4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
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SÉJOUR ET ENSEIGNEMENT AU BORD DE LA MER
LE jeudi 10 mars de l'an 29, tous les groupes de prédicateurs et d'instructeurs s'étaient rassemblés à Bethsaïde. Le jeudi soir et le vendredi, beaucoup d'entre eux allèrent à la pêche; le jour du sabbat, ils se rendirent à la synagogue pour écouter un vieux Juif de Damas discourir sur la gloire de l'ancêtre Abraham. Jésus passa la majeure partie du samedi seul dans la montagne. Le soir, le Maître parla pendant plus d'une heure, aux groupes assemblés, « du rôle de l'adversité et de la valeur spirituelle des déceptions ». Ce fut une occasion mémorable, et les auditeurs n'oublièrent jamais cette leçon.
Jésus ne s'était pas encore complètement remis du chagrin d'avoir été récemment rejeté par Nazareth; les apôtres remarquèrent qu'une tristesse particulière se mêlait à son enjouement habituel. Jacques et Jean restèrent avec lui une grande partie du temps, car Pierre était surchargé par les nombreuses responsabilités concernant le bien-être et la direction du nouveau corps d'évangélistes. Pour les femmes, ce fut un temps d'attente avant de partir fêter la Pâque à Jérusalem; elles l'employèrent à aller de maison en maison, enseignant l'évangile et soignant les malades à Capharnaüm et dans les villes et villages environnants.
1. -- LA PARABOLE DU SEMEUR
À cette époque, Jésus se mit à utiliser pour la première fois la méthode des paraboles pour enseigner les multitudes qui se rassemblaient si souvent autour de lui. Le samedi soir, il s'était entretenu tard dans la nuit avec les apôtres, de sorte que le dimanche matin très peu d'entre eux étaient levés pour le petit déjeuner; il alla donc au bord de la mer et s'assit dans l'ancien bateau de pêche d'André et de Pierre, qui était toujours laissé à sa disposition; puis il médita sur les prochaines dispositions à prendre pour développer le royaume. Mais le Maître n'allait pas rester longtemps seul. Des habitants de Capharnaüm et des villages voisins ne tardèrent pas à arriver et, vers dix heures du matin, un millier d'entre eux étaient rassemblés sur le rivage près du bateau de Jésus, réclamant à grands cris son attention. Pierre était maintenant levé; il se fraya un chemin jusqu'au bateau et dit à Jésus: «Maître, vais-je leur parler? » Mais Jésus répondit: « Non, Pierre, je vais leur conter une histoire ». Et il commença le récit de la parabole du semeur, la première d'une longue série de paraboles analogues qu'il enseigna aux foules qui le suivaient. Le bateau avait un siège surélevé sur lequel Jésus s'assit pour parler à la foule assemblée sur la rive, car la coutume voulait que l'on soit assis pour enseigner. Pierre prononça quelques paroles, puis Jésus dit:
« Un semeur sortit pour semer, et tandis qu'il semait, quelques grains tombèrent le long du chemin où ils furent foulés aux pieds et dévorés par les oiseaux du ciel. D'autres tombèrent sur des endroits rocailleux où il y avait peu de terre et levèrent immédiatement, parce que la terre n'avait pas de profondeur; mais aussitôt que le soleil brilla, ils séchèrent parce qu'ils n'avaient pas de racines pour recueillir l'humidité. D'autres grains tombèrent parmi les ronces, et quand les ronces poussèrent, ils furent étouffés et ne donnèrent rien. D'autre grains encore tombèrent dans de la bonne terre, se développèrent, et produisirent les uns trente, d'autres soixante, et d'autres cent grains » (1).
(1) Cf. Matthieu XIII-4 à 9, Marc IV-3 à 9, Luc VIII-5 à 8.
Après avoir conté cette parabole Jésus ajouta: « Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende ».
Après avoir entendu Jésus enseigner le peuple de cette manière, les apôtres et leurs compagnons furent très perplexes et en parlèrent longuement entre eux. Le soir, dans le jardin de Zébédée, Matthieu dit à Jésus: « Maître, que signifient les paroles obscures que tu offres à la foule? Pourquoi parles-tu en paraboles à ceux qui recherchent la vérité? » Et Jésus répondit: « Je vous ai enseignés longtemps avec patience. À vous, il est donné de connaître les mystères du royaume des cieux, mais aux multitudes sans discernement et à ceux qui cherchent à nous anéantir, les mystères du royaume seront désormais présentés en paraboles. Nous agirons ainsi afin que ceux qui désirent réellement entrer dans le royaume puissent discerner la signification de l'enseignement et trouver le salut, tandis que ceux qui nous écoutent uniquement pour nous prendre au piège seront confondus, en ce sens qu'ils verront sans voir et entendront sans entendre. Mes enfants, ne percevez-vous pas la loi spirituelle ordonnant que l'on donnera à quiconque possède, afin qu'il possède en abondance; mais à celui qui n'a rien, on enlèvera même le peu qu'il a? C'est pourquoi je parlerai désormais beaucoup au peuple en paraboles, afin que nos amis et les chercheurs de vérité puissent trouver ce qu'ils recherchent, tandis que nos ennemis et ceux qui n'aiment pas la vérité entendront sans comprendre. En vérité, le prophète a bien décrit les âmes sans discernement lorsqu'il a dit: « Car le coeur de ces gens est devenu grossier, et ils ont l'oreille dure, et ils ont fermé les yeux de crainte de discerner la vérité et de comprendre dans leur coeur.
Les apôtres ne saisirent pas complètement la signification des paroles du Maître. André et Thomas en parlèrent plus longuement à Jésus, tandis que Pierre et les autres apôtres se retirèrent ailleurs dans le jardin et se lancèrent dans une discussion longue et approfondie.
2. -- INTERPRÉTATION DE LA PARABOLE
Pierre et le groupe qui l'entourait parvinrent à la conclusion que la parabole était une allégorie, et que chacune de ses phrases avait un sens caché. Ils décidèrent donc de retourner vers Jésus pour lui demander des explications. Pierre aborda le Maître en disant: « Nous sommes incapables de pénétrer la signification de cette parabole; nous voudrions que tu nous l'expliques, puisque tu dis qu'il nous est donné de connaître les mystères du royaume ». En entendant cela, Jésus dit à Pierre: « Mon fils, je ne veux rien te cacher, mais raconte moi d'abord ce dont vous avez parlé; quelle est ton interprétation de la parabole? »
Après un moment de silence, Pierre dit:
« Maître, nous avons beaucoup discuté au sujet de la parabole, et voici l'interprétation à laquelle je me suis arrêté: Le semeur est le prédicateur de l'évangile; la semence est la parole de Dieu. Les grains qui sont tombés le long du chemin représentent ceux qui ne comprennent pas l'enseignement de l'évangile. Les oiseaux qui s'emparent des grains tombés sur le sol durci représentent Satan, ou le malin, qui dérobe ce qui a été semé dans le coeur de ces ignorants. Les grains tombés dans les endroits rocailleux et qui levèrent si rapidement représentent les personnes superficielles et irréfléchies qui, en entendant la bonne nouvelle, reçoivent le message avec joie; mais la vérité n'ayant pas réellement de racines profondes dans leur compréhension, leur dévotion ne résiste ni aux tribulations ni aux persécutions. Quand les difficultés surviennent, ces croyants trébuchent; ils succombent à la tentation. Les graines tombées parmi les ronces représentent ceux qui entendent volontiers la parole, mais qui permettent aux soucis du monde et à la nature trompeuse des richesses d'étouffer la parole de vérité et de la rendre stérile. Maintenant, les grains qui sont tombés dans la bonne terre et ont levé pour donner du fruit, les uns trente, les autres soixante, et d'autres cent fois, représentent les gens qui ont entendu la vérité, l'ont reçue avec divers degrés d'appréciation -- par suite de la différence de leurs dons intellectuels -- et ils ont manifesté ces divers degrés d'expérience religieuse ».
Après avoir écouté comment Pierre interprétait la parabole, Jésus demanda aux autres apôtres s'ils n'avaient pas aussi des suggestions à offrir. Seul Nathanael répondit à cette invite en disant: « Maître, je reconnais qu'il y a de bonnes choses dans l'interprétation de la parabole par Pierre, mais je ne suis pas entièrement d'accord avec lui. Mon idée serait la suivante: Le grain représente l'évangile du royaume et le semeur les messagers du royaume. Les grains qui sont tombés le long du chemin sur le sol durci représentent ceux qui ont entendu peu de choses du royaume, ceux qui sont indifférents au message, et ceux qui ont endurci leur coeur. Les oiseaux du ciel qui s'emparent des graines tombées le long du chemin représentent les habitudes de vie, la tentation du mal, et les désirs de la chair. Les grains tombés parmi les rochers représentent les âmes émotives, aussi rapides à recevoir le nouvel enseignement qu'à renoncer à la vérité quand elles sont confrontées par les difficultés et les réalités d'une vie conforme à cette vérité; elles manquent de perception spirituelle. Les grains qui sont tombés dans les ronces représentent ceux qui sont attirés vers les vérités du royaume et sont désireux de suivre son enseignement, mais en sont empêchés par l'orgueil, l'envie, et les anxiétés de l'existence humaine. Les grains tombés dans la bonne terre et qui ont germé pour porter du fruit, les uns trente, les autres soixante, et d'autres cent fois, représentent les degrés naturels et variés d'aptitude à comprendre la vérité et à répondre à ses enseignements spirituels chez les hommes et les femmes qui possèdent des dons divers d'illumination spirituelle.
Lorsque Nathanael eut fini de parler, les apôtres et leurs compagnons s'engagèrent dans des débats sérieux et des discussions approfondies, les uns soutenant que l'interprétation de Pierre était correcte, tandis que les autres, en nombre à peu près égal, cherchaient à défendre l'explication de la parabole par Nathanael. Entre temps, Pierre et Nathanael s'étaient retirés dans la maison et faisaient résolument de grands efforts pour se convaincre mutuellement et changer réciproquement leur manière de penser.
Le Maître permit à cette confusion d'atteindre un maximum d'intensité, après quoi il frappa dans ses mains pour réunir tout le groupe autour de lui. Lorsque les interlocuteurs furent une fois de plus assemblés, il dit: « Avant que je ne vous parle de cette parabole, l'un de vous a-t-il quelque chose à dire? » Après un moment de silence, Thomas prit la parole: « Oui, Maître, je voudrais dire quelques mots. Je me rappelle que tu nous as jadis mis en garde contre cette même difficulté. Tu nous a recommandé, lorsque nous citerions des exemples dans nos sermons, d'employer des histoires vraies et non des fables. Nous devons choisir l'histoire qui illustre le mieux la vérité centrale et essentielle que nous voulons enseigner au peuple; ensuite, après avoir ainsi utilisé cette histoire, nous ne devons pas essayer de faire une application spirituelle de tous les détails mineurs quelle comporte. J'estime que Pierre et Nathanael ont tous deux tort de s'efforcer d'interpréter la parabole. J'admire leur habileté à le faire, mais je suis également certain que toutes ces tentatives pour tirer d'une parabole naturelle des homologies spirituelles dans chacun de ses traits ne peuvent aboutir qu'à la confusion et à de sérieux malentendus sur le vrai but de la parabole. La preuve que j'ai raison résulte pleinement du fait que nous étions tous en communion de pensée il y a une heure, et que maintenant nous sommes séparés en deux groupes qui soutiennent des opinions différentes. Et ils s'accrochent tellement à leurs opinions qu'à mon avis ils réduisent notre aptitude à saisir pleinement la grande vérité que tu avais dans ta pensée lorsque tu as présenté cette parabole à la foule et que tu nous as ensuite demandé de la commenter ».
