La cosmogonie d'Urantia
La première publication française du Livre d'Urantia

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  • 1. L'UNIVERS CENTRAL ET LES SUPERUNIVERS
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    • 12. L'univers des univers
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    • 14. L'univers central et divin
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    • 16. Les sept maîtres esprits
    • 17. Les sept groupes spirituels suprêmes
    • 18. Les personnalités suprêmes de la trinité
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    • 22. Les fils de Dieu trinitisés
    • 23. Les messagers solitaires
    • 24. Personnalités supérieures de l'esprit infini
    • 25. Les armées des messagers de l'espace
    • 26. Les esprits tutélaires de l'univers central
    • 27. Le ministère des supernaphins primaires
    • 28. Esprits tutélaires des superunivers
    • 29. Les directeurs de pouvoir de l'univers
    • 30. Personnalités du grand univers
    • 31. Le corps de la finalité
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    • 33. Administration de l'univers local
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    • 36. Les porteurs de vie
    • 37. Personnalités de l'univers local
    • 38. Esprits tutélaires de l'univers local
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    • 51. Les Adams planétaires
    • 52. Stades planétaires de la vie humaine
    • 53. La rébellion de Lucifer
    • 54. Problèmes de la rébellion de Lucifer
    • 55. Les sphères de lumière et de vie
    • 56. Unité universelle
  • 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
    • 57. L'origine d'Urantia
    • 58. L'établissement de la vie sur Urantia
    • 59. L'ère de la vie marine sur Urantia
    • 60. Urantia pendant l'ère de la vie terrestre primitive
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    • 66. Le prince planétaire d'Urantia
    • 67. La rébellion planétaire
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3. L'HISTOIRE D'URANTIA

98. Les enseignements de Melchizédek en occident

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Category: 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
Created: 03 December 2025

LES ENSEIGNEMENTS DE MELCHIZÉDEK EN OCCIDENT

LES enseignements de Melchizédek pénétrèrent en Europe par un grand nombre de voies, mais principalement par l'Égypte. Ils furent incorporés dans la philosophie occidentale après avoir été complètement hellénisés et plus tard christianisés. Les idéaux du monde occidental étaient essentiellement socratiques. Sa philosophie religieuse ultérieure devint celle de Jésus, avec les modifications et les compromis résultant du contact avec la philosophie et la religion occidentales en évolution. L'ensemble culmina dans l'Église chrétienne.

En Europe, les missionnaires de Salem poursuivirent longtemps leurs activités et furent graduellement absorbés par les nombreux groupes culturels et rituels qui surgissaient périodiquement. Il faut mentionner les Cyniques parmi ceux qui maintinrent les enseignements de Salem dans leur forme la plus pure. Ces prédicateurs de la foi et de la confiance en Dieu s'activaient encore dans l'Europe romaine au premier siècle après le Christ. Ils furent ultérieurement incorporés dans la religion chrétienne, en formation.

La doctrine de Salem fut largement répandue en Europe par les soldats mercenaires juifs qui prirent part à tant de guerres militaires en Occident. Dans les temps anciens, les Juifs étaient réputés autant pour leur valeur militaire que pour leurs particularités théologiques.

Les doctrines fondamentales de la philosophie grecque, de la théologie juive, et de la morale chrétienne furent essentiellement des répercussions des enseignements primitifs de Melchizédek.

1. -- LA RELIGION DE SALEM PARMI LES GRECS

Les missionnaires de Salem auraient pu édifier une grande structure religieuse parmi les Grecs s'ils n'avaient pas interprété strictement leur serment d'ordination selon les engagements imposés par Machiventa Melchizédek. Ce dernier avait interdit d'organiser des congrégations exclusives pour le culte, et arraché à chaque éducateur la promesse de ne jamais exercer la fonction de prêtre ni de recevoir, pour un service religieux, aucune autre rémunération que de la nourriture, des vêtements, et un toit. Quand les éducateurs melchizédeks pénétrèrent dans la Grèce pré-hellénique, ils y trouvèrent un peuple qui entretenait encore les traditions d'Adamson et du temps des Andites, mais ces enseignements avaient été fortement adultérés par les notions et croyances des hordes d'esclaves inférieurs qui avaient été amenés en quantités croissantes sur les rivages grecs. Cette adultération produisit un retour vers un animisme grossier, avec des rites sanglants où les classes inférieures allaient jusqu'à transformer en cérémonies les exécutions de criminels condamnés.

L'influence initiale des éducateurs de Salem fut presque détruite par l'invasion dite aryenne venant de l'Europe méridionale et de l'Orient. Les envahisseurs hellénique apportèrent avec eux des concepts des concepts anthropomorphiques de Dieu, semblables à ceux que les compagnons aryens avaient introduits aux Indes. Cette importation inaugura l'évolution de la famille grecque de dieux et de déesses. La nouvelle religion était basée en partie sur les cultes des envahisseurs hellènes barbares, mais incorporait aussi des mythes des anciens habitants de la Grèce.

Les Grecs hellènes trouvèrent le monde méditerranéen largement dominé par le culte de la mère. Ils imposèrent aux peuples leur dieu-homme, Dyaus-Zeus qui, tel Jéhovah parmi les Sémites hénothéistes, était déjà devenu le chef de tout le panthéon grec de dieux subordonnés. Les Grecs auraient fini par aboutir à un vrai monothéisme s'ils n'avaient pas retenu le supercontrôle du Destin. Un Dieu de valeur finale doit être lui-même l'arbitre du destin et le créateur de la destinée.

Comme conséquence de ces facteurs dans l'évolution religieuse, la croyance populaire aux dieux insouciants du Mont Olympe se développa bientôt. C'étaient des dieux plus humains que divins, et les Grecs intelligents ne les prirent jamais au sérieux. Ils n'aimaient ni ne craignaient beaucoup ces dieux qu'ils avaient créés. Ils éprouvaient un sentiment patriotique et racial pour Zeus et sa famille de demi-hommes et de demi-dieux, mais ne les révéraient et ne les adoraient guère.

Les Hellènes devinrent si imbus des doctrines anticléricales des éducateurs primitifs de Salem que nulle prêtrise importante ne put jamais s'élever en Grèce. Même la confection d'idoles pour les dieux devint plus une oeuvre artistique qu'une affaire de culte.

Les dieux olympiens illustrent l'anthropomorphisme typique des hommes. La religion grecque était plus esthétique que morale. La religion grecque rendit service en décrivant un univers gouverné par un groupe de déités, mai bientôt la morale, l'éthique, et la philosophie grecques s'avancèrent bien au delà du concept polythéiste. Ce déséquilibre entre le développement intellectuel et le progrès spirituel fut aussi dangereux pour la Grèce qu'il l'avait été pour l'Inde.

2. -- LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE GRECQUE

Une religion superficielle et prise à la légère ne peut durer, surtout quand elle n'a pas de prêtrise pour entretenir ses formes et pour remplir de crainte et de respect le coeur de ses fidèles. La religion olympienne ne promettait pas de salut et n'étanchait pas la soif spirituelle de ses croyants; elle était donc condamnée à périr. Moins d'un millénaire après ses débuts, elle avait presque disparu. Les Grecs se trouvèrent sans religion nationale, les dieux de l'Olympe ayant perdu leur emprise sur les meilleurs penseurs.

Telle était la situation, lorsqu'au sixième siècle avant l'ère chrétienne une renaissance de la conscience spirituelle et un réveil de la récognition du monothéisme se produisirent en Orient et au Levant l'occident ne participa pas à ce développement; ni l'Europe ni l'Afrique du Nord ne prirent une grande part à cette renaissance religieuse. Quant aux Grecs, ils s'engagèrent dans un magnifique progrès intellectuel. Ils avaient commencé à dominer la peur et ne recherchaient plus la religion comme antidote, mais ils ne percevaient pas que la religion rassasie l'âme et guérit l'inquiétude spirituelle et le désespoir moral. Ils cherchèrent à consoler les âmes par la pensée profonde -- par la philosophie et la métaphysique. Au lieu de méditer sur la préservation de soi -- le salut -- ils se tournèrent vers l'épanouissement et la connaissance de soi.

Par la logique de la pensée, les Grecs essayèrent d'atteindre une assurance qui leur servirait de substitut à la croyance en la survie, mais ils échouèrent complètement. Seuls les individus les plus intelligents des classes supérieures pouvaient saisir ce nouvel enseignement. La progéniture des esclaves des générations précédentes n'avait aucune aptitude à recevoir ce nouveau substitut de la religion.

Les philosophes dédaignèrent tous les cultes, et pourtant ils restaient tous vaguement attachés à un arrière-plan de croyance aux doctrines de Salem sur « l'Intelligence de l'univers », « l'idée de Dieu », et « la Grande Source ». Dans la mesure où les philosophes grecs reconnaissaient le divin et le superfini, ils étaient franchement monothéistes et ne s'inclinaient qu'avec réserve devant les myriades de dieux et de déesses de l'Olympe.

Les poètes grecs des VIième et Vième siècles avant J.-C., et notamment Pindare, tentèrent de réformer la religion grecque. Ils élevèrent ses idéaux, mais ils furent plutôt des artistes que des religieux; ils ne réussirent pas à établir une technique pour entretenir et conserver les valeurs suprêmes.

Xénophane enseigna la doctrine d'un Dieu unique, mais son concept de la Déité, était trop panthéiste pour représenter aux hommes un Père personnel. Anaxagore était un mécaniste, sauf en ce qu'il reconnaissait une Cause Première, Une Pensée Initiale. Socrate et ses successeurs, Platon et Aristote, enseignèrent que la vertu est la connaissance, que la bonté est la santé de l'âme, qu'il vaut mieux souffrir d'une injustice que d'en être coupable, qu'il est mauvais de rendre le mal pour le mal, et que les dieux sont sages et bons. Les vertus cardinales de ces philosophes étaient la sagesse, le courage et la tempérance, et la justice.

L'évolution de la philosophie religieuse chez les Hellènes et es Hébreux fournit, par contraste, un exemple de la fonction de l'Église comme institution pour modeler le progrès culturel. En Palestine, la pensée humaine était tellement contrôlée par les prêtres et dirigée par les Écritures que la philosophie et l'esthétique furent entièrement englouties dans la religion et la moralité' En Grèce, l'absence presque complète de prêtres et d'Écritures saintes laissa la pensée humaine libre et sans entraves, de sorte que la profondeur de pensée se développa d'une manière surprenante; mais la religion en tant qu'expérience personnelle ne réussit pas à suivre les sondages intellectuels dans la nature et la réalité du cosmos.

En Grèce, la croyance était subordonnée à la pensée. En Palestine, la pensée était maintenue asservie à la croyance. La force du christianisme est due en grande partie à ce qu'il a fait de larges emprunts à la moralité hébraïque aussi bien qu'à la pensée grecque.

En Palestine, le dogmatisme religieux se cristallisa au point de compromettre tout développement ultérieur. En Grèce, la pensée humaine devint si abstraite que le concept de Dieu se résolut en un brouillard vaporeux de spéculations panthéistes se rapprochant de l'Infinité impersonnelle des philosophes brahmaniques.

Les hommes ordinaires de ces temps ne pouvaient saisir la philosophie grecque de la connaissance de soi et d'une déité abstraite. Ils ne s'y intéressaient d'ailleurs pas beaucoup et recherchaient plutôt des promesses de salut doublées d'un Dieu personnel susceptible d'écouter leurs prières. Ils exilèrent les philosophes et persécutèrent les derniers fidèles du culte de Salem, les deux doctrines s'étant alors beaucoup mélangées. Ils se préparèrent à la terrible plongée orgiaque dans les folies du culte des mystères qui envahissait les contrées méditerranéennes. Les mystères d'Eleusis grandirent à l'intérieur du panthéon olympien en tant que version grecque du culte de la fécondité. Le culte dionysien de la nature fleurit également. Le culte du meilleur aloi était la fraternité orphique, dont les sermons moraux et les promesses de salut présentaient un grand attrait pour nombre de personnes.

Toute la Grèce se lança dans ces nouvelles méthodes pour atteindre le salut par un cérémonial émotionnel et ardent. Nulle nation n'avait jamais atteint en aussi peu de temps de pareilles hauteurs de philosophie artistique ni créé, pratiquement sans Déité et sans la moindre promesse de salut humain, un système moral aussi avancé. Par contre, nulle nation ne plongea aussi rapidement, profondément, et violemment dans un abîme de stagnation intellectuelle, de dépravation morale, et, de carence spirituelle que ce même peuple grec quand il se lança dans le tourbillon insensé du culte des mystères.

Des religions ont duré longtemps sans support philosophique, mais peu de philosophies se sont perpétuées longtemps sans quelque identification avec une religion. La philosophie se situe par rapport à la religion comme la conception par rapport à l'action. L'état humain idéal est celui où la philosophie, la religion, et la science sont mêlées en une unité pleine de sens par l'action conjointe de la sagesse, de la foi, et de l'expérience.

3. -- LES ENSEIGNEMENTS DE MELCHIZÉDEK À ROME

Partant des formes primitives d'adoration des dieux de la famille, la religion ultérieure des Latins devint une vénération de tribu pour Mars, le dieu de la guerre. Il était donc naturel quelle ressemblât davantage à une observance politique que les systèmes intellectuels des Grecs et des Brahmanes ou que les religions plus spiritualistes de divers autres peuples.

Au cours de la grande renaissance de l'évangile de Melchizédek pendant le sixième siècle avant le Christ, les missionnaires de Salem furent trop peu nombreux à pénétrer en Italie. Ceux qui y allèrent furent incapables de vaincre l'influence de la prêtrise étrusque en expansion rapide, avec ses nouvelles myriades de dieux et de temples qui furent tous incorporés dans la religion d'État romaine. Cette religion des tribus latines n'était ni futile et vénale comme celle des Grecs, ni austère et tyrannique comme celle des Hébreux. Elle consistait en majeure partie à observer simplement des formes, des voeux, et des tabous.

La religion romaine fut grandement influencée par de larges importations culturelles de Grèce. Finalement, la plupart des dieux olympiens furent transplantés et incorporés dans le panthéon latin. Les Grecs adorèrent longtemps le feu de l'âtre familial -- Hestia était la déesse vierge de l'âtre. Vesta était la déesse romaine du foyer. Zeus devint Jupiter, Aphrodite devint Vénus, et ainsi de suite pour les nombreuses divinités de l'Olympe.

L'initiation religieuse des jeunes Romains était l'occasion de leur consécration solennelle au service de l'État. Les serments et les admissions à la citoyenneté étaient en réalité des cérémonies religieuses. Les peuples latins entretenaient des temples, des autels, et des sanctuaires; en cas de crise, ils consultaient les oracles. Ils conservaient les ossements des héros, et en firent autant plus tard pour ceux des saints chrétiens.

Cette forme officielle et froide de patriotisme pseudo-religieux était condamnée à disparaîtra, comme l'adoration hautement intellectuelle et artistique des Grecs s'était effondrée devant l'adoration fervente et profondément émotive des cultes des mystères. Le plus grand de ces cultes dévastateurs était la secte religieuse de la mère de Dieu, qui avait alors son siège à l'endroit exact de l'actuelle église Saint-Pierre de Rome.

L'État romain émergent triompha politiquement, mais fut à son tour conquis par les cultes, rituels, mystères, et conceptions des dieux d'Égypte, de Grèce, et du Levant. Ces cultes importés continuèrent à fleurir dans tout l'empire romain jusqu'à l'époque d'Auguste. Pour des raisons purement politiques et civiles, ce dernier fit un effort héroïque et partiellement couronné de succès pour détruire les mystères et ranimer l'ancienne religion politique.

Un prêtre de la religion d'État exposa à Auguste les tentatives antérieures des éducateurs de Salem pour répandre la doctrine d'un Dieu unique, d'une déité finale dominant tous les êtres surnaturels. Cette idée s'implanta si fermement chez l'empereur qu'il construisit de nombreux temples, les garnit abondamment de belles statues, réorganisa le sacerdoce d'État, rétablit la religion correspondante, se nomma lui-même aux fonctions de grand-prêtre et, en tant qu'empereur, n'hésita pas à se proclamer dieu suprême.

La nouvelle religion du culte d'Auguste prospéra et fut observée dans tout l'empire durant sa vie, sauf en Palestine, foyer des Juifs. L'époque des dieux romains se prolongea jusqu'à ce que le culte officiel romain eût un tableau de plus de quarante déités humaines s'étant élevées elles-mêmes à cette dignité, et prétendant toutes à des naissances miraculeuses et à des attributs surhumains.

Le groupe des croyants de Salem allait s'amenuisant; un sérieux groupement de prédicateurs, les Cyniques, offrit un sursaut de résistance. Ils exhortèrent les Romains à abandonner leurs rites religieux sauvages et insensés et à revenir à une forme de culte incorporant l'évangile de Melchizédek, tel qu'il avait été modifié et altéré par contact avec la philosophie des Grecs. Dans son ensemble, le peuple rejeta les Cynique et préféra se plonger dans le rituel des mystères, qui non seulement lui offrait l'espoir du salut personnel, mais encore satisfaisait son désir de diversion, d'excitation, et de distraction.

4. -- LES CULTES DES MYSTÈRES

Ayant perdu leurs religions primitives de famille et d'État, et ne se trouvant ni capables ni désireux de saisir le sens de la philosophie grecque, les habitants du monde gréco-romain tournèrent en majorité leur attention vers les cultes spectaculaires et émotifs des mystères d'Égypte et du Levant. Les gens du peuple recherchèrent ardemment des promesses de salut -- une consolation religieuse pour aujourd'hui et des assurances d'espoir pour après la mort.

Les trois cultes des mystères qui devinrent les plus populaires furent les suivants:

  1. Le culte phrygien de Cybèle et de son fils Attis.
  2. Le culte égyptien d'Osiris et de sa mère Isis.
  3. Le culte iranien d'adoration de Mithra comme sauveur et rédempteur de l'humanité pécheresse.

Les mystères phrygiens et égyptiens enseignaient que le fils de Dieu (respectivement Attis et Osiris) avait passé par la mort et avait été ressuscité par le pouvoir divin, et qu'en outre tous ceux qui avaient été convenablement initiés au mystère, et célébraient respectueusement les anniversaires de la mort et de la résurrection du dieu, participaient de ce fait à sa nature divine et à son immortalité.

Les cérémonies phrygiennes étaient imposantes mais dégradantes. Leurs fêtes sanglantes montraient à quelle point les mystères levantins s'étaient avilis. Le jour le plus saint était le Vendredi Noir, « jour du sang », commémorant la mort volontaire d'Attis. Après les trois jours où l'on célébrait le sacrifice et la mort d'Attis, la fête tournait en liesse en l'honneur de sa résurrection.

Les rites du culte d'Isis et d'Osiris étaient plus raffinés et plus impressionnants que ceux du culte phrygien. Le rituel égyptien était bâti autour de la légende de l'ancien dieu du Nil qui mourut et fut ressuscité. Ce concept dérivait de l'observation que la croissance des plantes s'arrête selon un rythme annuel récurrent, suivi de la régénération de tous les végétaux vivants au printemps. La frénésie dans la participation à ces cultes des mystères et les orgies de leurs cérémonies, qui étaient censées aboutir à « l'enthousiasme » de la compréhension de la divinité, atteignaient parfois des proportions absolument révoltantes.

5. -- LE CULTE DE MITHRA

Les mystères phrygiens et égyptiens finirent par s'effacer devant le plus grand culte des mystères, l'adoration de Mithra. Le culte mithriaque s'adressait à une vaste gamme de natures humaines et supplanta graduellement ses deux prédécesseurs. Le mithracisme se répandit dans l'empire romain par la propagande des légions romaines recrutées au Levant, où cette religion était en vogue, car les soldats apportaient cette croyance partout où ils allaient. Ce nouveau rituel religieux fut un grand progrès sur les cultes primitifs des mystères.

