat à la reproduction sexuée, sachant parfaitement que les soixante membres originels de l'état-major qui l'avaient suivi et leurs quarante-quatre associés andoniques modifiés étaient condamnés à mourir tôt ou tard. Après la chute de Dalamatia, l'état-major déloyal émigra vers le nord et vers l'est. Les descendants de ses membres furent connus longtemps sous le nom de Nodites, et leur lieu d'habitation comme « pays de Nod »(1).

  (1) Genèse IV-16.

La présence de ces extraordinaires surhommes et super-femmes, abandonnés par suite de la rébellion et s'unissant bientôt aux fils et aux filles de la terre, donna aisément naissance aux histoires traditionnelles des dieux descendant du ciel pour s'unir aux mortels. Telle fut l'origine des mille et une légendes de nature mythique, mais fondées sur les faits consécutifs à la rébellion, qui prirent place plus tard dans les contes et les traditions folkloriques de divers peuples dont les ancêtres étaient entrés en contact avec les Nodites et leurs descendants.

Privés de subsistance spirituelle, les rebelles de l'état-major moururent finalement de mort naturelle. Une grande part de l'idolâtrie ultérieure des races humaines doit son origine au désir de perpétuer le souvenir de ces êtres hautement honorés à l'époque de Caligastia.

Au moment de leur arrivée sur Urantia, les cent de l'état-major avaient été temporairement détachés de leurs Ajusteurs de Pensée. Immédiatement après l'arrivée des syndics Melchizédeks, les personnalités loyales (à l'exception de Van) furent renvoyées à Jérusem et réunies à leurs Ajusteurs en attente. Nous ne connaissons pas le sort des soixante rebelles de l'état-major; leurs Ajusteurs demeurent toujours sur Jérusem. Les choses resteront sans doute en l'état jusqu'à ce que l'ensemble de la rébellion de Lucifer ait été définitivement jugé et que l'on ait statué sur le sort de tous ses participants.

Il était très difficile à des êtres comme les anges et les médians de concevoir que de brillants dirigeants de confiance comme Caligastia et Daligastia puissent s'égarer -- commettre un péché perfide. Ces êtres qui succombèrent au péché -- ils n'entrèrent pas en rébellion délibérément ni de façon préméditée -- furent fourvoyés par leurs supérieurs, abusés par les chefs en qui ils avaient confiance. Il était également facile de gagner le soutien des mortels évolutionnaires à mentalité primitive.

En grande majorité, les êtres humains et surhumains qui furent victimes de la rébellion de Lucifer sur Jérusem et sur les différentes planètes induites en erreur se sont depuis longtemps repentis de leur folie. Nous croyons vraiment que tous ces pénitents sincères seront réhabilités d'une manière ou d'une autre et réintégrés à une phase déterminée du service de l'univers quand les Anciens des Jours auront jugé en dernier ressort les affaires de la rébellion de Satania, ce qu'ils ont récemment entrepris.

5. -- LES RÉSULTATS IMMÉDIATS DE LA RÉBELLION

Une grande confusion régna dans Dalamatia et aux alentours pendant près de cinquante ans après l'instigation de la rébellion. Une tentative fut faite pour réorganiser radicalement et complètement le monde entier; la révolution prit la place de l'évolution en tant que politique de progrès culturel et d'amélioration raciale. Un progrès soudain du niveau culturel apparut parmi les éléments supérieurs et partiellement éduqués résidant à Dalamatia ou dans le voisinage, mais quand on essaya d'appliquer ces nouvelles méthodes radicales aux peuplades éloignées, il en résulta immédiatement un désordre indescriptible et un pandémonium racial. La liberté fut rapidement transformée en licence par les hommes primitifs à moitié évolués de cette époque.

Très tôt après la rébellion, tout l'état-major séditieux se trouva engagé dans une défense énergique de la ville contre les hordes de demi-sauvages qui assiégeaient ses murs en application des doctrines de liberté qui leur avaient été prématurément enseignées. Des années avant que le magnifique quartier général fût englouti par les vagues des mers du sud, les tribus mal dirigées et mal instruites de l'arrière-pays de Dalamatia s'étaient déjà abattues dans un assaut sauvage sur la ville splendide, chassant vers le nord l'état-major de la sécession et ses associés.