Les paroles de Thomas eurent un effet calmant sur tous les auditeurs et leur remirent en mémoire ce que Jésus leur avait enseigné en de précédentes occasions. Avant que le Maître ne reprit la parole, André se leva et dit: « Je suis persuadé que Thomas a raison, et je voudrais qu'il nous dise la signification qu'il attache à la parabole du semeur ». Jésus donna donc la parole à Thomas qui dit: « Mes frères, je ne voudrais pas prolonger la discussion, mais puisque vous le désirez, je dirai que je crois que la parabole a été racontée pour nous enseigner une seule grande vérité qui est la suivante: Si fidèlement et si efficacement que nous exécutions nos missions divines, la réussite de notre enseignement de l'évangile du royaume ne sera pas uniforme, et toutes ces différences de résultats proviendront directement des conditions inhérentes aux circonstances de notre ministère, conditions sur lesquelles nous n'avons que peu ou pas de contrôle ».
Après l'exposé de Thomas, la majorité de ses compagnons prédicateurs était prête à l'approuver, et même Pierre et Nathanael se préparaient à lui parler, lorsque Jésus se leva et dit: « Bravo Thomas, tu as discerné la vraie signification des paraboles; mais Pierre et Nathanael vous ont fait autant de bien, en ce sens qu'ils ont pleinement montré le danger de transformer mes, paraboles en allégories. Dans votre propre coeur, il est souvent profitable que vous ayez de telles envolées d'imagination spéculative, mais vous commettez une faute quand vous en incorporez les conclusions dans votre enseignement public ».
Maintenant que l'atmosphère était détendue, Pierre et Nathanael se félicitèrent mutuellement de leurs interprétations et, à l'exception des jumeaux Alphée, chacun des disciples s'aventura à interpréter la parabole du semeur avant que tous n'aillent se reposer pour la nuit. Même Judas Iscariot offrit une explication fort plausible. Les douze essayèrent souvent entre eux de déchiffrer les paraboles du Maître comme ils l'auraient fait d'une allégorie, mais jamais plus ils ne prirent ces spéculations au sérieux. Ce fut une session très profitable pour les apôtres et leurs compagnons, d'autant plus qu'à partir de ce moment-là Jésus introduisit de plus en plus de paraboles dans son enseignement public.
3. -- COMPLÉMENTS SUR LES PARABOLES
La tournure de pensée des apôtres s'orienta vers les paraboles au point qu'ils consacrèrent toute la soirée du lendemain a poursuivre des analyses de paraboles. Jésus ouvrit la conférence du soir en disant: « Mes bien-aimés, il faut toujours différencier votre enseignement de manière à adapter votre présentation de la vérité à la pensée et au coeur de ceux qui vous écoutent. Quand vous vous trouvez devant une multitude d'intelligences et de tempéraments variés, vous ne pouvez prononcer des paroles différentes pour chaque classe d'auditeurs, mais vous pouvez conter une histoire pour transmettre votre enseignement. Chaque groupe, et même chaque individu, pourra ainsi interpréter votre parabole à sa manière, selon ses propres dons intellectuels et spirituels. Laissez briller votre lumière, mais faites-le avec sagesse et discrétion. Personne n'allume une lampe pour la couvrir ensuite d'un boisseau ou la mettre sous son lit; on met sa lampe sur un piédestal pour que tout le monde puisse voir clair (1). Permettez-moi de vous dire que, dans le royaume des cieux, il n'y a rien de caché qui ne doive être manifesté, point de secrets qui ne doivent finalement être connus. Toutes choses finiront par être éclairées. Ne pensez pas seulement aux foules et à la manière dont elles entendent la vérité; prêtez attention à la manière dont vous-mêmes vous l'entendez. Rappelez-vous ce que je vous ai dit bien souvent: à celui qui possède, on donnera davantage, tandis qu'à celui qui n'a rien on enlèvera même ce qu'il croit avoir (2).
| (1) Matthieu V-15 et Marc IV-21. |
| (2) Matthieu XIII-12 et XXV-29; Marc IV-25; Luc VIII-18 et XIX-26. |
La suite des discussions sur les paraboles et des instructions sur leur interprétation peut être résumée comme suit en langage moderne:
1. Jésus déconseilla l'emploi des fables ou des allégories pour enseigner les vérités du royaume. Il recommanda d'user largement de paraboles, et spécialement de paraboles relatives à la nature. Il insista sur l'intérêt d'utiliser les homologies existant entre le monde matériel et le monde spirituel, pour enseigner la vérité. Il fit fréquemment allusion à la nature en tant « qu'ombre irréelle et fugace des réalités spirituelles ».
2. Jésus cita trois ou quatre paraboles tirées des Écritures hébraïques et attira l'attention sur le fait que cette méthode éducative n'était pas entièrement neuve. Toutefois, elle devint presque nouvelle à la manière dont il l'employa désormais.
3. En enseignant aux apôtres la valeur des paraboles, Jésus attira leur attention sur les points suivants:
La parabole fait simultanément appel à des niveaux extrêmement différents de pensée et d'esprit. Elle stimule l'imagination, met au défi la discrimination, et provoque la critique mentale; elle encourage la sympathie sans soulever d'antagonisme.
La parabole part des choses connues pour aboutir au discernement de l'inconnu. Elle utilise le domaine matériel et naturel comme moyen de présenter le spirituel et le supra-matériel.
Les paraboles favorisent la prise de décisions morales impartiales; elles éludent de nombreux préjugés et introduisent avec charme de nouvelles vérités dans la pensée, en soulevant un minimum de réactions défensives de rancune personnelle.
Pour rejeter la vérité contenue dans les homologies d'une parabole, il faut un acte intellectuel conscient accompli directement au mépris de votre jugement droit et de votre décision équitable. La parabole permet de contraindre la pensée en mettant en jeu le sens de l'ouïe.
L'enseignement sous forme de paraboles permet à l'instructeur de présenter des vérités nouvelles, et même sensationnelles, tout en évitant la plupart des controverses et des conflits extérieurs avec la tradition et les autorités établies.
La parabole possède également l'avantage de remettre en mémoire les vérités enseignées quand on rencontre ultérieurement les mêmes scènes familières.
Jésus chercha de cette manière à mettre ses disciples au courant de diverses raisons motivant sa pratique d'employer de plus en plus de paraboles dans son enseignement public.
Vers la fin de la leçon du soir, Jésus fit son premier commentaire sur la parabole du semeur. Il dit que la parabole se référait à deux choses. Premièrement, c'était une récapitulation de son propre ministère jusqu'à ce jour et une provision de ce qui l'attendait durant le reste de sa vie sur terre. Deuxièmement, c'était également une allusion à ce que les apôtres et autres messagers du royaume pouvaient attendre de leur ministère, de génération en génération, avec l'écoulement du temps.
Jésus recourut également à l'emploi des paraboles pour réfuter le mieux possible l'effort concerté des chefs religieux de Jérusalem qui enseignaient que toute son oeuvre était accomplie grâce à l'assistance de démons et du prince des diables. L'appel à la nature contredisait cet enseignement des Juifs, car les gens de cette époque considéraient les phénomènes naturels comme directement produits par des êtres spirituels et des forces surnaturelles. Jésus décida aussi d'adopter l'enseignement par paraboles parce que cela lui permettait de proclamer des vérités essentielles à ceux qui désiraient connaître le meilleur chemin, tout en fournissant à ses ennemis moins d'occasions de lui imputer des délits et de l'accuser.
Avant de disperser le groupe pour la nuit, Jésus dit: « Je vais encore vous raconter la fin de la parabole du semeur. Je veux vous éprouver pour savoir comment vous accepterez ceci: Le royaume des cieux ressemble aussi à un homme qui a semé du bon grain sur la terre; pendant qu'il dormait la nuit et vaquait à ses affaires le jour, le grain germa et grandit et, sans qu'il sache comment, la plante arriva à maturité. Il y eut d'abord la tige, puis l'épi, puis le grain dans l'épi, Et quand le grain fut mûr, l'homme prit sa faucille et fit la moisson. Que celui qui a une oreille pour entendre entende ».
Les apôtres retournèrent maintes fois ces paraboles dans leur pensée, mais le Maître ne mentionna plus jamais cette addition à la parabole du semeur.
4. -- NOUVELLES PARABOLES AU BORD DE LA MER (1)
(1) Toutes les paraboles de ce chapitre se retrouvent dans Matthieu XIII.
Le lendemain, de son bateau, Jésus enseigna de nouveau le peuple en disant: « Le royaume des cieux ressemble à un homme qui a semé du bon grain dans son champ, mais pendant qu'il dormait, son ennemi vint semer de l'ivraie au milieu du blé et s'enfuit en hâte. Quand les jeunes tiges sortirent de terre, et plus tard quand les épis se formèrent, l'ivraie apparut aussi. Alors les serviteurs de cet homme vinrent lui dire: « Maître, n'as-tu pas semé du bon grain dans ton champ? D'où vient donc cette ivraie? » Le propriétaire répondit à ses serviteurs: « C'est un ennemi qui l'a fait ». Alors les serviteurs demandèrent à leur maître: « Voudrais-tu que nous allions arracher cette ivraie? » Mais il leur répondit: « Non, de crainte qu'en l'arrachant vous ne déraciniez aussi le blé. Laissez plutôt les deux pousser ensemble jusqu'à l'époque de la récolte, et je dirai aux moissonneurs: Rassemblez d'abord l'ivraie et mettez-là en bottes pour la brûler, puis recueillez le blé pour l'amasser dans mon grenier ».
Après quelques questions des auditeurs, Jésus conta à la foule une autre parabole: « Le royaume des cieux ressemble à un grain de sénevé qu'un homme sema dans son champ. Or un grain de sénevé est la plus petite des semences; mais quand elle a poussé, elle devient le plus grand des arbustes et ressemble à un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent nicher dans ses branches ».
« Le royaume des cieux ressemble aussi à du levain qu'une femme prit pour le cacher dans trois mesures de farine, et il arriva ainsi que toute la pâte leva ».
« Le royaume des cieux ressemble aussi à un trésor caché dans un champ et qu'un homme a découvert. Dans sa joie, il est allé vendre tout ce qu'il possédait afin d'avoir assez d'argent pour acheter le champ ».
« Le royaume des cieux ressemble aussi à un marchand qui recherche de belles perles. Ayant trouvé une perle de grand prix, il alla vendre tout ce qu'il possédait pour pouvoir acheter la perle extraordinaire ».
« Et le royaume des cieux ressemble encore à une senne que l'on a lancée dans la mer et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand le filet est rempli, les pêcheurs le halent sur la plage et s'assoient pour trier les poissons; ils recueillent les bons dans des paniers et jettent les mauvais ».
Jésus conta à la foule un grand nombre d'autres paraboles. En fait, à partir de cette époque, il employa rarement d'autres méthodes pour enseigner les masses. Après avoir parlé en paraboles à un auditoire public, il profitait des classes du soir pour exposer ses enseignements plus complètement et plus explicitement aux apôtres et aux évangélistes.
5. -- LA VISITE À GERGÉSA
La foule continua à augmenter pendant toute la semaine. Le jour du sabbat, Jésus s'empressa d'aller dans la montagne, mais le dimanche matin les foules revinrent. Jésus leur parla au début de l'après-midi après un sermon de Pierre, et lorsqu'il eut terminé il dit à ses apôtres: « Je suis fatigué de cette multitude; traversons le lac pour nous reposer une journée de l'autre côté ».
Durant la traversée, ils furent assaillis par une de ces violentes et soudaines tempêtes caractéristiques de la Mer de Galilée, surtout à cette époque de l'année. Cette nappe d'eau se trouve à plus de deux cents mètres au-dessous du niveau de la mer, et elle est entourée de hautes rives surtout à l'ouest. Des gorges escarpées vont du lac vers les montagnes. Une poche d'air chaud s'élève au-dessus du lac durant la journée, et après le coucher du soleil l'air frais des gorges a tendance à se précipiter vers le lac. Ces coups de vent arrivant rapidement et s'apaisent parfois tout aussi vite.