Le culte de Mithra naquit en Iran et subsista longtemps dans sont pays d'origine, malgré l'opposition militante des zélateurs de Zoroastre. À l'époque où le mithracisme atteignit Rome, il avait été grandement amélioré par l'assimilation de nombreux enseignements de Zoroastre. Ce fut principalement par le culte mithriaque que la religion de Zoroastre exerça une influence sur le christianisme apparu plus tard.

Le culte mithriaque décrivait un dieu militant prenant naissance dans un grand rocher, se lançant dans de vaillants exploits, et faisant jaillir de l'eau d'un rocher frappé par ses flèches. Il y avait une inondation à laquelle un seul homme échappait dans un bateau spécialement construit, et un dernier souper que Mithra célébrait avec le dieu-soleil avant de s'élever au ciel. Ce dieu-soleil, Sol Invictus, était un concept dégénéré du divin Ahura-Mazda dans la religion de Zoroastre. Mithra était conçu comme le champion survivant du dieu-soleil dans sa lutte avec le dieu des ténèbres. En reconnaissance d'avoir tué le taureau mythique sacré, Mithra fut rendu immortel et élevé au poste d'intercesseur pour la race humaine parmi les dieux d'en haut.

Les adhérents de ce culte le pratiquaient dans des grottes et autres lieux secrets où ils chantaient des hymnes, marmottaient des paroles magiques, mangeaient la chair des animaux sacrifiés, et buvaient leur sang. Ils adoraient trois fois par jour, avec des cérémonies hebdomadaires spéciales le jour du dieu-soleil et une observance encore plus minutieuse lors de la fête annuelle de Mithra, le 25 décembre. La croyance était que le partage du sacrement assurait la vie éternelle, le passage immédiat après la mort dans le sein de Mithra, pour y demeurer dans la félicité jusqu'au jour du jugement; ce jour-là, les chefs mithriaques du ciel ouvriraient les portes du Paradis pour y recevoir les fidèles, après quoi tous les non-baptisés parmi les vivants et les morts seraient anéantis lors du retour de Mithra sur terre. On enseignait qu'après sa mort un homme allait devant Mithra pour être jugé, et qu'à la fin du monde Mithra ferait sortir tous les morts de leur tombe pour le jugement dernier. Les méchants seraient détruits par le feu, et les bons régneraient avec Mithra pour toujours.

Au début, c'était uniquement une religion pour les hommes; les croyants pouvaient être initiés successivement dans sept ordres différents. Plus tard, les femmes et les filles des croyants furent admises aux temples de la Mère du Monde, qui étaient contigus aux temples mithriaques. Le culte féminin était un mélange du rituel mithriaque et des cérémonies du culte phrygien de Cybèle, mère d'Attis.

6. -- MITHRACISME ET CHRISTIANISME

Avant l'apparition des cultes des mystères et du christianisme dans les pays civilisés d'Afrique du Nord et d'Europe, la religion personnelle ne s'y était guère développée comme institution indépendante; elle était plutôt une affaire de famille, de cité-État, de politique, et d'empire. Les Grecs Hellènes n'instituèrent jamais un système de culte centralisé; le rituel était local; ils n'avaient ni sacerdoce ni « livre sacré ». Comme chez les Romains, leurs institutions religieuses manquaient d'un puissant agent moteur pour préserver les valeurs morales et spirituelles supérieures. Il est exact que si l'on fait de la religion une institution, on porte généralement atteinte à sa qualité spirituelle, mais il faut bien constater aussi que nulle religion n'a jusqu'ici réussi à survivre sans l'aide d'une organisation qui en fasse plus ou moins une institution.

La religion de l'Occident a donc langui jusqu'aux jours des Sceptiques, des Cynique, des Épicuriens, et des Stoïciens, mais surtout jusqu'à l'époque de la grande controverse entre le mithracisme et la nouvelle religion chrétienne de saint Paul.

Au cours du troisième siècle après J.-C., les Églises mithriaques et chrétiennes se ressemblèrent beaucoup quant à l'aspect extérieur et au caractère de leur rituel. Leurs lieux de culte étaient en majorité souterrains et contenaient dans les deux cas des autels dont les arrière-plans dépeignaient les souffrances du sauveur qui avait apporté le salut à une race humaine maudite par le péché.

En entrant au temple, les adorateurs mithriaques avaient toujours eu l'habitude de tremper leurs doigts dans de l'eau bénite. Or il y avait dans certains districts des adorateurs appartenant aux deux religions; ils apportèrent cette coutume dans la majorité des Églises chrétiennes voisines de Rome. Les deux religions employaient le baptême et partageaient le sacrement du pain et du vin. En dehors du caractère de Mithra et de Jésus; la seule différence entre les religions mithriaque et chrétienne était que la première encourageait le militarisme, tandis que la seconde était ultra-pacifique. Sa tolérance envers les autres religions (sauf le christianisme plus récent) conduisit le mithracisme à sa perte finale, mais le facteur décisif de la lutte entre les deux fut l'admission des femmes comme membres pleinement qualifiés parmi les adeptes du christianisme.

La foi chrétienne finit par dominer l'Occident. La philosophie grecque fournit les concepts de valeurs morales, le mithracisme apporta les rites d'observance du culte, et le christianisme comme tel donna la technique pour conserver les valeurs morales et sociales.

7. -- LA RELIGION CHRÉTIENNE

Ce n'est pas pour se concilier un Dieu courroucé qu'un Fils Créateur s'est incarné dans la similitude d'une chair mortelle et effusé sur l'humanité d'Urantia; c'est plutôt pour amener toute l'humanité à reconnaître l'amour du Père et faire comprendre clairement aux hommes leur filiation avec Dieu. Après tout, même le grand avocat de la doctrine de l'expiation a quelque peu compris cette vérité, car il a proclamé que « Dieu est en Christ, réconciliant le monde avec Lui-même (1)»

  (1) 2 Corinthiens V-18 à 20; Colossiens I-19 à 21; Romains V-10.

Le présent fascicule ne cherche pas à analyser l'origine et la propagation de la religion chrétienne. Il suffit de dire quelle est bâtie autour de la personne de Jésus de Nazareth, le Fils Micaël de Nébadon humainement incarné, connu sur Urantia sous le nom du Christ, l'oint du Seigneur. Le christianisme fut répandu dans tout le Levant et l'Occident par les disciples de ce Galiléen. Leur zèle missionnaire égalait celui de leurs illustres prédécesseurs, les Séthites et les Salémites, aussi bien que celui de leurs sincères contemporains asiatiques, les maîtres bouddhistes.

En tant que système de croyance urantien, la religion chrétienne a grandi par l'amalgamation des enseignements, influences, croyances, cultes, et comportements individuels ci-après:

   1. Les enseignements de Melchizédek, facteur fondamental dans toutes les religions d'Orient et d'Occident qui ont pris corps depuis quatre mille ans.

   2. Le système hébraïque de moralité, d'éthique, de théologie, et de croyance simultanée en la Providence et en Jéhovah suprême.

   3. La conception zoroastrienne de lutte entre le bien cosmique et le mal cosmique, conception qui avait déjà laissé son empreinte sur le judaïsme et le mithracisme.

   4. Les cultes des mystères, spécialement le mithracisme, mais aussi l'adoration de la Mère du Monde dans le culte phrygien. Même les légendes au sujet de la naissance de Jésus sur Urantia furent viciées par la version romaine de la naissance miraculeuse du sauveur-héros iranien Mithra, dont la venue sur terre était censée n'avoir eu pour témoins qu'un petit groupe de bergers porteurs de présents, qui avaient été informés de l'événement imminent par des anges.

   5. Le fait historique de la vie humaine de Jésus ben Joseph, la réalité que Jésus de Nazareth est venu comme Christ glorifié, Fils de Dieu.

   6. Le point de vue personnel de Paul de Tarse. Il faut noter que le mithracisme était la religion dominante à Tarse pendant son adolescence. Paul ne songeait guère que ses lettres bien intentionnées à ses convertis seraient plus tard considérées par des Chrétiens comme la « parole de Dieu ». Des éducateurs de bonne volonté comme lui ne doivent pas être tenus pour responsables de l'usage que des successeurs venus bien plus tard auront fait de leurs écrits.

   7. La pensée philosophique des Hellénistes depuis Alexandrie et Antioche, en passant par la Grèce, jusqu'à Syracuse et Rome. La philosophie des Grecs était plus en harmonie avec la version paulinienne du christianisme qu'avec aucun autre système religieux courant. Elle devint un facteur important du succès du christianisme en Occident. La philosophie grecque, doublée de la théologie de Paul forme encore la base de la morale européenne.

À mesure que les enseignements originels de Jésus pénétrèrent l'Occident, ils furent occidentalisés, et à mesure qu'ils furent occidentalisés, ils commencèrent à perdre leur potentiel d'attrait universel pour toutes les races et toutes les sortes d'hommes. Aujourd'hui le christianisme est devenu une religion bien adaptée aux moeurs sociales, économiques, et politiques des races blanches. Il a cessé depuis longtemps d'être la religion de Jésus, bien qu'il dépeigne toujours fidèlement une religion à propos de Jésus aux personnes qui cherchant sincèrement à suivre la voie de son enseignement. Le christianisme a glorifié Jésus en tant que Christ, l'oint messianique de Dieu, mais il a grandement oublié l'évangile personnel du Maître: la Paternité de Dieu et la fraternité universelle des hommes.

Telle est la longue histoire des enseignements de Machiventa Melchizédek sur Urantia. Il y a bientôt quatre mille ans que ce Fils de Nébadon fut envoyé d'urgence sur votre planète et s'y effusa. Au cours de ces millénaires les enseignements du « prêtre d'El Elyon, le Dieu suprême », ont entré chez toutes les races et tous peuples. Machiventa avait atteint le but de son effusion exceptionnelle. Il avait réussi à ce que le concept de Dieu fût présent dans le coeur des hommes et des femmes au moment où Micaël se prépara à apparaître sur Urantia. Ce même concept de Dieu jette toujours de nouvelles flammes dans l'expérience spirituelle vivante des multiples enfants du Père Universel, pendant qu'ils vivent leur mystérieuse vie temporelle sur les planètes tourbillonnantes de l'espace.

 

[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]

97. L'évolution du concept de Dieu chez les Hébreux

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Category: 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
Created: 03 December 2025

L'ÉVOLUTION DU CONCEPT DE DIEU CHEZ LES HÉBREUX

LES chefs spirituels des Hébreux accomplirent ce que personne avant eux n'avait réussi à faire -- ils « désanthropomorphisèrent » leur concept de Dieu sans le convertir en une abstraction de la Déité, intelligible aux seuls philosophes. Sous ce concept mûri, même les gens du commun furent capables de considérer Jéhovah comme un père, sinon des individus, du moins de la race.

Le concept de la personnalité de Dieu avait été clairement enseigné à Salem à l'époque de Melchizédek. Il était vague et embrumé au temps de l'exode d'Égypte et n'évolua que graduellement de génération en génération dans la pensée hébraïque, en réponse aux enseignements des chefs spirituels. La perception de la personnalité de Jéhovah suivit une évolution beaucoup plus continue que celle de bien d'autres attributs de la Déité. Depuis Moïse jusqu'à Malachie, la représentation mentale de la personnalité de Dieu subit une croissance à peu près ininterrompue dans la pensé hébraïque, et finalement ce concept fut exalté et glorifié par les enseignements de Jésus sur le Père céleste.

1. -- SAMUEL -- LE PREMIER DES PROPHÈTES HÉBREUX

La pression hostile des peuples environnant la Palestine enseigna bientôt aux cheiks hébreux qu'ils ne pouvaient espérer survivre sans confédérer leurs organisations tribales en un gouvernement centralisé. Cette concentration de l'autorité administrative fournit à Samuel une meilleure occasion d'opérer comme instructeur et réformateur.

Samuel était issu d'une longue lignée d'éducateurs de Salem qui avaient persisté à maintenir les vérités de Melchizédek comme une partie de leurs formes de culte. Il était viril et résolu. Seule sa grande dévotion, doublée de son extraordinaire détermination, lui permit de résister à l'opposition quasi-universelle qu'il rencontra au début de ses efforts pour ramener Israël à l'adoration du Jéhovah suprême de l'époque de Moïse. Même alors, il n'obtint qu'un succès partiel; il ne gagna au concept supérieur de Jéhovah que la moitié la plus intelligente des Hébreux; l'autre moitié continua à croupir dans l'adoration des dieux tribaux de la contrée et dans les basses conceptions de Jéhovah.

Samuel était un type d'homme taillé à la hache, un réformateur pratique capable de sortir un jour avec ses amis et de démolir une vingtaine de lieux réservés à Baal. C'est purement par la force de la contrainte qu'il fit accomplir des progrès; il prêcha peu, il enseigna encore moins, mais il agit. Un jour il se moquait des prêtres de Baal, le lendemain il coupait en morceaux un roi captif. Il croyait pieusement au Dieu unique et avait une conception claire de ce Dieu comme créateur du ciel et de la terre: « Les colonnes de la terre appartiennent au Seigneur, et il a posé le monde sur elles (1).

La grande contribution que Samuel apporta au développement du concept de la Déité fut son annonce retentissante que Dieu était invariant, qu'il personnifiait toujours la même perfection et la même divinité infaillibles. À cette époque, on croyait que Jéhovah était un Dieu d'humeur changeante, regrettant toujours d'avoir fait ceci ou cela. Maintenant, pour la première fois depuis qu'ils étaient sortis d'Égypte, les Hébreux entendirent ces paroles saisissantes: « La Force d'Israël ne ment point et ne se repent point, car il n'est as un homme pour se repentir » (2). La stabilité dans les relations avec la Divinité était proclamée. Samuel réitéra l'alliance de Melchizédek avec Abraham et déclara que le Seigneur Dieu d'Israël était la source de toute vérité, de toute permanence, et de toute constance. Les Hébreux avaient toujours considéré leur Dieu comme un homme, un surhomme, un esprit élevé d'origine inconnue, mais maintenant ils entendaient l'esprit d'Horeb de jadis exalté comme un Dieu immuable dans sa perfection de créateur. Samuel aidait le concept évoluant de Dieu à s'élever au-dessus de l'état changeant de la pensée humaine et des vicissitudes de l'expérience terrestre. Sous l'influence de ses enseignements, le Dieu des Hébreux commençait son ascension, partant d'une idée sur la hiérarchie des dieux tribaux pour aboutir à l'idéal d'un tout-puissant et immuable Créateur et Superviseur de toute la création.

  (1) 1 Samuel II-8.
  (2) I Samuel XV-29.

À nouveau il prêcha l'histoire de la sincérité de Dieu et de la confiance que l'on pouvait mettre en lui pour maintenir l'alliance. Samuel dit: « Le Seigneur n'abandonnera point son peuple ». « Il a établi avec nous une alliance éternelle, bien ordonnée à tous égards, et certaine » (3). Ainsi résonnait dans toute la Palestine l'appel au retour à l'adoration de Jéhovah suprême. L'énergique éducateur proclamait toujours: « Tu es grand, ô Seigneur Dieu, car il n'est personne de semblable à toi, et il n'y a pas de Dieu en dehors de toi ».

Jusque-là les Hébreux avaient principalement considéré la faveur de Dieu en termes de prospérité matérielle. La proclamation suivante de Samuel fut un grand choc pour Israël et faillit coûter la vie à son auteur: « Le Seigneur enrichit et appauvrit; il exalte et il abaisse. Il tire les pauvres de la poussière et il élève les mendiants au rang des princes pour leur faire hériter le trône de gloire » (4). Jamais depuis Moïse des promesses aussi encourageantes pour les humbles et les moins fortunés n'avaient été proclamées; des milliers de désespérés parmi les pauvres commencèrent à espérer qu'ils pourraient améliorer leur statut spirituel.

  (3) II Samuel XXIII-5.
  (4) I Samuel II-7.

Samuel ne progressa pas bien loin au-delà du concept d'un dieu tribal. Il proclama un Jéhovah créateur de tous les hommes, mais s'intéressant principalement aux Hébreux, son peuple élu. Même alors, comme au temps de Moïse, le concept de Dieu dépeignait une Déité sainte et intègre: « Nul n'est saint comme l'Éternel. Qui peut-on comparer au saint Seigneur Dieu? »

Les années passant, le vieux chef grisonnant progressa dans la compréhension de Dieu, car il déclara: « l'Éternel est un Dieu de connaissance, et par lui les actions sont pesées. Le Seigneur jugera les confins de la terre, témoignant de la miséricorde aux miséricordieux, et il sera droit aussi avec l'homme intègre »(5). C'est ici que se place l'aurore de la miséricorde, bien qu'elle y soit limitée à ceux qui la pratiquent. Plus tard, Samuel fit encore un pas en avant lorsqu'il exhorta le peuple dans l'adversité « Remettons-nous maintenant aux mains du Seigneur, car ses miséricordes sont grandes ». « Rien n'empêche l'Éternel de sauver beaucoup ou peu de gens » (6).

  (5) I Samuel II-3, 10, etc.
  (6) I Samuel XIV-6.

Ce développement graduel du concept du caractère de Jéhovah se poursuivit sous le ministère des successeurs de Samuel. Ils essayèrent de présenter Jéhovah comme un Dieu gardant son alliance, mais n'avancèrent pas à la même allure que Samuel; ils ne réussirent pas à développer l'idée de ,a miséricorde divine telle que Samuel avait fini par la concevoir. Il se produisit un recul régulier vers la récognition d'autres dieux, malgré l'affirmation que Jéhovah était au-dessus de tous. « Le royaume est à toi, ô Éternel, et tu es exalté comme chef sur tous ».

L'accent de cette époque était mis sur le pouvoir divin; les prophètes d'alors prêchaient une religion destinée à maintenir le roi sur le trône hébreu, « A toi Seigneur appartiennent la grandeur, la puissance, la gloire, la splendeur, et la majesté. Ta main détient le pouvoir et la puissance, et tu peux agrandir et affermir toutes choses » (7). Tel était le statut du concept de Dieu à l'époque de Samuel et de ses successeurs immédiats.

  (7) 1 Chroniques XXIX-11.

2. -- ÉLIE ET ÉLISÉE

Au dixième siècle avant le Christ, la nation hébraïque se divisa en deux royaumes. Dans ces deux divisions politiques, de nombreux éducateurs de la vérité s'efforcèrent d'endiguer le flot réactionnaire de décadence spirituelle qui s'amorçait et qui continua désastreusement après la guerre de séparation. Ces efforts pour faire progresser la religion hébraïque ne portèrent pas de fruits avant le commencement des enseignements d'Élie en faveur de la droiture. Ce guerrier résolu et intrépide restaura dans le royaume du nord un concept de Dieu comparable à celui qui existait au temps de Samuel. Élie eut peu d'occasions de présenter une conception évoluée de Dieu; il était trop occupé, comme Samuel avant lui, à renverser les autels de Baal et à démolir les idoles des faux dieux. Il effectua ses réformes en affrontant l'opposition d'un monarque idolâtre. Sa tâche fut encore plus gigantesque et difficile que celle à laquelle Samuel avait fait face.

Quand Élie fut appelé à quitter la terre, Élisée, son fidèle compagnon, reprit son oeuvre et maintint la lumière de la vérité vivante en Palestine avec l'aide inappréciable de Michée, un prophète peu connu.

Ce ne fut pas une époque de progrès dans le concept de la Déité. Les Hébreux ne s'étaient même pas encore élevés à la hauteur de l'idéal de Moïse. À la clôture de l'époque d'Élie et d'Élisée, les meilleures classes d'Hébreux revenaient à l'adoration du suprême Jéhovah, et la restauration de l'idée du Créateur Universel se trouvait à peu près au point où Samuel l'avait laissée.

3. -- JÉHOVAH ET BAAL

L'interminable controverse entre les fidèles de Jéhovah et les partisans de Baal fut un conflit socio-économique d'idéologies plutôt qu'un différend de croyances religieuses.

