La cosmogonie d'Urantia
La première publication française du Livre d'Urantia

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  • 1. L'UNIVERS CENTRAL ET LES SUPERUNIVERS
    • Introduction
    • 1. Le père universel
    • 2. La nature de Dieu
    • 3. Les attributs de Dieu
    • 4. Relations de Dieu avec l'univers
    • 5. Relations de Dieu avec les individus
    • 6. Le fils éternel
    • 7. Relations du fils éternel avec l'univers
    • 8. L'esprit infini
    • 9. Relations de l'esprit infini avec l'univers
    • 10. La trinité du Paradis
    • 11. L’île éternelle du Paradis
    • 12. L'univers des univers
    • 13. Les sphères sacrées du Paradis
    • 14. L'univers central et divin
    • 15. Les sept superunivers
    • 16. Les sept maîtres esprits
    • 17. Les sept groupes spirituels suprêmes
    • 18. Les personnalités suprêmes de la trinité
    • 19. Les êtres coordonnés d'origine trinitaire
    • 20. Les fils paradisiaques de Dieu
    • 21. Les fils paradisiaques créateurs
    • 22. Les fils de Dieu trinitisés
    • 23. Les messagers solitaires
    • 24. Personnalités supérieures de l'esprit infini
    • 25. Les armées des messagers de l'espace
    • 26. Les esprits tutélaires de l'univers central
    • 27. Le ministère des supernaphins primaires
    • 28. Esprits tutélaires des superunivers
    • 29. Les directeurs de pouvoir de l'univers
    • 30. Personnalités du grand univers
    • 31. Le corps de la finalité
  • 2. L'UNIVERS LOCAL
    • 32. L'évolution des univers locaux
    • 33. Administration de l'univers local
    • 34. L'esprit mère de l'univers local
    • 35. Les fils de Dieu de l'univers local
    • 36. Les porteurs de vie
    • 37. Personnalités de l'univers local
    • 38. Esprits tutélaires de l'univers local
    • 39. Les armés séraphiques
    • 40. Les fils ascendants de Dieu
    • 41. Aspects physiques de l'univers local
    • 42. Energie - pensée et matière
    • 43. Les constellations
    • 44. Les artisans célestes
    • 45. L'administration du système local
    • 46. Le siège du système local
    • 47. Les sept mondes des maisons
    • 48. La vie morontielle
    • 49. Les mondes habités
    • 50. Les princes planétaires
    • 51. Les Adams planétaires
    • 52. Stades planétaires de la vie humaine
    • 53. La rébellion de Lucifer
    • 54. Problèmes de la rébellion de Lucifer
    • 55. Les sphères de lumière et de vie
    • 56. Unité universelle
  • 3. L'HISTOIRE D'URANTIA
    • 57. L'origine d'Urantia
    • 58. L'établissement de la vie sur Urantia
    • 59. L'ère de la vie marine sur Urantia
    • 60. Urantia pendant l'ère de la vie terrestre primitive
    • 61. L'ère des mammifères sur Urantia
    • 62. Les races à l'aurore de l'homme primitif
    • 63. La première famille humaine
    • 64. Les races évolutionnaires de couleur
    • 65. Le supercontrôle de l'évolution
    • 66. Le prince planétaire d'Urantia
    • 67. La rébellion planétaire
    • 68. L'aurore de la civilisation
    • 69. Les institutions humaines primitives
    • 70. L'évolution du gouvernement humain
    • 71. Développement de l'état
    • 72. Un gouvernement sur une planète voisine
    • 73. Le jardin d’Éden
    • 74. Adam et Ève
    • 75. La faute d'Adam et d’Ève
    • 76. Le second jardin
    • 77. Les créatures médianes
    • 78. La race violette après les jours d'Adam
    • 79. L'expansion Andite en orient
    • 80. L'expansion Andite en occident
    • 81. Développement de la civilisation moderne
    • 82. L'évolution du mariage
    • 83. L'institution du mariage
    • 84. Le mariage et la vie familiale
    • 85. Les origines de l'adoration
    • 86. L'évolution primitive de la religion
    • 87. Le culte des fantômes
    • 88. Fétiches, amulettes, et magie
    • 89. Péché, sacrifice, et expiation
    • 90. Le chamanisme - guérisseurs et prêtres
    • 91. L'évolution de la prière
    • 92. L'évolution ultérieure de la religion
    • 93. Machiventa Melchizédek
    • 94. Les enseignements de Melchizédek en orient
    • 95. Les enseignements de Melchizédek au moyen-orient
    • 96. Jéhovah, le Dieu des Hébreux
    • 97. L'évolution du concept de Dieu chez les Hébreux
    • 98. Les enseignements de Melchizédek en occident
    • 99. Les problèmes sociaux de la religion
    • 100. La religion dans l'expérience humaine
    • 101. La nature réelle de la religion
    • 102. Les fondements de la foi religieuse
    • 103. La réalité de l'expérience religieuse
    • 104. Croissance du concept de la trinité
    • 105. Déité et réalité
    • 106. Les niveaux universels de réalité
    • 107. Origine et nature des ajusteurs de pensée
    • 108. Mission et ministère des ajusteurs de pensée
    • 109. Relations des ajusteurs avec les créatures de l'univers
    • 110. Relations des ajusteurs avec les mortels individuels
    • 111. L'ajusteur et l'âme
    • 112. La survivance de la personnalité
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    • 114. Le gouvernement planétaire des Séraphins
    • 115. L'être suprême
    • 116. Le tout-puissant suprême
    • 117. Dieu le Suprême
    • 118. Le Suprême et l'Ultime - temps et espace
    • 119. Les effusions de Christ Micael
  • 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
    • 120. Effusion de Micael sur Urantia
    • 121. L’époque de l'effusion de Micael
    • 122. Naissance et petite enfance de Jésus
    • 123. La prime enfance de Jésus
    • 124. La dernière partie de l'enfance de Jésus
    • 125. Jésus à Jérusalem
    • 126. Les deux années décisives
    • 127. Les années d'adolescence
    • 128. La vie de jeune homme de Jésus
    • 129. Suite de la vie d'adulte de Jésus
    • 130. Sur le chemin de Rome
    • 131. Les religions du monde
    • 132. Le séjour à Rome
    • 133. Le retour de Rome
    • 134. Les années de transition
    • 135. Jean le baptiste
    • 136. Le baptême et les quarante jours
    • 137. Séjour en Galilée
    • 138. La formation des messagers du royaume
    • 139. Les douze apôtres
    • 140. L'ordination des douze
    • 141. Le commencement de l'oeuvre publique
    • 142. La pâque à Jérusalem
    • 143. La traversée de la Samarie
    • 144. À Gilboa et dans la Décapole
    • 145. Quatre journées mémorables à Capharnaüm
    • 146. La première tournée de prédication en Galilée
    • 147. La visite intérimaire à Jérusalem
    • 148. La formation d'évangélistes à Bethsaïde
    • 149. La seconde tournée de prédication
    • 150. La troisième tournée de prédication
    • 151. Séjour et enseignement au bord de la mer
    • 152. Les prodromes de la crise de Capharnaüm
    • 153. La crise à Capharnaüm
    • 154. Derniers jours à Capharnaüm
    • 155. En fuite à travers la Galilée du nord
    • 156. Le séjour à Tyr et à Sidon
    • 157. A Césarée-Philippe
    • 158. La montagne de la transfiguration
    • 159. La tournée en Décapole
    • 160. Rodan d'Alexandrie
    • 161. Suite des discussions avec Rodan
    • 162. À la fête des tabernacles
    • 163. L'ordination des 70 à Magadam
    • 164. La fête de la dédicace
    • 165. La mission en Pérée commence
    • 166. Dernière tournée en Pérée du nord
    • 167. Le séjour à Philadelphie
    • 168. La résurrection de Lazare
    • 169. Derniers enseignements à Pella
    • 170. Le royaume des cieux
    • 171. Sur le chemin de Jérusalem
    • 172. L'entrée à Jérusalem
    • 173. Le lundi à Jérusalem
    • 174. Le mardi matin au temple
    • 175. Le dernier discours au temple

 

 

 

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4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS

159. La tournée en Décapole

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Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
Created: 09 December 2025

LA TOURNÉE EN DÉCAPOLE

LORSQUE Jésus et les douze arrivèrent au Parc de Magadan, ils y trouvèrent une centaine de disciples et d'évangélistes, y compris le groupe féminin, qui les attendaient. Tous étaient prêts à partir immédiatement pour la tournée d'enseignement et de prédication en Décapole.

Ce jeudi matin 18 août de l'an 29, le Maître réunit ses disciples et ordonna que chacun de ses apôtres s'associe avec l'un des douze apôtres de Jean, que d'autres évangélistes se joignent à eux, et que les douze groupes ainsi constitués partent oeuvrer dans les villes et villages de la Décapole. Quant au corps évangélique féminin et aux autres évangélistes, il leur ordonna de rester auprès de lui. Jésus accorda à ses disciples quatre semaines pour faire cette tournée et leur ordonna de revenir a Magadan au plus tard le vendredi 16 septembre. Il promit de leur rendre fréquemment visite entre temps. Au cours de ce mois, les douze groupes opérèrent à Gérasa, Gamala, Hippos, Zaphon, Gadara, Abila, Edréi, Philadelphie, Hesbon, Dium, Scythopolis, et dans bien d'autres villes. Durant cette tournée, aucune guérison miraculeuse n'eut lieu et aucun événement extraordinaire ne se produisit.

1. — LE SERMON SUR LE PARDON

Un soir à Hippos, en réponse à la question d'un disciple, Jésus enseigna la leçon sur le pardon. Le Maître dit: « Si un homme de coeur a cent brebis, et si l'une d'entre elles s'égare, n'abandonnera-t-il pas aussitôt les quatre-vingt-dix-neuf pour partir à la recherche de celle qui s'est égarée? S'il est un bon berger, ne poursuivra-t-il pas ses recherches jusqu'à ce qu'il l'ait trouvée? Alors, quand le berger a retrouvé sa brebis perdue, il la charge sur son épaule, rentre chez lui en se réjouissant, et crie au passage à ses amis et voisins: « Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé ma brebis perdue ». Je proclame qu'il y a plus de joie au ciel pour un pêcheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de se repentir. Cependant, il n'est pas conforme à la volonté de mon Père céleste que l'un de ces petits s'égare, et encore bien moins qu'il périsse. Dans votre religion, Dieu peut recevoir des pécheurs repentants; dans l'évangile du royaume, le Père va à leur recherche avant même qu'ils aient sérieusement pensé à se repentir.

« Le Père céleste aime ses enfants, et c'est pourquoi vous devriez apprendre à vous aimer les uns les autres. Le Père céleste vous pardonne vos péchés; vous devriez donc apprendre à vous pardonner les uns les autres. Si ton frère pèche contre toi, va vers lui et montre-lui sa faute avec tact et patience. Fais tout cela en tête-à-tête. S'il veut t'écouter, alors tu as gagné ton frère. Mais si ton frère refuse de t'entendre, s'il persiste dans son erreur, retourne encore une fois vers lui en emmenant un ou deux amis communs, afin d'avoir deux ou même trois témoins pour confirmer ton témoignage et prouver que tu as traité avec justice et miséricorde le frère qui t'a fait du tort. Ensuite, s'il refuse d'écouter tes amis, tu peux raconter toute l'histoire à la congrégation, et s'il refuse de l'écouter, laisse la communauté agir comme elle le jugera bon; laisse ce membre indiscipliné devenir un proscrit du royaume. Vus ne pouvez prétendre juger l'âme de vos compagnons, ni pardonner les péchés, ni usurper autrement les prérogatives des superviseurs des armées célestes, mais le maintien de l'ordre temporel dans le royaume terrestre vous a été confié. Vous n'avez pas le droit de vous immiscer dans les décrets divins concernant la vie éternelle, mais vous déterminerez les conséquences de la conduite des hommes dans la mesure où elles concernent le bien-être temporel de la confraternité terrestre. Donc, pour toutes les questions liées à la discipline de la communauté, tout ce que vous décréterez sur terre sera entériné au ciel. Bien que vous ne puissiez déterminer le sort éternel des individus, il vous est permis de légiférer sur la conduite du groupe car, si deux ou trois d'entre vous sont d'accord pour me requérir à ce sujet, leur supplique sera exaucée si elle est compatible avec la volonté du Père. Et ceci est éternellement vrai, car là où deux ou trois croyants se réunissent, je suis aussi là au milieu d'eux ».

A Hippos, Simon Pierre était l'apôtre responsable des évangélistes. Après avoir entendu le sermon de Jésus, il demanda: « Seigneur, combien de fois devrai-je pardonner à un frère qui pèche contre moi? Faut-il aller jusqu'à sept fois? » Jésus répondit à Pierre: « Non seulement sept fois, mais soixante-dix-sept fois. C'est pourquoi l'on peut assimiler le royaume des cieux à un roi qui ordonna la vérification des comptes de ses intendants. Quand l'examen fut commencé, on amena devant lui l'un de ses principaux économes qui reconnut devoir dix mille talents au roi. Ce fonctionnaire de la cour plaida qu'il avait eu des malheurs et qu'il n'avait pas de quoi remplir ses obligations. Alors le roi ordonna de confisquer ses biens et de vendre ses enfants comme esclaves pour payer sa dette. Lorsque le grand économe entendit ce jugement sévère, il tomba face contre terre devant le roi et l'implora d'être miséricordieux et de lui donner un délai en disant: « Seigneur, aie un peu plus de patience avec moi, et je rembourserai tout ». Le roi regarda l'économe négligent et sa famille et fut ému de compassion. Il ordonna de le relâcher et de le tenir entièrement quitte de sa dette.

« Ayant ainsi reçu miséricorde et pardon du roi, le chef économe retourna à ses affaires et trouva que l'un de ses subordonnés lui devait la modeste somme d'une centaine de deniers. Il s'empara de lui, le saisit à la gorge, et lui dit: « Paye-moi tout ce que tu me dois ». Alors le sous-intendant tomba face contre terre devant le chef économe et le supplia en disant: « Sois simplement patient avec moi, et je pourrai bientôt tout payer ». Mais le chef économe ne voulut pas faire montre de miséricorde envers son subordonné, et le fit mettre en prison jusqu'au remboursement de la dette. Voyant ce qui s'était passé, les collègues du prisonnier furent tellement outrés qu'ils allèrent rapporter l'épisode au roi, leur seigneur et maître. Quand le roi apprit l'action de son chef économe, il fit comparaître devant lui cet homme ingrat et implacable, et lui dit: « Tu es un intendant méchant et indigne. Quand tu as cherché compassion, je t'ai librement fait remise de toute ta dette. Pourquoi n'as-tu pas été miséricordieux envers ton subordonné comme je l'ai été envers toi? » Et le roi entra dans une telle colère qu'il livra son ingrat chef économe aux geôliers pour qu'ils le détiennent jusqu'à paiement complet de toute sa dette. De même, mon Père céleste montrera une plus large miséricorde à ceux qui sont spontanément miséricordieux envers leurs prochains. Comment pouvez-vous vous approcher de Dieu en lui demandant d'excuser vos imperfections si vous avez l'habitude de condamner ces mêmes défauts chez vos frères qui en sont coupables? Je vous le dis à tous: Vous avez reçu gratuitement les bonnes choses, du royaume; donnez donc gratuitement a vos compagnons terrestres.

C'est ainsi que Jésus enseigna les dangers et illustra l'injustice du jugement personnel porté sur votre prochain. Il faut que la discipline soit maintenue et que la justice soit administrée, mais en toutes ces matières la sagesse de la communauté devrait prévaloir. Jésus conféra l'autorité législative et judiciaire au groupe et non à des individus. Et même cette autorité attribuée au groupe ne doit pas être exercée sous forme personnelle. On risque toujours de voir le verdict d'un individu faussé par des préjugés ou déformé par la passion. Le jugement collectif a plus de chances d'écarter les dangers et d'éliminer l'injustice des préventions personnelles. Jésus chercha toujours à minimiser les facteurs d'injustice, de représailles, et de vengeance.

L'emploi du nombre 77 pour illustrer la miséricorde et la tolérance fut tiré du passage des Écritures concernant l'exultation de Lémec devant les armes métalliques de son fils Tubal-Caïn. Comparant ces instruments supérieurs à ceux de ses ennemis, il s'écria: « Si Caïn, sans armes à la main, a été sept fois vengé, je serai maintenant vengé soixante-dix-sept fois ».

2. — LE PRÉDICATEUR ÉTRANGER

Jésus se rendit à Gamala pour visiter Jean et tous les évangélistes qui y travaillaient avec lui. Ce soir-là, après la séance des questions et réponses, Jean dit à Jésus: « Maître, je suis allé hier à Astaroth voir un homme qui enseignait en ton nom, et qui prétendait même être capable de chasser des démons. Or cet homme n'a jamais été avec nous et ne nous suit pas; je lui ai donc défendu d'agir ainsi ». Jésus dit: « Ne le lui interdis pas. Ne perçois-tu pas que l'évangile du royaume sera bientôt proclamé dans le monde entier? Comment peux-tu espérer que tous les croyants seront soumis à tes directives? Réjouis-toi de ce que notre enseignement ait déjà commencé à se répandre hors des limites de notre influence personnelle. Vois-tu, Jean, ceux qui prétendent faire de grandes oeuvres en mon nom finiront par soutenir notre cause. Ils n'auront certainement pas tendance à médire de moi. Mon fils, en pareille matière, tu ferais mieux d'estimer que quiconque n'est pas contre nous est avec nous. Dans les générations à venir, beaucoup d'hommes non entièrement dignes du royaume feront des choses étranges en mon nom, mais je ne le leur interdirai pas. Je te dis que même si l'on donne une simple coupe d'eau à une âme assoiffée, les messagers du Père enregistreront toujours ce service rendu par amour ».