Ce fut précisément l'un de ces gros grains du soir qui surprit ce dimanche le bateau emmenant Jésus vers l'autre rive. Trois autres bateaux transportant quelques jeunes évangélistes le suivaient. La tempête fut très violente, bien que limitée à cette région du lac; le calme régnait sur la rive occidentale. Le vent était tellement fort que les vagues commencèrent à déferler dans le bateau. La voile avait été déchirée avant que les apôtres aient pu la replier, et ils dépendaient maintenant entièrement de leurs rames pour atteindre le rivage distant de trois kilomètres.
Jésus dormait à l'arrière du bateau, sous un petit abri qui lui protégeait la tête. Au moment du départ de Bethsaïde, le Maître était fatigué, et c'était pour s'assurer du repos qu'il avait demandé aux apôtres de lui faire traverser le lac à la voile. Ces anciens pêcheurs étaient des rameurs vigoureux et expérimentés, mais cette tempête était l'une des plus violentes qu'ils eussent jamais rencontrées. Bien que le vent et les vagues fissent danser le bateau comme un jouet, Jésus dormait imperturbablement. Pierre maniait la rame de droite près de la poupe. Quand le bateau commença à se remplir d'eau, il la lâcha et se précipita vers Jésus en le secouant vigoureusement pour le réveiller. Quand Jésus fut debout, Pierre lui dit: « Maître, ne sais tu pas que nous sommes pris dans une violente tempête. Si tu ne nous sauves pas, nous allons tous périr ».
Hors de son abri, sous la pluie, Jésus commença par regarder Pierre, puis scruta l'obscurité pour voir les rameurs qui luttaient. Ensuite il tourna de nouveau son regard vers Pierre qui, dans son agitation, n'avait pas repris sa rame, et lui dit: « Pourquoi êtes-vous tous si effrayés? Où est votre foi? Paix, restez tranquilles ». À peine Jésus avait-il adressé cette réprimande à Pierre et aux autres apôtres, et invité Pierre à rechercher la paix pour calmer son âme troublée, que l'atmosphère perturbée rétablit son équilibre et s'apaisa dans un grand calme. Les vagues irritées s'assagirent presque immédiatement, tandis que les nuages noirs qui s'étaient condensés en pluie disparurent et que les étoiles se remirent à briller au ciel. Autant que nous puissions en juger, il s'agissait d'une pure coïncidence, mais les apôtres, et spécialement Simon Pierre, ne cessèrent jamais de considérer l'épisode comme un miracle de la nature. Il était particulièrement facile aux hommes de l'époque de croire à des miracles de la nature, car ils étaient persuadés que toute la nature était un phénomène directement contrôlé par des forces spirituelles et des esprits surnaturels.
Jésus expliqua clairement aux douze qu'il avait parlé à leurs âmes troublées et s'était adressé à leurs pensées devenues le jouet de la peur, et qu'il n'avait pas commandé aux éléments, mais cela ne servit à rien. Les disciples du Maître persistèrent toujours à interpréter à leur manière toutes les coïncidences analogues. A partir de ce jour-là, ils répétèrent avec insistance que le Maître disposait d'un pouvoir absolu sur les éléments naturels. Pierre ne se lassa jamais de raconter que « même les vents et les vagues lui obéissaient ».
Il était tard dans la soirée lorsque Jésus et ses compagnons atteignirent le rivage. La nuit était calme et magnifique. Ils se reposèrent donc dans les bateaux et ne débarquèrent que le lendemain matin, peu après le lever du soleil. Lorsqu'ils furent réunis, au nombre d'une quarantaine, jésus dit: « Allons là-bas dans les collines et restons-y quelques jours à méditer sur les problèmes du royaume du Père ».
6. -- LE DÉMONIAQUE DE GERGÉSA
La majeure partie de la rive orientale du lac remontait en pente douce vers les hautes terres, mais près du lieu du débarquement il y avait une colline abrupte qui, par endroits tombait à pic dans le lac. Montrant du doigt le flanc de la falaise voisine, Jésus dit: « Montons par-là pour notre petit déjeuner et reposons-nous en causant dans l'un des abris ».
Tout le côté de la falaise était rempli de cavernes creusées dans le rocher. Beaucoup de ces niches étaient d'anciens sépulcres. À mi-hauteur, sur un petit épaulement relativement plat, se trouvait le cimetière du petit village de Gergésa. Tandis que Jésus et ses compagnons passaient près des tombeaux, un démoniaque, qui vivait dans ces cavernes de la falaise, se précipita sur eux. Ce dément était très connu dans la région; il avait jadis été attaché avec des liens et des chaînes et confiné dans l'une des grottes. Il avait depuis longtemps rompu ses entraves et errait maintenant en liberté parmi les tombeaux et les sépulcres abandonnés.
Cet homme nommé Amos était affligé d'une forme récurrente de folie. Il avait de longues périodes de répit où il s'habillait et se conduisait assez convenablement avec ses voisins. Durant l'un de ces intervalles de lucidité, il était allé à Bethsaïde où il avait entendu prêcher Jésus et ses apôtres, et à l'époque il s'était mis à croire vaguement à l'évangile du royaume. Mais bientôt une phase orageuse de sa maladie réapparut, et il s'enfuit vers les tombes où il gémissait, hurlait, et se conduisait de telle sorte qu'il terrorisait tous les gens qui le rencontraient.
Quand Amos reconnut Jésus, il tomba à ses pieds en s'écriant: « Je te connais, Jésus, mais je suis possédé par de nombreux démons et je te supplie de ne pas me tourmenter ». Cet homme croyait sincèrement que son affliction mentale périodique était due au fait qu'au moment des crises, des esprits impurs entraient en lui et dominaient son corps et sa pensée. Ses troubles étaient principalement émotifs -- son cerveau n'était pas gravement malade.
Abaissant son regard sur l'homme qui rampait comme un animal à ses pieds, Jésus se baissa, le prit par la main, le releva, et lui dit: « Amos, tu n'es pas possédé par un démon; tu as déjà entendu la bonne nouvelle que tu es un fils de Dieu. Je te commande de sortir de cette transe ». Quand Amos entendit Jésus prononcer ces paroles, il se produisit une telle transformation dans son intellect que la justesse de sa pensée et le contrôle normal de ses émotions furent immédiatement rétablis. À ce moment-là une foule considérable venant des villages voisins s'était rassemblée, et s'accrut des bergers qui gardaient des troupeaux de porcs sur les hautes terres. Tous ces gens furent étonnés de voir le dément assis avec Jésus et ses disciples, en plein équilibre mental, et s'entretenant avec eux.
Tandis que les porchers se précipitaient dans le village pour répandre la nouvelle que le démoniaque avait été dompté, les chiens chargèrent un troupeau abandonné d'une trentaine de porcs et en firent tomber la majeure partie dans la mer par dessus un à pic. Cet incident, lié à la présence de Jésus et à la cure supposée miraculeuse du dément, donna naissance à la légende que Jésus avait guéri Amos en chassant une légion de démons hors de lui et que ces démons étaient entrés dans les porcs du troupeau, ce qui les avait fait courir tête baissée à leur anéantissement dans la mer (1). Avant la fin de la journée, l'épisode avait été diffusé par les porchers, et tout le village y avait cru. Amos crut certainement la même histoire; il avait vu les pourceaux dégringoler par dessus le rebord de la falaise peu après le retour au calme de sa pensée troublée, et il crut toujours que ces animaux avaient emporté avec eux les mauvais esprits qui l'avaient si longtemps tourmenté et affligé. Cela contribua beaucoup à la permanence de sa guérison. Il est également vrai que tous les apôtres de Jésus (sauf Thomas) crurent que l'épisode des pourceaux était directement lié à la cure d'Amos.
(1) Cf. Matthieu VIII-32 et Marc V-13.
Jésus n'obtint pas le repos qu'il était venu chercher. Il fut assailli presque toute la journée par les gens venus à la nouvelle qu'Amos avait été guéri, et attirés par l'histoire des esprits impurs sortis du démoniaque pour entrer dans le troupeau de pores. Le mardi matin de bonne heure, après une seule nuit de repos, Jésus et ses amis furent réveillés par une délégation de ces païens éleveurs de porcs, venue le presser de partir de chez eux. Leur porte-parole dit à Pierre et à André: « Pêcheurs de Galilée, partez de chez nous et emmenez votre prophète avec vous. Nous savons qu'il est un saint homme, mais les dieux de notre pays ne le connaissent pas, et nous risquons de perdre un grand nombre de porcs. Nous avons peur de vous, et c'est pourquoi nous vous prions de vous en aller. Les ayant entendus, Jésus dit à André « Retournons chez nous ».
Au moment où ils allaient partir, Amos supplia Jésus de lui permettre de les accompagner, mais le Maître ne voulut pas y consentir. Il dit à Amos: « N'oublie pas que tu es un fils de Dieu. Retourne chez les Gergéséens et montre leur les grandes choses que Dieu a faites pour toi ». Et Amos alla partout publier que Jésus avait chassé une légion de démons de son âme troublée, et que ces mauvais esprits étaient entrés dans un troupeau de pourceaux, ce qui les avait bien vite menés à l'anéantissement. Il ne s'arrêta pas avant d'avoir visité toutes les villes de la Décapole en proclamant les grandes choses que Jésus avait faites pour lui (2).
(2) Cf. Matthieu VIII, Marc V, et Luc VIII.
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LA TROISIÈME TOURNÉE DE PRÉDICATION
LE dimanche,soir 16 janvier de l'an 29, Abner arriva à Bethsaïde avec les apôtres de Jean, et le lendemain il tint une conférence commune avec André et les apôtres de Jésus. Abner et ses collaborateurs établirent leur quartier général à Hébron et prirent l'habitude de venir périodiquement à Bethsaïde pour des conférences de ce genre.
Parmi les nombreuses questions étudiées à cette conférence commune figura la pratique d'oindre les malades avec certaines sortes d'huiles, en liaison avec des prières pour la guérison. À nouveau Jésus refusa de participer à la discussion ou de donner son avis sur les conclusions. Les apôtres de Jean avaient toujours utilisé l'huile d'onction dans leur ministère auprès des malades et des affligés. Ils cherchaient à faire adopter cette pratique comme ligne de conduite uniforme pour les deux groupes, mais les apôtres de Jésus refusèrent de se laisser lier par cette règle.
Le mardi 18 janvier, les évangélistes expérimentés, au nombre d'environ soixante-quinze, se joignirent aux vingt-quatre chez Zébédée à Bethsaïde pour se préparer à la troisième tournée de prédication en Galilée; celle-ci dura sept semaines.
Les évangélistes furent envoyés en mission par groupes de cinq, tandis que Jésus et les douze se déplacèrent ensemble la plupart du temps. Les apôtres allaient deux par deux baptiser les croyants selon les nécessités du moment. Pendant près de trois semaines, Abner et ses associés travaillèrent aussi avec les groupes d'évangélistes, leur donnant des conseils et baptisant des croyants. Ils visitèrent Magdala, Tibériade, Nazareth, et toutes les principales villes et agglomérations du centre et du sud de la Galilée, tous les endroits précédemment visités et beaucoup d'autres encore. Ce fut leur dernier message à la Galilée, sauf pour le nord du pays.