Les habitants de la Palestine avaient des comportements différents au sujet de la propriété privée de la terre. Les tribus méridionales ou errantes (les Yahvistes) considéraient la terre comme inaliénable -- comme un don de la Déité au clan. Elles estimaient que la terre ne devait être ni vendue ni hypothéquée.     « Jéhovah a parlé et dit: la terre ne sera pas vendue car le pays est à moi » (1).

  (1) Lévitique XXV-23.

Les Cananéens du nord (les Baalites) plus stables achetaient, vendaient, et hypothéquaient leurs terres sans restriction. Le mot Baal signifie propriétaire. Le culte de Baal était fondé sur deux doctrines principales: premièrement la validité des échanges de biens, des contrats, et des alliances -- le droit d'acheter et de vendre des terres; deuxièmement Baal était censé envoyer la pluie -- il était le dieu de la fertilité du sol. Les bonnes récoltes dépendaient de la faveur de Baal. Le culte concernait largement les terres, leur propriété et leur fertilité.

En général, les Baalites possédaient des terres des maisons, et des esclaves. Chaque Baal avait son lieu sacré, sa prêtrise, et ses « saintes femmes », les prostituées rituelles.

La divergence fondamentale des points de vue sur les terres fit naître les implacable antagonismes de comportement social,moral, et religieux entre les Cananéens et les Hébreux. Cette controverse socio-économique ne devint pas une affaire nettement religieuse avant l'époque d'Élie. À partir de l'intervention de ce prophète agressif, la lutte se déroula sur un plan plus strictement religieux -- Jéhovah contre Baal -- et se termina par la victoire de Jéhovah et la poussée subséquente vers le monothéisme.

Élie fit passer la controverse Jéhovah-Baal de l'aspect foncier à l'aspect religieux des idéologies hébraïque et cananéenne. Quand Ahab fit assassiner Naboth et sa famille au cours de l'intrigue pour s'emparer de leurs terres, Élie s'attaqua aux anciennes moeurs foncières; il en fit une question morale et lança sa vigoureuse campagne contre les Baalites. Ce fut aussi une lutte des paysans contre la domination par les citadins. C'est principalement sous l'influence d'Élie que Jéhovah devint Elohim. Le prophète débuta comme réformateur agraire et termina en exaltant la Déité. Les Baals étaient nombreux et Jéhovah était unique -- le monothéisme triompha du polythéisme.

4. -- AMOS ET OSÉE

Une grande étape fut franchie par Amos dans la transition entre le dieu tribal -- le dieu qui avait si longtemps été servi au moyen de sacrifices et de cérémonies, le Jéhovah des premiers Hébreux -- et un Dieu qui punissait le crime et l'immoralité même chez son propre peuple. Amos apparut, venant des montagnes du sud, pour dénoncer la criminalité, l'ivrognerie, l'oppression, et l'immortalité des tribus du nord. Jamais depuis l'époque de Moïse, des vérités aussi éclatantes n'avaient été proclamées en Palestine.

Amos ne se borna pas simplement à restaurer ou à réformer; il découvrit aussi de nombreux concepts de la Déité. Il répéta au sujet de Dieu beaucoup de proclamations déjà faites par ses prédécesseurs, et attaqua courageusement la croyance en un Être divin autorisant le péché dans son propre peuple dit élu. Pour la première fois depuis l'époque de Melchizédek, les oreilles humaines entendirent proclamer le double critère de la justice et de la moralité nationales. Pour la première fois dans l'histoire, des Hébreux entendirent de leurs propres oreilles que leur Dieu Jéhovah ne tolérerait pas plus le crime et le péché dans leur vie que dans celle des membres de n'importe quel autre peuple. Amos eut la vision du Dieu sévère et juste de Samuel et d'Élie, mais il vit aussi un Dieu qui ne faisait aucune distinction entre les Hébreux et toute autre nation quand on en venait à punir la malfaisance. C'était une attaque directe contre la doctrine égoïste du    « peuple élu », et un bon nombre d'Hébreux de l'époque en furent profondément froissés.

Amos dit: « Cherchez celui qui a formé les montagnes et fait lever le vent, celui qui a créé les Pléiades et Orion, qui change en matin l'ombre de la mort et rend le jour aussi sombre que la nuit » (1). En dénonçant ses contemporains opportunistes, mi-religieux, et parfois immoraux, il chercha à décrire la justice inexorable d'un Jéhovah invariant en disant des malfaisants: « Même s'ils pénètrent jusque dans l'enfer, de là ma main les prendra, et même s'ils montent dans les cieux, de là je les ferai descendre,... et même s'ils vont en captivité devant leurs ennemis, là je commanderai à l'épée de la justice, et elle les tuera » (2). Amos effraya encore davantage ses auditeurs en dirigeant vers eux un doigt réprobateur et accusateur et en déclarant au nom de Jéhovah: « Sûrement je n'oublierai aucune de vos oeuvres... et je passerai au crible la maison d'Israël parmi toutes les nations, comme on secoue le blé dans un tamis » (3).

  (1) Amos V-8.
  (2) Amos IX-2 et 4.
  (3) Amos IX-9.

Amos proclama que Jéhovah était le « Dieu de toutes les nations » et avertit les Israélites que le rituel ne devait pas se substituer à la droiture. Avant que ce courageux éducateur ne fût lapidé à mort, il avait répandu assez de levain de la vérité pour sauver la doctrine du Jéhovah suprême; il avait assuré la suite évolutionnaire de la révélation de Melchizédek.

Osée suivit Amos et sa doctrine d'un Dieu universel de justice en ressuscitant le concept mosaïque d'un Dieu d'amour. Osée prêcha le pardon par repentir, et non par sacrifice. Il proclama un évangile de bonté aimante et de miséricorde divine en disant au nom de Jéhovah: « Je vous fiancerai à moi pour toujours, oui, je vous fiancerai à moi en droiture et en jugement et en bonté aimante et en miséricorde. Je vous fiancerai même à moi en fidélité » (4).

  (4) Osée II-19.

Osée continua fidèlement les avertissements moraux d'Amos en disant de Dieu: « Je les châtierai à mon   gré » (5). Mais les Israélites considérèrent comme une cruauté frisant la trahison les paroles suivantes qu'il prononça: « Je dirai à ceux qui n'étaient pas mon peuple: vous êtes mon peuple; et eux diront: tu es notre Dieu » (6). Il continua à prêcher le repentir et le pardon en disant: « Je guérirai leur récidive. Je les aimerai abondamment, car ma colère s'est détournée ». Osée proclama constamment l'espoir et le pardon. L'essentiel de son message fut toujours: « J'aurai de la miséricorde pour mon peuple. Ils ne connaîtront pas d'autre Dieu que moi, car je suis le seul qui sauve ».

  (5) Osée X-10.
  (6) Osée II-23.

Amos vivifia la conscience nationale des Hébreux en leur faisant reconnaître que Dieu ne pardonnerait pas le crime et le péché parmi eux sous prétexte qu'ils étaient censément le peuple élu. De son côté, Osée fit résonner les notes d'ouverture des miséricordieux choeurs ultérieurs de compassion divine et de bonté aimante qui furent si délicieusement chantés par Isaïe et ses compagnons.

5. -- LE PREMIER ISAÏE

Ce fut une époque où certains proclamaient des menaces de punition pour les péchés personnels et les crimes nationaux des clans du nord, tandis que d'autres prédisaient des calamités en châtiment des transgressions du royaume du sud. Ce fut dans le sillage de ce réveil de conscience des deux nations hébraïques que le premier Isaïe fit son apparition.

Isaïe continua à prêcher la nature éternelle de Dieu, sa sagesse infinie, la perfection immuable avec laquelle on pouvait compter sur lui. Il représenta le Dieu d'Israël comme disant: « J'ajusterai exactement le jugement et j'alignerai la droiture sur le fil à plomb ». « Le Seigneur vous reposera de vos chagrins, de vos peurs, et de la dure servitude où l'homme a été créé pour servir ». « Vos oreilles entendront une parole prononcée derrière vous et disant: voici le chemin, marchez-y » (1). « Voyez, Dieu est mon salut; j'aurai confiance et ne serai pas effrayé, car le Seigneur est ma force et ma chanson ». « Venez à moi et raisonnons ensemble, dit l'Éternel: si vos péchés sont comme l'écarlate, ils deviendront blancs comme la neige; s'ils sont rouges comme le cramoisi, ils seront comme la laine » (2).

  (1) Isaïe XXX.
  (2) Isaïe I-18.

Parlant aux âmes affamées des Hébreux tourmentés par la peur, ce prophète dit: « Lève-toi et resplendis, car ta lumière est venue et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi » (3). « L'esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a oint pour apporter de bonnes nouvelles aux débonnaires; il m'a envoyé pour panser ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer la liberté aux captifs, et l'ouverture de la prison à ceux qui sont enchaînés » (4). « Je me réjouirai grandement en l'Éternel, mon âme s'égayera en mon Dieu, car il m'a revêtu des vêtements du salut et m'a recouvert de sa robe de justice » (5). « Dans toutes leurs détresses, il a été affligé, et l'ange de sa présence les a sauvés. Dans son amour et sa miséricorde, il les a rachetés »(6).

  (3) Isaïe LX-1.
  (4) Isaïe LXI-1.
  (5) Isaïe LXI-10.
  (6) Isaïe LXIII-9.

Cet Isaïe fut suivi de Michée et d'Abdias, qui confirmèrent et embellirent son évangile satisfaisant l'âme. Ces deux vaillants messagers dénoncèrent audacieusement le rituel pratiqué par les Hébreux sous l'empire des prêtres et attaquèrent avec intrépidité tout le système sacrificiel.

Michée critiqua « les chefs qui jugent pour des présents, les prêtres qui enseignent pour un salaire, et les prophètes qui devinent pour de l'argent » (7). Il enseigna la venue d'un jour où l'on serait libéré des superstitions et de la prêtrise, en disant: « Chaque homme se reposera sous sa propre vie et nul ne l'effrayera, car tout le peuple vivra, chacun se conformant à la manière dont il comprend Dieu ».

  (7) Michée III-11.

Michée prêcha toujours les obligations suivantes dans son message: « Viendrai-je devant Dieu avec des offrandes brûlées? l'Éternel voudra-t-il agréer mille béliers ou dix mille torrents d'huile? Donnerai-je mon premier né pour ma transgression, le fruit de mon corps pour le péché de mon âme? Il m'a déclaré, ô l'homme, ce qui est bon. Et que réclame l'Éternel de ta part sinon que tu agisses avec justice, que tu aimes la miséricorde et que tu marches humblement avec ton Dieu » (8). Ce fut en vérité une grande époque au cours de laquelle les mortels entendirent, et certains allèrent même jusqu'à croire, ces messages émancipateurs d'il y a plus de deux mille cinq cents ans. Sans la résistance obstinée des prêtres, ces éducateurs auraient aboli tout le cérémonial sanguinaire du rituel hébreu d'adoration.

  (8) Michée VI-6 à 8.

6. -- JÉRÉMIE L'INTRÉPIDE

Plusieurs éducateurs continuèrent à exposer l'évangile d'Isaïe, mais il appartenait à Jérémie de franchir audacieusement l'étape suivante de l'internationalisation de Jéhovah, Dieu des Hébreux.

Jérémie déclara avec intrépidité que Jéhovah n'était pas du côté des Hébreux dans leurs guerres militaires contre d'autres nations. Il affirma que Jéhovah était le Dieu de toute la terre, de toutes les nations, et de tous les peuples. L'enseignement de Jérémie fut le crescendo de la marée montante pour internationaliser le Dieu d'Israël. Ce prédicateur intrépide proclama une fois pour toutes que Jéhovah était le Dieu de toutes les nations, et qu'il n'existait ni d'Osiris pour les Égyptiens, ni de Bel pour les Babyloniens, ni d'Assur pour les Assyriens, ni de Dagon pour les Philistins. À cette époque et par la suite, la religion des Hébreux participa ainsi à la renaissance du monothéisme dans le monde entier; enfin le concept de Jéhovah s'était élevé à un niveau divin comportant une dignité planétaire et même cosmique.

Toutefois, bien des compagnons de Jérémie trouvèrent difficile de concevoir Jéhovah indépendamment de la nation hébraïque.

Jérémie fit également des sermons sur le Dieu juste et aimant décrit par Isaïe; il déclara: « Oui, je vous ai aimés d'un amour éternel; c'est pourquoi je vous ai attirés avec amouret bonté » (1). « Car il n'afflige pas volontiers les enfants des hommes » (2).

Ce prophète intrépide a dit encore « Notre Seigneur est droit, grand dans ses conseils, et puissant dans ses oeuvres. Ses yeux sont ouverts sur toutes les voies des fils des hommes pour donner à chacun selon ses voies et selon le fruit de ses actions » (3). Mais les paroles suivantes, prononcées durant le siège de Jérusalem, furent considérées comme une trahison blasphématoire: « Et maintenant j'ai livré ce pays entre les mains Nébucadnetsar, roi de Babylone, mon serviteur » (4). Quand Jérémie conseilla la reddition de la ville, les prêtres et les chefs civils le jetèrent dans la boue d'un sombre cul de basse-fosse.

  (1) Jérémie XXXI-3.
  (2) Lamentations de Jérémie III-33.
  (3) Jérémie XXXII-19.
  (4) Jérémie XXIX-21 et XLIII-10.

7. - LE SECOND ISAÏE

La destruction de leur nation et la captivité des Hébreux en Mésopotamie auraient fait faire de grands progrès à leur théologie en expansion si elle n'avait pas rencontré l'opposition résolue de leur prêtrise. La nation hébraïque avait succombé devant les armées de Babylone, et son Jéhovah nationaliste avait souffert des sermons internationalistes des dirigeants spirituels. Ce fut le ressentiment de la perte de leur dieu national qui amena les prêtres à aller aussi loin dans l'invention des fables et de la multiplicité d'événements apparus miraculeusement dans l'histoire hébraïque; ils voulaient rétablir les Juifs comme peuple élu, même du Dieu de toutes les nations sous son aspect d'une idée nouvelle et internationalisée.

Durant leur captivité, les Juifs furent très influencés par les traditions et légendes babyloniennes. Il faut cependant remarquer qu'ils améliorèrent systématiquement le ton moral et la signification spirituelle des histoires chaldéennes qu'ils adoptèrent, bien qu'ils eussent invariablement déformé ces légendes pour en faire rejaillir de l'honneur et de la gloire sur l'ascendance et l'histoire d'Israël.

Les prêtres et les scribes hébreux n'avaient qu'une seule idée en tête, celle de réhabiliter la nation juive, de glorifier les traditions hébraïques, et d'exalter leur histoire raciale. Si l'on éprouve du ressentiment devant le fait que ces prêtres ont insufflé leurs idées erronées à une si grande partie du monde occidental, il faut se rappeler qu'ils ne le firent pas intentionnellement. Ils ne prétendaient ni écrire sous une inspiration ni rédiger un livre sacré. Ils préparaient simplement un manuel destiné à ranimer le courage faiblissant de leurs compagnons de captivité. Ils avaient nettement pour but d'améliorer l'esprit national et de relever le moral de leurs compatriotes. Il appartenait à des hommes apparus plus tard de réunir ces écrits, ainsi que certains autres, en un livre guide dont les enseignements furent supposés infaillibles.

Les prêtres juifs utilisèrent libéralement ces écrits après leur retour de captivité, mais leur influence sur leurs compagnons de captivité fut grandement entravée par la présence d'un jeune et indomptable prophète, Isaïe le second, qui était pleinement converti au Dieu de justice, d'amour, de droiture, et de miséricorde d'Isaïe l'aîné. Il croyait aussi, avec Jérémie, que Jéhovah était devenu le Dieu de toutes les nations. Il prêcha ces théories sur la nature de Dieu avec un succès tellement marqué qu'il fit autant de convertis parmi les Juifs que parmi ceux qui les avaient déportés. Ce jeune prédicateur laissa par écrit ses enseignements que les prêtres hostiles et implacables cherchèrent à dissocier complètement d'avec lui; cependant, par pur et simple respect pour leur beauté et leur grandeur, les enseignements du second Isaïe furent incorporés dans les écrits du premier Isaïe. Ils forment maintenant les chapitres 40 à 55 inclus du livre qui porte son nom.

Depuis Machiventa jusqu'à l'époque de Jésus, nul prophète ou éducateur religieux n'atteignit le haut concept de Dieu que le second Isaïe proclama durant la période de captivité. Pour ce chef spirituel, il ne s'agissait pas d'un Dieu mesquin, anthropomorphe, créé par des hommes: « Voici, il enlève les îles comme des poussières » (1). « De même que les cieux sont plus élevés que la terre, mes voies sont plus élevées que vos voies, et mes pensées plus hautes que vos pensées » (2).

Machiventa pouvait enfin voir des éducateurs humains proclamer aux mortels un Dieu véritable. Comme le premier Isaïe, ce chef prêcha un Dieu ayant créé l'univers et continuant à le maintenir. « J'ai créé la terre, et l'ai mis l'homme dessus. Je ne l'ai pas créée en vain, je l'ai formée pour quelle soit habitée » (3). « Je suis le premier et le dernier; il n'y a point de Dieu en dehors de moi ». Parlant au nom du Seigneur Dieu d'Israël, ce nouveau prophète dit: « Les cieux peuvent disparaître et la terre vieillir, mais ma droiture subsistera toujours et mon salut durera de génération en génération». « Ne craignez point, car je suis avec vous; ne soyez pas consternés, car je suis votre Dieu ». « Il n'y a point de Dieu en dehors de moi -- un Dieu juste et un Sauveur » (4).

  (1) Isaïe XL-15.
  (2) Isaïe LV-8.
  (3) Isaïe XLV-18.
  (4) Isaïe XLIII-11.

Les captifs juifs furent réconfortés comme des millions d'autres hommes depuis lors, en entendant des paroles telles que: « Ainsi dit le Seigneur, je vous ai créés, je vous ai rachetés, je vous ai appelés par votre nom; vous êtes à moi »(5). « Lorsque vous passerez à travers les eaux, je serai avec vous, car vous êtes précieux à ma vue ». « Une femme peut-elle oublier son nourrisson et n'avoir pas de compassion pour son fils? Oui, elle peut oublier, mais moi je n'oublierai pas mes enfants car voici, j'ai gravé leur nom sur la paume de mes mains » (6). « Que le méchant abandonne ses voies et l'homme inique ses pensées, et qu'ils retournent à l'Éternel, car il aura compassion d'eux; qu'ils reviennent à notre Dieu, car il pardonne abondamment » (7).

Ecoutez à nouveau l'évangile de cette nouvelle révélation du Dieu de Salem: « Il paîtra son troupeau comme un berger; il rassemblera les agneaux dans ses bras et les portera sur son sein. Il donne du pouvoir aux timides et il accroît la force de ceux qui n'ont pas de puissance. Ceux qui attendent l'Éternel renouvelleront leur vigueur; ils s'élèveront avec des ailes, tels des aigles; ils courront et ne seront pas fatigués; ils marcheront et ne seront pas affaiblis » (8).

  (5) Isaïe XLIII-1.
  (6) Isaïe XLIX-15 et 16.
  (7) Isaïe LV-7.
  (8) Isaïe XL-31.