Le plan de Caligastia pour reconstruire immédiatement la société humaine selon ses idées sur les libertés individuelles et collectives se révéla rapidement un échec plus ou moins complet. La société s'effondra vite à son ancien niveau biologique, et la lutte pour le progrès dut recommencer entièrement à partir d'un point à peine plus avancé qu'au début du régime de Caligastia, car le soulèvement avait aggravé l'état de confusion dans le monde.

Cent soixante-deux ans après la rébellion, un raz de marée balaya Dalamatia; le quartier général planétaire s'enfonça au-dessous du niveau de la mer et n'émergea plus avant la disparition de presque tous les vestiges de la noble culture de ces âges splendides.

Quand la première capitale du monde fut engloutie, elle n'abritait que des types inférieurs des races Sangik d'Urantia, des rénégats qui avaient converti le temple du Père en un sanctuaire dédié à Nod, le faux dieu de la lumière et du feu.

6. -- VAN - L'INÉBRANLABLE

Les partisans de Van se retirèrent de bonne heure dans les hautes terres de l'ouest de l'Inde, où ils furent à l'abri des attaques lancées par les races en pleine confusion des basses terres. De ce lieu de retraite, ils songèrent à préparer la réhabilitation du monde, comme leurs antiques prédécesseurs Badonites avaient jadis inconsciemment travaillé au bien-être de l'humanité juste avant la naissance des tribus Sangik.

Avant l'arrivée des syndics Melchizédeks, Van confia la gestion des affaires humaines à dix commissions de quatre membres chacune, commissions identiques à celles du régime du Prince. Les Porteurs de Vie résidents les plus anciens assurèrent la présidence temporaire de ce conseil de quarante, qui fonctionna pendant les sept années d'attente. Des groupes semblables d'Amadonites se chargèrent de ces responsabilités quand les trente-neuf membres loyaux de l'état-major retournèrent à Jérusem.

Ces Amadonites descendaient du groupe de 144 Andonites loyaux auquel appartenait Amadon, et auxquels il donna son nom. Ce groupe comprenait trente-neuf hommes et cent cinq femmes. Sur ce nombre, cinquante-six avaient un statut d'immortalité et, à l'exception d'Amadon, ils furent tous transférés avec les membres loyaux de l'état-major. Les éléments restants de ce noble groupe continuèrent leur oeuvre sur terre jusqu'à la fin de leur incarnation, sous la direction de Van et d'Amadon. Ils formèrent le levain biologique qui se multiplia et continua d'assurer la direction du monde pendant les longs âges ténébreux qui suivirent la rébellion.

Van fut laissé sur Urantia jusqu'à l'arrivée d'Adam et y demeura le chef en titre de toutes les personnalités supra-humaines opérant sur la planète. Amadon et lui furent sustentés pendant plus de cent cinquante mille ans par la technique de l'arbre de vie en liaison avec le ministère de vie spécialisé des Melchizédeks.

Les affaires d'Urantia furent longtemps administrées par un conseil de syndics planétaires, douze Melchizédeks confirmés par ordre du chef doyen de la constellation, le Très Haut Père de Norlatiadek. Les syndics Melchizédeks étaient assistés d'un comité consultatif consistant en: un des aides loyaux du Prince déchu, les deux Porteurs de Vie résidents, un Fils Trinitisé faisant son apprentissage, un Fils instructeur volontaire, une Brillante Étoile du Soir venant périodiquement d'Avalon, les chefs des séraphins et des chérubins, des conseillers venus de deux planètes voisines, le directeur général de la vie angélique subalterne, et Van, commandant en chef des médians. C'est ainsi qu'Urantia fut gouvernée et administrée jusqu'à l'arrivée d'Adam. Il n'y a rien d'étrange à ce qu'une place ait été assignée au loyal et courageux Van dans le conseil des syndics planétaires qui administra pendant si longtemps les affaires d'Urantia.