1. -- LE GROUPE DES FEMMES ÉVANGÉLISTES
Parmi tous les actes audacieux accomplis par Jésus en liaison avec sa carrière terrestre, le plus stupéfiant fut son annonce soudaine dans la soirée du 16 janvier: « Demain matin, nous sélectionnerons dix femmes pour travailler au ministère du royaume ». Au commencement de la quinzaine où les apôtres et les évangélistes devaient s'absenter de Bethsaïde pour leurs vacances, Jésus pria David de faire revenir ses parents à la maison et d'envoyer des messagers convoquant à Bethsaïde dix femmes dévouées qui avaient précédemment servi dans l'administration du camp et à l'infirmerie dans les tentes. Ces femmes avaient toutes écouté les leçons données aux jeunes évangélistes, mais jamais ni elles ni leurs instructeurs n'avaient imaginé que Jésus oserait charger des femmes d'enseigner l'évangile du royaume et de soigner les malades. Voici les noms de ces dix femmes choisies et mandatées par Jésus: Suzanne, la fille de l'ancien chazan de la synagogue de Nazareth; Jeanne, la femme de Chuza l'intendant d'Hérode Antipas; Élisabeth, la fille d'un riche Juif de Tibériade et de Séphoris; Marthe, la soeur aînée d'André et de Pierre; Rachel, la belle-soeur de Jude, frère terrestre de Jésus; Nasanta, la fille d'Elman, le médecin syrien; Milcha, une cousine de l'apôtre Thomas; Ruth, la fille aînée de Matthieu Lévi; Celta, la fille d'un centurion romain; et Agaman, une veuve de Damas. Ultérieurement, Jésus ajouta deux autres femmes à ce groupe -- Rébecca, fille de Joseph d'Arimathie, et Marie-Madeleine.
Jésus autorisa ces femmes à établir leur propre organisation et chargea Judas de leur procurer des fonds pour s'équiper et acheter des bêtes de somme. Les dix élurent Suzanne comme directrice et Jeanne comme trésorière. À partir de ce moment-là, elles pourvurent à leurs propres besoins et n'eurent plus jamais recours à l'aide de Judas.
À cette époque, il n'était même pas permis aux femmes de se tenir dans l'enceinte principale de la synagogue; elles étaient confinées dans la galerie des femmes. Ce fut un événement ahurissant de les voir admises comme éducatrices autorisées du nouvel évangile du royaume. La mission que Jésus confia à ces dix femmes, en les sélectionnant pour l'enseignement et le ministère de l'évangile, fut la proclamation émancipatrice qui libéra toutes les femmes pour toujours; les hommes devaient cesser de considérer les femmes comme spirituellement inférieures à eux. Ce fut nettement un choc, même pour les douze apôtres. Ils avaient maintes fois entendu le Maître dire que « dans le royaume des cieux il n'y a ni riche ni pauvre, ni homme libre ni esclave, ni sexe masculin ou féminin, mais tous sont également les fils et les filles de Dieu ». Malgré cela, les apôtres furent littéralement frappés de stupeur lorsque Jésus proposa officiellement de nommer ces dix femmes comme éducatrices religieuses, et même de leur permettre de voyager avec eux. Tout le pays fut mis en émoi par cette façon d'agir, et les ennemis de Jésus tirèrent grand parti de cette décision. Par contre, les femmes qui croyaient à la bonne nouvelle soutinrent résolument leurs soeurs choisies et approuvèrent partout sans hésitation cette reconnaissance tardive de la place des femmes dans l'oeuvre religieuse. Immédiatement après le trépas du Maître, les apôtres mirent en pratique cette libération des femmes en leur accordant la place qui convenait, mais les générations suivantes retombèrent dans les errements des anciennes coutumes. Durant toute l'époque primitive de l'Église chrétienne, les femmes éducatrices et ministres furent appelées diaconesses, et on leur accorda une récognition générale. Quant à Paul, il accepta bien la chose en théorie, mais ne l'incorpora jamais réellement dans son comportement et trouva personnellement difficile de la mettre en pratique.
2. -- L'ARRÊT À MAGDALA
Quand le groupe apostolique partit de Bethsaïde, les femmes voyagèrent à l'arrière-garde. Durant les conférences, elles s'asseyaient toujours en groupe en avant et à droite de l'orateur. Des femmes en nombre croissant s'étaient mises à croire à l'évangile du royaume. Précédemment, quand elles voulaient avoir un entretien personnel avec Jésus ou l'un des apôtres, c'était une source de grandes difficultés et d'embarras sans fin. Maintenant, tout était changé. Quand l'une des croyantes voulait voir le Maître ou conférer avec les apôtres, elle allait trouver Suzanne, qui la faisait accompagner par l'une des femmes évangélistes, et les deux étaient aussitôt reçues par le Maître ou l'un de ses apôtres.
Ce fut à Magdala que les femmes démontrèrent pour la première fois leur utilité et justifièrent la sagesse qui les avait fait choisit. André avait imposé à ses associés des règles plutôt strictes pour la coopération personnelle avec des femmes, surtout avec celles dont le caractère était discutable. Lorsque la compagnie arriva à Magdala, les dix femmes évangélistes furent libres d'entrer dans les mauvais lieux et de prêcher directement la bonne nouvelle aux pensionnaires. Et quand elles visitèrent les malades, leur ministère leur permit d'entrer dans l'intimité de leurs soeurs éprouvées. À la suite des efforts de ces dix femmes (ultérieurement connues comme les douze femmes) dans cette ville, Marie la Magdaléenne fut gagnée au royaume. Par une succession de malheurs et comme conséquence du comportement de la bonne société envers les femmes qui commettent de semblables erreurs de jugement, cette Marie avait échoué dans l'un des mauvais lieux de Magdala. Marthe et Rachel lui expliquèrent que les portes du royaume étaient ouvertes même à ses pareilles. Marie crut la bonne nouvelle et fut baptisée le lendemain par Pierre.
Marie-Madeleine devint l'éducatrice la plus efficace de l'évangile parmi le groupe des douze femmes. Elle fut choisie pour ce service à Jotapata, avec Rébecca, environ quatre semaines après sa conversion. Durant tout le reste de la vie terrestre de Jésus, Marie, Rébecca, et leurs compagnes continuèrent à travailler fidèlement et efficacement pour éclairer et relever leurs soeurs opprimées. Quand la dernière et tragique scène du drame de la vie de Jésus eut été jouée, et bien que tous les apôtres sauf un se fussent enfuis, ces femmes restèrent toutes à leur poste et nulle d'entre elles ne renia ni ne trahit le Maître.
3. -- UN SABBAT À TIBÉRIADE
Les offices du sabbat du groupe apostolique avaient été confiés aux soins des femmes par André, sur instructions de Jésus. Bien entendu, cela signifiait qu'ils ne pouvaient être célébrés dans la nouvelle synagogue. Les femmes désignèrent Jeanne pour prendre les choses en mains à cette occasion, et la réunion se tint dans la salle des banquets du nouveau palais d'Hérode, qui était absent pour un séjour à Juliade, en Pérée. Jeanne lut des passages des Écritures concernant l'oeuvre des femmes dans la vie religieuse d'Israël, en citant Miriam, Débora, Esther, et plusieurs autres.
Tard dans la soirée, Jésus fit au groupe réuni une mémorable allocution sur « La Magie et la Superstition ». À cette époque, l'apparition d'une étoile brillante et supposée nouvelle était considérée comme le signe qu'un grand homme était né sur terre. On avait observé récemment l'une de ces étoiles, et André demanda à Jésus si ces croyances étaient bien fondées. Dans sa longue réponse à la question d'André, le Maître se lança dans une analyse approfondie de tout le sujet de la superstition humaine. On peut résumer comme suit en langage moderne l'exposé de Jésus en cette occasion:
1. Les orbites des étoiles dans le ciel n'ont absolument aucun rapport avec les événements de la vie humaine sur terre. L'astronomie est étudiée à juste titre par la science, mais l'astrologie est une masse d'erreurs superstitieuses qui n'a pas sa place dans l'évangile du royaume.
2. L'examen des entrailles d'un animal récemment tué ne peut rien révéler sur le temps, ni sur les événements futurs, ni sur le résultat des affaires humaines.
3. L'esprit d'un mort ne revient pas communiquer avec sa famille ou avec ses anciens amis encore en vie.
4. Les amulettes et les reliques sont impuissantes à guérir les maladies, à empêcher les désastres, ou à influencer les mauvais esprits. La croyance à ces moyens matériels pour agir sur le monde spirituel n'est rien d'autre qu'une grossière superstition.
5. Le tirage au sort est peut-être une bonne méthode pour régler de nombreuses difficultés mineures, mais il n'est pas capable de dévoiler la volonté divine, Les dévoilements qu'il provoque sont purement une affaire de hasard matériel. Le seul moyen de communier avec le monde spirituel est inclus dans la dotation spirituelle de l'humanité; c'est l'esprit intérieur du Père, accompagné de l'esprit répandu du Fils et de l'influence omniprésente de l'Esprit Infini.
6. La divination, la sorcellerie, et les envoûtements sont des superstitions de penseurs ignorants, et aussi des illusions de magie. La croyance aux nombres magiques, présages de bonne chance et annonciateurs de malchance, est une pure superstition dépourvue de fondement.
7. L'interprétation des rêves est largement un système sans base et superstitieux de spéculations ignorantes et fantastiques. L'évangile du royaume ne doit rien avoir de commun avec les prêtres-devins de la religion primitive.
8. Les esprits du bien et du mal ne peuvent habiter dans des symboles matériels d'argile, de bois, ou de métal. Une idole ne représente rien de plus que la matière dont elle est faite.
9. Les pratiques des enchanteurs, des devins, des magiciens, et des sorciers furent tirées des superstitions des Égyptiens, des Assyriens, des Babyloniens, et des anciens Cananéens. Les amulettes et toutes les sortes d'incantations ne servent à rien, ni pour gagner la protection des bons esprits, ni pour conjurer des esprits supposés mauvais.
10. Jésus exposa et condamna la croyance de ses auditeurs aux envoûtements, aux épreuves initiatiques, aux ensorcellements, aux malédictions, aux signes, aux mandragores, aux cordes à noeuds, et à toutes les autres superstitions assujettissantes et dues à l'ignorance.
4. -- LA MISSION DES APÔTRES DEUX PAR DEUX
Le lendemain soir après avoir réuni ses douze apôtres, ceux de Jean, et les femmes récemment chargées de mission, Jésus leur dit: « Vous voyez par vous-mêmes que la moisson est abondante, mais que les ouvriers sont rares. Donc, prions tous le Seigneur de la moisson d'envoyer encore plus d'ouvriers dans ses champs. Pendant que je resterai ici pour encourager et instruire les jeunes éducateurs, je voudrais envoyer les anciens deux par deux passer rapidement dans toute la Galilée en prêchant l'évangile du royaume pendant qu'ils peuvent encore le faire commodément et paisiblement ». Puis il désigna comme suit les paires d'apôtres qu'il désirait envoyer en mission: André et Pierre, Jacques et Jean Zébédée, Philippe et Nathanael, Thomas et Matthieu, Jacques et Jude Alphée, Simon Zélotès et Judas Iscariot.
Jésus fixa la date où il retrouverait les douze à Nazareth, et dit au moment de la séparation: « Au cours de cette mission, n'allez dans aucune ville des Gentils, ni en Samarie; au lieu de cela, recherchez les brebis perdues de la maison d'Israël. Prêchez l'évangile du royaume et proclamez cette vérité salutaire que les hommes sont fils de Dieu. Souvenez-vous que le disciple ne s'élève pas au-dessus de son maître et qu'un serviteur n'est pas plus grand que son seigneur. Il suffit au disciple d'égaler son maître et au serviteur de ressembler à son seigneur. Si certains ont osé qualifier le maître de la maison d'associé de Belzébuth, à combien plus forte raison considéreront-ils comme diaboliques les gens de sa maison! Mais vous n'avez pas à craindre ces ennemis incroyants. Je vous déclare qu'il n'y a rien de secret qui ne doive être révélé, ni rien de caché qui ne doive être connu (1). Ce que je vous ai enseigné en privé, prêchez-le en public. Ce que je vous ai révélé à l'intérieur de la maison, vous le crierez en son temps sur les toits. Mes amis et mes disciples, ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps mais ne peuvent détruire l'âme; mettez plutôt votre confiance dans Celui qui est capable de soutenir le corps et de sauver l'âme.