Cette instruction plongea Jean dans la perplexité. N'avait-il pas entendu dire: « Quiconque n'est pas avec moi est contre moi »? Il ne perçut pas que Jésus avait alors fait allusion aux relations personnelles des hommes avec les enseignements spirituels du royaume, tandis que dans le cas présent, il parlait des vastes relations extérieures entre croyants; ces rapports sociaux concernaient les questions du contrôle administratif et du pouvoir juridique d'un groupe de croyants sur le travail d'un autre groupe, facteurs qui devaient finir par constituer la confraternité mondiale en gestation.

Jean décrivit souvent cette antinomie en liaison avec ses travaux ultérieurs pour le royaume. Néanmoins, les apôtres se formalisèrent maintes fois de voir des étrangers enseigner audacieusement au nom du Maître. Il leur parut toujours indécent que des hommes qui n'étaient pas des disciples personnels de Jésus osent enseigner en son nom.

L'homme qui Jean avait interdit d'enseigner et d'oeuvrer au nom de Jésus s'appelait Aden. Il ne tint aucun compte de l'injonction de l'apôtre. Il poursuivit carrément ses efforts et forma un groupe considérable de croyants à Kanata avant de partir pour la Mésopotamie. Aden avait été amené à croire en Jésus par le témoignage du dément que Jésus avait guéri près de Gadara, et qui avait cru avec tant confiance que les prétendus mauvais esprits chassés hors de lui par le Maître étaient entrés dans le troupeau de porcs et l'avaient précipité par-dessus le bord de la falaise dans l'anéantissement.

3. — INSTRUCTIONS POUR LES ÉDUCATEURS ET LES CROYANTS

A Edréi, où travaillaient Thomas et ses collaborateurs, Jésus passa une journée et une nuit. Au cours de la discussion du soir, il exprima les principes qui devraient guider les prédicateurs de la vérité et animer tous les éducateurs de l'évangile du royaume. Voici, résumée en langage moderne, la leçon que Jésus enseigna:

Respectez toujours la personnalité des hommes. Une cause juste ne doit pas être promue par la force; les victoires spirituelles se gagnent uniquement par le pouvoir spirituel. Cette injonction contre l'emploi d'influences matérielles s'applique aussi bien à la force psychique qu'à la force physique. On ne doit employer ni des arguments irrésistibles ni la supériorité mentale pour contraindre des hommes et des femmes à entrer dans le royaume. La pensée humaine ne doit ni être écrasée par le seul poids de la logique ni intimidée par une éloquence astucieuse. Bien que les sentiments en tant que facteurs dans les décisions humaines ne puissent être entièrement éliminés, quiconque veut faire progresser la cause du royaume ne devrait pas y faire directement appel. Ayez directement recours à l'esprit divin qui habite la pensée des hommes, et non à la peur, à la pitié, ou à la sentimentalité. En faisant appel aux hommes, soyez équitables; contrôlez-vous et restez dûment sur la réserve; respectez comme il convient la personnalité de vos élèves. Rappelez-vous que j'ai dit: « Voici, je me tiens à la porte et je frappe, et j'entrerai chez quiconque veut ouvrir ».

En initiant les hommes au royaume, ne diminuez ou n'anéantissez pas leur respect d'eux-mêmes. Le respect de soi poussé à l'excès peut détruire l'humilité appropriée et se transformer en orgueil, en vanité, et en arrogance; mais la perte du respect de soi aboutit souvent à la paralysie de la volonté. L'évangile a pour but de rétablir le respect de soi chez ceux qui l'ont perdu et de le refréner chez ceux qui l'ont à l'excès. Ne commettez pas la faute de simplement condamner ce qu'il y a de mauvais dans la vie de vos élèves; n'omettez pas de reconnaître libéralement chez eux les choses les plus dignes de louanges. N'oubliez pas que rien ne m'arrêtera pour rétablir le respect de soi chez ceux qui l'ont perdu et qui désirent réellement le regagner.

Prenez garde de ne pas blesser le respect de soi des âmes timides et craintives. Ne soyez pas sarcastiques aux dépens de mes frères candides, ni cyniques avec mes enfants apeurés. L'oisiveté détruit le respect de soi; donc, recommandez à vos frères de s'occuper toujours activement des tâches qu'ils ont choisies et ne négligez aucun effort pour procurer du travail à ceux qui se trouvent sans emploi.

N'ayez pas recours à des tactiques indignes comme celle d'effrayer des hommes et des femmes pour essayer de les faire entrer dans le royaume. Un père aimant n'effraie pas ses enfants pour les faire obtempérer à ses justes exigences.

Les enfants du royaume finiront par comprendre clairement que la violence des sentiments et des émotions n'est pas l'équivalent des directives de l'esprit divin. Quand une forte impression vous pousse a faire une chose ou a vous rendre, en un certain lieu, cela ne signifie pas nécessairement que ces impulsions soient des directives de l'esprit intérieur.

Indiquez d'avance à tous les croyants les frontières du conflit qu'il faut traverser pour passer de la vie incarnée à la vie spirituelle supérieure. Pour ceux qui vivent entièrement dans l'un de ces deux royaumes, il y a peu de conflits ou de confusion, mais tous sont condamnés à éprouver un plus ou moins grand degré d'incertitude pendant la transition entre les deux niveaux d'existence. En entrant dans le royaume, vous ne pouvez ni échapper à ses responsabilités ni éluder ses obligations; mais n'oubliez pas que le joug de l'évangile est doux et que le fardeau de la vérité est léger.

Le monde est rempli d'âmes affamées qui vivent dans la famine en présence même du pain de vie; les hommes meurent en cherchant le Dieu qui habite en eux. Ils recherchent les trésors du royaume avec un coeur plein de désirs et une démarche fatiguée, alors que l'objet de leur envie est à portée immédiate de la foi vivante. Dans la religion, la foi joue le rôle des voiles sur un bateau; elle est un supplément de puissance et non un fardeau additionnel de la vie. L'unique lutte de ceux qui entrent dans le royaume est de mener à bon combat de la foi. Le croyant n'a qu'une bataille à livrer, et c'est contre le doute — contre l'incrédulité.

En prêchant l'évangile du royaume, vous enseignez simplement l'amitié avec Dieu, et cette communion présente un attrait égal pour les hommes et pour les femmes; tous deux y trouveront ce qui satisfait le plus véritablement leurs désirs et leurs idéaux caractéristiques. Dites à mes enfants que j'ai de la tendresse pour leurs sentiments et de la patience avec leurs défauts, mais aussi que je suis sans pitié pour le péché et que je ne tolère pas l'iniquité En vérité je suis débonnaire et humble en présence de mon Père, mais implacable et inexorable quand sa volonté est mise en échec par une malfaisance délibérée et une rébellion impie.

Ne dépeignez pas votre maître comme un homme de chagrins. Les générations futures connaîtront aussi le rayonnement de notre joie, l'entrain de notre bonne volonté, et l'inspiration de notre bonne humeur. Nous proclamons un message de bonnes nouvelles dont le pouvoir transformateur est contagieux. Notre religion palpite d'une nouvelle vie et d'une nouvelle signification. Ceux qui acceptent cet enseignement sont remplis de joie, et leur coeur les oblige à se réjouir perpétuellement. Ceux qui ont une certitude au sujet de Dieu éprouvent toujours un bonheur accru.

Apprenez à tous les croyants à ne pas s'appuyer sur le support incertain de la fausse compassion. On ne peut bâtir un caractère fort en s'apitoyant sur soi-même. Efforcez-vous d'éviter l'influence trompeuse de la simple communion dans la misère. Étendez votre sympathie aux braves et aux courageux, sans accorder un excès de pitié aux âmes lâches qui abordent sans enthousiasme les épreuves de la vie. N'offrez pas vos consolations à ceux qui se couchent par terre devant les obstacles sans lutter. Ne sympathisez pas avec vos compagnons dans le seul but de recevoir leur sympathie en retour.

Une fois que l'assurance de la présence divine est devenue consciente chez mes enfants, leur foi élargit leur pensée, ennoblit leur âme, fortifie leur personnalité, accroît leur bonheur, approfondit leur perception spirituelle, et rehausse leur pouvoir d'aimer et d'être aimés.

Enseignez à tous les croyants que le fait d'entrer dans le royaume ne les immunise pas contre les accidents du temps ni contre les catastrophes ordinaires de la nature. La croyance à l'évangile n'empêche pas d'avoir des ennuis, mais elle assure que vous n'aurez pas peur quand les difficultés vous assailliront. Si vous osez croire en moi et si vous vous mettez à me suivre avec enthousiasme, vous êtes certains de rencontrer des difficultés sur le chemin. Je ne vous promets pas de vous délivrer des eaux de l'adversité, mais je vous promets de les traverser entièrement avec vous.

Jésus enseigna encore bien des choses à ce groupe de croyants avant qu'ils n'aillent dormir cette nuit-là. Tous ceux qui entendirent ces maximes les gardèrent précieusement dans leur coeur et les répétèrent souvent pour édifier les apôtres et les disciples qui n'étaient pas présents quand elles furent formulées.

4. — L'ENTRETIEN AVEC Nathanaël

Jésus se rendit ensuite à Abila, où travaillaient Nathanaël et ses collaborateurs. Nathanaël était très ennuyé par certaines déclarations de Jésus qui paraissaient porter atteinte à l'autorité des Écritures  hébraïques reconnues. En conséquence, ce soir-là, après la séance habituelle de questions et de réponses, Nathanaël emmena Jésus à l'écart et lui demanda: « Maître, as-tu suffisamment confiance en moi pour me faire connaître la vérité sur les Écritures ? J'observe que tu nous enseignes seulement une partie des écrits sacrés — la meilleure d'après moi — et j'en infère que tu rejettes la doctrine des rabbins enseignant que les paroles de la loi sont les paroles mêmes de Dieu, et qu'elles étaient avec Dieu au ciel même avant l'époque d'Abraham et de Moïse. Quelle est la vérité au sujet des Écritures ? Lorsque Jésus entendit cette question de son disciple déconcerté, il répondit:

« Nathanaël, tu as bien jugé; je ne vois pas les Écritures  sous le même jour que les rabbins. Je vais te parler de cette question à condition que tu ne divulgues pas ces choses à tes collègues, car ils ne sont pas tous préparés à recevoir cet enseignement. Les paroles de la loi de Moïse et les leçons des Écritures  n'existaient pas avant Abraham. C'est tout récemment que les Écritures  on été rassemblées sous la forme où nous les possédons aujourd'hui. Elles contiennent ce qu'il y a de meilleur dans les idées et les désirs ardents du peuple juif, mais aussi nombre d'éléments qui sont loin de représenter le caractère et les enseignements du Père Céleste; c'est pourquoi il me faut choisir, parmi les meilleurs enseignements, les vérités destinées à être glanées pour l'évangile du royaume.

« Ces écrits sont des oeuvres d'hommes, dont certains étaient saints, et d'autres moins saints. Les enseignements de ce livre représentent les points de vue et l'état des connaissances de l'époque d'où ils tirent leur origine. En tant que révélation de la vérité, on peut davantage se fier aux derniers livres qu'aux premiers. Les Écritures sont erronées, et leur origine est entièrement humaine, mais ne vous y trompez pas, elles constituent le meilleur recueil de sagesse religieuse et de vérités spirituelles que l'on puisse trouver présentement dans le monde ».

« Beaucoup de ces livres n'ont pas été écrits par les personnes dont ils portent le nom, mais cela n'infirme aucunement les vérités qu'ils contiennent. Si l'histoire de Jonas n'était pas réelle, et même si Jonas n'avait jamais vécu, les profondes vérités de ce récit — l'amour de Dieu pour Ninive et pour les soi-disant païens  — n'en seraient pas moins précieuses pour tous ceux qui aiment leurs semblables. Les Écritures  sont sacrées parce qu'elles relatent les pensées et les actes d'hommes qui recherchaient Dieu et qui ont laissé dans ces écrits leurs conceptions les plus élevées de la droiture, de la vérité, et de la sainteté. Les Écritures  contiennent un grand, un très grand nombre de choses vraies mais, à la lumière de votre présent enseignement, vous savez également que trop souvent elles présentent sous un faux jour le Père céleste, le Dieu aimant que je suis venu révéler à tous les mondes.

« Nathanaël, ne te laisse jamais aller, même un instant, à croire que le Dieu d'amour a ordonné à tes ancêtres de livrer bataille pour massacrer tous leurs ennemis hommes, femmes, et enfants. Ces récits sont des paroles d'hommes, d'hommes dont la sainteté est douteuse; ils ne représentent pas la parole de Dieu. Les Écritures ont toujours reflété et reflèteront toujours le statut intellectuel, moral, et spirituel de leurs auteurs. N'as-tu pas remarqué que les conceptions de Jéhovah croissent en beauté et en gloire dans les écrits de la lignée des prophètes qui s'étend de Samuel à Isaïe? N'oublie pas que les Écritures  sont destinées à l'instruction religieuse et à la gouverne spirituelle. Elles ne sont pas l'oeuvre d'historiens ni de philosophes.

« La chose la plus déplorable n'est pas seulement l'idée erronée que les récits des Écritures  sont absolument parfaits et leur enseignement infaillible, mais plutôt la confusion due à leur mauvaise interprétation par les scribes et les pharisiens de Jérusalem, esclaves de la tradition. Dans leur effort résolu pour résister aux nouveaux enseignements de l'évangile du royaume, ceux-ci vont maintenant prôner simultanément la doctrine que les Écritures  sont inspirées, et leur fausse interprétation des récits. Nathanaël, n'oublie jamais que la révélation de la vérité par le Père ne se limite ni à une génération ni à un peuple. Nombre de personnes qui recherchent sincèrement la vérité ont été troublées et découragées, et continueront de l'être, par la doctrine de la perfection des Écritures .

« L'autorité de la vérité réside dans l'esprit même qui imprègne ses manifestations vivantes, et non dans les paroles mortels des hommes d'une autre génération, moins éclairés et soi-disant inspirés. Même si les saints de jadis ont vécu des vies inspirées et spirituellement remplies, cela ne signifie pas que leurs paroles aient également été inspirées par l'esprit. Aujourd'hui nous ne consignons rien par écrit des enseignements de l'évangile du royaume, de crainte qu'après mon départ vous ne vous divisiez rapidement en groupes contestant la vérité à cause de la diversité de vos interprétations de mon enseignement. Pour cette génération, il vaut mieux que nous vivions ces vérités en évitant de les enregistrer par écrit ».

« Prends bien note de mes paroles, Nathanaël; rien de ce que la nature humaine a touché ne peut être considéré comme infaillible. Certes, la vérité divine peut briller à travers la pensée des hommes, mais toujours avec une pureté relative et une divinité partielle. Les créatures peuvent ardemment désirer l'infaillibilité, mais seul le Créateur la possède.

« La plus grande erreur de l'enseignement concernant les Écritures  est la doctrine les présentant comme des livres occultes de mystère et de sagesse, dont l'interprétation est réservée à certains sages de la nation. Les révélations de la vérité divine ne sont scellées que par l'ignorance humaine, la bigoterie, et l'intolérance sectaire. La lumière des Écritures  n'est affaiblie que par les préjugés et assombrie que par les superstitions. Une fausse peur de la sainteté a empêché le bon sens de sauvegarder la religion. La peur de l'autorité des Écritures  saintes du passé empêche efficacement les âmes honnêtes d'aujourd'hui d'accepter la nouvelle lumière de l'évangile — la lumière que, dans une génération précédente, les mêmes hommes connaissant Dieu résistaient si intensément voir briller.

« Le plus triste de tout cela est le fait que certains éducateurs enseignent la sainteté du traditionalisme tout en connaissant la vérité à son sujet. Ils comprennent plus ou moins complètement les limitations des Écritures , mais sont moralement lâches et intellectuellement malhonnêtes. Ils connaissent la vérité au sujet des écrits sacrés, mais préfèrent laisser le peuple dans l'ignorance de ces faits troublants. Ils pervertissent et déforment les Écritures ; ils en font un guide pour les détails serviles de la vie quotidienne et une autorité sur les questions non spirituelles, au lieu de faire appel aux écrits sacrés en tant que répertoire de la sagesse morale, de l'inspiration religieuse, et de l'enseignement spirituel des hommes qui connaissaient Dieu au cours des générations précédentes ».

Nathanaël fut éclairé — et choqué — par les déclarations du Maître. Dans les profondeurs de son âme, il médita longuement sur cet entretien, mais n'en parla à personne avant l'ascension de Jésus. Même après, il craignit encore de communiquer dans leur plénitude les enseignements du Maître à ce sujet.

5. - LE CARACTÈRE POSITIF DE LA RELIGION DE JÉSUS

À Philadelphie, où Jacques évangélisait, Jésus donna aux disciples une leçon sur le caractère positif de l'évangile du royaume. Au cours de ses remarques, il indiqua que certaines parties des Écritures  étaient plus véridiques que d'autres, et il recommanda à ses auditeurs de nourrir leur âme des meilleurs aliments spirituels. Jacques interrompit le Maître pour lui demander: « Maître, aurais-tu la bonté de nous suggérer la manière de choisir les passages des Écritures  les meilleurs pour notre édification personnelle? » Et Jésus répondit: « Oui, Jacques; en lisant les Écritures , recherche les enseignements éternellement vrais et divinement beaux tels que:

« Crée en moi un coeur pur, O Seigneur.

« L'Éternel est mon berger; je ne manquerai de rien.