Les douze syndics Melchizédeks d'Urantia firent une oeuvre héroïque. Ils préservèrent les restes de la civilisation, et leur politique planétaire fut fidèlement exécutée par Van. Moins de mille ans après la rébellion, Van avait disséminé plus de trois cent cinquante groupes pionniers dans le monde. Ces avant-postes de la civilisation consistaient largement en descendants des Andonites loyaux légèrement croisés de races Sangik (particulièrement d'hommes bleus) et de Nodites.

Malgré le terrible recul provoqué par la rébellion, il restait sur terre beaucoup de bonnes lignées biologiquement prometteuses. Sous le contrôle supérieur des syndics Melchizédeks, Van et Amadon continuèrent leur oeuvre. Ils encouragèrent l'évolution naturelle de la race humaine, faisant progresser l'évolution physique des hommes jusqu'au point culminant justifiant l'envoi d'un Fils et d'une Fille Matériels sur Urantia.

Van et Amadon restèrent sur terre jusqu'à l'arrivée d'Adam et d'Eve. Quelques années après, ils furent transférés à Jérusem, où Van fut réuni à son Ajusteur qui l'attendait. Van sert maintenant pour le compte d'Urantia en attendant l'ordre de reprendre le long, long chemin vers la perfection du Paradis et vers la destinée non-révélée du Corps des Mortels de la Finalité en voie d'assemblement.

Il convient de noter qu'au moment où Van fit appel aux Très Hauts d'Édentia, après que Lucifer eut soutenu Caligastia sur Urantia, les Pères de la Constellation notifièrent immédiatement une décision appuyant Van sur tous les points en litige. Ce verdict ne réussit pas à atteindre Van parce que les circuits planétaires de communication furent coupés pendant sa transmission. C'est tout récemment que ce jugement tangible fut découvert en possession d'un transmetteur d'énergie relayée chez qui il avait été bloqué depuis l'isolement d'Urantia. Sans cette découverte faite à la suite des recherches des médians d'Urantia, la remise de cette décision aurait attendu le rétablissement d'Urantia dans les circuits de la constellation. Cet accident apparent dans les communications interplanétaires était possible parce que les transmetteurs d'énergie peuvent recevoir et transmettre l'intelligence, mais ne peuvent prendre l'initiative des communications.

Le statut technique de Van dans les annales juridiques de Satania ne fut pas effectivement et définitivement établi avant l'enregistrement sur Jérusem du jugement des Pères d'Édentia.

 

7. -- LES RÉPERCUSSIONS LOINTAINES DU PÉCHÉ

Les conséquences personnelles (centripètes) du rejet volontaire et persistant de la lumière par une créature sont à la fois inévitables et individuelles; elles n'intéressent que la Déité et la créature en question. Cette récolte d'iniquité destructrice de l'âme est la moisson intérieure de la créature volitive inique.

Il n'en est pas de même pour les répercussions externes du péché. Les conséquences impersonnelles (centrifuges) du péché commis sont inévitables et collectives, et touchent toutes les créatures qui vivent dans la zone affectée par ces événements.

Cinquante mille ans après l'effondrement de l'administration planétaire, les affaires terrestres étaient si désorganisées et retardées que la race humaine avait très peu gagné par rapport au statut évolutionnaire général existant au moment de l'arrivée de Caligastia trois cent cinquante mille ans auparavant. À certains égards, des progrès avaient été accomplis, à d'autres, beaucoup de terrain avait été perdu.

Le péché n'est jamais purement localisé dans ses effets. Les secteurs administratifs de l'univers sont des organismes; la condition d'une personnalité doit dans une certaine mesure être partagée par tous. Le péché étant un comportement de la personne vis-à-vis de la réalité, il est destiné à faire apparaître sa moisson inhérente négative sur tous les niveaux connexes de valeurs universelles. Mais les pleines conséquences des idées erronées, des mauvaises actions, ou des projets entachés de péché sont subies seulement au niveau de l'accomplissement proprement dit. La transgression de la loi de l'univers peut être fatale dans le domaine physique sans impliquer sérieusement la pensée ni porter atteinte à l'expérience spirituelle. Le péché n'est chargé de conséquences fatales pour la survie de la personnalité que s'il représente le comportement de l'être tout entier, le choix de sa pensée et la volonté de son âme.