(1) Matthieu X-24 et la suite; Luc XII-2 et la suite.
« Ne vend-on pas deux passereaux pour un denier? Pourtant je vous déclare qu'aucun d'eux n'est oublié de Dieu. Ne savez-vous pas que les cheveux de votre tête sont tous comptés? Ne craignez donc pas; vous valez plus qu'un grand nombre de passereaux. N'ayez pas honte de mon enseignement; allez proclamer la paix et la bonne volonté, mais ne vous y trompez pas -- la paix n'accompagnera pas toujours vos sermons. Je suis venu apporter la paix sur terre, mais quand les hommes rejettent mon présent, la division et le désordre s'ensuivent. Si tous les membres d'une famille reçoivent l'évangile du royaume, la paix demeure véritablement dans cette maison. Mais si certains membres de la famille entrent dans le royaume et si d'autres rejettent l'évangile, cette division ne peut produire que chagrin et tristesse. Travaillez sérieusement à sauver la famille tout entière, de crainte que les hommes n'aient aussi pour ennemis les membres de leur propre maison. Mais quand vous avez fait tout votre possible pour l'ensemble de la famille, je vous déclare que quiconque aime son père ou sa mère plus que mon évangile n'est pas digne du royaume.
Après avoir entendu ce sermon, les douze se préparèrent à partir. Ils ne se revirent plus jusqu'au jour où ils se rassemblèrent à Nazareth pour retrouver Jésus et les autres disciples comme le Maître l'avait ordonné.
5. -- QUE DOIS-JE FAIRE POUR ÊTRE SAUVÉ?
Un soir à Sunem, après que les apôtres de Jean furent retournés à Hébron et que ceux de Jésus eurent été envoyés en mission deux par deux, le Maître s'occupait d'enseigner un groupe de douze jeunes évangélistes travaillant sous la direction de Jacob et le groupe des douze femmes, lors que Rachel lui posa la question suivante: « Maître, que devons-nous répondre lorsqu'une femme nous demande: Que dois-je faire pour être sauvée? » Jésus répondit:
« Quand des hommes et des femmes vous demanderont ce qu'il faut faire pour être sauvés, vous répondrez: Croyez à cet évangile du royaume, acceptez le pardon divin. Reconnaissez par la foi l'esprit intérieur de Dieu dont l'acceptation vous rend fils, de Dieu. N'avez-vous pas lu dans les Écritures les passages disant: « Ma justice et ma force résident dans l'Éternel »? Et aussi ceux où le Père dit: « Ma justice est proche, mon salut est manifesté, et mes bras entoureront mon peuple ». « Mon âme se réjouira de l'amour de mon Dieu, car il m'a revêtu des vêtements du salut et m'a couvert de la tunique de sa droiture ». N'avez-vous pas également lu que l'on appellera le Père « le Seigneur de notre droiture »? « Enlevez les haillons du pharisaïsme et revêtez mon fils de la robe de la justice divine et du salut éternel ». Il est perpétuellement vrai que « le juste vivra par sa foi » (1). L'entrée dans le royaume du Père est entièrement libre, mais le progrès -- la croissance en grâce -- est indispensable pour y rester.
(1) Habakuk II-4.
Le salut est un don du Père, et il est révélé par ses Fils. Son acceptation de votre part, par la foi, fait de vous un participant de la nature divine, un fils ou une fille de Dieu. Par la foi, vous êtes justifiés; par la foi, vous êtes sauvés; et par la même foi vous avancez éternellement dans le chemin de la perfection progressive et divine. Abraham fut justifié par la foi et informé du salut par les enseignements de Melchizédek. Tout au long des âges, c'est également la foi qui a sauvé les fils des hommes, mais aujourd'hui un Fils est venu du Père pour rendre le salut plus réel et plus acceptable.
Quand Jésus s'arrêta, ceux qui avaient entendu ces paroles pleines de grâce furent remplis d'une grande joie et, au cours des journées suivantes, ils proclamèrent l'évangile du royaume avec une nouvelle puissance et une énergie et un enthousiasme renouvelés. Les femmes se réjouirent d'autant plus qu'elles étaient incluses dans ces plans pour établir le royaume sur terre.
Jésus se résuma en disant: « On ne peut ni acheter le salut ni gagner la droiture. Le salut est un don de Dieu et la droiture est le fruit naturel d'une vie née d'esprit dans la filiation du royaume. Vous ne serez pas sauvés pour avoir vécu une vie de droiture; si vous la vivez, c'est plutôt parce que vous avez déjà été sauvés, parce que vous avez reconnu la filiation comme un don de Dieu et le service dans le royaume comme le délice suprême de la vie terrestre. Quand les hommes croient à cet évangile qui est une révélation de la bonté de Dieu, ils sont amenés à se repentir volontairement de tous les péchés connus. La connaissance de la filiation est incompatible avec le désir de pécher. Ceux qui croient au royaume ont faim de droiture et soif de perfection divine ».
6. -- LES LEÇONS DU SOIR
Au cours des discussions du soir, Jésus aborda de nombreux sujets. Durant le reste de cette tournée -- avant la réunion générale à Nazareth -- il analysa « L'amour de Dieu », « Rêves et Visions », « Malveillance », «Humilité et Mansuétude », « Courage et Fidélité », « Musique et Culte », « Service et Obéissance », « Orgueil et Présomption », « Rapports entre le Pardon et le Repentir », « Paix et Perfection », «Médisance et Envie », « Mal, Péché, et Tentation », « Doutes et Incroyance », «Sagesse et Adoration ». Les anciens apôtres étant absents, les groupes plus récents d'hommes et de femmes pouvaient participer plus librement à ces discussions avec le Maître.
Après avoir passé deux ou trois jours avec un groupe de douze évangélistes, Jésus allait rejoindre un autre groupe. Les messagers de David l'informaient des lieux de séjour et des mouvements de tous ces zélateurs. La plupart du temps les femmes accompagnaient Jésus, car c'était leur première tournée. Par le service des messagers, chacun des groupes restait pleinement au courant des progrès généraux de la tournée. La réception des nouvelles des autres groupes était toujours une source d'encouragement pour les disciples dispersés.
Avant leur séparation, il avait été convenu que les douze apôtres, les évangélistes, et le groupe féminin se rassembleraient à Nazareth le vendredi 4 mars pour y retrouver le Maître. En conséquence, dans toutes les parties de la Galilée centrale et méridionale, les divers groupes d'apôtres et d'évangélistes commencèrent ce jour-là à se diriger vers Nazareth. Au milieu de l'après-midi, les derniers arrivants, André et Pierre, avaient rejoint le camp préparé par les premiers arrivés et situé sur les hauteurs du nord de la ville. C'était la première fois que Jésus visitait Nazareth depuis le commencement de son ministère public.
7. -- LE SÉJOUR À NAZARETH
Ce vendredi après-midi, Jésus se promena dans Nazareth tout à fait incognito et sans être remarqué. Il passa devant la maison de son enfance et l'atelier de charpentier, et resta une demi-heure sur la montagne où il aimait tellement aller durant sa prime jeunesse. Depuis le jour de son baptême par Jean dans le Jourdain, jamais le Fils de l'Homme n'avait senti un pareil flot d'émotions humaines remuer son âme. En descendant de la montagne, il entendit le son familier des coups de trompette annonçant le coucher du soleil, comme il les avait tant et tant de fois entendus pendant qu'il grandissait à Nazareth. Avant de retourner au camp, il passa par la synagogue où il avait été à l'école et se plongea dans de nombreuses réminiscences du temps de son enfance. Au début de la journée, Jésus avait envoyé Thomas s'entendre avec le chef de la synagogue pour faire un sermon à l'office matinal du sabbat.
La population de Nazareth n'avait jamais été réputée pour la piété et la droiture de sa vie. Au cours des années, ce village fut de plus en plus contaminé par la basse moralité de Séphoris, la ville voisine. Durant toute la jeunesse et l'adolescence de Jésus, l'opinion publique de Nazareth avait été divisée à son sujet; elle avait été très froissée de son déménagement à Capharnaüm. Les habitants de Nazareth avaient beaucoup entendu parler des activités de leur ancien charpentier, mais ils étaient vexés qu'il n'ait jamais inclus son village natal dans ses premières tournées de prédication. En vérité, ils connaissaient la renommée de Jésus, mais la majorité des citoyens était irritée de ce qu'il n'ait accompli aucune de ses grandes oeuvres dans la ville de sa jeunesse. Pendant des mois, les gens de Nazareth avaient beaucoup discuté de Jésus, et dans l'ensemble leur opinion à son égard était défavorable.
Le Maître se trouva donc dans une atmosphère nettement hostile et hypercritique, et non dans un bienveillant climat de retour au foyer. Mais ce n'était pas tout. Sachant qu'il allait passer ce jour de sabbat à Nazareth et supposant qu'il prêcherait dans la synagogue, ses ennemis avaient stipendié un grand nombre d'hommes rudes et grossiers pour le harceler et provoquer des troubles de toutes les manières possibles.
La plupart de ses anciens amis, y compris le chazan un peu sénile qui avait été son professeur, étaient morts ou avaient quitté Nazareth, et la jeune génération avait tendance à être fortement jalouse de la célébrité de Jésus. On oubliait son dévouement envers sa famille et l'on critiquait amèrement sa négligence à rendre visite à son frère et à ses soeurs mariés vivant à Nazareth. Le comportement de la famille de Jésus envers lui avait également contribué à accroître ce sentiment malveillant des habitants. Les Juifs orthodoxes osèrent même critiquer Jésus pour avoir marché trop vite en allant à la synagogue ce samedi matin.
8. -- L'OFFICE DU SABBAT
Le temps était magnifique en ce jour de sabbat, et tout Nazareth, amis et ennemis, sortit pour écouter cet ancien citoyen de la ville discourir dans la synagogue. Une grande partie de la suite apostolique dut rester dehors, car il n'y avait pas assez de place pour tous ceux qui étaient venus entendre le Maître. En tant que jeune homme, Jésus avait souvent pris la parole dans ce lieu de culte. Ce matin-là, tandis que le chef de la synagogue lui passait le rouleau des écrits sacrés d'où il allait lire la leçon des Écritures, aucun des auditeurs ne parut se rappeler que c'était Jésus qui avait jadis offert le manuscrit à cette synagogue.
Les offices de l'époque étaient dirigés exactement de la même manière qu'au temps où Jésus y avait assisté comme enfant. Il monta sur l'estrade des orateurs avec le chef de la synagogue, et l'office débuta par la récitation de trois prières: « Béni soit l'Éternel, Roi du monde, qui forme la lumière et produit les ténèbres, qui fait la paix et crée toutes choses; qui, dans sa miséricorde, donne la lumière à la terre et à ses habitants, et qui, dans sa bonté, jour après jour et chaque jour, renouvelle l'oeuvre de la création. Béni soit le Seigneur notre Dieu pour la gloire de l'oeuvre de ses mains et pour les lumières illuminantes qu'il a créées pour sa louange. Sélah. Béni soit le Seigneur Dieu qui a créé les lumières ».