Ce second Isaïe mena une vaste propagande évangélique en faveur du concept élargi d'un Jéhovah suprême. Il rivalisa avec Moïse par l'éloquence avec laquelle il décrivit le Seigneur Dieu d'Israël comme le Créateur Universel. Il fut poétique dans sa description des attributs infinis au sujet du Père céleste. Au même titre que les Psaumes, les écrits d'Isaïe comptent parmi les présentations les plus sublimes et les plus véridiques du concept spirituel de Dieu qui aient jamais atteint les oreilles des mortels avant l'arrivée de Micaël sur Urantia. Ecoutez son portrait de la Déité: « Je suis le haut et le sublime qui habite l'éternité ». « Je suis le premier et le dernier, et il n'y a pas d'autre Dieu en dehors de moi ». « Et la main du Seigneur n'est pas si courte qu'il ne puisse sauver, ni son oreille bouchée pour l'empêcher d'entendre ». Ce fut une nouvelle doctrine pour les populations juives que d'entendre ce prophète bénin mais plein d'autorité, persister dans sa prédication sur la constance divine, la fidélité de Dieu. Il déclara que « Dieu n'oublierait pas et n'abandonnerait pas ».

Cet audacieux éducateur proclama que l'homme était très étroitement lié à Dieu « J'ai créé pour ma gloire chacun de ceux qui s'appellent de mon nom, et ils proclameront ma louange. C'est moi, oui moi, qui efface leurs transgressions par égard pour moi-même, et je ne me souviendrai pas de leurs péchés ».

Écoutez ce grand Hébreu démolir le concept d'un Dieu national, tandis qu'en gloire il proclame la divinité du Père Universel dont il dit: « Les cieux sont mon trône, et la terre est mon marchepied »(9). Le Dieu d'Isaïe n'en était pas moins saint, juste, majestueux, et insondable. Le concept du coléreux, vindicatif, et jaloux Jéhovah des Bédouins du désert avait presque disparu. Un nouveau concept du Jéhovah suprême et universel était apparu dans la pensée des mortels pour ne jamais plus être perdu de vue par l'humanité. La conception claire de la nouvelle justice avait commencé la destruction de la magie primitive et de la peur biologique. L'homme était enfin introduit dans un univers de loi et d'ordre et présenté à un Dieu universel sur lequel il pouvait compter et qui possédait des attributs.

  (9) Isaïe LXVI-1.

Isaïe, prédicateur d'un Dieu céleste, ne cessa mais de proclamer le Dieu d'amour. « J'habite le haut lieu élevé et saint, et aussi avec celui dont l'esprit est contrit et humble » (10). Ce grand éducateur adressa encore à ses contemporains de nouvelles paroles d'encouragement: « Et l'Éternel te guidera continuellement et satisfera ton âme. Tu seras comme un jardin arrosé, comme une source où l'eau ne manque pas. Si l'ennemi vient sur toi comme une inondation, l'esprit de l'Éternel élèvera une défense contre lui » (11). Une fois de plus l'évangile de Melchizédek, destructeur de la peur, et la religion de Salem, nourrissant la confiance, brillèrent pour la bénédiction de l'humanité.

  (10) Isaïe LVII-15.
  (11) Isaïe LIX-19.

Le clairvoyant et courageux Isaïe éclipsa efficacement le Jéhovah nationaliste par son portrait sublime de la majesté et de l'omnipotence universelle du suprême Jéhovah, Dieu d'amour, souverain de l'univers, et Père affectueux de toute l'humanité. Depuis ces jours mémorables, le concept supérieur de Dieu en Occident a toujours englobé la justice universelle, la miséricorde divine, et la droiture éternelle. Dans un langage superbe et avec une grâce incomparable, ce grand instructeur décrivit le Créateur tout-puissant comme le Père aimant tout le monde.

Le second Isaïe prêcha Dieu à ses compatriotes et à des étrangers de bien des nations, qui l'écoutaient au bord du fleuve à Babylone. Ce prophète de la captivité contribua beaucoup à neutraliser les nombreuses conceptions fausses et racialement égoïstes de la mission du Messie promis, mais il ne réussit pas entièrement dans ses efforts. Si les prêtres ne s'étaient pas adonnés à bâtir un nationalisme mal conçu, les enseignements des deux Isaïe auraient préparé la voie à la récognition et à la réception du Messie attendu.

8. -- HISTOIRE SAINTE ET HISTOIRE PROFANE

L'habitude de considérer le récit des expériences des Hébreux comme l'histoire sainte, et les opérations du reste du monde comme l'histoire profane est responsable d'une grande partie de la confusion qui existe dans la pensée humaine au sujet de l'interprétation de l'histoire. Cette difficulté s'éleva parce qu'il n'existe pas d'histoire laïque dis Juif. Durant l'exil à Babylone, les prêtres commencèrent par préparer un nouveau récit des rapports, supposés miraculeux, de Dieu avec les Hébreux -- l'histoire sainte d'Israël relatée dans l'Ancien Testament. Ensuite ils détruisirent soigneusement et complètement les archives existantes des affaires hébraïques -- les livres tels que « Les Actes des Rois d'Israël » et « Les Actes des Rois de Juda », ainsi que divers récits plus ou moins exacts de l'histoire des Hébreux.

La pression accablante et la contrainte irrésistible de l'histoire laïque terrorisaient les Juifs captifs et gouvernés par des étrangers, au point qu'ils tentèrent de récrire et de refondre complètement leur histoire. Pour bien comprendre ce point, il est bon de passer brièvement en revue le compte rendu de leur troublante expérience nationale. Il faut se rappeler que les Juifs ne réussirent pas à dégager une philosophie adéquate et non-théologique de la vie. Ils luttèrent avec leur conception originelle et égyptienne de récompenses divines pour la droiture et de sévères punitions pour le péché. La dramatique histoire de Job fut quelque peu une protestation contre cette philosophie erronée. Le franc pessimisme de l'Ecclésiaste fut une sage réaction terrestre contre les croyances trop optimistes en la Providence.

Mais cinq cents ans de suzeraineté par des chefs étrangers dépassaient la mesure, même pour les Juifs patients et endurants. Les prophètes et les prêtres commencèrent a crier « Jusques à quand, Seigneur, jusques à quand? (1) » Quand un Juif honnête sondait les Écritures, la confusion de ses pensées s'aggravait encore. Un ancien voyant avait promis que Dieu protégerait et délivrerait son « Peuple élu ». Amos avait formulé la menace que Dieu abandonnerait Israël si ce peuple ne rétablissait pas ses critères de droiture nationale. Le scribe du Deutéronome avait décrit le Grand Choix -- entre le bien et le mal, entre la bénédiction et la malédiction. Le premier Isaïe avait prêché un bienfaisant roi-libérateur. Jérémie avait proclamé une ère de droiture intérieure -- l'alliance écrite sur les tablettes du coeur. Ézéchielavait proclamé la délivrance par la piété du service, et Ezra avait promis la prospérité par adhésion à la foi. Malgré tout cela, les Juifs se traînaient dans la servitude, et leur délivrance était différée. Daniel présenta alors le drame de la crise imminente -- le bris de la grande statue et l'établissement immédiat du règne perpétuel de la droiture, le royaume messianique.

  (1) Isaïe VI-11.

Tous ces faux espoirs amenèrent les Juifs à un tel degré de déception et de frustration raciale que leurs chefs se troublèrent au point de ne pas accepter et de ne pas reconnaître la mission et le ministère d'un divin Fils du Paradis lorsqu'il vint bientôt vers eux dans la similitude d'une chair mortelle -- incarné en tant que Fils de l'Homme.

Toutes les religions modernes ont commis de sérieuses bévues en essayant d'interpréter miraculeusement certaines époques de l'histoire. Il est vrai que Dieu a maintes fois tendu une main maternelle en intervenant providentiellement dans la marche des affaires humaines, mais il est faux de considérer des dogmes théologiques et des superstitions religieuses comme une sédimentation surnaturelle apparaissant par une action miraculeuse dans le cours de l'histoire. Le fait que les « très Hauts gouvernent le royaume des hommes » ne convertit pas l'histoire laïque en une histoire soi-disant sainte.

Des auteurs du Nouveau Testament et des écrivains chrétiens ultérieurs compliquèrent encore la déformation de l'histoire hébraïque par leurs tentatives bien intentionnées pour présenter les prophètes juifs comme transcendants. L'histoire hébraïque fut ainsi exploitée désastreusement par des écrivains tant juifs que chrétiens. L'histoire laïque des Hébreux a été complètement dogmatisée. Elle a été convertie en une fiction d'histoire sainte et elle est devenue inextricablement liée aux conceptions morales et aux enseignements religieux des nations dites chrétiennes.

Un bref exposé des points saillants de l'histoire hébraïque illustrera comment les faits contenus dans les archives furent déformés à Babylone par les prêtres juifs, au point de transformer l'histoire laïque quotidienne de leur peuple en une histoire fictive et prétendue sainte.

9. -- L'HISTOIRE DES HÉBREUX

Il n'y eut jamais douze tribus d'Israélites -- mais seulement trois ou quatre tribus établies en Palestine. La nation hébraïque prit corps par suite de l'union des soi-disant Israélites et des Cananéens. « Et les enfants d'Israël habitèrent parmi les Cananéens (1). Et ils prirent leurs filles pour femmes et donnèrent leurs filles aux fils des Cananéens ». Les Hébreux ne chassèrent jamais les Cananéens de Palestine, en dépit des chroniques établies à ce sujet par les prêtres qui affirmèrent sans hésiter cette expulsion.

  (1) Juges III-5.

La conscience israélienne prit origine dans la contrée montagneuse d'Ephraïm; la conscience juive ultérieure naquit dans le clan méridional de Juda. Les Juifs (les Judaïtes) cherchèrent toujours à diffamer et à noircir l'histoire des Israélites du nord (les Éphraïmites).

La prétentieuse histoire des Hébreux commence avec Saül ralliant les clans du nord pour résister à une attaque des Ammonites contre les hommes d'une tribu semblable -- les Giléadites -- à l'est du Jourdain. Avec une armée d'un peu plus de trois mille hommes il vainquit l'ennemi, et ce fut cet exploit qui amena les tribus des montagnes à en faire leur roi. Lorsque les prêtres exilés récrivirent cette histoire, ils élevèrent à 330.000 le nombre des soldats de Saül et ajoutèrent « Juda » à la liste des tribus ayant participé à la bataille.

Immédiatement après la défaite des Ammonites, Saül devint roi par une élection populaire de ses troupes. Nul prêtre ou prophète ne participa à cette affaire. Mais les prêtres inscrivirent plus tard dans les chroniques que Saül avait été couronné roi par Samuel conformément à des ordres divins (2). Ils agirent ainsi afin d'établir une « ligne divine de descendance » pour le royaume Judaïte de David.

  (2) I Samuel X-1.

Parmi les altérations de l'histoire juive, la plus grande concerne David. Après la victoire de Saül sur les Ammonites (victoire qu'il attribua à Jéhovah) les Philistins s'alarmèrent et commencèrent à attaquer les clans du nord, David et Saül ne purent jamais s'entendre. David, avec six cents hommes, conclut une alliance avec les Philistins et remonta la côte jusqu'à Esdraélon. À Gath, les Philistins ordonnèrent à David de quitter le champ de bataille. Ils craignaient qu'il ne se rallie à Saül. David se retira; les Philistins attaquèrent et battirent Saül. Ils n'y seraient jamais parvenus si David avait été fidèle à Israël. L'armée de David était un assemblage polyglotte de mécontents, composé en majeure partie d'inadaptés sociaux et de délinquants fuyant la justice.

La défaite tragique de Saül à Gilboa par les Philistins déprécia beaucoup Jéhovah aux yeux des Cananéens du voisinage. Ordinairement, la défaite de Saül aurait été attribuée à une apostasie envers Jéhovah, mais cette fois-ci les éditeurs Judaïtes l'attribuèrent à des erreurs de rituel. Ils avaient besoin de la tradition de Saül et de Samuel comme arrière-plan pour le règne de David.

David, avec sa petite armée, établit son quartier général à Hébron, ville non hébraïque. Ses compatriotes ne tardèrent pas à le proclamer roi du royaume de Juda. Juda était principalement composé d'éléments non Hébreux -- Kénites, Calébites, Jébusites, et autres Cananéens. Ils étaient des nomades -- des pâtres -- donc partisans de l'idée hébraïque sur la propriété collective de la terre. Ils étaient attachés aux idéologies des clans du désert.

La différence entre l'histoire sainte et l'histoire profane est bien illustrée par les deux récits différents concernant le couronnement de David comme roi, tels qu'on les trouve dans l'Ancien Testament. Une partie de l'histoire profane sur la manière dont ses partisans immédiats (son armée) le nommèrent roi fut laissée par inadvertance dans les archives par les prêtres qui préparèrent ultérieurement la longue et prosaïque version de l'histoire sainte. Celle-ci décrit comment, par gouverne divine, le prophète Samuel choisit David parmi ses compagnons et procéda ensuite officiellement, par des cérémonies compliquées et solennelles, à son onction comme roi des Hébreux, puis à sa proclamation comme successeur de Saül.

C'est ainsi que bien des fois, après avoir réparé leurs récits fictifs des interventions miraculeuses de Dieu auprès d'Israël, les prêtres omirent de détruire complètement les données claires et positive déjà incluses dans les Chroniques.

David chercha à se créer une situation politique en épousant d'abord la fille de Saül, puis la veuve de Nabal, le riche Édomite, et ensuite la fille de Talmaï, roi de Guerschur. Il prit six épouses parmi les femmes de Jébus, sans compter Bethsabée, la femme du Hittite.

Ce fut par ces méthodes et avec ces méthodes et avec ces personnages que David élabora la fiction un divin royaume de Juda, succédant à héritage et aux traditions du royaume du nord formé par l'Israël d'Ephraïm, alors en voie de disparition. La tribu cosmopolite de David, dite de Juda, se composait de plus de Gentils que de Juifs; les aînés d'Ephraïm, bien qu'opprimés descendirent cependant de leur montagnes et « l'oignirent roi d'Israël ». Après une menace militaire, David fit un pacte avec les Jébusites et installa la capitale du royaume uni à Jébus (Jérusalem), qui était une ville bien fortifiée à mi-chemin entre Juda et Israël. Les Philistins en furent irrités et ne tardèrent pas à attaquer David. Après une farouche bataille, ils furent vaincus, et Jéhovah fut établi une fois de plus en tant que « Dieu, l'Éternel des Armées ».

Mais il fallait à tout prix que Jéhovah partageât une partie de sa gloire avec les Dieux cananéens, car le gros de l'armée de David n'était pas hébreu. C'est pourquoi l'on voit apparaître dans vos Écritures une indication révélatrice à laquelle les éditeurs judaïtes ne prêtèrent pas attention: «Jéhovah a fait une brèche au milieu de mes ennemis devant moi; c'est pourquoi il appela le nom de ce lieu Baal Pératsim »(1). Cela eut lieu parce que quatre-vingts pour cent des soldats de David étaient des Baalites.

  (1) Le Baal des Brèches, 2 Samuel V-20.

David expliqua la défaite de Saül à Gilboa en faisant remarquer que Saül avait attaqué une ville cananéenne, Gilboa, dont la population avait un traité de paix avec les Éphraïmites. C'est pourquoi Dieu l'avait abandonné. Même du temps de Saül, David avait défendu la ville cananéenne de Kella contre les Philistins, puis choisi pour capitale une ville cananéenne. Fidèle à sa politique de compromis avec les Cananéens, David remit sept descendants de Saül aux Gibéonites pour être pendus.

Après la défaite des Philistins, David prit possession de « l'arche de l'Éternel », l'amena à Jérusalem, et rendit officiel le culte de Jéhovah dans son royaume. Il imposa ensuite un lourd tribut aux peuplades environnantes -- les Édomites, les Moaabites, les Ammonites, et les Syriens.

Le comité politique corrompu du parti de David commença à prendre personnellement possession de terres dans le nord, en violation des moeurs hébraïques, et s'empara bientôt des taxes sur les caravanes, précédemment perçues par les Philistins. Vint ensuite une série d'atrocités culminant dans le meurtre d'Urie. Tous les appels judiciaires étaient jugés à Jérusalem; «les anciens » ne pouvaient plus rendre justice. Naturellement, la rébellion éclata. Aujourd'hui, on qualifierait Absalon de démagogue; sa mère était une Cananéenne. Il y avait une demi-douzaine de prétendants au trône en dehors de Salomon, le fils de Bethsabée.

Après la mort de David, Salomon expurgea l'organisation politique de toute influence nordique, mais n'abandonna rien de la tyrannie et de la taxation du régime de son père. Salomon ruina la nation par les prodigalités de sa cour et par son programme compliqué de constructions comprenant la maison du Liban, le palais de la fille du pharaon, le temple de Jéhovah, le palais du roi, et la restauration des murs de nombreuses villes. Il avait près de mille femmes dans son harem.

À cette époque, le temple de Jéhovah à Siloé tomba en discrédit, et tout le culte de la nation fut concentré à Jébus, dans la fastueuse chapelle royale. Le royaume du nord se tourna davantage vers l'adoration d'Elohim. Il bénéficiait de la faveur du Pharaon qui asservit ultérieurement Juda en soumettant le royaume du sud au tribut.

Il y eut des hauts et des bas -- des guerres entre Israël et Juda. Après quatre années de guerre civile et trois dynasties Israël tomba sous la coupe de despotes citadins qui commencèrent à faire commerce des terres. Le roi Omri essaya même d'acquérir Shémer (2). Mais la fin approcha rapidement lorsque Salmanasar Il décida de contrôler la côte méditerranéenne (3). Achab, roi d'Ephraïm, rassembla dix autres groupes et résista à Karkar; la bataille resta indécise. L'avance de l'Asyrien fut arrêtée, mais les alliés furent décimés. Cette bataille n'est même pas mentionnée dans l'Ancien Testament.

De nouvelles difficultés apparurent quand le roi Acbab essaya d'acheter des terres à Naboth. Jézabel, sa femme phénicienne, imita la signature d'Achab sur les documents ordonnant la confiscation de la terre de Naboth accusé d'avoir blasphémé les noms « d'Elohim et du roi ». Naboth et ses fils furent rapidement mis à mort (4). L'énergique Élie apparut sur la scène,.accusant Acliab du meurtre des Naboth. C'est ainsi qu'Élie, l'un des plus grands prophètes, commença son enseignement comme défenseur des anciennes moeurs concernant les terres, en opposition avec le comportement des Baalim vendeurs de terres et avec la tentative des villes pour dominer le pays. Mais la réforme n'aboutit pas avant le moment où un grand propriétaire terrien, Jéhu, joignit ses forces à celles du roitelet nomade Jonadab pour détruire les prophètes (agents immobiliers) de Baal à Samarie (5).

  (2) Schémer ou la Samarie, I Rois XVI-24.
  (3) 2 Rois XVIII-9.
  (4) 1 Rois XXI.
  (5) 2 Rois X.

Un regain de vie apparut lorsque Joas et son fils Jéroboam délivrèrent Israël de ses ennemis (6). Mais à cette époque la Samarie était gouvernée par une féodalité de brigands dont les déprédations rivalisaient avec celles de l'ancienne dynastie de David. L'État et l'Église coopéraient étroitement. Leurs tentatives pour supprimer la liberté de parole conduisirent Élie, Amos, et Osée à écrire en secret, et ce fut le véritable commencement des Bibles juive et chrétienne.

  (6) 2 Rois XIV-23.

Le royaume du nord ne fut pas effacé de l'histoire avant le moment où le roi d'Israël conspira avec le roi d'Égypte et refusa de continuer à payer tribut a l'Assyrie. Alors commença un siège de trois ans suivi par la dispersion totale des populations du nord. Ephraïm (Israël) disparut ainsi. Juda -- les Juifs, le « reste d'Israël » -- avait commencé à concentrer les terres entre les mains d'un petit nombre, « accumulant maison après maison et champ après champ » comme disait Isaïe. Il y eut bientôt à Jérusalem un temple de Baal à côté du temple de Jéhovah. Ce règne de la terreur se termina par une révolte monothéiste conduite par le tout jeune roi Joas qui fit ensuite croisade pendant trente-cinq ans en faveur de Jéhovah.