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

« Car moi, l'Éternel ton Dieu, je tiendrai ta main droite en disant: n'aie aucune crainte; je t'aiderai.

« Et les nations n'apprendront plus la guerre ».

Ceci est un exemple de la manière dont, jour après jour, Jésus extrayait l'essentiel des Écritures hébraïques pour l'inclure dans l'enseignement de l'évangile de son royaume et instruire ses disciples. D'autres religions avaient laissé entendre que Dieu était proche des hommes, mais Jésus assimila le ministère de Dieu auprès des hommes à la sollicitude d'un père affectueux pour ses enfants qui dépendent de lui; ensuite il fit de cet enseignement la pierre angulaire de sa religion. C'est ainsi que la doctrine de la paternité de Dieu rendit impérative la pratique de la fraternité des hommes. L'adoration de Dieu et le service d'autrui devinrent la substance de sa religion. Jésus prit ce qu'il y avait de meilleur dans la religion juive, et le transféra dans le digne cadre des enseignements de l'évangile du royaume.

Jésus introduisit l'esprit d'action positive dans les doctrines passives de la religion juive. Au lieu d'une soumission négative à des exigences cérémonielles, Jésus prescrivit à ses fidèles d'accomplir positivement les exigence de sa nouvelle religion. Celle-ci ne consistait pas simplement à croire, mais à faire réellement ce que l'évangile demandait. Le service social ne constituait pas l'essence de sa religion; Jésus enseignait plutôt que le service social est spontané chez ceux qui possèdent l'esprit de la vraie religion.

Jésus n'hésitait pas à adopter la meilleure moitié d'un passage des Écritures  tout en rejetant la partie accessoire. Ce fut le cas pour sa grande exhortation: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il la prit dans le passage suivant: « Tu n'exerceras pas de vengeance contre les enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Jésus s'appropria la partie positive de ce verset et en rejeta la partie négative. Il s'opposa même à la non-résistance négative ou purement passive. Il dit: « Si un ennemi te frappe sur une joue, ne reste pas là muet et passif, mais prends une attitude positive et tends-lui l'autre. Autrement dit, fais activement de ton mieux pour détourner des mauvais sentiers ton frère égaré et pour le ramener dans la bonne voie dune vie droite ». Jésus demandait à ses disciples de réagir positivement et dynamiquement dans toutes les circonstances de la vie. Le fait de tendre l'autre joue, ou tout autre acte typiquement semblable, exige de l'initiative et nécessite une expression vigoureuse, active, et courageuse de la personnalité du croyant.

Jésus ne préconisait pas la pratique de se soumettre négativement à ceux qui cherchent volontairement à infliger des affronts aux adeptes de la non-résistance au mal. Il désirait plutôt que ses disciples soient sages et vigilants dans leurs réactions rapides et positives du bien contre le mal, afin qu'ils puissent triompher du mal par le bien. N'oubliez pas que le véritable bien est invariablement plus puissant que le mal le plus pernicieux. Le Maître enseigna un critère positif de droiture: « Si quelqu'un désire être mon disciple, qu'il ne tienne pas compte de lui-même, et qu'il assume quotidiennement la pleine mesure de ses responsabilités pour me suivre ». Il en donna lui-même l'exemple: il « circulait en faisant du bien ». Cet aspect de l'évangile fut illustré par de nombreuses paraboles que Jésus conta plus tard à ses disciples. Jamais il ne les exhorta à supporter patiemment leurs obligations, mais plutôt à vivre avec énergie et enthousiasme à la hauteur de la pleine mesure de leurs responsabilités humaines et de leurs privilèges divins dans le royaume de Dieu.

Jésus recommanda à ses apôtres d'offrir aussi leur tunique si on leur enlevait injustement leur manteau. Cela ne signifiait pas littéralement qu'il fallait donner un second vêtement; il s'agissait plutôt de l'idée de faire quelque chose de positif pour sauver l'offenseur, au lieu de suivre l'ancien conseil d'user de représailles — oeil pour oeil et ainsi de suite. Jésus abhorrait l'idée des représailles, et celle d'accepter passivement d'être simplement victime des injustices. A cette occasion, il enseigna à ses apôtres trois manières de lutter contre le mal et de lui résister:

    1. Rendre le mal pour le mal — la méthode positive, mais injuste.
    2. Supporter le mal sans se plaindre ni résister — la méthode purement négative.
    3. Rendre le bien pour le mal, affirmer sa volonté de manière à dominer la situation et à triompher du mal par le bien — la méthode positive et juste.

L'un des apôtres demanda une fois: « Maître, que dois-je faire si un étranger me force à porter son paquetage pendant une lieue? « Jésus répondit: « Il ne faut pas t'asseoir ensuite en poussant un soupir de soulagement pour faire valoir ton essoufflement à l'étranger. La droiture ne ressort pas de ces attitudes passives. Si rien de plus positif ne te vient à l'idée, tu peux au moins porter le paquetage sur une seconde lieue. Cela mettra certainement au défi l'étranger injuste et impie.

Les Juifs avalent entendu parler d'un Dieu prêt à pardonner aux pécheurs repentants et à oublier leurs méfaits; mais jamais, avant la venue de Jésus, les hommes n'avaient entendu parler d'un Dieu qui allait à la recherche des brebis égarées, qui prenait l'initiative de rechercher les pécheurs, et qui se réjouissait quand il les trouvait disposés à rentrer à la maison du Père. Cette note positive de la religion de Jésus s'étendait jusqu'à ses prières. Il transforma la règle d'or négative en une exhortation en faveur de l'équité humaine.

Dans tout son enseignement, Jésus éliminait infailliblement les détails susceptibles de détourner l'attention. Il évitait le langage fleuri et les figures de rhétorique purement poétiques du jeu des mots. Il introduisait généralement de grandes significations dans de petites expressions. Pour illustrer sa pensée, Jésus renversa la signification courante attribuée à bien des mots tels que sel, levain, pêche, et petits enfants. Il employait fort efficacement l'antithèse en comparant le minuscule à l'infini, et ainsi de suite. Ses expressions telles que « les aveugles conduisant des aveugles » étaient frappantes. Mais la plus grande force de son enseignement imagé était son naturel. Jésus fit descendre du ciel sur terre la philosophie de la religion. Il décrivait les besoins élémentaires de l'âme avec une nouvelle perspicacité et une nouvelle effusion d'amour.

6. — LE RETOUR À MAGADAN

La mission de quatre semaines en Décapole eut un succès modéré. Des centaines d'âmes furent reçues dans le royaume. Les apôtres et les évangélistes gagnèrent une précieuse expérience en poursuivant leur oeuvre sans l'inspiration de la présence personnelle immédiate de Jésus.

Le vendredi 16 septembre, tout le corps évangélique se rassembla au Parc de Magadan, comme convenu antérieurement. Le jour du sabbat plus de cent croyants tinrent un conseil où les plans d'avenir pour développer l'oeuvre du royaume furent étudiés à fond. Les messagers de David étaient présents et firent des rapports sur la joie des croyants en Judée, en Samarie, en Galilée, et dans les districts limitrophes.

Rares étaient à cette époque les disciples de Jésus qui appréciaient pleinement la grande valeur des services rendues par le corps des messagers. Non seulement les messagers maintenaient dans toute la Palestine le contact des disciples entre eux et avec Jésus et les apôtres, mais aussi, durant ces jours sombres, ils servaient de collecteurs de fonds; non seulement cet argent contribuait à aider Jésus et ses collaborateurs, mais aussi à soutenir les familles des douze apôtres et des douze évangélistes.

À cette époque, Abner déplaça sa base d'opérations d'Hébron à Bethléhem; cette dernière ville était aussi le quartier général, pour la Judée, des messagers de David. David entretenait toute la nuit un service de relais de messagers entre Jérusalem et Bethsaïde. Les coureurs partaient de Jérusalem tous les soirs, se relayaient à Sychar et à Scythopolis, et arrivaient à Bethsaïde le lendemain matin à l'heure du petit déjeuner.

Jésus et ses collaborateurs se préparèrent maintenant à prendre une semaine de repos avant d'aborder la phase ultime de leur oeuvre en faveur du royaume. Ce fut leur dernière période de repos collectif, car la mission en Pérée devint une campagne de prédication et d'enseignement qui dura jusqu'à l'époque de leur arrivée à Jérusalem et du déroulement des épisodes finaux de la carrière terrestre de Jésus.

158. La montagne de la transfiguration

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Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
Created: 09 December 2025

LA MONTAGNE DE LA TRANSFIGURATION

LE vendredi après-midi 12 août de l'an 29, le soleil allait se coucher lorsque Jésus et ses compagnons arrivèrent au pied du Mont Hermon, à l'endroit même où le jeune Tiglath avait jadis attendu pendant que le Maître montait seul dans la montagne pour fixer la destinée spirituelle d'Urantia et mettre techniquement fin à la rébellion de Lucifer. Le groupe resta là pendant deux jours à se préparer aux événements qui allaient suivre sous peu.

D'une manière générale, Jésus savait d'avance ce qui allait se passer sur la montagne et désirait vivement que tous les apôtres partagent avec lui cette expérience. C'était pour les préparer à cette révélation de lui-même qu'il s'arrêta avec eux au pied de la montagne. Mais les apôtres ne purent atteindre les niveaux spirituels qui auraient justifié le risque de les mettre pleinement en présence des êtres célestes dont l'apparition sur terre était imminente. Faute de pouvoir emmener tous ses collaborateurs, il décida de prendre avec lui seulement les trois qui avaient l'habitude de l'accompagner dans ces veilles spéciales. En conséquence, Pierre, Jacques et Jean furent les seuls à partager, même partiellement, cette expérience unique avec le Maître.

1. -- LA TRANSFIGURATION

De bonne heure dans la matinée du 15 août, six jours après la mémorable confession de Pierre au bord de la route sous les mûriers, Jésus et les trois apôtres commencèrent l'ascension du Mont Hermon.

Jésus avait été prié de monter seul dans la montagne pour régler certaines affaires importantes concernant les progrès de son effusion incarnée en liaison avec la gestion de l'univers qu'il avait lui-même créé. Il est significatif que l'heure de cet événement extraordinaire ait été fixée de manière à se produire pendant que Jésus et les apôtres se trouvaient chez les Gentils, et qu'il ait eu lieu effectivement sur une montagne du pays des Gentils.

Les quatre ascensionnistes atteignirent leur destination, à mi-chemin du sommet, un peu avant midi. Pendant leur déjeuner, Jésus raconta aux trois apôtres une partie de ce qui lui était arrivé peu après son baptême, dans les montagnes à l'est du Jourdain. Il leur donna également des détails sur son expérience sur le Mont Hermon lors de son précédent séjour dans cette retraite solitaire.

Quand il était jeune garçon, Jésus avait l'habitude d'escalader la hauteur voisine de son domicile et d'y rêver de batailles livrées par des armées impériales dans la plaine d'Esdraélon. Maintenant il montait sur le Mont Hermon pour y recevoir les qualifications qui lui permettraient de descendre dans les plaines du Jourdain pour y jouer les dernières scènes du drame de son effusion sur Urantia. Ce jour-là, sur le Mont Hermon, le Maître aurait pu abandonner la lutte et reprendre sa souveraineté sur l'ensemble de son univers. Or non seulement il décida de satisfaire aux exigences de son ordre de filiation divine incluses dans le mandat du Fils Éternel du Paradis, mais encore il choisit d'accomplir en totalité jusqu'au bout la volonté réelle de son Père céleste. Au cours de cette journée d'août, trois de ses apôtres le virent refuser l'investiture de la pleine autorité sur son univers. Ils assistèrent avec stupeur au départ des messagers célestes laissant Jésus seul sur terre pour y parachever sa vie en tant que Fils de l'Homme et Fils de Dieu.

La foi des apôtres passa par des hauts et des bas. Elle avait atteint un point culminant au moment où Jésus nourrit les cinq mille, puis elle tomba rapidement presque à zéro. Lorsque le Maître eut confessé sa divinité, la foi chancelante des douze remonta à un apogée au cours des semaines suivantes, mais subit ensuite un déclin progressif. Leur troisième renouveau de foi n'eut lieu qu'après la résurrection du Maître.

Vers trois heures de l'après-midi de cette magnifique journée, Jésus quitta les trois apôtres en disant: « Je m'en vais seul pendant un moment pour communier avec le Père et ses messagers. Je vous demande de rester ici. En attendant mon retour, priez pour que la volonté du Père soit faite dans tout ce qui vous arrivera en liaison avec la suite de la mission d'effusion du Fils de l'Homme ». Après leur avoir dit cela, Jésus se retira pour une longue conférence avec Gabriel et le Doyen des Melchizédeks. Il ne revint qu'à six heures. Voyant l'anxiété des apôtres au sujet de son absence prolongée, il leur dit: « Pourquoi avez-vous peur? Vous savez bien que je dois m'occuper des affaires de mon Père; alors à pourquoi doutez-vous quand je ne suis pas auprès de vous? Je vous déclare maintenant que le Fils de l'Homme a décidé de passer le reste de sa vie terrestre au milieu de vous et comme un homme semblable à vous. Ayez bon courage. Je ne vous abandonnerai pas avant d'avoir achevé ma tâche ».

Pendant leur frugal repas du soir, Pierre demanda au Maître: « Combien de temps allons-nous rester sur cette montagne, loin de nos frères? » Jésus répondit: « Jusqu'à ce que vous ayez vu la gloire du Fils de l'Homme et que vous soyez convaincus que tout ce que je vous ai déclaré est vrai ». Ils parlèrent ensuite de la rébellion de Lucifer en restant assis auprès des braises rougeoyantes de leur feu jusqu'à la tombée le la nuit; puis le sommeil les gagna, car ils étaient partis de très bonne heure ce matin-là.

Après que les trois apôtres eurent dormi profondément pendant une demi-heure, ils furent soudain réveillés par un crépitement dans le voisinage et regardèrent autour d'eux. A leur grande surprise et à leur consternation, ils virent Jésus conversant familièrement avec deux êtres brillants vêtus des vêtements de lumière du monde céleste. Le visage et le corps de Jésus brillaient également d'une luminosité surnaturelle. Les trois grands êtres parlaient une langue étrange. A certains indices, Pierre supposa à tort que les deux personnages inconnus étaient Moïse et Elie; en réalité c'étaient Gabriel et le Doyen des Melchizédeks. A la demande de Jésus, les contrôleurs physiques avaient pris des dispositions pour que les apôtres puissent assister à cette scène.

Les trois apôtres eurent tellement peur qu'ils mirent un certain temps à reprendre leurs esprits. Tandis que l'éblouissante vision s'estompait devant leurs yeux et qu'ils observaient Jésus restant seul debout, Pierre, qui avait été le premier à se remettre, dit a Jésus: « Maître, il est bon d'avoir assisté à cela. Nous nous réjouissons de voir cette gloire. Nous répugnons à redescendre dans le monde peu glorieux. Si tu veux bien, demeurons ici, et nous dresserons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie (1)». Pierre prononça ces paroles parce qu'il était dans la confusion et qu'aucune autre pensée ne lui était venue a l'esprit à ce moment-là.

  (1) Cf. Matthieu XVII-4 à 13 et Marc IX-4 à 13.

Tandis que Pierre parlait encore, un nuage argenté s'approcha des quatre hommes et les surplomba. Les trois apôtres furent extrêmement effrayés et tombèrent en adoration, face contre terre. Ils entendirent alors une voix, la même qu'au baptême de Jésus, disant: « Celui-là est mon fils bien-aimé. Ecoutez-le ». Quand le nuage disparut, Jésus fut de nouveau seul avec les trois. Il allongea la main et les toucha en disant: « Levez-vous et n'ayez aucune crainte; vous verrez des choses plus grandes que cela ». Mais les trois apôtres étaient vraiment effrayés. Ils restèrent silencieux et méditatifs et se préparèrent à redescendre de la montagne un peu avant minuit.

2. -- RETOUR DE LA MONTAGNE

Durant la première moitié de la descente, aucune parole ne fut prononcée. Jésus ouvrit alors la conversation en disant: « Veillez bien à ne raconter à personne, pas même à vos collègues, ce que vous avez vu et entendu sur cette montagne, avant que le Fils de l'Homme ne soit ressuscité d'entre les morts ». Les trois apôtres furent choqués et désemparés par l'allusion à « la résurrection d'entre les morts ». Ils avaient récemment réaffirmé leur foi en Jésus en tant que Libérateur et Fils de Dieu; ils venaient de le voir transfiguré en gloire sous leurs yeux; et maintenant il commençait à parler de « résurrection d'entre les morts ».

Pierre frémit à la pensée que son Maître mourrait -- l'idée était trop pénible à supporter. Craignant que Jacques ou Jean ne posent une question à ce sujet, il crut préférable de détourner la conversation. Ne sachant de quoi parler, il exprima la première pensée qui lui vint à l'esprit en disant: «Maître, pourquoi les scribes disent-ils qu'Elie doit d'abord venir avant que le Messie n'apparaisse? » Sachant que Pierre cherchait à éviter le sujet de sa mort et de sa résurrection, Jésus répondit: « Il est vrai qu'Elie est d'abord venu pour préparer le chemin du Fils de l'Homme qui doit souffrir maints tourments et finalement être renié. Mais je vous dis qu'Elie est déjà venu, et qu'ils ne l'ont pas reçu, mais lui ont fait tout ce qui leur a plu ». Alors les trois apôtres imaginèrent qu'il parlait de Jean le Baptiste comme d'Elie. jésus savait que, si les apôtres persistaient à le considérer comme le Messie, il fallait alors que Jean fût l'Elie de la prophétie.