Après une pause, l'assistance se remit à prier: « Le Seigneur notre Dieu nous a aimés d'un grand amour, et il s'est penché sur nous avec une pitié débordante, lui notre Père et notre Roi, par égard pour nos ancêtres qui ont eu confiance en lui. O Dieu, tu leur as enseigné les règles de la vie; aie pitié de nous et enseigne-nous. Éclaire nos yeux sur la loi; fais que notre coeur adhère à tes commandements; unis nos coeur pour aimer et craindre ton nom, et nous ne serons pas couverts d'opprobre dans le monde éternel. Car tu es un Dieu qui prépare le salut; tu nous as choisis parmi toutes les langues et les nations, et en vérité tu nous as rapprochés de ton grand nom -- sélah -- afin que nous puissions louer ton unité avec amour. Béni soit le Seigneur qui, dans son amour, a élu son peuple Israël ».
La congrégation récita ensuite le Shéma, le credo de la foi juive. Ce rituel consistait à répéter de nombreux passages de la loi; il montrait que les adorateurs prenaient sur eux le joug du royaume des cieux, et aussi le joug des commandements à mettre en pratique de jour et de nuit.
Vint ensuite la troisième prière: « Il est vrai que tu es Jéhovah, notre Dieu et le Dieu de nos pères, notre Roi et le Roi de nos pères, notre Créateur et notre rocher de salut, notre aide et notre libérateur. Ton nom existe de toute éternité, et il n'y a pas de Dieu en dehors de toi. Ceux qui furent libérés chantèrent un nouveau cantique à ton nom au bord de la mer; tous ensemble ils te louèrent et te reconnurent comme Roi en disant: Jéhovah règnera dans un monde sans fin. Béni soit le Seigneur qui sauve Israël ».
Le chef de la synagogue prit alors sa place devant l'arche, ou coffre contenant les écrits sacrés, et commença à réciter les dix-neuf eulogies, ou bénédictions. Mais en cette occasion, il était désirable d'abréger l'office pour laisser plus de temps à l'hôte d'honneur pour son discours; en conséquence on ne récita que la première et la dernière eulogie. Voici la première: « Béni soit le Seigneur notre Dieu et le Dieu de nos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob; le grand, le puissant, et le terrible Dieu qui montre de la miséricorde et de la bonté, qui crée toutes choses, qui se souvient de ses bienveillantes promesses à nos pères et, par égard pour son propre nom, envoie avec amour un sauveur aux enfants de leurs enfants. O Roi, notre aide, notre sauveur, et notre bouclier! Bénis sois-tu, O Jéhovah, bouclier d'Abraham ».
Puis vint la dernière bénédiction: « Effuse sur Israël, ton peuple, une grande paix perpétuelle, car tu es le Roi et le Seigneur de toute paix. Il est bon à tes yeux de donner en tous temps et à toute heure la bénédiction de ta paix. Bénis sois-tu, Jéhovah, pour la bénédiction de paix que tu dispenses à ton peuple Israël ». L'assemblée ne regardait pas le chef pendant qu'il récitait ces eulogies. Il fit ensuite une prière sans cérémonie, appropriée aux circonstances; à la fin de cette prière, toute l'audience se joignit à lui pour dire amen.
Après cela, le chazan alla vers l'arche et en sortit un rouleau qu'il donna à Jésus pour lire la leçon des Écritures. La coutume voulait que l'on appelât sept personnes pour lire chacune au moins trois versets de la loi, mais en l'occasion, on renonça à cette pratique pour permettre au visiteur de lire une leçon de son propre choix. Jésus prit le rouleau, se leva, et commença à lire dans le Deutéronome:
« Car le commandement que je te donne aujourd'hui n'est pas un mystère pour toi, et il n'est pas éloigné. Il n'est pas dans les cieux pour que tu dises: qui montera pour nous dans les cieux et nous le rapportera pour que nous puissions l'entendre et le mettre en pratique? Il n'est pas non plus au delà de la mer pour que tu dises: qui traversera la mer pour nous rapporter le commandement afin que nous puissions l'entendre et le mettre en pratique? Non, la parole de vie est très proche de toi, en ta présence et dans ton coeur, afin que tu puisses la connaître et lui obéir ».
(1) Deutéronome XXX-11 à 14.
Quand Jésus eut fini de lire dans le Livre de la Loi, il commença à lire dans le Livre d'Isaïe: « L'esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour prêcher de bonnes nouvelles aux débonnaires. Il m'a envoyé proclamer la libération aux captifs et le recouvrement de la vue aux aveugles, pour mettre en liberté ceux qui sont opprimés et proclamer l'année de la faveur de l'Éternel » (2).
(2) Isaïe LXI-1.
Jésus ferma le livre, le rendit au chef de la synagogue, se rassit, et commença son sermon en disant: « Aujourd'hui ces Écritures sont accomplies ». Puis il parla pendant près d'un quart d'heure sur « Les Fils et les Filles de Dieu ». Son discours plut à beaucoup d'auditeurs qui s'émerveillèrent de sa grâce et de sa sagesse.
La coutume voulait qu'à la fin de la cérémonie officielle l'orateur restât dans la synagogue, de sorte que les personnes intéressées puissent lui poser des questions. En conséquence, ce samedi matin, Jésus descendit se mêler à la foule qui se pressait pour l'interroger. Dans ce groupe se trouvaient beaucoup d'agitateurs cherchant à semer la zizanie, et autour du groupe circulaient les hommes de bas aloi qui avaient été stipendiés pour causer des difficultés à Jésus. Beaucoup de disciples et d'évangélistes qui étaient restés dehors se pressèrent maintenant pour entrer dans la synagogue et ne furent pas longs à s'apercevoir que des troubles menaçaient. Ils cherchèrent à emmener le Maître, mais celui-ci ne voulut pas les suivre.
9. -- LE REJET PAR NAZARETH
Jésus se trouva entouré dans la synagogue par une multitude d'ennemis, avec çà et là quelques uns de ses disciples. En réponse aux questions grossières et aux sinistres railleries, il répondit avec une pointe d'humour: « Oui, je suis le fils de Joseph; je suis le charpentier, et je ne suis pas surpris que vous me rappeliez le proverbe: « Médecin, guéris-toi toi-même », ni que vous me mettiez au défi de faire à Nazareth ce que vous avez entendu dire que j'ai accompli à Capharnaüm. Mais je vous prends à témoins que les Écritures elles-mêmes déclarent « qu'un prophète est honoré, sauf dans sa patrie et parmi les siens » (1).
(1) Matthieu XIII-57; Marc VI-4; Luc IV-24; Jean IV-44.
Mais ils le bousculèrent, tendirent vers lui un doigt accusateur, et dirent: « Tu te crois meilleur que les gens de Nazareth; tu nous a quittés, mais ton frère est un ouvrier ordinaire et tes soeurs vivent encore parmi nous. Nous connaissons Marie, ta mère. Où sont-ils tous aujourd'hui? Nous entendons de grandes choses à ton sujet, mais nous remarquons qu'à ton retour tu n'accomplis pas de prodiges. « Jésus répondit: « J'aime les habitants de la ville où j'ai grandi, et je me réjouirais de vous voir tous entrer dans le royaume des cieux, mais il ne m'appartient pas de décider l'accomplissement des oeuvres de Dieu. Les transformations de la grâce s'opèrent en réponse à la foi vivante de ceux qui en bénéficient ».
Jésus aurait manié la foule avec bonhomie et désarmé effectivement ses ennemis même les plus violents, si l'un de ses apôtres, Simon le Zélote, n'avait pas commis une bévue tactique. Avec l'aide de Nahor, l'un des jeunes évangélistes, Simon avait réuni entre temps un groupe d'amis de Jésus parmi la foule, près une attitude belliqueuse, et signifié aux ennemis du Maître l'ordre de s'en aller. Jésus avait depuis longtemps appris aux apôtres « qu'une réponse douce détourne la fureur » (2), mais ses disciples n'étaient pas habitués à voir leur instructeur bien-aimé, qu'ils appelaient si volontiers Maître, traité avec tant d'impolitesse et de dédain. C'en était trop pour eux, et ils donnèrent libre cours à leur rancune passionnée et véhémente, ce qui ne fit qu'exciter l'esprit d'émeute dans cette assemblée impie et grossière. Alors, sous la direction de mercenaires, les ruffians se saisirent de Jésus et l'entraînèrent hors de la synagogue, vers le bord d'un précipice, sur une colline voisine, avec l'intention de le pousser dans le vide pour provoquer une chute mortelle sur les rochers en contre-bas. Mais juste au moment où ils allaient passer à l'acte, Jésus fit soudain volte-face et se tourna vers ses ravisseurs en croisant paisiblement les bras. Il ne dit rien, mais ses amis furent plus qu'étonnés de le voir rebrousser chemin, tandis que la racaille s'écartait et le laissait passer sans le molester.
(2) Proverbes XV-1.
Suivi de ses disciples, Jésus se rendit à leur camp où tout l'épisode fut raconté. Le soir même ils se préparèrent à repartir le lendemain matin de bonne heure pour Capharnaüm, comme Jésus le leur avait ordonné. Cette fin tumultueuse de la troisième tournée de prédication eut un effet dégrisant sur tous les disciples de Jésus. Ils commencèrent à comprendre la signification de certains enseignements du Maître. Ils s'éveillèrent à la notion que le royaume ne s'établirait qu'après beaucoup de chagrins et d'amères déceptions.
Ils quittèrent Nazareth le dimanche matin, passèrent par des itinéraires différents, et se rejoignirent finalement à Bethsaïde le jeudi 10 mars. Ils se réunirent comme un groupe assagi, sérieux, et désabusé de prédicateurs de l'évangile de vérité, et non comme une troupe enthousiaste et victorieuse de croisés triomphants.
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- Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
LA SECONDE TOURNÉE DE PRÉDICATION
LA seconde tournée de prédication publique en Galilée commença le dimanche 3 octobre de l'an 28 et continua pendant près de trois mois pour prendre fin le 30 décembre. Participèrent à cet effort Jésus et ses douze apôtres, assistés du corps nouvellement recruté de 117 évangélistes et de nombreuses autres personnes intéressées. Au cours de cette tournée, ils visitèrent Gadara, Ptolémaïs, Japhia, Dabaritta, Méguiddo, Jizréel, Scythopolis, Tarichée, Hippos, Gamala, Bethsaïde-Juliade, et un grand nombre d'autres villes et villages.
Avant de partir ce dimanche matin, André et Pierre demandèrent à Jésus de fixer définitivement les attributions des nouveaux évangélistes, mais le Maître refusa en disant qu'il n'entrait pas dans son domaine de faire des choses que d'autres pouvaient accomplir d'une façon acceptable. Après en avoir dûment délibéré, les apôtres décidèrent que Jacques Zébédée fixerait les attributions. À la fin des commentaires de Jacques, Jésus dit aux évangélistes: « Allez maintenant faire le travail dont vous avez été chargés, et plus tard, quand vous vous serez montrés compétents et fidèles, je vous conférerai l'ordination pour prêcher l'évangile du royaume ».
Au cours de cette tournée, seuls Jacques et Jean voyagèrent avec Jésus. Pierre et les autres apôtres emmenèrent chacun une douzaine d'évangélistes, et gardèrent avec ceux-ci un contact étroit tout en poursuivant leur oeuvre de prédication et d'enseignement. Aussitôt que des croyants étaient prêts à entrer dans le royaume, les apôtres leur administraient le baptême. Jésus et ses deux compagnons voyagèrent beaucoup au cours de ces trois mois, visitant souvent deux villes le même jour afin d'observer l'activité des évangélistes et de les encourager dans leurs efforts pour établir le royaume. Cette seconde tournée de prédication fut surtout un effort pour faire acquérir une expérience pratique au corps des 117 évangélistes frais émoulus.