Amatsia, le roi suivant, eut des difficultés avec les contribuables édomites en révolte et avec leurs voisins. Après une victoire éclatante, il se mit à attaquer ses voisins du nord et subit une défaite tout aussi retentissante. Ensuite les paysans se révoltèrent; ils assassinèrent le roi et mirent sur le trône son fils de seize ans Azaria (7) appels Uzza par Isaïe. Après Uzza, les choses allèrent de mal en pis, et Juda vécut pendant cent ans en payant tribut aux rois d'Assyrie. Le premier Isaïe leur dit que Jérusalem, étant la ville de Jéhovah, ne tomberait jamais, mais Jérémie n'hésita pas à proclamer sa chute.

  (7) 2 Rois XIV-19 et XV-1.

La véritable ruine de Juda fut amenée par une bande de riches politiciens corrompus, sous le gouvernement du roi-enfant Manassé. L'économie changeante favorisa le retour à l'adoration de Baal, dont les opérations immobilières privées sur les terres étaient contraires à l'idéologie de Jéhovah. La chute de l'Assyrie et l'ascendant de l'Égypte amenèrent pour un temps la délivrance de Juda, et les paysans prirent le pouvoir. Sous Josias, ils détruisirent la horde des politiciens corrompus de Jérusalem.

Cette ère prit fin tragiquement lorsque Josias prétendit sortir pour intercepter la puissante armée du pharaon Nécho qui remontait la côte en venant d'Égypte pour aider l'Assyrie contre Babylone. Josias fut balayé, et Juda dut payer tribut à l'Égypte. Le parti politique de Baal revint au pouvoir à Jérusalem, et c'est alors que commença la véritable servitude égyptienne. Vint ensuite une période au cours de laquelle les politiciens de Baal contrôlèrent à la fois les tribunaux et la prêtrise. L'adoration de Baal était un système économique et social concernant les droits de propriété ainsi que la fertilité du sol.

Lorsque Nébucadnetsar renversa Nécho, Juda tomba sous la suzeraineté de Babylone et reçut dix ans de grâce, mais ne tarda pas a se révolter. Nébucadnetsar l'attaqua. Les Judaïtes inaugurèrent alors des réformes sociales, telles que l'affranchissement des esclaves, pour influencer Jéhovah. L'armée babylonienne se retira temporairement, et les Hébreux se réjouirent de ce que la vertu magique de leur réforme les eût délivrés. Ce fut durant cette période que Jérémie leur annonça le sort fatal qui les attendait, et bientôt Nébucadnetsar revint.

La fin de Juda survint alors soudainement. Sa capitale fut détruite et le peuple emmené à Babylone. La lutte Jéhovah-Baal se termina par la captivité, et le contrecoup de la captivité ramena le reste d'Israël au monothéisme.

À Babylone, les Juifs arrivèrent à la conclusion qu'ils ne pouvaient subsister en Palestine en tant que petit groupe ayant ses propres coutumes économiques et sociales, et que si leurs idéologies devaient prévaloir, il leur fallait convertir les Gentils. C'est ainsi que prit naissance leur nouveau concept de la destinée -- l'idée que les Juifs devaient être les serviteurs élus de Jéhovah. La religion juive de l'Ancien Testament accomplit réellement son évolution à Babylone durant la captivité.

La doctrine de l'immortalité prit également forme à Babylone. Les Juifs avaient cru que l'idée de la vie future détournait l'attention de leur évangile de justice sociale. Maintenant, pour la première fois, la théologie remplaçait la sociologie et l'économie. La religion prenait corps en tant que système de pensée et de conduite de plus en plus séparé de la politique, de la sociologie, et de l'économie.

C'est ainsi que la vérité au sujet du peuple juif révèle que bien des événements considérés comme appartenant à l'histoire sainte, ne représentent guère plus que la chronique de l'histoire profane ordinaire. Le Judaïsme fut le terrain dans lequel grandit le Christianisme, mais les Juifs ne furent pas un peuple miraculeux.

10. -- LA RELIGION HÉBRAÏQUE

Leurs chefs avaient enseigné aux Israélites qu'ils étaient un peuple élu, non à cause d'une indulgence et d'un monopole spéciaux de la faveur divine, mais à cause de leur mission particulière d'apporter à toutes les nations la vérité d'un Dieu unique et suprême. Ils avaient promis aux Juifs que, s'ils accomplissaient cette destinée, ils deviendraient les dirigeants spirituels de tous les peuples, et que le Messie attendu régnerait sur eux et sur le monde entier comme Prince de la Paix.

Quand les Juifs eurent été libérés par les Persans, ils ne revinrent en Palestine que leur pour retomber sous la servitude de leurs propres prêtres, avec leur code de lois, de sacrifices, et de rituels. De même que les clans hébreux avaient rejeté la merveilleuse histoire de Dieu présentée dans le discours d'adieu de Moïse sur les rites de sacrifice et de pénitence, de même ces restes de la nation hébraïque rejetèrent la magnifique conception du second Isaïe sur les lois, les règles, et les rites de leur nation grandissante.

L'égoïsme national, la fausse confiance en un Messie promis et mal compris, ainsi que la servitude et la tyrannie croissante de la prêtrise, réduisirent définitivement au silence les voix des dirigeants spirituels (sauf Daniel, Ezéchiel, Aggée, et Malachie). Depuis cette époque jusqu'à celle de Jean le Baptiste, tout Israël subit une régression spirituelle constante. Toutefois, les Juifs ne perdirent jamais le concept du Père Universel; même jusqu'au XXième siècle après le Christ, ils maintinrent cette conception de la Déité.

Depuis Moïse jusqu'à Jean le Baptiste étend une ligné ininterrompue d'éducateurs fidèles qui transmirent de génération en génération le flambeau de la lumière monothéiste, tandis qu'ils réprimandaient sans cesse les chefs sans scrupules, dénonçaient les prêtres faisant commerce, et exhortaient toujours les populations à se rallier à l'adoration du suprême Jéhovah, le Seigneur Dieu d'Israël.

En tant que nation, les Juifs finirent par perdre leur identité politique, mais la religion hébraïque de croyance sincère en un lieu unique et universel continue à vivre dans le coeur des exilés dispersés. Cette religion survit parce quelle a efficacement fonctionné pour conserver les plus hautes valeurs de ses partisans. La religion juive a bien réussi à préserver les idéaux d'un peuple, mais non à entretenir le progrès et à encourager la découverte philosophique créative dans le domaine de la vérité. La religion juive avait beaucoup de défauts -- elle était déficiente en philosophie et à peu près dépourvue de qualités esthétiques  -- mais elle conserve les valeurs morales, et c'est pourquoi elle subsista. Comparé avec d'autres concepts de la Déité, le suprême Jéhovah était bien clair, vivant, personnel, et moral.

Les Juifs aimaient la justice, la sagesse, la vérité, et la droiture comme peu de peuples l'on fait, mais ils ont moins contribué que tous les autres peuples à la compréhension intellectuelle et spirituelle de ces qualités. Bien que la théologie hébraïque ait refusé de s'amplifier, elle a joué un rôle important dans le développement de deux autres religions mondiales, le christianisme et le mahométisme.

La religion juive persista aussi à cause de ses institutions. Il est difficile à une religion de survivre en tant que pratique personnelle d'individus isolés. Les chefs religieux ont toujours commis l'erreur suivante: apercevant les maux de la religion institutionnelle, ils cherchent à détruire la technique de son fonctionnement collectif. Au lieu de détruire tout le rituel, ils feraient mieux de le réformer. Sous ce rapport, Ézéchielfut plus sage que ses contemporains. Il se joignit a eux pour insister sur la responsabilité morale personnelle, mais il entreprit aussi d'établir l'observance fidèle d'un rituel, supérieur et purifié.

C'est ainsi que les éducateurs successifs d'Israël effectuèrent dans l'évolution religieuse le plus grand accomplissement qui ait eu lieu sur Urantia: la transformation graduelle, mais continue, du concept barbare du sauvage démon Jéhovah, le jaloux et cruel dieu-esprit du fulminant volcan du Sinaï, en un concept ultérieur, exalté et céleste, du Jéhovah suprême, créateur de toutes choses et Père miséricordieux de toute l'humanité. Ce concept hébraïque de Dieu fut l'évocation humaine la plus élevée du Père Universel jusqu'au moment où il fut encore élargi et amplifié avec un charme extrême par les enseignements personnels et l'exemple de la vie de son Fils, Micaël de Nébadon.

 

[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]

96. Jéhovah, le Dieu des Hébreux

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Category: 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
Created: 03 December 2025

JÉHOVAH, LE DIEU DES HÉBREUX

EN se faisant une conception de la Déité, l'homme commence par y inclure tous les dieux; ensuite il subordonne tous les dieux étrangers à sa déité tribale, et enfin il les exclut tous sauf le Dieu de valeur finale et suprême. Les Juifs synthétisèrent tous les dieux dans leur concept plus sublime du Seigneur Dieu d'Israël. Les Hindous combinèrent également leurs multiples déités en « une seule spiritualité des dieux » décrite dans le Rig Véda, tandis que les Mésopotamiens réduisirent leurs dieux au concept plus centralisé de Bel-Mardouk. Ces idées de monothéisme mûrirent dans le monde entier assez peu de temps après l'apparition de Machiventa Melchizédek à Salem, en Palestine. Mais le concept de la Déité prôné par Melchizédek ne ressemblait pas à celui de la philosophie évolutionnaire d'inclusion, de subordination, et d'exclusion; il était basé exclusivement sur le pouvoir créateur, et influença très rapidement les concepts les plus élevés de la déité en Mésopotamie, aux Indes, et en Égypte.

La religion de Salem fut révérée comme une tradition par les Kénites et diverses autres tribus cananéennes. L'un des buts de l'incarnation de Melchizédek était de développer une religion d'un Dieu unique de manière à préparer la voie à l'incarnation d'un Fils de ce Dieu unique. Micaël ne pouvait guère venir sur Urantia avant qu'il y existât un peuple croyant au Père Universel et chez lequel ce Fils puisse apparaître.

La religion de Salem persista chez les Kénites de Palestine en tant que credo, et cette religion, telle que les Hébreux l'adoptèrent plus tard, fut influencée d'abord par les enseignements moraux égyptiens, ensuite par la pensée théologique, babylonienne, et enfin par les conceptions iraniennes du bien et du mal. En fait, la religion hébraïque est fondée sur l'alliance entre Abraham et Machiventa Melchizédek, mais évolutionnairement elle est la conséquence de nombreuses circonstances dues à des situations extraordinaires; et culturellement elle a fait de larges emprunts à la religion, à la moralité, et à la philosophie de tout le Moyen-Orient. C'est par la religion hébraïque qu'une grande partie de la moralité et de la pensée religieuse de l'Egypte, de la Mésopotamie, et de l'Iran fut transmise aux peuples occidentaux.

1. -- LES CONCEPTS DE LA DÉITÉ CHEZ LES SÉMITES

Les premiers Sémites considéraient chaque objet comme habité par un esprit. Il avait les esprits du monde animal et du monde végétal, les esprits des saisons, le seigneur de la progéniture, les esprits du feu, de l'eau, et de l'air, bref un véritable panthéon d'esprits à craindre et à adorer. Les enseignements de Melchizédek concernant un Créateur Universel ne détruisirent jamais complètement la croyance à ces esprits subordonnés ou dieux de la nature.

Le progrès des Hébreux, commençant par le polythéisme, continuant par l'hénothéisme, et arrivant au monothéisme, ne fut pas un développement conceptuel ininterrompu et continu. Ils subirent bien des régressions dans l'évolution de leurs concepts de la Déité, et par ailleurs, à toutes les époques, il exista des idées variables sur Dieu chez différents groupes de Sémites croyants. Ils appliquèrent successivement de nombreuses dénominations à leurs concepts de Dieu et, pour éviter la confusion, nous allons définir ces divers noms de la Déité tels qu'ils se rapportent à l'évolution de la théologie juive.

   1. Jéhovah était le dieu des tribus palestiniennes du sud, qui associèrent ce concept de la déité au Mont Horeb, le volcan du Sinaï. Jéhovah était simplement l'un des mille dieux de la nature qui retenaient l'attention des tribus et peuples sémitiques et prétendaient à leur adoration.

   2. El Elyon. Pendant des siècles après le séjour de Melchizédek à Salem, sa doctrine de la Déité persista sous différentes versions mais on y employait en général le terme El Elyon le Très Haut Dieu du ciel. Beaucoup de Sémites, y compris les descendants immédiats d'Abraham, adorèrent simultanément Jéhovah et El Elyon à diverses époques.

   3. El Shaddaï. Il est difficile d'expliquer ce que représentait El Shaddaï. Cette idée de Dieu était un dérivé composite des enseignements du Livre de la Sagesse d'Aménémope, modifié par la doctrine d'Aton présentée par Ikhnaton, et influencé en outre par les enseignements de Melchizédek incorporés dans le concept d'El Elyon. A mesure que le concept d'El Shaddaï imprégna la pensée hébraïque, il se colora entièrement des croyances qui régnaient dans le désert au sujet de Jéhovah.

L'une des idées dominantes de la religion de cette époque fut le concept égyptien de la divine Providence, l'enseignement que la prospérité matérielle est une récompense pour avoir servi El Shaddaï.

   4. El. Dans toute cette confusion de terminologie et cette imprécision de concept, de nombreux croyants fervents s'efforcèrent sincèrement d'adorer toutes ces idées évoluantes de la divinité, et la pratique s'établit d'appeler El cette Déité composite. Et cette expression incluait encore d'autres dieux de la nature imaginés par les Bédouins.

   5. Elohim. À Kish et à Ur, il subsista longtemps des groupes sumériens-chaldéens qui enseignèrent un concept de Dieu trois-en-un, fondé sur les traditions du temps d'Abraham et de Melchizédek. Cette doctrine fut propagée en Égypte où sa Trinité fut adorée sous le nom d'Elohim, ou d'Eloah au singulier. Les cercles philosophiques d'Égypte, et plus tard les éducateurs alexandriens d'origine hébraïque, enseignèrent cette unité de dieux pluraux. A l'époque de l'exode, beaucoup de conseillers de Moïse croyaient en cette Trinité. Toutefois, le concept des Elohim trinitariens ne fit jamais véritablement partie de la théologie hébraïque avant le moment où les Juifs eurent passé sous l'influence politique des Babyloniens.

Noms divers. Les Sémites n'aimaient pas prononcer le nom de leur Déité. Ils eurent donc recours de temps à autre à de nombreuses appellations telles que: l'esprit de Dieu, le Seigneur, l'Ange du Seigneur, le Tout Puissant, le Saint, le Très Haut, Adonaï, l'Ancien des Jours, le Seigneur Dieu d'Israël, le Créateur du Ciel et de la Terre, Kyrios, Jah, l'Éternel des Armées, et le Père Céleste.

Jéhovah est une expression récemment employée pour désigner le concept parachevé de Yahvéh qui apparut finalement par évolution dans la longue expérience hébraïque. Le nom de Jéhovah ne fut pas utilisé avant le XVIième siècle de l'ère chrétienne.

Jusque vers l'an 2.000 avant le Christ,le Mont Sinaï était un volcan actif par intermittences; des éruptions occasionnelles se produisirent jusqu'à l'époque du séjour des Israélites dans cette région. Le feu et la fumée, ainsi que le tonnerre des détonations accompagnant les éruptions de cette montagne volcanique, inspiraient une peur respectueuse aux Bédouins des régions environnantes; ils les impressionnaient et leur faisaient grandement craindre Jéhovah. L'esprit du Mont Horeb devint plus tard le Dieu des Sémites hébreux, et ils finirent par croire à sa suprématie sur tous les autres dieux.

Les Cananéens avaient longtemps révéré Jéhovah, mais parmi eux beaucoup de Kénites croyaient plus ou moins en El Elyon, le super-dieu de la religion de Salem; néanmoins, la majorité des Cananéens restait vaguement attachée à l'adoration des anciennes déités tribales. Ils n'étaient guère désireux d'abandonner leurs déités nationales en faveur d'un Dieu international, pour ne pas dire interplanétaire. Leur pensée ne s'intéressait pas à une déité universelle, et c'est pourquoi ces tribus continuèrent à adorer leurs déités tribales, y compris Jéhovah et les veaux d'argent et d'or symboliques du concept que les pâtres bédouins se faisaient de l'esprit du volcan du Sinaï.

Les Syriens, tout en adorant leurs dieux, croyaient aussi au Jéhovah des Hébreux, car leurs prophètes dirent au roi de Syrie: « Leurs dieux sont des dieux des montagnes; ils sont donc plus forts que nous; mais combattons les dans la plaine, et nous serons sûrement plus forts qu'eux » (1).

À mesure que leur culture progresse, les hommes subordonnent leurs dieux mineurs à une déité suprême; l'expression « par Jupiter » ne persiste que comme une exclamation (2). Les monothéistes conservent leurs dieux subordonnés comme esprits, démons, Parques, Néréides, fées, gnomes, nains, banshee (3), et mauvais oeil. Les Hébreux passèrent par l'hénothéisme et crurent longtemps à l'existence de dieux autres que Jéhovah, mais ils estimèrent de plus en plus que ces déités étrangères étaient subordonnées à Jéhovah. Ils admettaient la réalité de Chémosh, dieu des Amorites, mais soutenaient sa subordination à Jéhovah.

Parmi les théories humaines de Dieu, c'est l'idée de Jéhovah qui a subi le développement le plus étendu. On ne peut comparer son évolution progressive qu'à la métamorphose du concept de Bouddha en Asie. Ce dernier conduisit au concept de l'Absolu Universel, comme le concept de Jéhovah conduisit finalement au concept du Père Universel. Il faut comprendre ce fait historique: les Juifs changèrent ainsi leur point de vue sur la Déité depuis le dieu tribal du Mont Horeb jusqu'au Père Créateur aimant et miséricordieux de l'époque ultérieure, mais ne changèrent pas son nom; tout au long de leur histoire ils continuèrent à appeler Jéhovah ce concept évoluant de la déité.

  (1) I Rois XX-23 et 28.
  (2) En anglais « By Jove ». En français « par Jupiter » ou « pardieu » ou « parbleu ».
  (3) Fées présageant la mort (Irlande, Écosse).

2. -- LES PEUPLES SÉMITIQUES

Les Sémites de l'est étaient des cavaliers bien organisés et bien dirigés qui envahirent les régions orientales du croissant fertile de la Mésopotamie et s'unirent avec les Babyloniens. Les Chaldéens, près d'Ur, comptent parmi les Sémites orientaux les plus évolués. Les Phéniciens étaient un groupe supérieur et bien organisé de Sémites de sang mêlé qui occupait le secteur ouest de la Palestine, le long de la côte méditerranéenne. Au point de vue racial, les Sémites figuraient parmi les peuples d'Urantia les plus mélangés; leur sang contenait des facteurs héréditaires de presque toutes les neuf races du monde.

Maintes et maintes fois les Sémites arabes pénétrèrent en combattant dans le nord de la Terre Promise, le pays « ruisselant de lait et de miel » (1). mais ils en furent chaque fois expulsés par les Sémites et Hittites du nord, mieux organisés et plus hautement civilisés. Plus tard, au cours d'une famine anormalement grave, ces Bédouins errants entrèrent en nombre en Égypte comme ouvriers contractuels pour les travaux publics égyptiens. Ils ne purent qu'y subir l'amère expérience de l'esclavage au dur travail quotidien du commun des ouvriers opprimés de la vallée du Nil.

  (1) Exode III-8 et une vingtaine d'autres passages ultérieurs.