Jésus avait enjoint le silence aux apôtres sur le spectacle de la gloire qui l'attendait après sa résurrection, parce qu'il était présentement accueilli comme le Messie et ne voulait pas laisser espérer qu'à un degré quelconque il satisferait leurs conceptions erronées d'un libérateur faisant des miracles. Pierre, Jacques, et Jean méditèrent longuement sur cet épisode, mais n'en parlèrent à personne avant la résurrection du Maître.

Tandis qu'ils continuaient à descendre de la montagne, Jésus leur dit: «Vous n'avez pas voulu me recevoir en tant que Fils de l'Homme. J'ai donc consenti à être reçu selon votre détermination bien arrêtée; mais ne vous y trompez pas, il faudra que la volonté de mon Père l'emporte. Si vous décidez de suivre ainsi la tendance de votre propre volonté, il faut vous préparer à souffrir beaucoup de déceptions et a subir bien des épreuves; mais l'entraînement que je vous ai donné devrait vous permettre de triompher de ces chagrins que vous aurez vous-mêmes choisis.

Si Jésus emmena Pierre, Jacques, et Jean sur la montagne de la transfiguration, la raison n'en était pas qu'ils fussent en aucun sens mieux préparés que les autres apôtres à assister à cette scène, ni plus qualifiés spirituellement pour bénéficier d'un aussi rare privilège. Nullement. Le Maître savait bien qu'aucun des douze n'était spirituellement qualifié pour cette expérience, et c'est pourquoi il emmena seulement les trois apôtres qui avaient mission de l'accompagner dans les moments où il désirait s'isoler pour jouir d'une communion solitaire.

3. -- LE SENS DE LA TRANSFIGURATION

La scène à laquelle Pierre, Jacques, et Jean assistèrent sur la montagne de la transfiguration était un bref aperçu du grand spectacle céleste qui se déroula ce jour-là sur le Mont Hermon, et au cours duquel eurent lieu:

   1. La pleine acceptation de l'effusion de la vie incarnée de Micaël sur Urantia par le Fils Éternel du Paradis. Jésus avait désormais l'assurance que les exigences du Fils Éternel étaient satisfaites en ce qui le concernait. Ce fut Gabriel qui lui apporta cette assurance.

   2. Le témoignage de satisfaction de l'Esprit Infini quant à la plénitude de l'effusion sur Urantia dans la similitude d'une chair mortelle. La représentante de l'Esprit Infini dans l'univers de Nébadon, associée immédiate et collaboratrice toujours présente de Micaël sur Salvington, parla en la circonstance par le truchement Doyen des Melchizédeks.

Jésus reçut avec plaisir les deux témoignages concernant le succès de sa mission terrestre apportés par les messagers du Fils Éternel et de l'Esprit Infini mais il remarque que son Père n'indiquait pas que l'effusion sur Urantia fût terminée. Le témoignage du Père, apporté par l'Ajusteur Personnalisé de Jésus, disait simplement: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé; écoutez-le ». Et il fut prononcé en paroles que les trois apôtres purent également entendre.

Après cette visitation céleste, Jésus chercha à connaître la volonté de son Père et décida de poursuivre son effusion humaine jusqu'à sa fin naturelle. Tel fut le sens de la transfiguration de Jésus. Pour les trois apôtres, cet événement marqua l'entrée du Maître dans la phase finale de sa carrière terrestre en tant que Fils de l'Homme et Fils de Dieu.

Après la visitation officielle de Gabriel et du Doyen des Melchizédeks, Jésus eut des entretiens familiers avec ces deux Fils de son ministère et communia avec eux au sujet des affaires de son univers.

4. -- LE GARÇON ÉPILEPTIQUE

Jésus et ses trois compagnons arrivèrent au camp apostolique ce mardi matin un peu avant l'heure du repas matinal. En approchant, ils discernèrent une foule considérable assemblée autour des apôtres, et ne tardèrent pas à entendre les bruyantes discussions et disputes de ce groupe d'une cinquantaine de personnes, y compris les neuf apôtres. Le reste du groupe se divisait en une vingtaine de scribes de Jérusalem et autant de disciples croyants qui avaient cherché à suivre Jésus et ses compagnons depuis leur départ de Magadan.

Bien que l'attroupement eût de nombreux sujets de discussion, la principale controverse concernait un citoyen de Tibériade arrivé la veille à la recherche de Jésus. Cet homme, Jacques de Safed, avait un fils unique âgé de quatorze an qui était affligé de graves crises d'épilepsie. En plus de cette maladie nerveuse, le garçon était devenu la proie de l'un des médians errants, malveillants, et rebelles qui circulaient alors sur terre sans contrôle, si bien que l'enfant était à la fois épileptique et possédé par un démon.

Pendant près de quinze jours, son père anxieux, officier subalterne d'Hérode Antipas, avait parcouru la frontière occidentale des domaines de Philippe en cherchant Jésus pour le supplier de guérir son fils malade. Il ne joignit le groupe qu'à midi, le jour où Jésus se trouvait dans la montagne avec les trois apôtres.

Les neuf autres apôtres furent très surpris et fort troublés lorsque Jacques de Safed, accompagné d'une quarantaine de personnes recherchant également Jésus, déboucha sur eux à l'improviste. Au moment de l'arrivée de ce groupe, les neuf apôtres, ou du moins la majorité d'entre eux, avalent succombé à leur vieille tentation -- celle de discuter qui serait le plus grand dans le royaume à venir; ils argumentaient sur les postes probables qui leur seraient attribués individuellement. Ils n'arrivaient pas à se libérer de l'idée longtemps chérie que la mission du Messie était matérielle. Maintenant que Jésus lui-même avait accepté leur confession qu'il était vraiment le Libérateur -- ayant au moins admis le fait de sa divinité -- n'était-il pas naturel pour les apôtres, durant la période de séparation d'avec leur Maître, d'en venir à parler des espoirs et des ambitions qui occupaient dans leur coeur une place prépondérante. Ils étaient lancés dans ces discussions lorsque Jacques de Safed et ses compagnons recherchant Jésus les surprirent.

André se leva pour accueillir ce père et son fils et dit: « Qui Cherchez-vous? » Jacques de Safed répondit: « Mon brave homme, je suis à la recherche de ton Maître et de la guérison de mon fils malade. Je voudrais que Jésus chasse le démon qui possède mon enfant ». Et le père se mit à raconter aux apôtres que son était malade au point d'avoir maintes fois risqué de perdre la vie à cause de ces possessions malignes.

Tandis que les apôtres écoutaient, Simon Zélotès et Judas Iscariot s'avancèrent devant le père en disant: « Nous pouvons le guérir; tu n'as pas besoin d'attendre le retour du Maître. Nous sommes ambassadeurs du royaume et nous avons cessé de garder secrètes ces choses. Jésus est le Libérateur, et les clefs du royaume nous ont été remises ». À ce moment, André et Thomas se consultaient à l'écart, tandis que Nathanael et les autres observaient la scène avec stupéfaction; ils restèrent bouche bée devant la soudaine audace, sinon la présomption, de Simon et de Judas. Le père dit alois: « S'il vous a été donné de faire ces oeuvres, veuillez bien prononcer les paroles qui délivreront mon enfant de cet esclavage ». Simon s'avança, posa sa main sur la tête de l'enfant, le regarda droit dans les yeux, et dit: « Esprit impur, sors de lui; au nom de Jésus, obéis-moi ». Mais le garçon eut simplement une crise plus violente, tandis que les scribes tournaient les apôtres en dérision et que les croyants déçus subissaient les sarcasmes de ces critiques malveillants.

André fut profondément chagriné par cette tentative malencontreuse et son lamentable échec. Il réunit les apôtres à l'écart pour conférer et prier. Après cette période de méditation, piqué au vif par leur défaite et ressentant l'humiliation qui retombait sur eux tous, André fit une seconde tentative pour chasser le démon, mais une fois de plus l'insuccès couronna ses efforts.

André confessa franchement sa défaite et pria le père de rester avec eux pour la nuit ou d'attendre le retour de Jésus en disant: « Peut-être les démons de cette sorte ne s'en vont-ils que sur l'ordre personnel du Maître ».

Ainsi, tandis que Jésus redescendait de la montagne avec le trio exubérant et ravi composé de Pierre, Jacques, et Jean, leurs neuf compagnons ne dormaient pas non plus; ils étaient confondus, abattus, et humiliés, et le sommeil les avait fuis. Ils formaient un groupe morne et désillusionné, mais Jacques de Safed ne voulut pas renoncer à sa tentative. Bien que les apôtres ne pussent lui donner la moindre idée de la date du retour de Jésus, il décida de rester jusqu'à ce que le Maître revienne.

5. -- JÉSUS GUÉRIT LE GARÇON

À l'approche de Jésus, les neuf apôtres furent plus que soulagés de l'accueillir et grandement encouragés de voir la bonne humeur et l'enthousiasme insolite que reflétaient les expressions de visage de Pierre, Jacques, et Jean. Ils se précipitèrent tous à la rencontre de Jésus et de leurs trois collègues. Tandis qu'ils échangeaient des salutations, la foule arriva, et Jésus demanda: « Que discutiez-vous au moment de notre arrivée? » Avant que les apôtres déconcertés et humiliés aient eu le temps de répondre au Maître, le père anxieux du jeune malade s'avança, s'agenouilla aux pieds de Jésus, et dit: « Maître, j'ai un fils, un fils unique possédé par un esprit impur. Quand il est saisi, non seulement il pousse des cris de terreur, bave, et tombe comme mort, mais le mauvais esprit qui le possède provoque à certains moments des convulsions déchirantes et parfois le jette dans l'eau et même dans le feu. Mon enfant dépérit avec des grincements de dents à la suite de ses nombreuses meurtrissures. Sa vie est pire que la mort. Sa mère et moi avons le coeur triste et l'esprit abattu. Hier à midi, en te cherchant, j'ai rejoint tes disciples. En t'attendant, tes apôtres ont essayé de chasser ce démon, mais sans y parvenir. Et maintenant, Maître, vaux-tu faire cela pour nous, veux-tu guérir mon fils? »

Après l'audition de ce récit, Jésus toucha le père agenouillé, le pria de se lever, jeta un regard scrutateur sur les apôtres, et dit à tous ceux qui se tenaient devant lui: « O génération perverse et sans foi, jusqu'à quand vous supporterai-je? Combien de temps vous faudra-t-il pour apprendre que les oeuvres de la foi ne se manifestent pas à la demande des incroyants qui doutent? » Puis montrant du doigt le père désorienté, Jésus dit: « Amène ici ton fils ». Et lorsque Jacques de Safed eut obtempéré, Jésus lui demanda: «Depuis combien de temps le garçon est-il affligé de cette manière? » Le père répondit: « Depuis qu'il est tout petit ». Au cours de cet entretien, le garçon fut saisi d'une sévère attaque, grinçant des dents et écumant de la bouche. Après une succession de violentes convulsions, il resta étendu comme mort devant eux. Le père s'agenouilla de nouveau aux pieds de Jésus et l'implora en disant: « Si tu peux le guérir, je te supplie d'avoir compassion de nous et de nous délivrer de cette affliction ». A l'audition de ces paroles, Jésus abaissa son regard pour scruter le visage anxieux du père et dit: « Ne mets pas en doute le pouvoir d'amour de mon Père, mais seulement la sincérité et la portée de ta foi. Toutes choses sont possibles pour celui qui croit réellement ». Alors Jacques de Safed prononça les mémorables paroles mêlées de foi et de doute: « Seigneur, je crois. Je te prie de m'aider dans mon incrédulité ».

Après les avoir entendues, Jésus s'avança, prit le garçon par la main, et dit: « Je vais faire cela en harmonie avec la volonté de mon Père et en l'honneur de la foi vivante. Mon fils, lève-toi! Esprit désobéissant, sors de lui et n'y reviens jamais ». Puis Jésus plaça la main du fils dans celle du père et dit: « Va ton chemin. Le Père a exaucé le désir de ton âme ». Et tous les assistants, même les ennemis de Jésus, furent stupéfaits de ce qu'ils avaient vu.

Quant aux trois apôtres qui avaient joui si récemment de l'extase spirituelle des scènes et expériences de la transfiguration, ce fut en vérité une désillusion pour eux que de revenir si tôt sur la scène de la défaite et de la déconfiture de leurs collègues. Mais il en fut toujours ainsi avec ces douze ambassadeurs du royaume. Ils alternaient constamment entre l'exaltation et l'humiliation dans leurs expériences.

En l'espèce, il s'agissait de la cure d'une double affliction, un mal physique et une maladie spirituelle. La guérison du garçon fut permanente à dater de cette heure. Quand Jacques de Safed fut parti avec son fils, Jésus dit: « Nous irons demain à Césarée-Philippe; préparez-vous immédiatement ». Et le groupe tranquillisé partit vers le sud, tandis que la foule suivait de loin.

6. -- DANS LE JARDIN DE CELSUS

Les douze passèrent encore la nuit chez Celsus. Ce soir-là, dans le jardin, après ils eurent dîné et près un peu de repos, ils se réunirent autour de Jésus, et Thomas dit: « Maître, ceux d'entre nous qui sont resté ici ignorent ce qui s'est passé sur la montagne et qui a si grandement encouragé nos frères qui t'accompagnaient. Mais nous désirons ardemment que tu nous parles de notre défaite et que tu nous instruises en ces matières, car nous voyons que les événements survenus dans la montagne ne peuvent nous être révélés en ce moment ».

Jésus répondit à Thomas en disant: « Tout ce que vos frères ont entendu sur la montagne vous sera révélé en temps voulu. Je vais maintenant vous montrer la cause de votre échec dans votre tentative si malencontreuse. Hier, pendant que votre Maître et vos trois compagnons montaient là-bas sur la montagne pour rechercher une connaissance plus étendue de la volonté du Père et pour demander à être plus richement doués de sagesse afin d'exécuter efficacement cette volonté divine, vous restiez ici à veiller. Vous auriez du vous efforcer d'acquérir une mentalité spirituellement clairvoyante, et prier avec nous pour une révélation plus complète de la volonté du Père. Or, vous n'avez pas mis en oeuvre la foi qui était à vos ordres; au lieu de cela, vous avez cédé à la tentation; vous êtes retombés dans vos anciennes et pernicieuses tendances à rechercher pour vous-mêmes des postes de choix dans le royaume des cieux -- que vous persistez à imaginer sous un aspect matériel et temporel. Vous vous attachez à ces conceptions erronées malgré mes déclarations réitérées que mon royaume n'est pas de ce monde.

« A peine saisissez-vous par la foi l'identité du Fils de l'Homme, que votre désir égoïste d'une promotion terrestre s'insinue à nouveau en vous, et vous recommencez à discuter entre vous pour savoir qui sera le plus grand dans le royaume des cieux. Or ce royaume n'existe pas et n'existera jamais sous la forme où vous le concevez. Ne vous ai-je pas dit que celui qui voudrait être le plus grand dans le royaume de la confraternité spirituelle de nom Père doit devenir peu de choses à ses propres yeux et être ainsi le serviteur de ses frères? La grandeur spirituelle consiste en un amour compréhensif semblable à celui de Dieu, et non à jouir de l'exercice du pouvoir matériel pour s'exalter soi-même. Dans la tentative où vous avez subi un échec si total, votre dessein n'était pas pur. Votre mobile n'était pas divin. Votre idéal n'était pas spirituel. Votre ambition n'était pas altruiste. Votre manière de faire n'était pas fondée sur l'amour, et le but que vous vouliez atteindre n'était pas la volonté du Père céleste.

« Combien de temps vous faudra-t-il pour apprendre que l'on ne peut abréger le cours des phénomènes naturels établis, sauf quand cette réduction du temps est conforme à la volonté du Père? On ne peut pas non plus accomplir une oeuvre spirituelle en l'absence de pouvoir spirituel. Même si ces possibilités sont potentiellement présentes, on ne peut les réaliser sans l'existence d'un troisième facteur humain essentiel, l'expérience personnelle de posséder une foi vivante. Faudra-t-il toujours que vous assistiez à des manifestations matérielles pour vous attirer vers les réalités spirituelles du royaume? Ne pouvez-vous saisir la signification spirituelle de ma mission sans la démonstration visible d'oeuvres inhabituelles? Quand pourra-t-on compter sur vous pour adhérer aux réalités spirituelles supérieures du royaume indépendamment de toute apparition extérieure de manifestations matérielles? »

Après avoir ainsi parlé aux douze, Jésus ajouta: « Maintenant, allez vous reposer, car demain matin nous retournerons à Magadan et nous y tiendrons conseil au sujet de notre mission dans les villes et villages de la Décapole. En conclusion de l'expérience d'aujourd'hui, laissez-moi répéter à chacun de vous ce que j'ai dit à vos frères sur la montagne, et gravez profondément ces paroles dans votre coeur: Le Fils de l'Homme entre maintenant dans la dernière phase de son effusion. Nous allons entreprendre les travaux qui conduiront bientôt à votre grande épreuve finale de foi et de dévotion, quand je serai livré aux mains des hommes qui cherchent à m'anéantir. Rappelez-vous ce que je vous dis: « Le Fils de l'Homme sera mis à mort, mais il ressuscitera ».

Les apôtres attristés se retirèrent pour la nuit. Ils étaient désemparés et ne pouvaient saisir le sens de ces paroles. Ils avaient peur de poser une question sur ce que Jésus avait dit, mais ils se souvinrent de tout après la résurrection.