Durant cette période, et ultérieurement jusqu'à l'époque où Jésus et les douze partirent finalement pour Jérusalem, David Zébédée entretint pour l'oeuvre du royaume un quartier général dans la maison de son père à Bethsaïde. Ce fut le siège central des opérations de Jésus sur terre, et une station de relais pour le service de messagers que David assurait entre les croyants des diverses parties de la Palestine et des régions adjacentes. Il accomplit tout cela de sa propre initiative, mais avec l'approbation d'André. David employait quarante à cinquante messagers au service des renseignements du royaume, qui grandissait et s'étendait rapidement. Tout en assurant ce service, il gagnait partiellement sa vie en consacrant une partie de son temps à son ancien métier de pêcheur.
1. -- LA GRANDE RENOMMÉE DE JÉSUS
Au moment où le camp de Bethsaïde fut levé, la renommée de Jésus, spécialement en tant que guérisseur, s'était répandue dans toutes les régions de la Palestine, dans toute la Syrie, et dans les pays avoisinants. Pendant des semaines après le départ de Bethsaïde, des malades continuèrent à arriver. Faute de rencontrer le Maître, ils apprenaient de David où il se trouvait et partaient à sa recherche. Au cours de cette tournée, Jésus n'accomplit délibérément aucun acte de guérison soi-disant miraculeuse. Néanmoins, des douzaines de personnes souffrantes virent leur santé et leur bonheur rétablis grâce au pouvoir reconstituant de la foi intense qui les poussait à rechercher la guérison.
À l'époque de cette mission, une série spéciale et inexpliquée de phénomènes de guérison commença à se produire et continua jusqu'à la fin de la vie terrestre de Jésus. Au cours de cette tournée de trois mois, plus de cent hommes, femmes, et enfants de Judée, d'Idumée, de Galilée, de Syrie, de Tyr, et de Sidon bénéficièrent de la guérison inconsciente par Jésus, et lorsqu'ils rentrèrent chez eux, ils contribuèrent à augmenter encore sa renommée. Ils le firent, bien que Jésus, chaque fois qu'il observait un de ces cas de guérison spontanée, eût directement recommandé au bénéficiaire de « n'en parler à personne ».
On ne nous a jamais révélé exactement ce qui s'était passé dans ces cas de guérison spontanée ou inconsciente. Le Maître n'expliqua jamais à ses apôtres comment elles s'effectuaient. En plusieurs occasions il se borna à dire: « Je perçois qu'un pouvoir est sorti de moi » (1). En une occasion, après avoir été touché par un enfant malade, il remarqua: « Je perçois que de la vie est sortie de moi ».
(1) Cf. Marc V-30 et Luc VIII-46.
En l'absence d'indications directes du Maître sur la nature de ces cures spontanées, il serait présomptueux de notre part d'expliquer comment elles furent accomplies, mais il nous est permis de donner notre opinion sur ces phénomènes de guérison. Nous croyons qu'un grand nombre des cures apparemment miraculeuses qui se produisirent au cours du ministère terrestre de Jésus résultèrent de la conjugaison des trois puissantes influences suivantes:
1. La présence d'une foi solide, dominante, et vivante dans le coeur de l'être humain qui cherchait avec persistance à être guéri, accompagnée du fait que cette guérison était désirée pour ses bienfaits spirituels plutôt que pour un rétablissement purement physique.
2. L'existence, concomitante avec cette foi humaine, de la grande sympathie et de la grande compassion du Fils Créateur incarné et dominé par la miséricorde; ce Fils de Dieu possédait réellement dans sa personne des pouvoirs et des prérogatives de guérison créatifs à peu près illimités et indépendants du temps.
3. En même temps que la foi de la créature et la vie du Créateur, il faut également noter que ce Dieu-homme était l'expression personnifiée de la volonté du Père. Lors du contact entre le besoin humain et le pouvoir divin capable de le satisfaire, si le Père n'exprimait pas de volonté différente, les deux ne faisaient plus qu'un; la guérison se produisait alors sans que le Jésus humain en eût conscience, mais elle était immédiatement reconnue par sa nature divine. Donc, il faut expliquer bon nombre de ces cas de guérison par l'opération d'une grande loi que nous connaissons depuis longtemps, à savoir: ce que le Fils Créateur désire et que le Père éternel veut EXISTE.
Nous sommes donc d'avis qu'en la présence personnelle de Jésus certaines formes de foi humaine profonde contraignaient littéralement et véritablement la manifestation de guérison par certaines forces et personnalités créatives de l'univers, alors intimement associées au Fils de l'Homme. Jésus permit fréquemment que des hommes se guérissent eux-mêmes en sa présence par la puissance de leur foi personnelle.
Beaucoup d'autres recherchèrent la guérison pour des buts purement égoïstes. Une riche veuve de Tyr, accompagnée de sa suite, vint pour être guérie de ses infirmités qui étaient nombreuses. En suivant Jésus à travers la Galilée, elle continua à lui offrir de plus en plus d'argent, comme si le pouvoir de Dieu pouvait être acheté aux enchères. Elle ne s'intéressa jamais à l'évangile du royaume; elle ne recherchait que la guérison de ses maladies physiques.
2. -- LE COMPORTEMENT DU PUBLIC
Jésus comprenait la pensée des hommes; il connaissait le fond de leur coeur. Si ses enseignements avaient été transmis tels qu'il les présenta, avec pour seul commentaire l'interprétation inspirée de sa vie terrestre, toutes les nations et toutes les religions du monde auraient rapidement embrassé l'évangile du royaume. Les efforts bien intentionnés des premiers disciples de Jésus pour réaffirmer ses enseignements sous une forme plus acceptable pour certaines nations, races, et religions eurent simplement pour effet de rendre l'évangile moins acceptable pour toutes les autres nations, races, et religions.
Dans ses efforts pour attirer l'attention favorable de certains groupes de son époque sur les enseignements de Jésus, l'apôtre Paul écrivit de nombreuses lettres d'instructions et de recommandations. D'autres éducateurs de l'évangile en firent autant, mais aucun d'eux n'imagina que ces écrits seraient ultérieurement réunis par ceux qui voudraient les présenter comme représentant les enseignements de Jésus. En conséquence, bien que le soi-disant christianisme contienne plus d'éléments de l'évangile du Maître que toute autre religion, il contient aussi beaucoup de données que Jésus n'enseigna pas. Outre l'incorporation dans le christianisme de nombreux enseignements des mystères persans et de beaucoup d'éléments de la philosophie grecque, deux grandes fautes furent commises:
1. L'effort pour relier directement l'enseignement de l'évangile à la théologie juive; il se traduisit par les doctrines chrétiennes de l'expiation, enseignant que Jésus était le Fils dont le sacrifice satisferait la sévère justice du Père et apaiserait le courroux divin. Ces enseignements naquirent de tentatives louables pour rendre l'évangile du royaume plus acceptable aux Juifs incroyants. Ces efforts échouèrent en ce qui concerne le ralliement des Juifs; ils ne réussirent qu'à embrouiller et à aliéner de nombreuses âmes sincères de toutes les générations ultérieures.
2. La seconde grande bévue des premiers disciples du Maître, une erreur que toutes les générations ultérieures ont perpétuée, fut d'organiser la doctrine chrétienne aussi complètement autour de la personne de Jésus. Cet accent excessif mis sur la personnalité de Jésus dans la théologie du christianisme a contribué à obscurcir ses enseignements. Tout cela a rendu de plus en plus difficile aux Juifs, aux Mahométans, aux Hindous, et aux autres religions orientales d'accepter la doctrine de Jésus. Nous ne voudrions pas minimiser la place de sa personne dans une religion qui peut porter son nom, mais nous ne voudrions pas non plus permettre à cette considération d'éclipser sa vie inspirante ou de supplanter son message de salut: la paternité de Dieu et la fraternité des hommes.
Les propagateurs de la religion de Jésus devraient approcher les autres religions en reconnaissant les vérités qu'elles détiennent en commun (et dont beaucoup proviennent directement ou indirectement du message de Jésus) tout en s'abstenant d'insister pareillement sur les différences.
À ce moment-là, la renommée de Jésus reposait principalement sur sa réputation de guérisseur, mais il ne s'ensuivait pas qu'il dut toujours en être ainsi. À mesure que le temps passait, on le rechercha de plus en plus pour son aide spirituelle. Toutefois, c'étaient les cures physiques qui exerçaient sur le peuple l'attrait le plus direct et le plus immédiat. L'aide de Jésus était de plus en plus demandée par les victimes de l'esclavage moral et des obsessions mentales; il leur enseignait invariablement le chemin de la délivrance. Des pères recherchaient ses conseils pour diriger leurs fils, et des mères lui demandaient secours pour orienter leurs filles. Ceux qui siégeaient dans les ténèbres venaient vers lui, et il leur révélait la lumière de la vie. Il prêtait toujours l'oreille aux infortunes de l'humanité, et il aidait toujours quiconque recherchait son ministère.
Pendant que le Créateur lui-même était sur terre, incarné dans la similitude d'une chair mortelle, il était inévitable que des choses extraordinaires se produisent. Cependant, on ne devrait jamais approcher Jésus au travers de ces événements dits miraculeux. Apprenez à approcher les miracles par Jésus, mais ne commettez pas la faute d'approcher Jésus par les miracles. Cette recommandation est légitime, bien que Jésus soit l'unique fondateur de religion qui ait accompli sur terre des actes supra-matériels.
Le trait le plus étonnant et le plus révolutionnaire de la mission terrestre de Micaël fut son comportement envers les femmes. À une époque et dans une génération où il était malséant pour un homme de saluer en public même sa propre femme, Jésus osa emmener des femmes pour enseigner l'évangile en liaison avec sa troisième tournée de prédication en Galilée. Et il eut le courage suprême de le faire en dépit de l'enseignement rabbinique qui proclamait: « Mieux vaut brûler les paroles de la loi que de les remettre à des femmes ».
En une seule génération, Jésus fit sortir les femmes d'un oubli irrespectueux et les libéra des corvées serviles des âges primitifs. La religion qui se qualifia de chrétienne n'eut pas le courage moral de suivre ce noble exemple dans son comportement ultérieur envers les femmes, et c'est pour elle un objet de honte.
Les gens auxquels Jésus se mêlait le trouvaient entièrement dégagé des superstitions de l'époque. Il était libre de préjugés religieux et n'était jamais intolérant. Rien dans son coeur ne ressemblait à une lutte de classes. Il se conformait à ce qui était bon dans la religion de ses ancêtres, mais n'hésitait pas à négliger les traditions humaines de superstition et de servitude. Il osa enseigner que les catastrophes de la nature, les accidents du temps, et d'autres événements calamiteux ne sont ni des châtiments du jugement divin ni des décrets mystérieux de la Providence. Il condamna la dévotion servile à des cérémonies dépourvues de sens, et dénonça le sophisme des cultes matérialistes. Il proclama hardiment la liberté spirituelle des hommes et osa enseigner que les mortels incarnés sont, en fait et en vérité, des fils du Dieu vivant.
Jésus transcenda tous les enseignements de ses ancêtres lorsqu'il substitua audacieusement des coeurs purs à des mains propres comme signes de la vraie religion. Il remplaça la tradition par la réalité et balaya toutes les prétentions de la vanité et de l'hypocrisie. Et cependant cet intrépide homme de Dieu ne donna pas libre cours à des critiques destructives, et ne manifesta pas un complet dédain pour les usages religieux, sociaux, économiques, et politiques de son temps. Il n'était pas un révolutionnaire militant; il était un évolutionniste progressif. Il ne se lança dans la destruction de ce qui existait qu'en offrant simultanément à ses compagnons la chose supérieure qui devrait existez.
Jésus obtint l'obéissance de ses disciples sans l'exiger. Parmi tous les hommes qui reçurent son appel personnel, trois seulement refusèrent cette invitation à devenir ses disciples. Il exerçait un pouvoir d'attraction particulier sur les hommes, mais n'était pas un dictateur. Il commandait la confiance, et jamais personne ne fut froissé de recevoir un ordre de lui. Il assumait une autorité absolue sur ses disciples, mais nul n'y fit jamais d'objection. Il permettait à ses disciples de l'appeler Maître.