Ce fut seulement après l'époque de Machiventa Melchizédek et d'Abraham qu'en raison de leurs croyances religieuses particulières certaines tribus de Sémites furent appelées enfants d'Israël, et plus tard Hébreux, Juifs, et « le peuple élu ». Abraham n'était pas le père racial de tous les Hébreux; il n'était même pas l'ancêtre de tous les Bédouins sémites qui furent détenus captifs en Égypte. Il est vrai que sa descendance, à sa sortie d'Égypte forma le noyau du peuple juif ultérieur, mais la vaste majorité des hommes et des femmes qui furent incorporés dans les clans d'Israël n'avait jamais séjourné en Égypte. Elle était simplement formée de compagnons nomades qui décidèrent de suivre Moïse comme chef pendant que les enfants d'Abraham et leurs associés sémites d'Égypte traversaient le nord de l'Arabie.

L'enseignement de Melchizédek concernant El Elyon, le Très Haut, et l'alliance de la faveur divine par la foi, avaient été largement oubliés à l'époque de l'asservissement par les Égyptiens des peuples sémites qui devaient bientôt former la nation hébraïque. Mais pendant toute leur période de captivité, ces nomades arabes conservèrent une vague croyance traditionnelle en Jéhovah à titre de déité raciale.

Jéhovah fut adoré par plus de cent tribus arabes séparées. Sauf une nuance du concept d'El Elyon de Melchizédek, qui persista chez les classes instruites d'Égypte, y compris les souches mélangées d'Hébreux et d'Égyptiens, la religion de la masse des esclaves captifs hébreux était une version modifié de l'ancien rituel de magie et de sacrifice de Jéhovah.

3. -- L'INCOMPARABLE MOÏSE

Le commencement de l'évolution des concepts et idéaux hébraïques au sujet d'un Créateur Suprême date du départ d'Égypte des Sémites sous la conduite de Moïse, ce grand chef, grand instructeur, et grand organisateur. Sa mère appartenait à la famille royale d'Égypte; son père était un Sémite, officier de liaison entre le gouvernement et les Bédouins captifs. Moïse possédait ainsi des qualités tirées de sources raciales supérieures; ses ancêtres étaient de sang tellement mêlé qu'il est impossible de le classer dans un groupe racial déterminé. S'il n'avait pas été de ce type mixte, il n'aurait jamais fait montre de la variété de talents et de l'adaptabilité inhabituelles qui lui permirent de diriger la horde diversifiée qui finit par s'associer aux Bédouins sémites fuyant d'Égypte vers le désert d'Arabie sous son commandement.

Malgré les séductions de la culture du royaume du Nil, Moïse résolut de partager le sort du peuple de son père. À l'époque ou ce grand organisateur mettait au point ses plans pour libérer définitivement ce peuples, les Bédouins captifs n'avaient guère de religion digne de ce nom; ils étaient virtuellement dépourvus d'un véritable concept de Dieu et sans espoir dans le monde.

Nul chef n'entreprit jamais de réformer et de relever un groupe d'êtres humains plus pitoyables, plus déprimés, et plus découragés. Mais ces esclaves portaient des possibilités latentes de développement dans leurs lignées héréditaires, et Moïse avait catéchisé un nombre suffisant de cadres instruits pour constituer un corps d'organisateurs efficaces en provision du jour de la révolte et de la grève pour la liberté. Ces hommes supérieurs avaient été employés comme surveillants indigènes de leurs semblables et avaient reçu une certaine éducation grâce à l'influence de Moïse auprès des dirigeants égyptiens.

Moïse s'efforça de négocier diplomatiquement la liberté de ses compagnons sémites. Lui et son frère firent avec le roi d'Égypte un pacte par lequel ils obtinrent l'autorisation de quitter paisiblement la vallée du Nil pour le désert d'Arabie. Ils devaient recevoir un modeste payement en argent et en denrées comme gage de leur long service en Égypte. De leur côté, les Hébreux s'engageaient à maintenir des relations amicales avec le Pharaon et à ne faire partie d'aucune alliance contre l'Égypte. Mais ensuite le roi estima opportun de répudier ce traité sous prétexte que ses espions avaient découvert de la déloyauté chez ces esclaves. Il prétendit que les Bédouins cherchaient la liberté en vue de se rendre dans le désert pour organiser des bandes nomades contre l'Égypte.

Moïse ne se découragea pas; il attendit son heure. Moins d'un an plus tard, alors que les forces militaires égyptiennes étaient entièrement occupées a résister aux assauts simultanés d'une forte poussée lybienne venant du sud et d'une invasion grecque dans le nord, cet organisateur intrépide mena ses compatriotes hors d'Égypte au cours d'une fuite nocturne spectaculaire. L'opération réussit malgré une chaude poursuite par le Pharaon avec une petite troupe d'Égyptiens. Celle-ci fut décimée par la défense des fugitifs et leur abandonna beaucoup de butin, encore accru par le pillage auquel se livrèrent les multitudes d'esclaves fuyant vers leur foyer ancestral du désert.

4. -- LA PROCLAMATION DE JÉHOVAH

L'évolution et l'élévation de l'enseignement de Moïse ont influencé presque la moitié du monde, et continuent encore à l'influencer au XXième siècle. Moïse comprenait la philosophie religieuse égyptienne la plus avancée, mais les Bédouins esclaves ne connaissaient presque rien de ces enseignements; par contre, ils n'avaient jamais entièrement oublié le dieu du Mont Horeb que leurs ancêtres avaient appelé Jéhovah.

Moïse avait entendu parler des enseignements de Machiventa Melchizédek à la fois par son père et par sa mère; leur communauté de croyance religieuse explique le mariage insolite d'une femme de sang royal et d'un homme d'une race captive. Le beau-père de Moïse était un Kénite adorateur d'El Elyon, mais les parents de l'émancipateur croyaient en El Shaddaï. Moïse fut donc élevé comme un El Shaddaïste; sous l'influence de sont beau-père, il devint un El Elyoniste; et à l'époque du campement des Hébreux autour du Mont Sinaï après l'exode d'Égypte, il avait formulé un nouveau concept élargi de la Déité tiré de toutes ses croyances antérieures. Il décida sagement de le proclamer à son peuple comme un concept amplifié de Jéhovah, leur dieu tribal de jadis.

Moïse s'était efforcé d'enseigner l'idée d'El Elyon à ces Bédouins mais, avant de quitter l'Égypte, il avait acquis la conviction qu'il ne comprendraient jamais cette doctrine. Il s'arrêta donc à un compromis consistant à adopter leur dieu tribal du désert comme le seul et unique dieu de sa horde de fuyards. Moïse n'enseigna pas spécifiquement que les divers peuples et nations ne devaient pas avoir d'autres dieux, mais il soutint résolument, et spécialement auprès des Hébreux, que Jéhovah dominait tous les autres dieux. Moïse fut toujours gêné par la fâcheuse situation d'avoir à présenter à ces esclaves ignorants sa nouvelle idée supérieure de la Déité sous le déguisement de l'ancienne désignation de Jéhovah, qui avait toujours été symbolisé par le veau d'or des tribus bédouines.

Le fait que Jéhovah était le dieu des Hébreux en fuite explique pourquoi ils s'arrêtèrent si longtemps devant la montagne sainte du Sinaï et pourquoi c'est là qu'ils reçurent les dix commandements que Moïse proclama au nom de Jéhovah, le dieu d'Horeb. Durant ce long séjour devant le Sinaï, le cérémonial religieux du nouveau culte hébreu en évolution fut mieux mis au point.

Il ne semble pas que Moïse aurait jamais réussi à établir son adoration cérémonielle quelque peu évoluée, ni à retenir intact le groupe de ses fidèles pendant un quart de siècle, sans la violente éruption de l'Horeb qui se produisit durant la troisième semaine de leur séjour d'adoration à sa base. «La montagne de Jéhovah fut consumée dans le feu, et la fumée montait comme la fumée d'une fournaise, et toute la montagne tremblait grandement »(1). À la vue de ce cataclysme, il n'est pas surprenant que Moïse ait pu graver dans la mémoire de ses frères l'enseignement que leur Dieu était « puissant et terrible, un feu dévorant, redoutable, et tout-puissant ». 

Moïse proclama que Jéhovah était le Seigneur Dieu d'Israël, qui avait sélectionné les Hébreux comme son peuple élu. Bâtissant une nouvelle nation, il nationalisa sagement ses enseignements religieux, disant à ses partisans que Jéhovah était un véritable tyran, un « dieu jaloux » (2). Il chercha néanmoins à élargir leur conception de la divinité en leur enseignant que Jéhovah était le « Dieu des esprits de toute chair (3) » et en leur disant: « Le Dieu d'ancienneté est ton refuge, et au-dessous de toi sont les bras éternels » (4). Moïse enseigna que Jéhovah était un Dieu respectant son alliance; qu'il « ne vous abandonnera pas, ne vous détruira pas, et n'oubliera pas l'alliance de vos pères, parce que le Seigneur vous aime et n'oubliera pas le serment qu'il a juré à vos pères » (5).

  (1) Exode XIX-18.
  (2) Exode XX-5, Deutéronome IV-24, etc.
  (3) Nombres XXVII-16.
  (4) Deutéronome XXXIII-27. 
  (5) Deutéronome IV-31.

Moïse fit un effort héroïque pour exalter Jéhovah à la dignité d'une Déité suprême lorsqu'il le présenta comme le « Dieu de vérité, sans iniquité, juste et droit dans toutes ses voies ». Cependant, malgré cet enseignement élevé, la compréhension limitée de ses partisans rendit nécessaire de parler de Dieu comme étant à l'image de l'homme, sujet à des crises de colère, de courroux, et de sévérité, et même vindicatif et facilement influençable par la conduite des hommes.

Grâce au enseignements de Moïse, Jéhovah, ce dieu tribal de la nature, devint le Seigneur Dieu d'Israël qui suivit les Hébreux dans le désert, et même en exil, où il fut bientôt conçu comme le Dieu de tous les peuples. La captivité ultérieure qui asservit les Juifs à Babylone dégagea définitivement le concept évoluant de Jéhovah et lui fit assumer le rôle monothéiste de Dieu de toutes les nations.

Le trait le plus extraordinaire et le plus remarquable de l'histoire religieuse des Hébreux concerne cette évolution continue du concept de la Déité à partir du dieu primitif du Mont Horeb. Par les enseignements de leurs dirigeants spirituels successifs, il atteignit le haut degré de développement décrit dans les doctrines divines des deux Isaïe qui proclamèrent le concept magnifique du Père Créateur aimant et miséricordieux.

5. -- LES ENSEIGNEMENTS DE MOÏSE

Moïse combinait d'une façon extraordinaire les qualités de chef militaire, d'organisateur social, et d'éducateur religieux. A titre individuel, il fut l'instructeur et le chef le plus important dans le monde entre l'époque de Machiventa et celle de Jésus. Moïse tenta d'introduire en Israël bien des réformes dont il ne reste pas de trace écrite. Dans l'espace d'une seul vie humaine, il fit sortir de l'esclavage et d'un vagabondage non civilisé la horde polyglotte que l'on appelle les Hébreux, tout en posant les fondements de la naissance ultérieure d'une nation et de la perpétuation d"un race.

Il y a fort peu d'archives du grand travail de Moïse, parce que les Hébreux n'avaient pas de langage écrit au moment de l'exode. Les annales de l'époque et des actes de Moïse furent tirées des traditions qui avaient cours plus de mille ans après la mort de ce grand chef.

Un bon nombre des progrès qu'apporta Moïse en dépassant la religion des Égyptiens et des tribus levantines environnantes furent dus aux traditions kénites de l'époque de Melchizédek. Sans l'enseignement de Machiventa à Abraham et à ses contemporains, les Hébreux seraient sortis d'Égypte dans un sombre désespoir. Moïse et son beau-père Jéthro réunirent les vestiges des traditions du temps de Melchizédek, et ces enseignements, joints à la science des Égyptiens, guidèrent Moïse dans la création de la religion et du rituel amélioré des Israélites. Moïse était un organisateur; il choisit ce qu'il y avait de mieux dans la religion et les moeurs de l'Égypte et de la Palestine, il associa ces pratiques aux traditions des enseignements de Melchizédek, puis il organisa le système cérémoniel hébraïque d'adoration.

Moïse croyait à la Providence; il s'était laissé complètement gagner par les doctrines d'Égypte concernant le contrôle surnaturel du Nil et des autres éléments de la nature. Il avait une grande vision de Dieu, mais il était entièrement sincère quand il enseignait aux Israélites que s'ils acceptaient d'obéir à Dieu « il t'aimera, te bénira, et te multipliera; il mutipliera le fruit de ton ventre et le fruit de ta terre -- blé, vin, huile, et tes troupeaux. Tu prospéreras au-dessus de tous les peuples, et le Seigneur ton Dieu ôtera de toi toutes maladies et ne t'infligera aucune des plaies malignes d'Égypte» (1). Moïse dit même: « Rappelle-toi le Seigneur ton Dieu, car c'est lui qui donne le pouvoir d'obtenir la richesse ». « Tu prêteras à gages à beaucoup de nations, mais tu n'emprunteras pas. Tu domineras sur beaucoup de nations, mais elles ne domineront pas sur toi » (2).

  (1) Deutéronome VII-13 à 15.
  (2) Deutéronome XV-6.

Il était vraiment pitoyable d'observer Moïse, ce grand penseur, essayant d'adapter son sublime concept d'El Elyon, le Très Haut, à la compréhension des Hébreux ignorants et illettrés. À son état-major rassemblé, il disait d'une voix de tonnerre « Le Seigneur votre Dieu est un seul Dieu il n'y en a point en dehors de lui », tandis qu'à la multitude mêlée il demandait: « Qui parmi tous les dieux ressemble à votre Dieu? Moïse se dressa courageusement et avec un succès partiel contre les fétiches et l'idolâtrie; il déclara: « Vous n'avez rien vu de semblable le jour où Dieu vous parla à Horeb du milieu du feu ». Il interdit également de reproduire des images d'aucune sorte.

Moïse craignait de proclamer la miséricorde de Jéhovah; il préféra inspirer à son peuple la peur de la justice de Dieu en proclamant: « Le Seigneur votre Dieu est le Dieu des Dieux, le Seigneur des Seigneurs, un grand Dieu, un Dieu puissant et terrible qui n'a pas d'égard pour les hommes.» Mais Moïse enseigna à ces tribus qu'elles deviendraient le peuple élu de Dieu à la seule condition qu'elles « gardent tous ses commandements et obéissent à tous ses statuts ».

Durant ces premiers temps, on ne parla guère aux Hébreux de la miséricorde de Dieu. Ils apprirent que « Dieu est tout tout-puissant. Dieu est un guerrier, le Dieu des batailles, au pouvoir glorieux, qui taille en pièces ses ennemis ». « Le Seigneur Dieu marche au milieu de votre camp pour vous délivrer ». Les Israélites croyaient que leur Dieu les aimait, mais aussi qu'il avait « endurci le coeur du Pharaon » et « maudit leurs ennemis ».

Bien que Moïse eût présenté aux enfants d'Israël des aperçus fugitifs d'une Déité universelle et bienveillante, leur concept au le jour de Jéhovah était dans l'ensemble celui d'un Dieu à peine meilleur que les dieux tribaux des peuplades environnantes. Leur conception de Dieu était grossière, primitive, et anthromorphique. Lorsque Moïse trépassa, ces tribus bédouines revinrent rapidement aux idées semi-barbares de leurs anciens dieux d'Horeb et du désert. La vision élargie et plus sublime de Dieu que Moïse présentait de temps en temps à ses cadres subordonnés fut bientôt perdue de vue, tandis que la majorité de la populace revenait à l'adoration de ses veaux d'or symbolisant Jéhovah pour les gardiens de troupeaux en Palestine.

Quand Moïse passa le commandement des Hébreux à Josué, il avait déjà réuni des milliers de descendants collatéraux d'Abraham, de Nahor, de Lot, et d'autres tribus parentes, et les avait rassemblés à la cravache en une nation de guerriers pastoraux capable de s'entretenir par ses propres moyens et de se gouverner partiellement elle-même.

6. -- LE CONCEPT DE DIEU APRÈS LA MORT DE MOÏSE

Après la mort de Moïse, son concept sublime de Jéhovah dégénéra rapidement; Josué et les dirigeants d'Israël conservèrent les traditions mosaïques du Dieu infiniment sage, bienveillant, et tout-puissant, mais le commun du peuple revint bientôt à l'ancienne idée de Jéhovah, qu'il s'était faite dans le désert. Ce retour en arrière du concept de la Déité s'accéléra sous le règne successif des divers cheiks tribaux dits les Juges.

L'ascendant de l'extraordinaire personnalité de Moïse avait gardé vivante dans le coeur de ses partisans l'inspiration d'un concept de plus en plus vaste de Dieu; mais une fois qu'ils atteignirent les terres fertiles de Palestine, ces bergers nomades se transformèrent rapidement en fermiers établis et assez calmes. Cette évolution des pratiques de la vie et ce changement de point de vue religieux exigèrent une transformation plus ou moins complète du caractère qu'ils attribuaient à la nature de leur Dieu Jéhovah. A l'époque où l'austère, rudimentaire, exigeant et orageux dieu du désert du Sinaï commença la transmutation qui devait en faire plus tard un Dieu d'amour, de justice, et de miséricorde, les Hébreux perdirent presque complètement de vue les sublimes enseignements de Moïse. Ils furent tout près de perdre la conception du monothéisme et leur chance de devenir le peuple qui devait servir de chaînon essentiel dans l'évolution spirituelle d'Urantia, le groupe qui conserverait l'enseignement de Melchizédek sur un Dieu unique jusqu'à l'époque de l'incarnation d'un Fils d'effusion de ce Père Universel.

Josué chercha désespérément à maintenir dans la pensée des hommes des tribus le concept d'un Jéhovah suprême qui, d'après lui, proclamait: « Comme j'ai été avec Moïse, ainsi je serai avec Israël; je ne te ferai pas défaut, et je ne t'abandonnerai pas » (1). Josué trouva nécessaire de prêcher un évangile sévère à son peuple incrédule, bien trop disposé à croire à son ancienne religion indigène, mais peu désireux de progresser dans une religion de foi et de droiture. Le fardeau imposé par l'enseignement de Josué devint: « Jéhovah est un Dieu saint; il est un Dieu jaloux; il ne pardonnera ni vos transgressions ni vos péchés » (2). La conception la plus élevée de cette époque décrivait Jéhovah comme un « Dieu de puissance, de jugement, et de justice ».

Même au cours de cet âge de ténèbres, des éducateurs solitaires apparaissaient de temps en temps et proclamaient le principe mosaïque de la divinité: « Vos enfants pervers ne peuvent servir le Seigneur, car il est un Dieu saint » (2). « L'homme mortel sera-t-il plus juste que Dieu? Un homme sera-t-il plus pur que son Créateur? » « Pouvez-vous trouver Dieu en le cherchant? Pouvez-vous découvrir parfaitement le Tout-Puissant? Voici Dieu est grand, et nous le connaissons pas. Et le Tout -Puissant, nous ne pouvons le découvrir » (3).

  (1) Josué I-5.
  (2) Josué XXIV-19.
  (3) Job IV-17, XI-7, XXXVI-26  

7. -- LES PSAUMES ET LE LIVRE DE JOB

Sous la direction de leurs cheiks et de leurs prêtres, les Hébreux se répandirent en Palestine. Ils s'y replongèrent bientôt dans les croyances ignorantes de jadis et se laissèrent corrompre par les pratiques religieuses moins évoluées des Cananéens. Ils devinrent idolâtres et licencieux. Leur idée de la Déité tomba très en-dessous des concepts égyptiens et mésopotamiens de Dieu, qui étaient maintenus par certains groupes salémites survivants et qui sont rappelés dans quelques psaumes et dans le Livre dit de Job.

Les Psaumes sont l'oeuvre d'au moins une vingtaine d'auteurs. Beaucoup de ces psaumes furent écrits par des éducateurs d'Égypte et de Mésopotamie. à l'époque où le Moyen-Orient adorait les dieux de la nature, il restait un assez grand nombre de personnes qui croyaient à la suprématie d'El Elyon, le Très Haut.