7. -- LA PROTESTATION DE PIERRE

Ce mercredi matin, Jésus et les douze quittèrent Césarée-Philippe pour se rendre au Parc de Magadan, près de Bethsaïde-Juliade. Les apôtres avaient très peu dormi cette nuit-là; ils se levèrent donc tôt et furent prêts à partir de bonne heure. Même les flegmatiques jumeaux Alphée avaient été choqués par l'allusion à la mort de Jésus. En allant vers le sud, ils croisèrent la route de Damas un peu au delà des Eaux de Mérom. Désireux d'éviter les scribes et autres personnes qui n'allaient pas tarder à les rejoindre, Jésus décida d'aller à Capharnaüm par la route de Damas qui traverse la Galilée. En effet, il savait que les pèlerins prendraient la route à l'est du Jourdain en comptant que Jésus et les apôtres craindraient de passer par le territoire d'Hérode Antipas. Jésus cherchait à échapper à ses censeurs et à la foule qui le suivait, pour être seul avec ses apôtres ce jour-là.

Ils marchèrent donc à travers la Galilée jusqu'à ce que l'heure habituelle de leur déjeuner fût passée depuis longtemps, puis ils s'arrêtèrent à l'ombre pour une pause. Après qu'ils eurent mangé, André dit à Jésus: « Maître mes compagnons ne comprennent pas tes profonds aphorismes. Nous sommes parvenus à croire pleinement que tu es le Fils de Dieu, et maintenant tu nous parles étrangement de nous quitter et de mourir. Nous ne comprenons pas ton enseignement. Nous parles-tu en paraboles? Nous te prions de t'exprimer franchement sous une forme non voilée ». En réponse à la demande d'André, Jésus dit: « Mes frères, en raison de votre confession que vous me croyez le Fils de Dieu, je suis obligé de commencer à vous dévoiler la vérité sur la fin de l'effusion terrestre du Fils de l'Homme. Vous persistez à croire que je suis le Messie, et vous ne voulez pas abandonner l'idée que le Messie doit siéger sur un trône à Jérusalem. C'est pourquoi je vous répète avec insistance qu'il me faudra bientôt aller à Jérusalem. C'est pourquoi je vous répète avec insistance qu'il me faudra bientôt aller à Jérusalem, beaucoup souffrir, être rejeté par les scribes, les anciens, et les chefs religieux, puis être tué et ressusciter d'entre les morts. Je ne vous raconte pas une parabole, je vous dis la vérité afin que vous soyez préparés à ces événements quand ils surviendront brusquement ». Il parlait encore lorsque Simon Pierre se précipita vers lui avec impétuosité, posa sa main sur l'épaule du Maître, et dit: « Maître, nous sommes loin de vouloir te contredire, mais je déclare que ces choses ne t'arriveront jamais ».

Pierre parla ainsi parce qu'il aimait Jésus mais le Maître discerna dans ces paroles d'affection bien intentionnée la suggestion subtile d'une tentation, celle de changer sa politique consistant à poursuivre jusqu'au bout son effusion terrestre conformément à la volonté de son Père céleste. Ayant décelé le danger de permettre à des suggestions, même à celles de ses amis affectueux et fidèles, de le dissuader, Jésus se tourna vers Pierre et les autres apôtres en s'écriant: « Retirez-vous de moi (1). Vous avez l'odeur de l'esprit de l'adversaire, le tentateur. En parlant de cette manière, non seulement vous n'êtes pas de mon côté, mais plutôt du côté de notre ennemi. Vous faites ainsi de votre amour pour moi une pierre d'achoppement sur le chemin de l'accomplissement de la volonté du Père. Ne vous occupez pas des moyens humains, mais plutôt de la volonté de Dieu ».

Quand ils furent remis du premier choc de la cinglante réprimande de Jésus et avant qu'ils ne reprissent leur route, le Maître ajouta: « Si quelqu'un veut me suivre, qu'il fasse abstraction de lui-même, qu'il prenne quotidiennement ses responsabilités et qu'il soit mon disciple. Car quiconque voudra sauver égoïstement sa-vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi et pour l'évangile la sauvera. Quel profit y a-t-il pour un homme à gagner le monde entier et à perdre sa propre âme? » Que peut donner un homme en échange de la vie éternelle? N'avez pas honte de moi et de mes paroles dans cette génération pécheresse et hypocrite, de même que je n'aurai pas honte de vous reconnaître quand j'apparaîtrai en gloire devant mon Père en présence de toutes les armées célestes. Néanmoins, parmi ceux qui se trouvent ici devant moi, beaucoup ne goûteront pas la mort avant d'avoir vu ce royaume de Dieu arriver avec puissance » (2).

  (1) Cf. Matthieu XVI-23 ; Marc VIII-33.
  (2) Cf. Matthieu XVI-24 à 28 ; Marc VIII-34 à IX-1 ; Luc IX-23 à 27.

Jésus explique ainsi aux douze le sentier douloureux et contradictoire qu'ils devaient fouler s'ils voulaient le suivre. Quel choc ce fut pour ces pêcheurs galiléens qui persistaient à rêver d'un royaume terrestre avec des postes d'honneur pour eux-mêmes! Mais leurs coeurs loyaux furent émus par ce courageux appel, et aucun d'eux n'eut l'idée d'abandonner Jésus; il ne les envoyait pas seuls a la bataille, il les y conduisait. Il leur demandait seulement de le suivre bravement.

Les douze saisissaient lentement l'idée que Jésus leur exposait quelque chose sur l'éventualité de sa mort. Ils comprenaient vaguement ce qu'il en disait. Par contre, son allusion à la résurrection d'entre les morts ne suscitait pas la moindre réaction dans leur pensée. A mesure que les jours s'écoulaient, Pierre, Jacques, et Jean arrivaient à mieux comprendre certaines de ces questions en se remémorant leur expérience sur la montagne de la transfiguration.

Au long de leur association avec le Maître, les douze n'eurent que de rares occasions de voir le regard étincelant de Jésus et d'entendre ses vifs reproches à Pierre ou à d'autres apôtres, comme ce fut le cas en cette circonstance. Jésus avait toujours été patient devant leurs imperfections humaines, mais il n'en fut pas de même devant la menace imminente contre son programme impliquant d'exécuter la volonté de son Père au sujet du reste de sa carrière terrestre. Les apôtres furent littéralement abasourdis; ils étaient stupéfaits et horrifiés. Ils ne trouvaient pas de mots pour exprimer leur chagrin. Lentement ils commencèrent à comprendre ce que le Maître devrait supporter et la nécessité pour eux de traverser ces épreuves avec lui; mais ils ne s'éveillèrent à la réalité de ces événements futurs que longtemps après ces premières allusions à la tragédie menaçante des derniers jours de sa vie.

Jésus et les douze partirent ensuite silencieusement pour leur camp du Parc de Magadan, en passant par Capharnaüm. Au cours de l'après-midi ils ne conversèrent pas avec Jésus mais parlèrent beaucoup entre eux, tandis qu'André s'entretenait avec le Maître.

8. -- CHEZ PIERRE

Arrivés à Capharnaüm au crépuscule, ils allèrent directement prendre leur repas du soir chez Simon Pierre, en passant par des rues peu fréquentées. Tandis que David Zébédée se préparait à les emmener de l'autre côté du lac, ils s'attardèrent chez Pierre. Dévisageant Pierre et les apôtres, Jésus leur demanda « Pendant que vous marchiez ensemble cet après-midi, de quoi discutiez-vous si gravement entre vous? » Les apôtres se tinrent cois, car beaucoup d'entre eux avaient poursuivi la discussion, commencée près du Mont Hermon, sur les positions qu'ils occuperaient dans le royaume à venir, sur qui serait le plus grand, et ainsi de suite. Sachant ce qui avait occupé leurs pensées ce jour-là, Jésus fit signe à l'un des tout jeunes enfants de Pierre, l'installa parmi eux, et dit: « En vérité, en vérité, je vous le dis, à moins de faire volte-face et de ressembler davantage à cet enfant, vous ne ferez guère de progrès dans le royaume des cieux. Quiconque s'humiliera et ressemblera à ce petit deviendra le grand dans le royaume des cieux. Quiconque reçoit un petit enfant me reçoit. Et quiconque me reçoit reçoit aussi Celui qui m'a envoyé. Si vous voulez être les premiers dans le royaume, cherchez à apporter ces bonnes vérités à vos compagnons incarnés. Mais si quelqu'un fait trébucher l'un de ces petits enfants, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache une meule au cou et qu'on le jette dans la mer. Si les choses que vous faites avec vos mains ou celles que vous voyez de vos yeux font scandale dans le progrès du royaume des cieux, sacrifiez ces idoles chéries; car il vaut mieux entrer dans le royaume en étant dépourvu des choses que l'on aime dans la vie, que de s'attacher à ces idoles et de se trouver exclu du royaume. Par-dessus tout, veillez à ne mépriser aucun de ces petits, car leurs anges contemplent constamment les phalanges célestes » (1).

Lorsque Jésus eut fini de parler, ils montèrent tous dans le bateau et firent voile jusqu'à Magadan, de l'autre côté du lac.

  (1) Cf. Principalement Matthieu XVIII-1 à 10 et Marc IX-42 à 48, mais aussi Matthieu X-42 et Luc XVII-1 à 3.

 

157. A Césarée-Philippe

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Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
Created: 09 December 2025

À CÉSARÉE-PHILIPPE

AVANT d'emmener les douze faire un court séjour au voisinage de Césarée-Philippe, Jésus avait convenu, par l'intermédiaire des messagers de David, qu'il traverserait le lac pour rencontrer sa famille à Capharnaüm le dimanche 7 août de cette année 29. La visite devait avoir lieu au chantier naval de Zébédée, et David Zébédée avait pris des dispositions avec Jude, le frère de Jésus, pour que la famille de Nazareth soit présente au complet -- Marie et tous les frères et soeurs de Jésus accompagné d'André et de Pierre, Jésus alla au rendez-vous. Marie et ses enfants avaient certainement l'intention de s'y rendre également, mais il advint qu'un groupe de pharisiens, sachant que Jésus était de l'autre côté du lac dans les domaines de Philippe frère d'Hérode, décida d'interroger Marie pour apprendre autant que possible dans quels parages il se trouvait. L'arrivée de ces émissaires de Jérusalem troubla beaucoup Marie. Ils remarquèrent la tension et la nervosité de toute la famille et en conclurent elle devaient s'attendre à une visite de Jésus. En conséquence, ils s'installèrent chez Marie, convoquèrent des renforts, et attendirent patiemment l'arrivée de Jésus. Bien entendu, cela empêcha efficacement toute tentative des membres de la famille d'aller au rendez-vous. Durant la journée, Jude et Ruth essayèrent plusieurs fois de déjouer la vigilance des pharisiens pour prévenir Jésus, mais ce fut en vain.

De bonne heure dans l'après-midi, les messagers de David firent savoir à Jésus que les pharisiens campaient sur le perron de la maison de sa mère; il ne fit donc aucun effort pour rendre visite à sa famille. A nouveau, et sans qu'il y ait eu faute de part ou d'autre, Jésus et sa famille terrestre ne réussirent pas à reprendre contact.

1. -- LE PERCEPTEUR DE L'IMPÔT DU TEMPLE

Tandis que Jésus s'attardait avec André et Pierre au bord du lac, près du chantier naval, un percepteur de l'impôt du temple s'approcha d'eux, reconnut Jésus, et prit Pierre à part pour lui dire: « Ton Maître ne paye-t-il pas l'impôt du temple? » Pierre eut tendance à s'indigner à l'idée que Jésus devait contribuer à soutenir les activité religieuses de ses ennemis jurés, mais il remarqua une expression particulière sur le visage du percepteur. Il conjectura à juste titre que le percepteur cherchait à le prendre en flagrant délit de refus de payer le demi-sicle habituel pour l'entretien des service du temple à Jérusalem. En conséquence, Pierre répondit: « Bien entendu, le Maître paye l'impôt du temple. Attends à la porte, et je reviens avec le montant de la taxe ».

Pierre avait parlé sans réfléchir, car Judas, qui transportait leurs fonds, était de l'autre côté du lac. Ni Pierre, ni son frère, ni Jésus n'avaient emporté d'argent. Sachant que les pharisiens les recherchaient, il leur était difficile d'aller à Bethsaïde pour obtenir des fonds. Lorsque Pierre parla à Jésus du percepteur et dit qu'il lui avait promis l'argent, Jésus lui dit: « Si tu as promis, il faut que tu payes, mais avec quoi tiendras-tu ta promesse? Veux-tu redevenir pêcheur pour pouvoir faire honneur à ta parole? Néanmoins, Pierre, dans les circonstances actuelles il est bon que nous payions la taxe. Ne fournissons a ces hommes aucune occasion de s'offenser de notre comportement. Nous attendrons ici pendant que tu vas prendre le bateau et attraper des Poissons au filet. Quand tu les auras vendus au marché là-bas, paye le percepteur pour nous trois ».

Toute cette conversation avait été entendue par le messager secret de David, qui se tenait à proximité et qui fit signe à un associé pêchant près du rivage d'accoster promptement. Lorsque Pierre se prépara a monter dans le bateau pour pêcher, le messager et son ami pêcheur lui offrirent plusieurs grands paniers de poissons et l'aidèrent à les porter au marchand de poisson voisin. Celui-ci acheta la prise et la paya à un prix qui, avec un complément fourni par le messager de David, suffisait à payer la taxe du temple pour les trois hommes. Le percepteur accepta le versement et fit remise de l'amende pour retard de paiement parce que les intéressés avaient été absents de Galilée pendant un certain temps.

Il n'est pas étonnant que vos évangiles contiennent un récit de Pierre attrapant un poisson dont la gueule contenait un sicle. A cette époque circulaient de nombreux récits sur la découverte de trésors dans la gueule de poissons, et ces histoires quasi-miraculeuses étaient fort répandues. Lorsque Pierre s'en alla pour se diriger vers le bateau, Jésus lui fit donc observer avec une pointe d'humour: « Il est étrange que les fils du roi doivent payer le tribut; ce sont généralement les étrangers qui sont taxés pour entretenir la cour; mais il convient que nous ne fournissions pas une pierre d'achoppement aux autorités. Vas-y! Peut-être attraperas-tu le poisson dont la gueule contient le sicle ». Après ces paroles de Jésus et la réapparition si rapide de Pierre avec le montant de l'impôt du temple, il est assez naturel que l'épisode ait été ultérieurement grossi pour devenir le miracle raconté par l'auteur de l'évangile selon Matthieu (1).

Jésus attendit au bord du lac avec André et Pierre jusqu'au coucher du soleil. Des messagers lui-firent savoir que la maison de Marie était toujours surveillée; en conséquence, à la tombée de la nuit, les trois hommes remontèrent dans leur bateau et ramèrent lentement vers la côte orientale de la Mer de Galilée.

  (1) Matthieu XVII-27.

2. -- À BETHSAÏDE-JULIADE

Le lundi 8 août, tandis que Jésus et les douze apôtres campaient dans le parc de Magadan proche de Bethsaïde-Juliade, plus de cent croyants, les évangélistes, le groupe des femmes, et d'autres personnes s'intéressant à l'établissement du royaume vinrent de Capharnaüm pour une conférence. Apprenant que Jésus était là, beaucoup de pharisiens vinrent aussi. A cette époque, un certain nombre de sadducéens s'étaient joints aux efforts des pharisiens pour prendre Jésus au piège avant la conférence privée avec les croyants, Jésus tint une réunion publique à laquelle assistèrent les pharisiens. Ils posèrent au Maître des questions embarrassantes et cherchèrent encore autrement à troubler la réunion. Le chef des perturbateurs dit: «Maître, nous voudrions que tu nous donnes un signe de l'autorité qui te permet d'enseigner, et alors, quand ce signe ce produira, tous les hommes sauront que tu as été envoyé par Dieu ». Et Jésus leur répondit: « Le soir, vous dites qu'il fera beau temps parce que le ciel est rouge. Le matin, vous dites qu'il fera mauvais temps parce que le ciel est rouge et que les nuages s'abaissent. Quand vous voyez un nuage se lever à l'ouest, vous dites qu'il va tomber des averses. Quand le vent souffle du sud, vous annoncez une chaleur torride. Comment se fait-il que, sachant si bien discerner l'aspect du ciel, vous soyez si complètement incapables de discerner les signes des temps? A ceux qui voudraient connaître la vérité, un signe a déjà été donné; mais à une génération hypocrite et mal intentionnée, aucun signe ne sera donné.

Après avoir ainsi parlé, Jésus se retira et se prépara à la conférence du soir avec ses disciples. Il fut décidé à cette conférence que l'on entreprendrait en commun une tournée dans toutes les villes et tous les villages de la Décapole dès que Jésus et les douze seraient revenus de leur visite projetée à Césarée-Philippe. Le Maître participa à l'élaboration dés plans de la mission en Décapole, puis renvoya l'assistance en disant: « Je vous mets en garde contre le levain des pharisiens et des sadducéens. Ne vous laissez pas tromper par leur grande érudition et leur profond attachement aux formes de la religion. Ne vous préoccupez que de l'esprit de la vérité vivante et du pouvoir de la vraie religion. Ce n'est pas la crainte d'une religion morte qui vous sauvera, mais plutôt votre foi en une expérience vivante des réalités spirituelles du royaume. Ne vous laissez ni aveugler par les préjugés, ni paralyser par la crainte. Ne permettez pas non plus au respect des traditions de déformer votre intelligence au point que vos yeux ne voient plus et que vos oreilles n'entendent plus. La vraie religion n'a pas simplement pour but d'amener la paix, mais plutôt d'assurer le progrès. Il ne peut y avoir ni paix dans le coeur, ni progrès dans la pensée, si vous ne tombez pas sincèrement amoureux de la vérité, des idéaux des réalités éternelles. L'alternative de la vie et de la mort est placée devant vous -- d'un côté les plaisirs impie du temps, et de l'autre les justes réalités de l'éternité. Dès maintenant vous devriez commencer à vous délivrer de l'esclavage de la peur et du doute en entrant dans la nouvelle vie de foi et d'espérance. Quand des sentiments de service envers votre prochain s'élèvent dans votre âme, ne les étouffez pas; quand les émotions de l'amour du prochain jaillissent dans votre coeur, manifestez cette tendance affective par un ministère intelligent satisfaisant les besoins réels de votre prochain ».