Le mal et le péché ont des conséquences dans les domaines matériels et sociaux et peuvent même parfois retarder le progrès spirituel sur certains niveaux de réalité universelle, mais le péché d'un être quelconque ne dérobe jamais à un autre le droit divin de parvenir à la survie de la personnalité. La survivance éternelle ne peut être mise en péril que par les décisions de la pensée et le choix de l'âme de l'intéressé lui-même.

Le péché commis sur Urantia ne retarda presque pas l'évolution biologique, mais il eut pour effet de priver les races humaines du plein bénéfice de l'héritage adamique. Le péché retarde énormément le développement intellectuel, la croissance morale, le progrès social, et l'aboutissement spirituel des masses. Il n'empêche pas un individu qui choisit de connaître Dieu et d'accomplir sincèrement la volonté divine d'atteindre la plus haute spiritualité.

Caligastia se rebella, Adam et Eve firent défaut, mais nulle personne née ensuite sur Urantia n'a souffert de ces erreurs dans son expérience spirituelle individuelle. Tous les mortels nés sur Urantia depuis la rébellion de Caligastia ont été quelque peu pénalisés dans le temps, mais le bonheur futur de leurs âmes n'a jamais été le moins du monde compromis dans l'éternité. Nul ne subit jamais une privation spirituelle essentielle à cause du péché d'autrui. Le péché est pleinement personnel pour ce qui est de la culpabilité morale ou des conséquences spirituelles, nonobstant ses profondes répercussions dans le domaine social, intellectuel, et administratif.

Nous ne pouvons sonder la sagesse qui permet de telles catastrophes, mais nous pouvons toujours discerner les effets bénéfiques des troubles locaux quand ils se reflètent sur l'ensemble de l'univers.

8. -- LE HÉROS HUMAIN DE LA RÉBELLION

Bien des êtres courageux s'opposèrent à la rébellion de Lucifer sur les divers mondes de Satania, mais les annales de Salvington décrivent Amadon comme le caractère le plus remarquable de tout le système à cause de sa glorieuse résistance au raz de marée de la sédition et de son inébranlable dévotion à Van -- ils restèrent tous deux inflexibles dans leur loyauté envers la suprématie du Père invisible et de son Fils Micaël.

Au moment où se produisirent ces événements mémorables, j'occupais un poste sur Édentia et j'ai toujours conscience de la profonde joie que j'éprouvais en prenant connaissance des messages de Salvington qui nous rapportaient jour après jour l'incroyable opiniâtreté, la dévotion transcendante, et la merveilleuse loyauté de ce descendant jadis à moitié sauvage de la branche originelle et expérimental de la race andonique.

D'Édentia jusqu'à Uversa en passant par Salvington, pendant sept longues années, la première question de tous les êtres célestes subordonnés au sujet de la rébellion de Satania était encore et toujours: « Que devient Amadon d'Urantia? Tient-il toujours bon?»

Si la rébellion de Lucifer a handicapé le système local et ses mondes déchus, si la perte de Caligastia et de ses associés égarés a freiné temporairement le progrès de la constellation de Norlatiadek, considérez par contre l'effet produit par l'immense retentissement de la conduite inspirante de cet étonnant enfant de la nature et du groupe résolu de ses 143 compagnons qui luttèrent inébranlablement pour les concepts les plus élevés de gestion et d'administration de l'univers contre la formidable pression adverse exercée par leurs supérieurs déloyaux. Permettez-moi de vous assurer que cet exploit a déjà fait plus de bien dans l'univers de Nébadon et le superunivers d'Orvonton que le total du mal et des malheurs créés par la rébellion de Lucifer.

Cette aventure éclaire magnifiquement et d'une manière émouvante la sagesse du plan universel du Père pour mobiliser le Corps de la Finalité Humaine au Paradis et recruter en grande partie ce vaste groupe de mystérieux serviteurs de l'avenir dans l'argile commune des mortels en progression ascendante -- précisément des mortels semblables à l'inébranlable Amadon.

 

[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]

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