Nul assemblage d'écrits religieux n'exprime une richesse de dévotion et d'inspiration divine égale à celle du Livre des Psaumes. En misant attentivement cette merveilleuse compilation de littérature pieuse, il serait très utile d'étudier la source et la chronologie particulière de chaque hymne de louange et d'adoration, en se rappelant que nul autre recueil d'écrits ne couvre une aussi longue période de temps. Le livre des Psaumes est le recueil des divers concepts de Dieu entretenus par les croyants de la religion de Salem dans tout le Moyen-Orient, et il embrasse toute la période allant d'Aménémope à Isaïe. Dans les Psaumes, Dieu est décrit sous toutes les phases de conception, depuis l'idée rudimentaire d'une déité tribale jusqu'à l'idéal largement amplifié des derniers Hébreux, où Jéhovah est dépeint comme un chef aimant et un Père miséricordieux.

Vu sous cet angle, le groupe des Psaumes constitue le recueil le plus précieux et le plus utile des sentiments de dévotion que les hommes aient jamais rassemblé avant le XXième siècle. L'esprit d'adoration de ce recueil d'hommes transcende celui de tous les autres livres sacrés du monde.

L'image panachée de la Déité présentée dans le livre de Job fut élaborée par plus de vingt éducateurs religieux de Mésopotamie au cours d'une période de près de trois cents ans. En lisant le concept sublime de la divinité dans cette compilation de croyances mésopotamiennes, on reconnaît que c'est au voisinage d'Ur en Chaldée que l'idée d'un Dieu réel fut le mieux préservée durant les jours de ténèbres en Palestine.

Les Palestiniens saisissaient souvent la sagesse et la puissance de pénétration universelle de Dieu, mais rarement son amour et sa miséricorde. Le Jéhovah de cette époque « envoie de mauvais esprits pour dominer l'âme de ses ennemis »; il fait prospérer ses propres enfants quand ils obéissent, tandis qu'il maudit tous les autres et leur inflige des désastres. « Il déçoit les projets des astucieux il prend les habiles a leurs propres tromperies ».

C'est seulement à Ur qu'une voix s'éleva pour crier la miséricorde de Dieu en disant: « Il priera Dieu et trouvera sa faveur et verra sa face avec joie, car Dieu donnera à l'homme la divine droiture ». C'est d'Ur que fut prêché en ces termes le salut, la faveur divine par la foi: « Il fait grâce à qui se repent et dit: délivre-le de tomber dans la fosse, car j'ai trouvé une rançon. Si quelqu'un dit: j'ai péché et perverti ce qui était droit, et cela ne m'a pas profité, Dieu délivrera son âme de tomber dans la fosse, et il verra la lumière » (1). Jamais depuis l'époque de Melchizédek, le monde levantin n'avait entendu un aussi vibrant et encourageant message de salut humain que cet extraordinaire enseignement d'Elihu, prophète d'Ur et prêtre des croyants salémites, c'est-à-dire ce qui subsistait de l'ancienne colonie de Melchizédek en Mésopotamie.

C'est ainsi que le reste des missionnaires de Salem en Mésopotamie maintint la lumière de la vérité durant la période de désorganisation des peuplades hébraïques jusqu'à l'apparition du premier de la longue série ininterrompue des instructeurs d'Israël. Concept après concept, ils édifièrent jusqu'à ce qu'ils fussent parvenus à concevoir clairement l'idéal du Père Universel, Auteur de toute la création, et apogée de l'évolution du concept de Jéhovah.

  (1) Job XXXIII-23 et parallèles.

 

[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]

95. Les enseignements de Melchizédek au moyen-orient

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Category: 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
Created: 03 December 2025

LES ENSEIGNEMENTS DE MELCHIZÉDEK AU MOYEN-ORIENT

DE même que l'Inde a donné naissance à bien des religions et des philosophies de l'Asie orientale, de même le Moyen Orient a été le foyer des communautés religieuses de l'Occident. Les missionnaires de Salem se répandirent dans toute l'Asie du sud-ouest, en Palestine, en Mésopotamie, en Égypte, en Iran, et en Arabie, proclamant partout la bonne nouvelle de l'évangile de Machiventa Melchizédek. Dans certains pays, leurs enseignements portèrent des fruits; dans quelques autres, les missionnaires réussirent plus ou moins bien. Les échecs provinrent tantôt d'un manque de sagesse et tantôt de circonstances indépendantes de leur volonté.

1. -- LA RELIGION DE SALEM EN MÉSOPOTAMIE

Vers l'an 2.000 avant J.-C., les religions de Mésopotamie avaient presque entièrement perdu les enseignements des Séthites et se trouvaient largement sous l'influence des croyances primitives de deux groupes d'envahisseurs: les Bédouins sémites qui s'étaient infiltrés en venant du désert occidental, et les cavaliers barbares descendus du nord.

La coutume qu'avaient les premiers peuples adamites d'honorer le septième jour de la semaine ne disparut jamais complètement en Mésopotamie. Seulement, durant l'ère de Melchizédek, le septième jour fut considéré comme le plus malchanceux. Il était dominé par des tabous; pendant ce funeste septième jour, il était contraire à la loi de partir en voyage, de cuire de la nourriture, ou de faire du feu. Les Juifs ramenèrent en Palestine un grand nombre de tabous mésopotamiens qu'ils avaient trouvés à Babylone et qui étaient fondés sur l'observance du septième jour, le sabbatum.

Bien que les éducateurs de Salem eussent beaucoup contribué à raffiner et à rehausser les religions de Mésopotamie, ils ne réussirent pas à obtenir des divers peuples la récognition permanente d'un Dieu unique. Cet enseignement prit le dessus pendant plus de cent cinquante ans, puis s'effaça devant la croyance plus ancienne à une multiplicité de déités.

Les éducateurs de Salem réduisirent considérablement le nombre des dieux de Mésopotamie et ramenèrent à un moment donné les principales déités au nombre de sept: Bel, Shamash, Nabou, Anou, Ea, Mardouk, et Sin. A l'apogée du nouvel enseignement, ils exaltèrent trois de ces dieux à la suprématie sur tous les autres; ce fut la triode babylonienne de Bel, Ea, et Anou, les dieux de la terre, de la mer, et du ciel. D'autres triodes naquirent dans différentes localités; elles étaient toutes une réminiscence des enseignements trinitaires des Andites et des Sumériens, et basées sur la croyance des Salémites à l'emblème des trois cercles de Melchizédek.

Jamais les éducateurs de Salem ne triomphèrent complètement de la popularité d'Ishtar, la mère des dieux et l'esprit de la fécondité sexuelle. Ils contribuèrent beaucoup à raffiner l'adoration de cette déesse, mais les Babyloniens et leurs voisins ne transcendèrent jamais complètement leurs formes déguisées d'adoration du sexe. La pratique pour toutes les femmes de se soumettre, au moins une fois dans leur jeunesse, à l'embrassement d'un étranger s'était répandue dans toute la Mésopotamie; on pensait que c'était une dévotion exigée par Ishtar, et l'on croyait que la fécondité dépendait largement de ce sacrifice sexuel.

Les premiers progrès de l'enseignement de Melchizédek furent hautement satisfaisants jusqu'au moment où Nabodad, chef de l'école de Kish, décida de lancer une attaque concertée contre les pratiques prévalentes de prostitution dans les temples. Les missionnaires de Salem échouèrent dans leur effort pour faire adopter cette réforme sociale et, dans ce naufrage, tous leurs enseignements spirituels et philosophiques plus importants sombrèrent dans la défaite.

Cet insuccès de l'évangile de Salem fut immédiatement suivi d'un grand accroissement du culte d'Ishtar, un rituel qui avait déjà envahi la Palestine sous le nom d'Astaroth, l'Égypte sous celui d'Isis, la Grèce sous celui d'Aphrodite, et les tribus du nord sous celui d'Astarté. Ce fut en liaison avec ce renouveau de l'adoration d'Ishtar que les prêtres de Babylone revinrent à l'observation des étoiles; l'astrologie passa par son dernier grand renouveau en Mésopotamie; les diseurs de bonne aventure furent en vogue, et durant des siècles la prêtrise dégénéra de plus en plus.

Melchizédek avait recommandé à ses disciples d'enseigner la doctrine d'un Dieu unique, Père et Créateur de tout, et de ne prêcher que l'évangile de la faveur divine obtenue par la simple foi. Mais les éducateurs de la nouvelle vérité commirent souvent l'erreur de forcer le mouvement, d'essayer de remplacer l'évolution lente par une révolution soudaine. Les missionnaires de Melchizédek en Mésopotamie proposèrent un niveau moral trop élevé pour le peuple; ils essayèrent d'aller trop loin, et leur noble cause sombra dans la défaite. Leur mandat était de prêcher un évangile précis, de proclamer la vérité que le Père Universel est réel, mais ils s'embrouillèrent en prenant parti pour la cause apparemment valable de réformer les moeurs. Leur grande mission aboutit ainsi à une impasse et se perdit virtuellement dans l'anéantissement et l'oubli.

En une seule génération, le quartier général salémite de Kish cessa toute activité, et la propagande de la croyance en un Dieu unique fut pratiquement arrêtée dans toute la Mésopotamie. Toutefois, des restes des écoles de Salem persistèrent. De petits groupes éparpillés çà et là continuèrent à croire au Créateur unique et luttèrent contre l'idolâtrie des prêtres mésopotamiens.

Ce furent les missionnaires de Salem de la période consécutive au rejet de leur enseignement qui écrivirent nombre des Psaumes de l'Ancien Testament. Ils les gravèrent sur des pierres, où des prêtres hébreux les trouvèrent ultérieurement durant la captivité et les incorporèrent par la suite dans la collection des hymnes attribués à des auteurs juifs. Ces magnifiques psaumes ne furent pas écrits dans les temples de Bel-Mardouk; ils furent l'oeuvre des descendants des premiers missionnaires de Salem et forment un contraste frappant avec les compilations magiques des prêtres babyloniens. Le livre de Job reflète assez bien les enseignements de l'école salémite de Kish et de toute la Mésopotamie.

Une grande partie de la culture religieuse mésopotamienne put s'insérer dans la littérature et la liturgie juives en passant par l'Égypte, grâce au travail d'Aménémope et d'Ikhnaton. Les Égyptiens préservèrent remarquablement bien les enseignements dérivés des premiers Mésopotamiens Andites concernant les obligations sociales, enseignements qui furent si largement perdus par les Babyloniens qui occupèrent plus tard la vallée de l'Euphrate.

2. -- LA RELIGION ÉGYPTIENNE PRIMITIVE

C'est en Égypte, d'où ils se répandirent ensuite en Europe, que les enseignements originels de Melchizédek s'enracinèrent le plus profondément. La religion évolutionnaire de la vallée du Nil se développa périodiquement par l'arrivée de lignées supérieures de Nodites, d'Adamites, et plus tard d'Andites venant de la vallée de l'Euphrate. À certains moments, un grand nombre d'administrateurs civils de l'Égypte furent des Sumériens. De même que l'Inde hébergeait en ces temps le mélange le plus complet des races du monde, de même l'Égypte entretint le type de philosophie religieuse le plus entièrement composite que l'on puisse trouver sur Urantia. De la vallée du Nil, cette philosophie se répandit dans de nombreux pays. Les Juifs reçurent des Babyloniens une grande partie de leurs idées sur la création du monde, mais ils tirèrent des Égyptiens leur concept de la divine Providence.

Ce furent les tendances politiques et morales, plutôt que les penchants philosophiques ou religieux, qui firent mieux accepter les enseignements de Salem par l'Égypte que par la Mésopotamie. Chaque chef de tribu en Égypte, après s'être battu pour accéder au trône, cherchait à perpétuer sa dynastie en proclamant que son dieu tribal était la déité originelle et le créateur de tous les autres dieux. De cette manière, les Égyptiens s'habituèrent graduellement à l'idée d'un super-dieu; c'était un marchepied vers la doctrine ultérieure d'un Dieu créateur universel. Durant bien des siècles, l'idée du monothéisme passa en Égypte par des hauts et des bas; la croyance en une Déité unique gagnait toujours du terrain, mais ne domina jamais tout à fait les concepts évoluants du polythéisme.

Pendant des âges, les Égyptiens s'étaient adonnés à l'adoration des dieux de la nature. En particulier, chacune des quarante et quelque tribus séparées avait un dieu collectif spécial, l'une adorant le taureau, une autre le lion, une troisième le bélier, et ainsi de suite. Auparavant, elles avaient été des tribus à totems, très semblables à celles des Amérindiens.

Avec le temps, les Égyptiens remarquèrent que les cadavres placés dans des tombeaux sans briques étaient préservés -- embaumés par l'action du sable imprégné de soude, tandis que les cadavres inhumés dans des voûtes de briques pourrissaient. Ces observations conduisirent aux expériences qui aboutirent plus tard à la pratique d'embaumer les morts. Les Égyptiens croyaient que la conservation du corps facilitait la traversée de la vie future. Afin que la personne puisse être convenablement identifiée dans l'avenir lointain après la dissolution de son corps, ils plaçaient une statue funéraire dans le tombeau pour accompagner le cadavre et sculptaient un portrait du mort sur le cercueil. La confection de ces statues funéraires fit faire de grands progrès à l'art égyptien.

Pendant des siècles, les Égyptiens placèrent leur confiance dans les tombeaux pour la sauvegarde des corps et la survie agréable qui en résultait après la mort. L'évolution ultérieure des pratiques magiques, bien qu'elles fussent encombrantes depuis le berceau jusqu'à la tombe, les délivra efficacement de la religion des sépultures. Les prêtres inscrivaient sur les cercueils des formules magiques dont on croyait qu'elles protégeaient un homme contre le risque « de se voir enlever son coeur dans le monde inférieur ». Bientôt l'on collectionna un assortiment varié de ces textes magiques et on le conserve sous la forme du Livre des Morts. Mais, dans la vallée du Nil, le rituel magique fut imbriqué de bonne heure dans les domaines de la conscience et du caractère, à un degré rarement atteint par les rites de cette époque. Ultérieurement on compta davantage, pour le salut, sur ces idéaux éthiques et moraux que sur des tombeaux compliqués.

Les superstitions de cette époque sont bien illustrées par la croyance générale à l'efficacité des crachats comme agents de guérison; cette idée prit naissance en Égypte et se répandit de là en Arabie et en Mésopotamie. Dans la bataille légendaire d'Horus contre Set, le jeune dieu perdit un oeil, mais après la défaite de Set, l'oeil fut restauré par le sage dieu Thoth qui cracha sur la plaie et la guérit (1).

  (1) Cf. Jean IX-6.

Les Égyptiens crurent longtemps que le scintillement des étoiles dans le ciel nocturne représentait la survie des âmes des morts dignes de louanges; ils pensaient que les autres survivants étaient absorbés par le soleil. Durant une certaine période, la vénération solaire devint une espèce de culte des ancêtres. Le passage incliné d'entrée dans la grande pyramide était orienté directement vers l'Étoile Polaire afin que l'âme du roi, quand elle émergerait du tombeau, puisse aller tout droit dans les constellations stationnaires et établies des étoiles fixes, que l'on supposait être la demeure des rois.

Quand on voyait les rayons obliques du soleil pénétrer vers la terre par une ouverture dans les nuages, on croyait qu'ils indiquaient l'abaissement d'un escalier céleste par lequel le roi et d'autres âmes droites pouvaient monter. « Le roi Pépi a abaissé son rayonnement comme un escalier sous ses pieds pour permettre de monter jusqu'à sa mère ».

Lors de l'incarnation de Melchizédek, les Égyptiens avaient une religion très supérieure à celle des peuples environnants. Ils croyaient qu'une âme désincarnée, si elle était convenablement armée de formules magiques, pouvait éviter les mauvais esprits intermédiaires et parvenir à la salle de jugement d'Osiris, où elle serait admise dans les royaumes de la félicité si elle n'était pas coupable « de meurtre, de brigandage, de fausseté, d'adultère, de vol ou d'égoïsme ». Si l'âme était pesée dans les balances et trouvée en défaut, elle était consignée aux enfers, à la Dévoratrice. C'était un concept relativement avancé de la vie future en comparaison avec les croyances de beaucoup de peuples voisins.

Le concept du jugement dans l'au-delà pour les péchés d'une vie incarnée sur terre, qui fut introduit dans la théologie des Hébreux, provenait d'Égypte. Le mot jugement n'apparaît qu'une seule fois dans ce sens au cours de tout le livre hébreu des Psaumes, et le psaume en question fut écrit par un Égyptien.

3. -- L'ÉVOLUTION DES CONCEPTS MORAUX

Bien que la culture et la religion d'Égypte aient principalement tiré leur origine des Andites de Mésopotamie et aient été largement transmises aux civilisations subséquentes par les Hébreux et les Grecs, une grande, une très grande partie de l'idéalisme éthique et social des Égyptiens naquit évolutivement dans la vallée du Nil. Nonobstant l'importation en grande quantité des vérités et de la culture d'origine andite, une culture morale propre à l'Égypte s'y développa d'une manière purement évolutionnaire. Avant l'effusion de Micaël, les techniques naturelles similaires n'avaient fait apparaître une culture équivalente dans aucune autre zone circonscrite du monde.

L'évolution morale ne dépend pas entièrement de la révélation. Les hommes peuvent tirer de leur propre expérience des concepts moraux élevés. Ils peuvent même faire apparaître par évolution des valeurs spirituelles et tirer des clartés cosmiques de leur propre vie expérientielle, parce qu'un esprit divin les habite. Dans la vallée du Nil, ces évolutions naturelles de conscience et de caractère furent accélérées par l'arrivée périodique d'instructeurs de la vérité venus du second Éden dans la haute antiquité, et plus tard du quartier général de Melchizédek à Salem.

Des milliers d'années avant que l'évangile de Salem eût pénétré en Égypte, ses dirigeants moraux y enseignaient qu'il fallait être équitable et juste et éviter l'avarice. Trois mille ans avant la rédaction des Écritures hébraïques, les Égyptiens avaient pour devise: « Affermi est l'homme qui prend la droiture pour modèle et qui marche selon ses voies ». Ils enseignaient la douceur, la modération, et la discrétion. L'un des grands éducateurs de cette époque donna comme message: « Respectez le droit de tous et traitez chacun avec justice ». La triode égyptienne de cette époque était Vérité -- Justice -- Droiture. Parmi toutes les religions purement humaines d'Urantia, nulle ne surpassa les idéaux sociaux et la grandeur morale de cet humanisme de jadis dans la vallée du Nil.

Les doctrines survivantes de la religion de Salem purent fleurir dans le terrain de ces idées éthiques et de ces idéaux moraux en évolution. Les concepts du bien et du mal trouvèrent une prompte réponse dans le coeur d'un peuple qui croyait que « la vie est donnée aux débonnaires et la mort aux coupables », que « le débonnaire est celui qui fait ce que l'on aime; le coupable fait ce que l'on déteste ». Durant des siècles, les habitants de la vallée du Nil avaient vécu selon ces critères éthiques et sociaux qui émergèrent avant qu'ils eussent jamais entretenu les concepts ultérieurs du juste et du faux -- du bien et du mal.

L'Égypte était intellectuelle et morale, mais assez peu spiritualiste. En six mille ans, quatre grands prophètes seulement s'élevèrent parmi les Égyptiens: Aménémope, Okhban, Ikhnaton, et Moïse. Les Égyptiens suivirent le premier pendant un temps, ils assassinèrent le second, ils acceptèrent le troisième sans enthousiasme pendant une brève génération, et ils rejetèrent le quatrième. À nouveau ce furent des circonstances politiques plutôt que religieuses qui rendirent facile à Abraham, et plus tard à Joseph, d'exercer une grande influence dans toute l'Égypte avec l'enseignement salamite d'un Dieu unique. Quand les missionnaires de Salem entrèrent pour la première fois en Égypte, ils y trouvèrent cette culture évolutionnaire hautement éthique mêlée aux critères moraux modifiés des immigrants de Mésopotamie. Les éducateurs de la vallée du Nil furent les premiers à proclamer que la conscience était le commandement de Dieu, la voix de la Déité.