3. -- LA CONFESSION DE PIERRE

Le mardi matin de bonne heure, Jésus et les douze apôtres partirent du pare de Magadan pour Césarée-Philippe, capitale du domaine du tétrarque Philippe. Cette ville était située dans une région merveilleusement belle. Elle nichait dans une vallée pittoresque entre des collines où le Jourdain sortait d'une grotte souterraine. Au nord on voyait bien les hauteurs du Mont Hermon, tandis qu'en montant sur les collines du sud on avait une vue magnifique sur l'amont du Jourdain et la Mer de Galilée.

Au cours de ses premières expériences dans les affaires du royaume, Jésus était allé au Mont Hermon: maintenant qu'il entrait dans la dernière phase de son oeuvre, il voulait retourner sur ce haut-lieu de ses épreuves et de son triomphe. Il espérait que les apôtres y gagneraient une nouvelle vision de leurs responsabilités et acquerraient de nouvelles forces pour l'imminente période d'épreuves. Sur la route, au moment où ils passaient au sud des Eaux de Mérom, les apôtres s'entretinrent de leurs récentes expériences en Phénicie et ailleurs, racontèrent comment leur message avait été reçu, et parlèrent de la manière dont les différentes populations considéraient leur Maître.

À la halte du déjeuner, Jésus aborda soudainement avec les douze la première question qu'il leur eût jamais posée sur lui-même. A leur surprise, il leur demanda: « Qui dit-on que je suis? »

Jésus avait passé de longs mois à instruire les apôtres sur la nature et le caractère du royaume des cieux; il savait que le moment était venu de leur en apprendre davantage sur sa propre nature et sur ses relations personnelles avec le royaume. Alors, tandis qu'ils étaient assis sous des mûriers, le Maître se prépara à l'une des plus importantes discussions de sa longue association avec les apôtres choisis.

Plus de la moitié d'entre eux participèrent aux réponses à la question posée. Ils dirent à Jésus que tous ceux qui le connaissaient le considéraient comme un prophète ou un homme extraordinaire; que même ses ennemis le craignaient beaucoup et expliquaient ses pouvoirs en l'accusant d'être ligué avec le prince des démons. Les apôtres lui dirent que certains habitants de la Judée et de la Samarie, qui ne l'avaient pas rencontré personnellement, le prenaient pour Jean le Baptiste ressuscité d'entre les morts. Pierre exposa qu'en plusieurs occasions diverses personnes avaient comparé Jésus à Moïse, Elie, Isaïe, et Jérémie. Après avoir entendu ces commentaires, Jésus se leva, regarda les douze assis en demi-cercle autour de lui, les montra successivement du doigt en un geste circulaire, et leur demanda avec un stupéfiant accent d'énergie: « Et vous, qui pensez-vous que je sois? » Il y eut un moment de silence impressionnant où les douze ne quittèrent pas leur Maître des yeux. Puis Simon Pierre se leva brusquement et s'écria: « Tu es le Libérateur le Fils du Dieu vivant ». Et les onze apôtres assis se levèrent simultanément pour montrer que Pierre avait réellement parlé en leur nom.

Jésus les pria de se rasseoir, se tint debout devant eux, et leur dit: «Cela vous a été révélé par mon Père. L'heure est venue où il faut que vous connaissiez la vérité sur moi. Mais pour l'instant je vous donne comme instruction de ne le dire à personne. Partons d'ici ».

Ils reprirent donc la route de Césarée-Philippe où ils arrivèrent tard dans la soirée et s'arrêtèrent chez Celsus, qui les attendait. Les apôtres dormirent peu cette nuit-là; ils avaient le sentiment qu'un grand événement venait de se produire dans leur vie et dans l'oeuvre du royaume.

4. -- PROPOS AU SUJET DU ROYAUME

Depuis les épisodes de son baptême par Jean et du changement de l'eau en vin, les apôtres avaient, à des dates diverses, virtuellement accepté Jésus en tant que Messie. Pendant de brèves périodes, certains d'entre eux avaient vraiment cru qu'il était le Libérateur attendu. Mais à peine ces espoirs étaient-ils nés dans leur coeur que le Maître les anéantissait par quelques paroles écrasantes ou par un acte qui es décevait. Les apôtres avaient longtemps été fort agités par la lutte entre leur pensée et leur coeur, par le conflit entre leur conception du Messie attendu et l'expérience de leur association extraordinaire avec cet homme unique.

Tard dans la matinée de ce mercredi, les êtres se rassemblèrent dans le jardin de Celsus pour leur repas de midi. Durant presque toute la nuit et depuis leur lever ce matin-là, Simon Pierre et Simon Zélotès avaient sérieusement argumenté avec leurs collègues pour les amener au point où ils accepteraient de tout coeur le Maître, non seulement en tant que Messie, mais également en tant que Fils du Dieu vivant. Les deux Simon étaient à peu près d'accord sur leur appréciation de Jésus, et ils travaillaient assidûment à faire accepter pleinement leur point de vue par les autres.

Bien qu'André restât directeur général du corps apostolique Pierre, par un commun accord, devenait de plus en plus le porte-parole des douze.

Ils étaient tous assis dans le jardin à midi lorsque le Maître apparut. Ils avaient des expressions dignes et solennelles et se levèrent tous à son approche. Jésus détendit la situation par l'amical et fraternel sourire si caractéristique qu'il arborait quand ses disciples prenaient trop au sérieux leur propre personne ou quelque événement se rapportant à eux. Avec un geste de commandement, il leur fit signe qu'ils auraient dû rester assis. Jamais plus les douze n'accueillirent leur Maître en se levant à son arrivée, car ils avaient perçu sa désapprobation pour cette marque extérieure de respect.

Après qu'ils eurent pris leur repas et se furent lancés dans la discussion de plans pour leur prochaine tournée en Décapole, Jésus les regarda soudain en face et dit: « Maintenant qu'une journée entière s'est écoulée depuis que vous avez approuvé la déclaration de Pierre sur l'identité du Fils de l'Homme, je voudrais vous demander si vous maintenez toujours votre opinion ». En entendant cela, les douze se dressèrent sur leurs pieds, et Simon Pierre s'avança de quelques pas vers Jésus en disant: « Oui, Maître, nous la maintenons. Nous croyons que tu es le Fils du Dieu vivant ». Et Pierre se rassit ensuite avec ses compagnons.

Jésus, resté debout, dit alors aux douze « Vous êtes mes ambassadeurs choisis, mais je sais qu'en pareille circonstance la simple connaissance humaine n'aurait pas pu vous amener là. Cette croyance est une révélation de l'esprit de mon Père au plus profond de vos âmes. Si donc vous faites cette confession par l'esprit de mon Père qui habite en vous, je suis amené à proclamer que, sur ce fondement, j'édifierai la confraternité du royaume des cieux. Sur ce roc (1) de réalité spirituelle, je bâtirai le temple vivant de communion spirituelle dans les réalités éternelles du royaume de mon Père. Toutes les forces du mal et les armées du péché ne prévaudront pas contre cette confraternité de l'esprit divin. Mon Père en esprit sera toujours le guide et le mentor divin de tous ceux qui se soumettront à cette communauté spirituelle; mais à vous et à vos successeurs, je remets maintenant les clefs du royaume extérieur -- l'autorité sur les choses temporelles -- les facteurs sociaux et économiques de cette association d'hommes et de femmes en tant que membres du royaume ». À nouveau il leur ordonna de ne dire à personne, pour l'instant, qu'il était le Fils de Dieu.

  (1) Cf. Matthieu XVI-18.

Jésus commençait à avoir foi dans la fidélité et l'intégrité de ses apôtres. Il pensa que, si la foi de ses représentants choisis était capable de résister aux tribulations qu'ils avaient récemment subies elle pourrait indubitablement supporter les rudes épreuves qui les attendaient, et sortirait intacte du naufrage apparent de toutes leurs espérances. Ils se trouveraient alors dans la lumière d'une nouvelle dispensation et capables de faire campagne pour éclairer un monde plongé dans les ténèbres. Ce jour-là, le Maître commença a croire à la foi de tous ses apôtres, à l'exception d'un seul.

Depuis lors, Jésus a toujours continué à bâtir ce temple vivant sur le même fondement éternel de sa filiation divine. Les hommes qui deviennent ainsi consciemment fils de Dieu sont les pierres humaines constituant le temple vivant qui s'élève à la gloire et à l'honneur de la sagesse et de l'amour du Père éternel des esprits.

Après avoir ainsi parlé, Jésus ordonna aux douze d'aller isolément dans la montagne pour y chercher la sagesse, la force, et des les directives spirituelles, jusqu'à l'heure du repas du soir. Et ils firent ce que le Maître leur avait commandé.

5. -- LA NOUVELLE CONCEPTION

Le trait nouveau et essentiel de la confession de Pierre fut la reconnaissance bien nette que Jésus était le Fils de Dieu, qu'il était indiscutablement divin. Depuis son baptême et les noces de Cana, les apôtres l'avaient diversement considéré comme le Messie, mais sa divinité ne faisait pas partie de la conception juive d'un Libérateur national. Les Juifs n'avaient pas enseigné que le Messie aurait une origine divine; il devait être « l'oint du Seigneur », mais non le Fils de Dieu. Dans la seconde confession, l'accent fut placé davantage sur la nature conjuguée de Jésus, sur le fait céleste qu'il était le Fils de l'Homme et le Fils de Dieu. C'est sur cette grande vérité de l'union de la nature humaine avec la nature divine que le Maître déclara qu'il bâtirait le royaume des cieux.

Jésus avait cherché à vivre sa vie terrestre et à parachever sa mission d'effusion en tant que Fils de l'Homme. Or ses disciples étaient disposés à le considérer comme le Messie attendu. Sachant qu'il ne pourrait jamais réaliser leurs espérances messianiques, il s'efforça de modifier leur conception du Messie de manière à pouvoir répondre partiellement à leur attente. Mais Jésus reconnut maintenant que ce plan n'avait guère de chances d'être mené à bien. Il décida donc audacieusement de révéler son troisième plan -- d'annoncer ouvertement sa divinité, de reconnaître la sincérité de la confession de Pierre, et de déclarer directement aux douze qu'il était un Fils de Dieu.

Durant trois années, Jésus avait proclamé qu'il était le Fils de l'Homme, et pendant les trois mêmes années les apôtres avaient insisté de plus en plus sur le fait qu'il était le Messie juif attendu. Il révéla maintenant qu'il était le Fils de Dieu et choisit de bâtir le royaume des cieux sur la conception de sa nature conjuguée de Fils de l'Homme et de Fils de Dieu. Il avait décidé de ne plus faire d'efforts pour convaincre les apôtres qu'il n'était pas le Messie. Il se proposa désormais de leur révéler audacieusement ce qu'il était, et de ne plus tenir compte de leur persistance à le considérer comme le Messie.

6. - L'APRÈS-MIDI SUIVANT

Jésus et les apôtres restèrent encore un jour chez Celsus attendant que des messagers de David Zébédée arrivent avec de l'argent. A la suite de l'effondrement de la popularité de Jésus auprès des masses, les revenus des apôtres avaient considérablement diminué. A leur arrivée à Césarée-Philippe, leur caisse était vide. Matthieu était peu enclin à quitter Jésus et ses compagnons en un moment pareil, et il n'avait pas de fonds disponibles, lui appartenant en propre, a remettre à Judas comme il l'avait si souvent fait dans le passé. Toutefois, David Zébédée avait prévu cette diminution probable de revenus et avait donné des instructions en conséquence a ses messagers. En traversant la Judée, la Samarie, et la Galilée, ils devaient faire des collectes et en envoyer le produit aux apôtres exilés et à leur Maître. C'est pourquoi, dans la soirée du même jour, les messagers arrivèrent de Bethsaïde en apportant une somme suffisante pour entretenir les apôtres jusqu'au moment où ils reviendraient pour entreprendre la tournée de la Décapole. Matthieu espérait qu'à leur retour il aurait encaissé le prix de vente de sa dernière propriété de Capharnaüm, et il s'était arrange pour que ces fonds soient remis à Judas sous forme anonyme.

Ni Pierre ni les autres apôtres n'avaient une conception très juste de la divinité de Jésus. Ils ne se rendaient pas compte qu'une nouvelle époque commençait dans la carrière terrestre de leur Maître, l'époque où l'instructeur-guérisseur allait devenir le Messie selon la conception nouvelle -- le Fils de Dieu. A partir de ce moment-là, un nouveau ton apparut dans les messages du Maître. Son unique idéal de vie fut désormais la révélation du Père, et l'essence de son enseignement fut de présenter à son univers la personnification d'une sagesse suprême compréhensible uniquement en la vivant. Il était venu pour que nous puissions tous avoir la vie, et l'avoir plus abondamment.

Jésus entrait maintenant dans le quatrième et dernier stade de sa vie incarnée. Le premier fut celui de son enfance, des années où il n'avait que faiblement conscience de son origine, de sa nature, et de sa destinée en tant qu'être humain. Le second stade fut celui de l'auto-conscience croissante des années de son adolescence et de sa jeunesse, durant lesquelles il comprit plus clairement sa nature divine et sa mission humaine; ce second stade prit fin avec les expériences et révélations associées à son baptême. Le troisième stade de l'expérience terrestre du Maître s'étendit depuis son baptême, suivi des années de son ministère d'éducateur et de guérisseur, jusqu'à l'heure mémorable de la confession de Pierre à Césarée-Philippe; ce troisième stade engloba la période où ses apôtres et ses disciples immédiats le connurent en tant que Fils de l'Homme et le considérèrent comme le Messie. La quatrième et dernière période de sa carrière terrestre commença ici, à Césarée-Philippe, et dura jusqu'à la crucifixion. Ce stade de son ministère fut caractérisé par l'aveu de sa divinité et inclut les oeuvres de sa dernière année d'incarnation. La majorité des disciples de Jésus le considérait encore comme le Messie, mais durant le quatrième stade, les apôtres le connurent en tant que Fils de Dieu. La confession de Pierre marque le commencement de la nouvelle période où les apôtres choisis comprirent plus complètement son ministère suprême en tant que Fils d'effusion sur Urantia et pour un univers entier, et où ils reconnurent, au moins vaguement, ce fait.

Jésus donna ainsi dans sa vie l'exemple de ce qu'il enseignait dans sa religion; la croissance de la nature spirituelle par la technique du progrès vivant. Contrairement à ses successeurs, il ne mit pas l'accent sur la lutte incessante entre l'âme et le corps. Il enseigna plutôt que l'esprit triomphe aisément des deux et apporte efficacement et profitablement une réconciliation dans un grand nombre de conflits intellectuels et instinctifs.

Une nouvelle signification s'attacha désormais à tous les enseignements de Jésus. Avant Césarée-Philippe, il se présentait comme maître-instructeur de l'évangile du royaume. Après Césarée-Philippe, il apparut non seulement comme instructeur, mais aussi en tant que représentant divin du Père éternel qui est le centre et la circonférence du royaume spirituel. Et il fallait que Jésus fit tout cela en tant qu'être humain, en tant que Fils de l'Homme.

Il s'était sincèrement efforcé, d'abord en tant qu'instructeur puis en tant qu'instructeur-guérisseur, de faire entrer ses disciples dans le royaume spirituel, mais ils n'acceptèrent pas. Jésus savait bien que sa mission terrestre ne pouvait réaliser les espoirs messianiques du peuple juif; les prophètes de jadis avaient décrit un Messie irrémédiablement différent de lui. Jésus cherchait, en tant que Fils de l'Homme, à établir le royaume du Père, mais ses disciples ne voulurent pas se lancer dans cette aventure. Voyant cela, Jésus choisit alors de faire la moitié du chemin à leur rencontre; ce faisant, il se prépara ouvertement à assumer le rôle du Fils d'effusion de Dieu.

En conséquence, les apôtres apprirent bien des choses nouvelles en écoutant Jésus ce jour-là dans le jardin. Même pour eux, certains de ces exposés parurent étranges, et voici quelques-unes de ces saisissantes déclarations:

« Désormais, si un homme veut être en communion avec nous, qu'il assume les obligations de la filiation, et qu'il me suive. Quand je ne serai plus avec vous, ne vous imaginez pas que le monde vous traitera mieux qu'il n'aura traité votre Maître. Si vous m'aimez, préparez-vous à prouver cette affection en acceptant de faire le sacrifice suprême ».

« Retenez bien mes paroles: Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (1). Le Fils de l'Homme n'est pas venu pour être soigné, mais pour soigner et pour offrir sa vie comme un don pour tous les hommes. Je vous déclare que je suis venu chercher et sauver les égarés ».

« Nul homme dans ce monde ne voit actuellement le Père, sauf le Fils qui est venu du Père; mais si le Fils est élevé, il attirera tous les hommes à lui (2). Quiconque croit à cette vérité (à la nature conjuguée du Fils) sera doué d'une vie plus durable que celle de l'âge.

« Nous ne pouvons pas encore proclamer ouvertement que le Fils de l'Homme est le Fils de Dieu, mais cela vous a été révélé; c'est pourquoi je vous parle audacieusement de ce mystère. Bien que je me présente à vous sous une forme corporelle, je suis venu de Dieu le Père. Avant qu'Abraham fût, je suis (3). Je suis venu du Père dans ce monde tel que vous m'avez connu, et je vous déclare qu'il me faudra bientôt quitter ce monde et reprendre le travail de mon Père».

« Et maintenant, votre foi peut-elle comprendre ces déclarations, après mon avertissement que le Fils de l'Homme ne répondra pas à l'attente de vos ancêtres selon la manière dont ils concevaient le Messie? Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids; pouvez-vous croire la vérité à mon sujet, bien que je n'aie pas d'endroit où reposer ma tête? (4)»

« Néanmoins, je vous dis que le Père et moi nous sommes un. Quiconque m'a vu a vu le Père (5). Mon Père agit avec moi en toutes ces choses et ne me laissera jamais seul dans ma mission, de même que je ne vous abandonnerai jamais quand vous irez proclamer l'évangile dans le monde ».

« Je vous ai emmenés pour quelque moments à l'écart, afin que vous puissiez comprendre la gloire et saisir la grandeur de la vie à laquelle je vous ai appelés: l'aventure d'établir par la foi le royaume de mon Père dans les coeurs humains, de bâtir ma communauté d'association vivante avec les âmes de tous ceux qui croient à cet évangile ».

Les apôtres écoutèrent en silence ces affirmations audacieuses et étonnantes, puis ils se dispersèrent en petits groupes pour discuter et méditer les paroles du Maître. Ils avaient confessé que Jésus était le Fils de Dieu, mais ils ne pouvaient saisir la pleine signification de ce qu'ils avaient été amenés à faire.

  (1) Cf. Matthieu IX-13 ; Marc II-17 ; Luc V-32.
  (2) Cf. Jean XII-32.
  (3) Cf. Jean VIII-58.
  (4) Cf. Matthieu VIII-20 et Luc IX-58.
  (5) Cf. Jean X-30, Jean XIV-9, etc.

7. -- LA CONSULTATION D'ANDRÉ

Ce soir-là, André prit sur lui d'avoir une consultation personnelle et approfondie avec chacun de ses collègues. Ces entretiens furent profitables et encourageants, sauf avec Judas Iscariot. André n'avait jamais eu avec Judas un contact personnel aussi étroit qu'avec les autres apôtres; c'est pourquoi il n'avait pas attaché jusqu'alors d'importance au fait que Judas n'ait jamais eu de relations franches et confidentielles avec le chef du corps apostolique. Mais cette fois-ci le comportement de Judas lui causa un tel souci que, plus tard dans la soirée, après que tous les apôtres furent profondément endormis, il alla trouver Jésus et lui exposa la cause de son anxiété. Le Maître lui dit: « Tu n'as pas tort, André, de venir me consulter sur ce sujet, mais nous ne pouvons rien faire de plus pour lui; continue seulement à lui accorder ta pleine confiance et ne parle pas à ses compagnons de ton entretien avec moi ».

André ne put rien tirer de plus de Jésus. Il y avait toujours eu un sentiment d'incompréhension entre le Judéen et ses frères Galiléens. Judas avait été choqué par la mort de Jean le Baptiste, profondément froissé par les rebuffades sur Maître en diverses occasions, déçu quand Jésus refusa d'être proclamé roi, humilié par sa fuite devant les pharisiens, chagriné quand Jésus rejeta le défi des pharisiens de leur donner un signe, déconcerté par le refus de son Maître de recourir à des manifestations de pouvoir et, plus récemment, déprimé et parfois abattu par le vide de sa trésorerie. En outre, Judas regrettait de ne plus avoir le stimulant des foules.

Dans une certaine mesure et à des degrés divers, chacun des autres apôtres était également affecté par ces épreuves et ces tribulations, mais ils aimaient Jésus. En tout cas ils l'aimaient plus que ne le faisait Judas, car ils l'accompagnèrent dans l'amertume jusqu'à la dernière extrémité.

Originaire de Judée, Judas prit pour une offense personnelle le récent avertissement de Jésus aux apôtres « de se méfier du levain des pharisiens »; il avait tendance à considérer cette recommandation comme une allusion voilée à lui-même. Mais la grande erreur de Judas était la suivante: maintes et maintes fois, quand Jésus envoyait ses apôtres prier isolément, Judas s'adonnait à des pensées de crainte humaine au lieu d'entrer en communion sincère avec les forces spirituelles de l'univers; en même temps, il persistait à garder des doutes subtils sur la mission de Jésus et s'abandonnait à sa tendance malheureuse à entretenir des sentiments de revanche.

Jésus voulait maintenant emmener ses apôtres avec lui au Mont Hermon, où il avait décidé d'inaugurer, en tant que Fils de Dieu, la quatrième phase de son ministère terrestre. Quelques apôtres avaient assisté à son baptême dans le Jourdain et au début de sa carrière en tant que Fils de l'Homme, et le Maître désirait que certains d'entre eux fussent également présents au moment où lui serait conférée l'autorité d'assumer publiquement le rôle nouveau de Fils de Dieu. En conséquence, le matin du vendredi 12 août, Jésus dit aux douze: « Faites des provisions et préparez-vous à partir pour la montagne que vous voyez là-bas;l'Esprit me demande d'y aller pour recevoir les dons me permettant d'achever mon oeuvre terrestre. Je voudrais y emmener mes compagnons pour qu'ils puissent également être fortifiés en vue des temps difficiles qui les attendent quand ils passeront avec moi par cette épreuve ».

 

156. Le séjour à Tyr et à Sidon

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Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
Created: 09 December 2025

LE SÉJOUR À TYR ET A SIDON

LE vendredi soir 10 juin de l'an 29, Jésus et ses compagnons arrivèrent au voisinage de Sidon chez une femme riche nommée Karuska, qui avait été soignée à l'hôpital de Bethsaïde à l'époque où Jésus était à l'apogée de la faveur populaire. Les apôtres et les évangélistes logèrent à proximité immédiate, chez des amies de Karuska, et se reposèrent jusqu'au lendemain du sabbat dans cette ambiance rafraîchissante. Ils passèrent près de deux semaines et demie a Sidon et aux environs avant de se préparer à visiter les villes entières situées plus au nord.

Ce sabbat de juin fut un jour de grand calme. Les évangélistes et les apôtres étaient complètement absorbés dans leurs méditations au sujet des discours du Maître sur la religion, discours qu'ils avaient écouté sur la route de Sidon. Ils étaient tous capables de tirer quelque chose de ce que Jésus leur avait dit, mais aucun d'eux ne saisissait pleinement l'importance de cet enseignement.

1. -- LA FEMME SYRIENNE

Près de la maison de Karuska, où le Maître était logé, vivait une Syrienne qui avait beaucoup entendu parler de Jésus en tant que grand guérisseur et instructeur. Elle vint vers lui cet après-midi de sabbat en amenant sa fille âgée d'une douzaine d'années. L'enfant était atteinte de graves troubles nerveux caractérisés par des convulsions et d'autres manifestations alarmantes.

Jésus avait ordonné à ses collaborateurs de ne parler à personne de sa présence chez Karuska, expliquant qu'il souhaitait prendre du repos. Ils avaient bien observé la consigner mais la servante était allé voir la Syrienne, nommée Norana, pour l'informer que Jésus logeait chez Karuska, et elle avait incité la mère angoissée a y amener sa fille pour obtenir sa guérison. Bien entendu, la mère croyait que son enfant était possédée par un démon, un esprit impur.

Lorsque Norana arriva avec sa fille, les jumeaux Alphée lui expliquèrent, par le truchement d'un interprète, que le Maître se reposait et que l'on ne pouvait le déranger, a quoi Norana répondit quelle resterait sur place avec son enfant jusqu'à ce que le Maître ait fini de se reposer. Pierre essaya également de la raisonner et de la persuader de rentrer chez elle. Il lui exposa que Jésus était las d'avoir tant enseigné et guéri, et qu'il était venu en Phénicie pour une période de tranquillité et de repos. Ce fut en vain; Norana ne voulut pas s'en aller. Aux adjurations de Pierre, elle se borna à répondre: « Je ne partirai pas avant d'avoir vu ton Maître. Je sais qu'il peut chasser le démon de mon enfant, et je ne m'en irai pas sans que le guérisseur ait jeté au moins un regard sur ma fille ».

Ensuite Thomas chercha à renvoyer Norana, mais n'y parvint pas non plus. Elle lui dit: « J'ai foi en ton Maître, il peut chasser le démon qui tourmente mon enfant. J'ai entendu parler de ses miracles en Galilée, et je crois en lui. Que vous est-il arrivé, à vous ses disciples, pour que vous cherchiez à renvoyer ceux qui viennent demander l'aide de votre Maître? » Lorsqu'elle eut ainsi parlé, Thomas se retira.

Simon le Zélote s'avança alors pour faire des remontrances à Norana et lui dit: « Femme, tu es une païenne parlant grec. Il n'est pas juste de t'attendre à voir le Maître prendre le pain destiné aux enfants de la maison favorisée et le jeter aux chiens ». Elle se borna à répondre: « Oui, maître, je comprends ce que tu dis. Je ne suis qu'un chien aux yeux des Juifs, mais en ce qui concerne ton Maître, je suis un chien croyant. Je suis décidée à ce qu'il voie ma fille, car s'il veut seulement la regarder, il la guérira. Et même toi, cher homme, tu n'oserais pas priver les chiens du privilège d'obtenir les miettes qui peuvent tomber de la table des enfants».

À ce moment précis, la fillette fut saisie d'une violente convulsion sous les yeux de tous, et la mère cria: « Voilà, vous pouvez voir que ma fille est possédée par un esprit impur. Si notre malheur ne vous impressionne pas, il touchera votre Maître, dont on m'a dit qu'il aimait tous les hommes et osait même guérir les Gentils s'ils avaient la foi. Vous n'êtes pas dignes d'être ses disciples. Je ne m'en irai pas avant que ma fille ait été guérie.

Jésus, qui avait entendu toute cette conversation par une fenêtre ouverte, sortit alors à leur grande surprise et dit: « O femme ta foi est grande, si grande que je ne puis retenir ce que tu désires. Va ton chemin en paix. Ta fille est déjà guérie ». Et la fillette fut bien portante à partir de cet instant. Tandis que Norana et l'enfant prenaient congé, Jésus les supplia de ne raconter cet épisode à personne. Ses compagnons observèrent la consigne, mais la mère et l'enfant ne cessèrent de proclamer dans tout le pays, et même à Sidon, que la fillette avait été guérie, si bien qu'au bout de quelques jours Jésus estima opportun de déménager.

Le lendemain, tandis que Jésus enseignait ses apôtres en commentant la cure de la fille de Norana, il dit: « Il en a constamment été ainsi. Vous voyez par vous-mêmes que les Gentils sont capables de mettre en jeu, pour leur salut, leur foi dans les enseignements de l'évangile du royaume des cieux. En vérité, en vérité, je vous le dis, le royaume du Père sera près par les Gentils si les enfants d'Abraham ne font pas montre d'une foi suffisante pour y entrer ».

2. -- ENSEIGNEMENT À SIDON

En entrant dans Sidon, Jésus et ses compagnons passèrent sur un pont, le premier pont que beaucoup d'entre eux eussent jamais vu. Pendant qu'ils le traversaient, Jésus fit, entre autres, le commentaire suivant: «Le monde n'est qu'un pont. On peut le traverser, mais il ne faudrait pas songer à bâtir une demeure dessus».

Pendant que les vingt-quatre commençaient leurs travaux à Sidon, Jésus alla habiter une maison située juste au nord de la ville, la demeure de Justa et de sa mère Bernice. Tous les matins, Jésus enseignait les vingt-quatre chez Justa. L'après-midi et le soir, ils se dispersaient dans Sidon pour enseigner et prêcher.

Les apôtres et les évangélistes furent grandement encouragés par la manière dont les Gentils de Sidon reçurent leur message. Durant leur bref séjour, beaucoup d'âmes furent acquises au royaume. Cette période d'environ six semaines fut très fertile pour gagner des âmes, mais les écrivains juifs qui rédigèrent plus tard les évangiles prirent l'habitude de glisser sur l'histoire de cette réception de Jésus par les Gentils au moment même où un si grand nombre de ses compatriotes ouvraient les hostilités contre lui.

Sous bien des rapports, ces croyants Gentils apprécièrent plus complètement que les Juifs les enseignements de Jésus. Beaucoup de ces Syro-Phéniciens parlant le grec parvinrent à la conclusion que non seulement Jésus ressemblait à Dieu, mais aussi que Dieu ressemblait à Jésus. Ces soi-disant païens arrivèrent à bien comprendre les enseignements du Maître sur l'uniformité des lois de notre monde et de l'univers entier. Ils comprirent la leçon que Dieu ne fait acception ni de personnes, ni de races, ni de nations -- qu'il n'y a pas de favoritisme chez le Père-Universel -- que l'univers obéit toujours et entièrement à une loi, et que l'on peut infailliblement s'y fier. Ces Gentils n'avaient pas peur de Jésus; ils osaient accepter son message. Au long des siècles ultérieurs, on ne peut dire que les hommes aient été incapables de comprendre Jésus, mais ils ont eu peur de lui.

Jésus expliqua clairement aux vingt-quatre que sa fuite de Galilée n'était pas due à un manque de courage devant ses ennemis. Les vingt-quatre comprirent que Jésus n'était pas encore prêt à un conflit ouvert avec la religion établie, et qu'il ne cherchait pas a devenir un martyr. Ce fut durant l'une des conférences chez Justa que le Maître dit pour la première fois à ses disciples: « Même si le ciel et la terre disparaissaient, mes paroles de vérité ne s'effaceraient pas ».

Durant son séjour à Sidon, Jésus prit pour thème de ses instructions le progrès spirituel. Il dit à ses disciples qu'ils ne pouvaient s'arrêter en route, qu'il leur fallait avancer dans la droiture ou rétrograder dans le mal et le péché. Il leur recommanda « doublier les choses du passé pendant qu'ils allaient de l'avant pour embrasser les réalités majeures du royaume ». Il les supplia de ne pas se contenter de puérilités dans l'évangile, mais de s'efforcer d'atteindre la pleine envergure de la filiation divine dans la communion de l'esprit et la confraternité des croyants.

Jésus dit: « Mes disciples doivent non seulement cesser de faire le mal, mais apprendre à faire le bien. Il faut non seulement se purifier de tout péché conscient, mais refuser d'abriter même des sentiments de culpabilité. Si vous confessez vos péchés, ils sont pardonnés; il faut donc éliminer tout scandale de votre conscience ».

Jésus prenait grand plaisir au sens aigu de l'humour dont faisaient montre les Gentils. Ce furent autant le sens de l'humour déployé par Norana, la Syrienne, que sa grande persévérance dans la foi qui touchèrent le coeur du Maître et firent appel à sa miséricorde. Jésus regrettait beaucoup que ses compatriotes -- les Juifs - manquassent pareillement d'humour. Il dit une fois à Thomas: « Mes compatriotes se prennent trop au sérieux. Ils ne savent guère apprécier l'humour. La religion ennuyeuse des pharisiens n'aurait jamais pu prendre naissance chez un peuple ayant le sens de l'humour. Les Juifs manquent également de logique; ils filtrent des moucherons et avalent des chameaux ».

3. -- LE VOYAGE EN REMONTANT LA CÔTE

Le jeudi 28 juin, le Maître et ses collaborateurs quittèrent Sidon et remontèrent la côte jusqu'à Porphyréon et Heldoue. Ils furent bien reçus par les Gentils et en firent entrer un grand nombre dans le royaume durant cette semaine d'enseignement et de prédication. Les apôtres prêchèrent à Porphyréon, et les évangélistes enseignèrent à Heldoue. Tandis que les apôtres étaient ainsi occupés à leur travail, Jésus les quitta durant trois ou quatre jours pour se rendre à la ville côtière de Beyrouth. Il y rendit visite à un Syrien nommé Malach, qui était croyant et avait été à Bethsaïde l'année précédente.

Le mercredi 6 juillet, ils retournèrent tous à Sidon et habitèrent chez Justa jusqu'au dimanche matin. Ils partirent alors pour Tyr en descendant la côte de la Méditerranée vers le sud par Sarepta, et arrivèrent à Tyr le lundi 11 juillet. Les apôtres et les évangélistes avaient commencé à s'habituer au travail parmi ces soi-disant païens, qui en réalité descendaient, principalement des vieilles tribus cananéennes d'origine sémitique encore plus ancienne. Toutes ces populations parlaient le grec. Les apôtres et les évangélistes furent très surpris d'observer l'ardeur de ces Gentils à écouter l'évangile et de voir l'empressement avec lequel beaucoup d'entre eux se mettaient à croire.

4. -- À TYR

Du 11 au 14 juillet, ils enseignèrent à Tyr. Chacun des apôtres prit avec lui un évangéliste, et ils allèrent ainsi deux par deux enseigner et prêcher dans tous les quartiers de Tyr et aux environs. La population polyglotte de ce port animé les écoutait avec joie, et beaucoup de croyants entrèrent par le baptême dans la communauté extérieure du royaume. Jésus installa son quartier général chez un Juif nommé Joseph, un croyant qui vivait à cinq ou six kilomètres au sud de Tyr, non loin du tombeau d'Hiram qui avait été roi de la cité-Etat de Tyr à l'époque de David et de Salomon.