4. -- LES ENSEIGNEMENTS D'AMÉNÉMOPE

En temps voulu, il s'éleva en Égypte un instructeur que beaucoup appelèrent le « fils de l'homme » et d'autres Aménémope. Ce voyant exalta la conscience au point d'en faire l'arbitre supérieur du bien et du mal, enseigna que les péchés seraient punis, et proclama le salut par appel à la déité solaire.

Aménémope enseigna que les richesses et la fortune étaient des dons de Dieu, concept qui colora entièrement la philosophie hébraïque apparue plus tard. Ce noble éducateur croyait que la conscience de Dieu était le facteur déterminant de toute conduite, qu'il fallait vivre à chaque instant en ayant conscience de la présence de Dieu et de notre responsabilité envers lui. Par la suite, les enseignements de ce sage furent traduits en hébreu et devinrent le livre sacré de ce peuple bien avant que l'Ancien Testament n'eût été écrit. Le principal sermon de cet homme de bien concernait l'instruction de son fils quant à la rectitude et à l'honnêteté à observer dans les postes de confiance gouvernementaux; ces nobles sentiments d'un lointain passé honoreraient n'importe quel homme d'État moderne.

Ce sage du Nil enseigna que « les richesses prennent des ailes et s'envolent » -- que toutes les choses terrestres sont évanescentes. Sa grande prière était « d'être délivré de la peur ». En substance, il enseigna que l'homme propose mais que Dieu dispose. Traduits en hébreu, ses enseignements déterminèrent la philosophie du Livre des Proverbes de l'Ancien Testament. Traduits en grec, ils donnèrent sa couleur à toute la philosophie religieuse hellénique subséquente. Philon, le philosophe ultérieur d'Alexandrie, possédait un exemplaire du Livre de la Sagesse.

Aménémope fit le nécessaire pour conserver l'éthique de l'évolution et la morale de la révélation; par ses écrits, il les transmit aussi bien aux Hébreux qu'aux Grecs. Il ne fut pas le plus grand éducateur religieux de cet âge, mais il fut le plus influent, en ce sens qu'il colora la pensée ultérieure de deux chaînons essentiels de la civilisation occidentale -- les Hébreux, qui menèrent la foi religieuse occidentale à son apogée, et les Grecs, qui développèrent la pensée purement philosophique jusqu'à ses plus hauts sommets européens.

Dans le Livre des Proverbes Hébreux, les chapitres XV, XVII, XX, et le chapitre XXII depuis le verset 17 jusqu'au chapitre XXIV verset 22 sont tirés à peu près mot à mot du Livre de la Sagesse d'Aménémope. Le Psaume à du Livre hébreu des Psaumes fut écrit par Aménémope et forme le coeur des enseignements d'Ikhnaton.

5. -- LE REMARQUABLE IKHNATON

Les enseignements d'Aménémope perdaient lentement leur emprise sur la pensée égyptienne lorsque, sous l'influence d'un médecin salémite égyptien, une femme de la famille royale adopta les enseignements de Melchizédek. Cette femme décida son fils Ikhnaton, pharaon d'Égypte, à accepter la doctrine d'un Dieu Unique.

Depuis la fin de l'incarnation de Melchizédek, nul être humain n'avait possédé de la religion révélée de Salem un concept d'une aussi étonnante clarté qu'Ikhnaton. Sous certains rapports, ce jeune roi égyptien est l'une des personnalités les plus remarquables de l'histoire de l'humanité. Durant cette époque de dépression spirituelle croissante en Mésopotamie, il conserva vivante en Égypte la doctrine d'El Elyon, le Dieu Unique. Il maintint ainsi ouvert le chenal de philosophie monothéiste essentiel à l'arrière-plan religieux de la future effusion de Micaël. Entre autres raisons, ce fut en récognition de cet exploit que l'enfant Jésus fut emmené en Égypte où certains successeurs spirituels d'Ikhnaton le virent et comprirent quelque peu certaines phases de sa mission divine sur Urantia.

Moïse, le plus grand caractère apparu entre Melchizédek et Jésus, fut donné conjointement au monde par la race hébraïque et la famille royale égyptienne. Si Ikhnaton avait été doué de la variété de talents et des aptitudes de Moïse, s'il avait manifesté un génie politique comparable à sa surprenante autorité religieuse, alors l'Égypte serait devenue la plus grande nation monothéiste de cette époque. Et si cela était advenu, il est possible que Jésus aurait vécu en Égypte la plus grande partie de sa vie terrestre.

Jamais dans toute l'histoire un roi ne s'employa aussi méthodiquement que cet extraordinaire Ikhnaton à faire passer une nation tout entière du polythéisme au monothéisme. Avec une résolution stupéfiante, ce jeune souverain rompit avec le passé, changea son nom, abandonna sa capitale, bâtit une ville entièrement nouvelle, et créa une littérature et un art nouveaux pour un peuple entier. Mais il alla trop vite et construisit trop, plus qu'il n'en pouvait subsister après son départ. En outre, il n'assura pas la stabilité et la prospérité matérielles de ses sujets, et ceux-ci réagirent tous défavorablement contre ses enseignements religieux quand les flots ultérieurs d'adversité et d'oppression balayèrent l'Égypte.

Si cet homme étonnamment clairvoyant et extraordinairement concentré sur un dessein unique avait eu la sagacité politique de Moïse, il aurait changé toute l'histoire évolutionnaire de la religion et de la révélation de la vérité dans le monde occidental. Durant sa vie, il fut capable de refréner les activités des prêtres, qu'il tenait généralement en piètre estime; mais ceux-ci maintinrent secrètement leurs cultes et se jetèrent dans l'action aussitôt que le jeune roi cessa d'exercer le pouvoir; ils ne furent pas longs à attribuer toutes les difficultés subséquentes de l'Égypte à l'instauration du monothéisme durant son règne.

Très sagement, Ikhnaton chercha à établir la doctrine d'un Dieu unique sous l'apparence du dieu-soleil. Cette décision d'approcher l'adoration du Père Universel en absorbant tous les dieux dans l'adoration du soleil était due aux conseils du médecin salémite. Il existait alors une religion, dite d'Aton, concernant la paternité et la maternité de Dieu; Ikhnaton en reprit les doctrines répandues et créa une religion qui reconnaissait une relation intime d'adoration entre l'homme et Dieu.

Ikhnaton fut assez sage pour maintenir le culte extérieur d'Aton, le dieu du soleil, tout en amenant son entourage au culte déguisé du Dieu Unique, créateur d'Aton et Père de tous. Ce jeune instructeur-roi fut un écrivain prolifique, auteur de l'exposé intitulé « Le Dieu Unique », un livre de trente-neuf chapitres que les prêtres détruisirent complètement quand ils reprirent le pouvoir. Ikhnaton écrivit aussi cent trente-sept hymnes, dont douze sont actuellement conservés dans le Livre des Psaumes de l'Ancien Testament et attribués à des auteurs hébreux.

Le mot suprême d'Ikhnaton dans la religion de la vie quotidienne était «droiture »; il amplifia rapidement le concept de la bonne action jusqu'à lui faire inclure l'éthique internationale aussi bien que l'éthique nationale. Ce fut une génération de piété personnelle étonnante caractérisée par une aspiration authentique, chez les hommes et femmes les plus intelligents, à trouver Dieu et à le connaître. À cette époque, nul Égyptien ne pouvait tirer avantage aux yeux de la loi de sa position sociale ou de sa richesse. La vie de famille en Égypte contribua beaucoup à préserver et à développer la culture morale; elle inspira plus tard la merveilleuse vie de famille des Juifs en Palestine.

La faiblesse fatale de l'évangile d'Ikhnaton fut sa plus grande vérité, l'enseignement qu'Aton n'était pas seulement le créateur de l'Égypte, mais aussi « du monde entier, des hommes et des bêtes, et de tous les pays étrangers, même de la Syrie et de Koush, en plus de ce pays d'Égypte. Il met chacun en place et pourvoit aux besoins de tous ». Ces concepts de la Déité étaient élevés et supérieurs, mais non nationalistes. Le sentiment que la religion était internationale ne réussit pas à relever le moral de l'armée égyptienne sur le champ de bataille, et en même temps il fournit aux prêtres des armes efficaces contre le jeune roi et sa nouvelle religion. Son concept de la Déité était bien supérieur à celui des Hébreux, mais trop avancé pour servir les desseins d'un bâtisseur de nation.

L'idéal monothéiste souffrit de la disparition d'Ikhnaton, mais l'idée d'un Dieu unique persista dans la pensée de nombreux groupes. Le gendre d'Ikhnaton se rangea du côté des prêtres, revint à l'adoration des anciens dieux, et changea son nom en celui de Toutankhamon. Thèbes redevint la capitale; les prêtres s'engraissèrent sur le pays et finirent par posséder un septième de toute l'Égypte. Un membre de ce même ordre de prêtres eut bientôt l'audace de s'emparer de la couronne.

Cependant les prêtres ne purent triompher entièrement de la vague monothéiste. Ils furent progressivement contraints de fusionner leurs dieux et de leur donner des noms composés; la famille des dieux se contracta de plus en plus. Ikhnaton avait associé le disque flamboyant des cieux avec le Dieu créateur, et cette idée continua à brûler dans le coeur des hommes, même des prêtres, longtemps après le trépas du jeune réformateur. Le concept du monothéisme ne mourut jamais dans le coeur des Égyptiens et du reste du monde. Il persista jusqu'à l'arrivée du Fils Créateur de ce même Père divin qu'Ikhnaton avait présenté avec tant de zèle à l'adoration de toute l'Égypte.

La faiblesse de la doctrine d'Ikhnaton résidait dans le fait qu'il proposait une religion tellement évoluée que seuls les Égyptiens instruits pouvaient en comprendre pleinement les enseignements. Les ouvriers agricoles du commun ne saisirent jamais réellement son évangile et en conséquence se trouvaient prêts à revenir, avec les prêtres, à l'ancienne adoration d'Isis et de son conjoint Osiris; on supposait que ce dernier était miraculeusement ressuscité d'une mort cruelle infligée par Set, le dieu des ténèbres et du mal.

L'enseignement que tous les hommes pouvaient atteindre l'immortalité était trop avancé. Pour les Égyptiens, la résurrection n'était promise qu'aux rois et aux riches; c'est pourquoi ils apportaient tant de soin à embaumer et à préserver les corps dans des tombeaux en vue du jour du jugement. Cependant la démocratie du salut et de la résurrection telle qu'Ikhnaton l'enseigna finit par prévaloir, même au point que les Égyptiens crurent plus tard à la survie des animaux.

Bien que l'effort de ce souverain égyptien pour imposer à son peuple l'adoration d'un Dieu unique apparaisse comme ayant échoué, il faut noter que les répercussions de son oeuvre se firent sentir pendant des siècles en Palestine et en Grèce, et que l'Égypte devint ainsi l'agent qui transmit à tous les peuples occidentaux ultérieurs la combinaison de la culture évolutionnaire du Nil et de la religion révélée de l'Euphrate.

La gloire de cette grande ère de développement moral et de croissance spirituelle dans la vallée du Nil était en voie de disparition rapide à l'époque où commença la vie nationale des Hébreux. À la suite de leur séjour en Égypte, ils emportèrent bien des enseignements d'Ikhnaton et perpétuèrent nombre de ses doctrines dans leur religion raciale.

6. -- LES DOCTRINES DE SALEM EN IRAN

De Palestine, quelques missionnaires de Melchizédek se rendirent sur le grand plateau iranien en passant par la Mésopotamie. Pendant plus de cinq cents ans, les éducateurs de Salem progressèrent en Iran. Toute la nation s'orientait vers la religion de Melchizédek lorsqu'un changement de dirigeants précipita une implacable persécution qui mit pratiquement fin aux enseignements monothéistes du culte de Salem. La doctrine de l'alliance avec Abraham avait virtuellement disparu en Perse lorsqu'au sixième siècle avant le Christ, ce grand siècle de renaissance morale, Zoroastre apparut pour ranimer la flamme presque éteinte de l'évangile de Salem.

Ce fondateur d'une nouvelle religion était un jeune homme viril et aventureux. Au cours de son premier pèlerinage à Ur en Mésopotamie, il avait entendu parler des traditions de Caligastia et de la rébellion de Lucifer -- en même temps que de nombreuses autres traditions -- qui avaient toutes fortement séduit sa nature religieuse. A Ur, il eut un rêve à la suite duquel il se fixa le programme de retourner au nord dans son foyer et d'entreprendre le remodelage de la religion de son peuple. Il avait assimilé l'idée hébraïque d'un Dieu de justice, le concept mosaïque de la divinité. L'idée d'un Dieu suprême était claire dans sa pensée; il rabaissa tous les autres dieux au rang de diables, et les rangea parmi les démons dont il avait entendu parler en Mésopotamie. En tant que vague tradition à Ur, il avait appris l'histoire des Sept Maîtres Esprits, et en conséquence il créa une galaxie de sept dieux suprêmes où Ahura-Mazda dominait. Il associa les six dieux subordonnés à l'idéalisation de la Juste Loi, de la Bonne Pensée, du Noble Gouvernement, du Saint Caractère, de la Santé, et de l'Immortalité.

Il s'agissait d'une nouvelle religion d'action -- de travail -- et non de prières et de rites. Son Dieu était un être suprêmement sage et protecteur de la civilisation. C'était une philosophie religieuse militante qui osait combattre le mal, l'inaction, et le retard mental.

Zoroastre n'enseigna pas l'adoration du feu, mais chercha à utiliser la flamme comme symbole du pur et sage Esprit de domination universelle et suprême. (Il est malheureusement vrai que ses disciples ultérieurs révérèrent et adorèrent ce feu symbolique.) Finalement, après la conversion d'un prince iranien, cette nouvelle religion fut répandue par l'épée, et Zoroastre mourut héroïquement dans la bataille pour ce qu'il croyait être « la vérité du Seigneur de lumière ».

Le Zoroastrisme est le seul credo urantien qui ait perpétué les enseignements de Dalamatia et d'Éden au sujet des Sept Maîtres Esprits. Il ne réussit pas à développer le concept de la Trinité mais, sous certains rapports, il approcha de celui de Dieu le Septuple. Le zoroastrisme originel n'était pas un pur dualisme; il est vrai que le mal était décrit par les enseignements initiaux comme complémentaire de la bonté dans le temps, mais il était nettement englouti pour l'éternité dans la réalité ultime du bien. C'est seulement plus tard que l'on ajouta foi à la croyance que le bien et le mal luttaient à égalité.

Les traditions juives du ciel et de l'enfer et la doctrine des démons, telles que les rapportent les Écritures hébraïques, trouvaient une base dans les vagues traditions de Lucifer et de Caligastia, mais elles provenaient principalement des Zoroastriens à l'époque où les Juifs se trouvaient sous la domination politique et culturelle des Persans. À l'instar des Égyptiens, Zoroastre enseigna le « jour du jugement », mais il lia cet événement à la fin du monde.

Le zoroastrisme influença notablement la religion qui lui succéda en Perse. Quand les prêtres iraniens cherchèrent à ruiner les enseignements de Zoroastre, ils ressuscitèrent l'ancien culte de Mithra. Le mithracisme se répandit dans le Moyen Orient et dans le bassin de la Méditerranée; pendant un certain temps, il fut contemporain à la fois du judaïsme et du christianisme. Les enseignements de Zoroastre laissèrent donc successivement leur empreinte sur trois grandes religions: sur le judaïsme, sur le christianisme, et à travers eux, sur le mahométisme.

Il y a loin entre les enseignements élevés et les nobles psaumes de Zoroastre, et les perversions modernes de son évangile par les Parsis avec leur grande peur des morts doublée du maintien de la croyance en des sophismes que Zoroastre ne s'abaissa jamais à sanctionner.

Ce grand homme fut l'une des personnalités du groupe extraordinaire qui surgit au sixième siècle avant le Christ pour empêcher l'extinction finale et définitive de la lumière de Salem qui brûlait si faiblement pour montrer aux hommes, dans leur monde enténébré, le sentier lumineux qui conduit à la vie éternelle.

7. -- LES ENSEIGNEMENTS DE SALEM EN ARABIE

Les enseignements de Melchizédek sur le Dieu unique ne s'affermirent dans le désert d'Arabie qu'à une date relativement récente. De même qu'en Grèce, les missionnaires de Salem échouèrent en Arabie parce qu'ils avaient mal compris les instructions de Machiventa au sujet de l'excès d'organisation. Ils avaient mieux interprété son exhortation contre tous les efforts pour répandre l'évangile par la force militaire ou la contrainte civile, et ne furent pas gênés sur ce point.

Même en Chine et à Rome, les enseignements de Melchizédek n'échouèrent nulle part plus complètement que dans cette région désertique si proche de Salem elle-même. Longtemps après que les peuples de l'Orient et de l'Occident fussent en majorité devenus respectivement bouddhistes et chrétiens, ceux du désert d'Arabie continuaient à vivre comme ils l'avaient fait pendant des millénaires. Chaque tribu adorait son ancien fétiche, et bien des familles avaient leurs dieux lares individuels. La lutte continua longtemps entre l'Ishtar babylonienne, le Jéhovah hébreu, l'Ahura iranien, et le Père chrétien du Seigneur Jésus-Christ. Jamais un concept unique ne réussit à remplacer entièrement tous les autres en Arabie.

Ça et là, certaines familles et certains clans n'abandonnaient pas la vague idée du Dieu unique. Ces groupes chérissaient les traditions de Melchizédek, d'Abraham, de Moïse, et de Zoroastre. De nombreux centres auraient pu répondre à l'évangile de Jésus, mais les missionnaires chrétiens des pays du désert formaient un groupe austère et inflexible, contrastant avec les missionnaires innovateurs des régions méditerranéennes, qui admettaient des compromis. Si les disciples de Jésus avaient pris plus au sérieux son injonction « d'aller dans le monde entier pour y prêcher l'évangile » et s'ils avaient été plus affables en le prêchant, moins stricts dans les exigences sociales collatérales inventées par eux-mêmes, alors bien des pays, y compris l'Arabie, auraient reçu avec joie le simple évangile du fils du charpentier.

Malgré le fait que les grands monothéismes du Moyen Orient n'aient pas réussi à prendre racine en Arabie, cette terre désertique put donner naissance à une foi, sans doute moins sévère dans ses exigences sociales, mais néanmoins monothéiste.

Les croyances primitives et inorganisées du désert ne comportaient qu'un seul facteur commun de nature tribale, raciale, ou nationale: c'était le respect particulier et général que presque toutes les tribus arabes acceptaient de manifester envers une certaine pierre noire fétiche dans un certain temple à La Mecque. Ce point commun de contact et de vénération conduisit ultérieurement à l'établissement de la religion islamique. La pierre de la Kaaba devint pour les Arabes l'équivalent de ce que représentait Jéhovah, l'esprit du volcan, pour leurs cousins les Juifs sémites.

La force de l'Islam a résidé dans sa présentation bien nette et bien précise d'Allah comme la seule et unique Déité. Sa faiblesse fut d'associer la force militaire à cette promulgation, et aussi de dégrader les femmes. Mais l'Islam a fermement maintenu sa présentation de l'Unique Dieu Universel de tous « qui connaît le visible et l'invisible et qui est le miséricordieux et le compatissant ». « En vérité Dieu distribue abondamment sa bonté à tous les hommes ». « Et quand je suis malade, c'est lui qui me guérit ». « Là où trois personnes au moins parlent ensemble, Dieu est présent comme une quatrième », car n'est-il pas « le premier et le dernier, et aussi le vu et le caché? »

 

[Présenté par un Melchizédek de Nébadon.]

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