Durant cette quinzaine, les apôtres allèrent tous les jours à Tyr, en y entrant par la jetée d'Alexandre, pour y tenir de petites réunions; chaque soir, la plupart d'entre eux revenaient au campement de la maison de Joseph au sud de la cité. Des croyants se rendaient quotidiennement de la ville au lieu de repos de Jésus pour s'entretenir avec lui. Le Maître ne parla qu'une seule fois à Tyr; ce fut l'après-midi du 20 juillet, où il enseigna les croyants au sujet de l'amour du Père pour toute l'humanité et de la mission du File pour révéler le Père à toutes les races humaines. Les Gentils montrèrent un tel intérêt pour l'évangile du royaume qu'en cette occasion ils ouvrirent à Jésus les portes du temple de Melkarth. Il est intéressant de noter qu'une église chrétienne fut bâtie ultérieurement sur l'emplacement même de cet ancien temple.

On fabriquait dans la région la pourpre tyrienne, qui assura la renommée de Tyr et de Sidon dans le monde entier et contribua si largement à leur commerce international et à la richesse qui en résulta. Beaucoup de dirigeants de cette industrie crurent au royaume. Peu de temps après, les réserves de mollusques d'où l'on tirait le colorant commencèrent à diminuer, et les fabricants de pourpre partirent à la recherche de nouveaux bancs de ces coquillages. Ils émigrèrent ainsi jusqu'au bout du monde, apportant avec eux le message de la paternité de Dieu et de la filiation des hommes -- l'évangile du royaume.

5. -- L'ENSEIGNEMENT DE JÉSUS À TYR

Au cours de son sermon du mercredi après-midi, Jésus commença par raconter à ses disciples l'histoire du lis blanc qui dresse sa tête pure et neigeuse dans la lumière du soleil, tandis que ses racines plongent dans le limon et la boue du sol enténébré. « De même, » dit-il, « le, mortel qui a les racines de son origine et de son être dans le sol animal de la nature humaine peut élever, par la foi, sa nature spirituelle dans la lumière solaire de la vérité Céleste et produire réellement les nobles fruits de l'esprit.

Ce fut durant le même sermon que Jésus employa sa première et unique parabole se rapportant à son propre métier -- la charpenterie. Au cours de sa recommandation de « bien construire les fondements pour la croissance d'un noble caractère pétri de dons spirituels », il dit: « Pour produire les fruits de l'esprit, il faut que vous soyez nés d'esprit. C'est l'esprit qui doit vous enseigner et vous diriger si vous voulez vivre une vie de plénitude spirituelle parmi vos compagnons. Mais ne commettez pas l'erreur du stupide charpentier qui gaspille un temps précieux à équarrir, mesurer, et raboter une pièce de bois rongée par les vers et intérieurement pourrie; ensuite, quand il a consacré tout son travail à cette poutre malsaine, il faut qu'il la rejette comme inutilisable pour les fondations du bâtiment qu'il voudrait construire et qui doit résister aux assauts du temps et des orages. Chaque homme doit s'assurer que les fondements intellectuels et moraux de son caractère sont assez solides pour soutenir la superstructure de sa nature spirituelle qui grandit et s'ennoblit; cette nature transformera alors la pensée humaine puis, en association avec cette pensée re-créée, elle fera évoluer l'âme, dont la destinée est immortelle. Votre nature spirituelle -- votre âme créée conjointement par l'esprit et la pensée -- est une plante vivante, mais la pensée et la morale de l'individu sont le sol d'où doivent surgir ces manifestations supérieures du développement humain et de la destinée divine. Le sol de l'âme évoluante est humain et matériel, mais la destinée de cette créature mixte de pensée et d'esprit est spirituelle et divine ».

Le soir du même jour, Nathanael demanda à Jésus: « Maître, pourquoi prions-nous Dieu de ne pas nous induire en tentation, alors que nous savons bien par ta révélation que le Père ne fait pas de telles choses? » Jésus répondit à Nathanael:

« Il n'est pas étonnant que tu poses cette question, puisque tu commences à connaître le Père comme moi, et non comme les premiers prophètes qui le connaissaient si vaguement. Tu sais bien que nos ancêtres avaient tendance à voir Dieu dans tous les événements. Ils cherchaient la main de Dieu dans tous les phénomènes naturels et dans chaque épisode insolite de l'expérience humaine. Il reliaient Dieu à la fois au bien et au mal. Ils pensaient que Dieu avait adouci le coeur de Moïse et endurci celui du Pharaon. Quand les hommes éprouvaient l'impérieux besoin de commettre une bonne ou une mauvaise action, ils avaient l'habitude de justifier ces sentiments inhabituels en déclarant: «Le Seigneur m'a parlé en me disant fais ceci ou fais cela, va par ici ou va par là ». En conséquence, puisque les hommes se heurtaient si souvent et si violemment aux tentations, nos ancêtres prirent l'habitude de croire que Dieu les y induisait pour les éprouver, les châtier, ou les fortifier. Mais toi, tu sais mieux de quoi il s'agit. Tu n'ignores pas que les hommes sont bien trop souvent induits en tentation par la pression de leur propre égoïsme et les impulsions de leur nature animale. Si tu es tenté de cette manière, je te recommande, tout en reconnaissant honnêtement et sincèrement la tentation pour ce quelle est, de réorienter intelligemment, dans des canaux supérieurs et vers des buts plus idéalistes, les énergies spirituelles, mentales, et corporelles qui cherchent à s'exprimer. De cette façon, tu pourras transformer tes tentations en services vivifiants du type le plus élevé, tout en évitant à peu près complètement les conflits déprimants et inutiles entre la nature animale et la nature spirituelle.

« Mais je te mets en garde contre la folie de vouloir surmonter la tentation en ayant recours à la simple volonté humaine pour remplacer un désir par un autre désir considéré comme supérieur. Si tu veux véritablement triompher des tentations de la nature inférieure, il faut atteindre une position de supériorité spirituelle caractérisée par le développement réel et sincère d'un grand intérêt et d'un grand amour pour les lignes de conduite supérieures et plus idéalistes que ta pensée désire substituer aux habitudes inférieures et moins idéalistes reconnues comme des tentations. De cette façon, tu seras délivré par transformation spirituelle, au lieu d'être de plus en plus surchargé par le refoulement illusoire des désirs humains. Dans l'amour de ce qui est nouveau et supérieur, tu oublieras l'ancien et l'inférieur. La beauté triomphe toujours de la laideur dans le coeur des hommes éclairés par l'amour de la vérité. L'énergie débordante d'une affection spirituelle nouvelle et sincère possède un puissant pouvoir. Je te le répète, ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe plu tôt du mal par le bien».

Jusqu'à une heure tardive de la nuit, les apôtres et les évangélistes continuèrent à poser des questions à Jésus. De ses nombreuses réponses, nous voudrions extraire les pensées suivantes que nous présentons en langage moderne:

Une ambition énergique, un jugement intelligent, et une sagesse mûrie sont les facteurs essentiels du succès matériel. L'autorité dépend de l'aptitude naturelle, de la prudence, de la puissance volitive, et de la détermination. La destinée spirituelle dépend de la foi, de l'amour, et de la dévotion à la vérité -- faim et soif de droiture -- le désir profond de trouver Dieu et de lui ressembler.

Ne vous laissez pas décourager par la découverte que vous êtes humains. La nature humaine peut tendre vers le mal, mais n'est pas naturellement impie. Ne soyez pas abattus si vous n'arrivez pas à oublier complètement certaines de vos expériences regrettables. Les fautes que vous ne parvenez pas à oublier dans le temps seront oubliées dans l'éternité. Allégez les fardeaux de votre âme en vous faisant rapidement une conception de votre destinée à longue échéance, de l'expansion de votre carrière dans l'univers.

Ne commettez pas la faute d'estimer la valeur d'une âme d'après les imperfections de la pensée ou les appétits du corps. Ne jugez pas une âme et évaluez pas sa destinée sur la base d'un seul épisode humain malheureux. Votre destinée spirituelle n'est conditionnée que par vos aspirations et vos desseins spirituels.

La religion est l'expérience exclusivement spirituelle de l'immortelle âme évoluante de l'homme qui connaît Dieu; mais le pouvoir moral et l'énergie spirituelle sont des forces puissantes que l'on peut utiliser pour traiter des questions sociales difficiles et pour résoudre des problèmes économiques complexes.

Si vous apprenez à n'aimer que ceux qui vous aiment, vous êtes destinés à vivre une vie étroite et médiocre. Il est exact que l'amour humain peut être réciproque, mais l'amour divin s'extériorise dans toutes ses recherches de satisfaction. Moins il y a d'amour dans la nature d'une créature, plus cette créature a besoin d'être aimée, et plus l'amour divin cherche à satisfaire ce besoin. L'amour n'est jamais égoïste, et l'on ne peut l'effuser sur soi-même. L'amour divin ne peut se replier sur lui-même; il lui faut se répandre généreusement.

Les croyants au royaume doivent posséder une foi implicite, croire de toute leur âme au triomphe certain de la droiture. Les bâtisseurs du royaume doivent être convaincus que l'évangile du salut éternel est vrai. Les croyants doivent apprendre à se mettre de plus en plus à l'écart de la vie fiévreuse -- à échapper aux harcèlements de l'existence matérielle -- tout en rafraîchissant leur âme, en vivifiant leur pensée, et en renouvelant leur esprit par la communion dans l'adoration.

Les individus qui connaissent Dieu ne se laissent ni décourager par les malheurs ni abattre par les déceptions. Les croyants sont immunisés contre les dépressions qui suivent les bouleversements purement matériels; quiconque mène une vie spirituelle n'est pas troublé par les épisodes monde matériel. Les candidats à la vie éternelle pratiquent une technique vivifiante et constructive pour faire face aux vicissitudes et aux tracas de la vie physique. Chaque journée vécue par un croyant authentique lui rend plus facile de faire la chose juste.

La vie spirituelle accroît puissamment le véritable respect de soi, mais il ne faut pas confondre respect de soi et admiration de soi. Le respect de soi se coordonne toujours avec l'amour et le service d'autrui. Le respect de soi ne peut dépasser l'amour que l'on éprouve pour son prochain; le premier mesure l'aptitude au second.

A mesure que le temps passe, tout vrai croyant devient plus habile à entraîner ses compagnons dans l'amour de la vérité éternelle. Avez-vous aujourd'hui plus de ressources qu'hier pour révéler la bonté à l'humanité? Pouvez-vous mieux recommander la droiture cette année que l'année dernière? Votre technique pour conduire les âmes affamées dans le royaume spirituel devient-elle de plus en plus un art?

Vos idéaux sont-ils suffisamment élevés pour assurer votre salut éternel et vos idées sont-elles assez pratiques pour faire de vous un citoyen utile opérant sur Terre en association avec vos compagnons mortels? En esprit, votre citoyenneté est céleste; dans la chair, vous êtes encore des citoyens des royaumes terrestres. Rendez aux Césars les choses matérielles, et à Dieu celles qui sont spirituelles.

La mesure des aptitudes spirituelles de votre âme en évolution est votre foi dans la vérité et votre amour pour les hommes; mais la mesure de votre force de caractère humaine est votre aptitude à résister à l'emprise des rancunes et à ne pas broyer du noir à l'occasion d'un profond chagrin. La défaite est le véritable miroir dans lequel vous pouvez apercevoir sincèrement votre personnalité réelle.

A mesure que croissent votre ancienneté et votre expérience dans les affaires du royaume, acquérez-vous plus de tact dans vos rapports avec des voisins importuns et plus de tolérance dans votre contact avec des collaborateurs entêtés? Le tact est le pivot des leviers sociaux, et la tolérance est la marque d'une grande âme. Si vous possédez ce dons rares et attachants, vous deviendrez progressivement plus alertes et habiles dans vos efforts méritoires pour éviter tous les malentendus sociaux inutiles. Les âmes sages peuvent échapper à bien des difficultés qui assailleront certainement les personnes souffrant d'un manque d'adaptation sentimentale, celles qui refusent de grandir, et celles qui n'acceptent pas de vieillir avec élégance.

Evitez la malhonnêteté et l'injustice dans vos efforts pour prêcher la vérité et proclamer l'évangile. Ne recherchez pas une reconnaissance injustifiée et ne souhaitez pas une sympathie imméritée. Aimez, recevez largement les bienfaits de source humaine et divine indépendamment de vos mérites, et aimez généreusement en retour. Mais en tout ce qui concerne les honneurs et l'adulation, recherchez seulement ce qui vous appartient en toute honnêteté.

Les mortels connaissant Dieu sont certains d'être sauvés; ils ne craignent rien de la vie; ils sont loyaux et conséquents. Ils savent supporter courageusement les souffrances inévitables et ne se plaignent pas quand ils doivent affronter des épreuves inéluctables.

Les vrais croyants ne se lassent pas de bien faire, même s'ils sont contrecarrés. Les difficultés fouettent l'ardeur des amants de la vérité, et les obstacles ne font que mettre au défi les efforts des intrépides bâtisseurs du royaume.

Et Jésus leur enseigna encore bien d'autres choses avant de quitter Tyr.

La veille du départ de Tyr pour retourner vers la région de la Mer de Galilée, Jésus rassembla ses compagnons et ordonna aux douze évangélistes de rentrer par un itinéraire différent de celui qui était prévu pour lui et les douze apôtres. Après que les évangélistes se furent séparés de Jésus à Tyr, ils ne collaborèrent plus jamais aussi intimement avec lui.

6. -- LE RETOUR DE PHÉNICIE

Le dimanche 24 juillet vers midi, Jésus et les douze apôtres quittèrent la maison de Joseph au sud de Tyr. Ils suivirent la côte jusqu'à Ptolémaïs, où ils s'arrêtèrent une journée et adressèrent des paroles d'encouragement au groupe de croyants qui y résidait. Pierre leur fit un sermon le soir du 25 juillet.

Le mardi, ils quittèrent Ptolémaïs en allant vers l'intérieur des terres, par la route de Tibériade, jusqu'au voisinage de Jotapata. Le mercredi ils s'arrêtèrent à Jotapata et donnèrent de nouvelles instructions aux croyants sur les choses du royaume. Le jeudi ils quittèrent Jotapata en prenant vers le nord la piste allant de Nazareth et du Mont Liban au village de Zabulon, en passant par Rama. Ils tinrent des réunions à Rama le vendredi et y restèrent jusqu'au lendemain du sabbat. Ils arrivèrent à Zabulon le dimanche 31 juillet, y tinrent une réunion le soir, et repartirent le lendemain matin.

Au départ de Zabulon, ils allèrent jusqu'au croisement de la route de Magdala à Sidon, près de Gishala, et de là ils se rendirent à Génézareth, sur la rive occidentale du lac de Galilée au sud de Capharnaüm. Ils avaient convenu d'un rendez-vous avec David Zébédée à Génézareth, et ils avaient l'intention d'y tenir conseil sur les prochaines dispositions à prendre pour continuer à prêcher l'évangile du royaume.

Au cours d'un bref entretien avec David, ils apprirent que nombre de notables se trouvaient actuellement réunis sur la rive opposée du lac, près de Gérasa, et en conséquence ils traversèrent le lac le même soir par bateau. Ils se reposèrent tranquillement une journée dans les montagnes, et le lendemain ils se rendirent dans le parc voisin où le Maître avait précédemment nourri les cinq mille. Ils s'y reposèrent trois jours en tenant des conférences quotidiennes auxquelles assistaient une cinquantaine d'hommes et de femmes, le reste de la compagnie, jadis nombreuse, des croyants résidant à Capharnaüm et aux environs.

Pendant la période du séjour en Phénicie où Jésus se trouvait loin de Capharnaüm et de la Galilée, ses ennemis calculèrent que tout son mouvement avait été brisé; ils conclurent que la hâte de Jésus à se retirer dénotait qu'il avait eu tellement peur qu'il ne reviendrait probablement jamais plus les ennuyer. Toute opposition active à ses enseignements s'était à peu près calmée. Les croyants recommençaient à tenir des réunions publiques; les disciples éprouvés et fidèles, qui avaient survécu au grand criblage récemment subi par les croyants à l'évangile, s'affermissaient graduellement mais efficacement dans leur foi.

Philippe, frère d'Hérode, s'était mis à croire tièdement en Jésus et avait fait savoir que le Maître était libre de vivre et d'agir dans les territoires soumis à sa juridiction.

L'ordre de fermer toutes les synagogue du monde Juif aux enseignements de Jésus et de ses disciples avait provoqué un choc en retour contre les scribes et les pharisiens. Immédiatement après que Jésus se fût retiré en tant que sujet de controverse, il se produisit une réaction dans toute la population juive; il naquit un ressentiment général contre les pharisiens et les dirigeants du sanhédrin de Jérusalem. Beaucoup de chefs religieux commencèrent à ouvrir subrepticement leurs synagogues à Abner et à ses compagnons, en proclamant que ces éducateurs étaient des disciples de Jean et non de Jésus.

Même Hérode Antipas éprouva un changement dans son coeur. Lorsqu'il apprit que Jésus séjournait de l'autre côté du lac dans le territoire de son frère Philippe, il lui fit savoir que, malgré la signature des mandats d'arrêt contre lui en Galilée, il n'avait pas autorisé son arrestation en Pérée; Hérode indiquait ainsi que Jésus ne serait as molesté s'il restait hors de Galilée, et il communiqua la même ordonnance aux Juifs de Jérusalem.

Telle était la situation le 1ier août de l'an 29, au moment où le Maître revint de sa tournée en Phénicie et commença à réorganiser ses forces dispersées, éprouvées, et réduites, en vue de la dernière et mémorable année de sa mission sur terre.

L'enjeu de la bataille était désormais clair. Le Maître et ses collaborateurs allaient proclamer une nouvelle religion, la religion de l'esprit du Dieu vivant qui habite dans la pensée des hommes.

 

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