Jésus était admiré par tous ceux qu'il rencontrait, sauf par ceux qui entretenaient des préjugés religieux bien enracinés et par ceux qui croyaient discerner un danger politique dans ses enseignements. Ses auditeurs étaient étonnés de l'originalité et de l'autorité de ses leçons. Ils s'émerveillaient de sa patience envers les arriérés ou les gêneurs qui l'interrogeaient. Il inspirait de l'espoir et de la confiance à tous ceux qui bénéficiaient de son ministère. Seuls le craignaient ceux qui ne l'avaient jamais rencontré, et seuls le haïssaient ceux qui le considéraient comme le champion d'une vérité destinée à détruire le mal et l'erreur qu'ils avaient décidé de maintenir à tout prix dans leur coeur.
Sur ses amis comme sur ses ennemis, il exerçait une forte et particulière influence de fascination. Des multitudes le suivaient pendant des semaines, rien que pour entendre ses paroles bienveillantes et constater la simplicité de sa vie. Des hommes et des femmes dévoués aimaient Jésus d'une affection presque surhumaine, et mieux ils le connaissaient, plus ils l'aimaient. Ceci est resté vrai. Même aujourd'hui et dans tous les âges futurs, mieux un homme connaîtra ce Dieu humain, plus il l'aimera et voudra le suivre.
3. -- L'HOSTILITÉ DES CHEFS RELIGIEUX
Malgré l'accueil favorable de Jésus et de ses enseignements par le commun du peuple, les chefs religieux de Jérusalem étaient de plus en plus alarmés et hostiles. Les pharisiens avaient élaboré une théologie systématique et dogmatique. Jésus enseignait selon les besoins du moment; il ne professait pas de système. Il s'appuyait moins sur la loi que sur la vie, et enseignait par paraboles. (Quand il employait une parabole pour illustrer son message, il n'utilisait qu'un seul trait de l'histoire à cet effet. Beaucoup d'idées fausses sur l'enseignement de Jésus proviennent de tentatives pour transformer ses paraboles en allégories.)
Les chefs religieux de Jérusalem étaient presque devenus fous de rage à la suite de la récente conversion du jeune Abraham et de la désertion des trois espions qui avaient été baptisés par Pierre et accompagnaient maintenant les évangélistes dans la seconde tournée de prédication en Galilée. Les dirigeants juifs étaient de plus en plus aveuglés par la peur et les préjugés, en même temps que leur coeur se durcissait par le rejet continuel des attrayantes vérités de l'évangile du royaume. Quand les hommes se ferment à l'esprit qui habite en eux, on ne peut presque rien faire pour modifier leur comportement.
Lors de sa première rencontre avec les évangélistes au camp de Bethsaïde, Jésus leur avait dit en terminant son allocution: « N'oubliez pas que corporellement et mentalement -- c'est-à-dire émotivement -- la réaction des hommes est individuelle. Leur seule caractéristique uniforme est d'être habités par un esprit intérieur (1). Bien que ces esprits divins puissent varier quelque peu par la nature et l'étendue de leur expérience, ils réagissent uniformément à tous les appels spirituels. L'humanité ne pourra jamais parvenir à l'unité et à la fraternité autrement que par cet esprit et en faisant appel à lui ».
(1) Un Ajusteur de Pensée ou Moniteur de Mystère. Voir les Fascicules 107 à 111 (Tome II).
Mais beaucoup de dirigeants juifs avaient fermé les portes de leur coeur à l'appel spirituel du royaume. À partir de ce jour, ils ne cessèrent plus de faire des plans et de comploter pour anéantir le Maître. Ils étaient convaincus qu'il fallait arrêter, condamner, et exécuter Jésus en tant que criminel religieux, violateur des enseignements capitaux de la loi juive.
4. -- LES PROGRÈS DE LA TOURNÉE DE PRÉDICATION
Jésus oeuvra très peu en public durant cette tournée de prédication, mais il dirigea de nombreuses classes du soir pour les croyants dans la plupart des villes et villages où il séjourna avec Jacques et Jean. À l'une de ces sessions du soir, un des plus jeunes évangélistes posa à Jésus une question sur la colère, et dans sa réponse le Maître lui donna entre autres les indications suivantes:
« La colère est une manifestation matérielle qui représente, d'une manière générale, la mesure dans laquelle la nature spirituelle n'a pas réussi à dominer les natures intellectuelle et physique conjuguées. La colère indique votre manque d'amour fraternel tolérant, plus votre manque de respect de soi et de maîtrise de soi. La colère épuise la santé, avilit la pensée, et handicape l'instructeur spirituel de l'âme de l'homme. N'avez-vous pas lu dans les Écritures que « le courroux tue l'homme stupide » où que l'homme se déchire lui-même dans sa colère »? Et que « celui qui est lent à la colère possède une grande compréhension », tandis que « quiconque s'irrite rapidement exalte la folie »? Vous savez tous « qu'une réponse douce détourne le courroux» et que « des paroles dures excitent la colère » (1). « La retenue ajourne la colère », et « celui qui ne se contrôle pas lui-même ressemble à une ville désarmée sans remparts ». « Le courroux est cruel et la colère est outrageante ». « Les hommes irrités fomentent la dispute, tandis que les furieux multiplient leurs transgressions ». « Ne vous précipitez pas, car la colère repose dans le sein des fous ». Avant de terminer, Jésus dit encore: «Que votre coeur soit dominé par l'amour, afin que votre guide spirituel n'ait pas trop de peine à vous délivrer de la tendance à laisser éclater des accès de colère animale incompatibles avec le statut de filiation divine ».
(1) Proverbes XV-1, etc...
À la même occasion, le Maître exposa au groupe l'avantage de posséder un caractère bien équilibré. Il reconnut la nécessité pour la plupart des hommes de se consacrer à la maîtrise d'une profession quelconque, mais il déplora toutes les tendances à la spécialisation excessive conduisant à l'étroitesse de pensée et à la limitation des activités de la vie. Il attira l'attention sur le fait que toute vertu, si elle est portée à l'extrême, peut devenir un vice. Jésus prêcha toujours la tolérance et enseigna le bon sens l'adaptation appropriée aux problèmes de la vie. Il fit remarquer qu'un excès de compassion et de pitié peut dégénérer en une grave instabilité émotive, et que l'enthousiasme peut pousser au fanatisme. Il analysa le caractère d'un de leurs anciens compagnons que son imagination avait entraîné dans des entreprises visionnaires et irréalisables. En même temps, il les mit en garde contre la stagnation d'une médiocrité trop conservatrice.
Puis Jésus discourut sur les dangers du courage et de la foi, et la manière dont ces qualités conduisent parfois des âmes irréfléchies à la témérité et à la présomption. Il montra également comment la prudence et la discrétion, quand elles sont poussées trop loin, conduisent à la lâcheté et à l'insuccès. Il exhorta ses auditeurs à s'efforcer d'être originaux, tout en évitant la tendance à l'excentricité. Il plaida en faveur de la sympathie dépourvue de sentimentalité et de la piété sans papelardise. Il enseigna un respect dégagé de la peur et de la superstition.
Ce ne fut pas tant l'enseignement de Jésus sur l'équilibre du caractère qui impressionna ses collaborateurs, mais plutôt le fait que sa propre vie donnait un témoignage éloquent de cet enseignement. Il vécut au milieu de la tension et de l'orage, mais ne chancela jamais. Ses ennemis lui tendirent continuellement des pièges, mais ne réussirent jamais à l'y prendre. Les sages et les érudits s'efforcèrent de le trouver en défaut, mais il ne trébucha pas. Ils cherchèrent à l'embrouiller dans des discussions, mais ses réponses étaient toujours claires, pleines de dignité, et définitives. Quand il était interrompu dans ses discours par de multiples questions, ses réponses étaient toujours significatives et concluantes. Jamais il n'eut recours à de viles tactiques pour faire face à la pression continuelle de ses ennemis qui recouraient à toutes sortes de mensonges, d'injustices, et d'iniquités dans leurs attaques contre lui.
Il est exact que beaucoup d'hommes et de femmes doivent pratiquer assidûment un métier bien défini pour gagner leur subsistance; il est néanmoins entièrement désirable que les êtres humains cultivent un vaste champ de connaissances sur la vie telle quelle est vécue sur terre. Les personnes réellement éduquées ne se satisfont pas de rester dans l'ignorance sur la vie et les agissements de leurs semblables.
5. -- LA LEÇON SUR LE CONTENTEMENT
Un jour où Jésus visitait le groupe d'évangélistes travaillant sous la direction de Simon Zélotès, celui-ci demanda au Maître au cours de la conférence du soir: « Pourquoi certaines personnes sont-elles tellement plus heureuses et contentes que d'autres? Le contentement est-il une affaire d'expérience religieuse? » Jésus répondit à la question de Simon en donnant entre autres les indications suivantes:
« Simon, certaines personnes sont par nature plus heureuses que d'autres. Cela dépend en grande, en très grande partie, de leur bonne volonté à se laisser conduire et diriger par l'esprit du Père qui vit en elles. N'as-tu pas lu dans les Écritures ces paroles du sage: « L'esprit de l'homme est la lampe du Seigneur, scrutant tout son domaine intérieur » (1)? Et aussi que des mortels ainsi guidés par l'esprit disent: « Les cordeaux sont tombés pour moi en des lieux agréables; oui, un bon héritage m'est échu » (2). « Un peu de ce que possède un juste vaut mieux que les richesses de beaucoup de méchants », car « un homme de bien tire sa satisfaction de lui-même ». « Un coeur joyeux donne de l'allégresse; il est une fête continuelle. Mieux vaut un peu d'argent avec le respect du Seigneur qu'un grand trésor accompagné d'ennuis. Mieux vaut un repas de légumes avec de l'amour qu'un boeuf gras accompagné de haine (3). Mieux valent de petites ressources avec droiture que de grands revenus sans rectitude ». « Un coeur joyeux fait du bien comme un médicament ». « Mieux vaut posséder une poignée de grains avec quiétude qu'une surabondance de biens avec des chagrins et des vexations d'esprit ».
| (1) Proverbes XX-27. |
| (2) Psaume XVI-6. |
| (3) Proverbes XV-16 et 17. |
« Les chagrins des hommes proviennent en grande partie de leurs ambitions déçues et des blessures infligées à leur orgueil. Les hommes se doivent à eux-mêmes de mener aussi bien que possible leur vie sur terre, mais lorsqu'ils ont fait de sincères efforts dans ce sens, ils devraient accepter gaiement leur sort et faire montre d'ingéniosité pour tirer le meilleur parti de ce qui leur est échu. Une trop grande partie des difficultés des hommes tire son origine de la profonde peur instinctive de leur coeur. « Le méchant s'enfuit alors que nul ne le poursuit ». « Les méchants ressemblent à une mer agitée, car elle ne peut se reposer, mais ses eaux rejettent de la boue et de la vase; il n'y a pas de paix, dit Dieu, pour les méchants ».
« Ne recherchez donc pas une paix trompeuse et des joies temporaires, mais plutôt l'assurance de la foi et la sécurité de la filiation divine qui donnent la quiétude, le contentement, et la joie suprême dans l'esprit ».
Jésus ne considérait pas ce monde comme une « vallée de larmes », mais plutôt comme la « vallée de création des âmes », la sphère natale des esprits éternels et immortels destinés à monter au Paradis.
6. -- LA « CRAINTE DU SEIGNEUR »
Ce fut à Gamala, durant la conférence du soir, que Philippe dit à Jésus: « Maître, comment se fait-il que les Écritures nous ordonnent de « craindre le Seigneur » alors que tu voudrais que nous nous tournions sans crainte vers le Père céleste? Comment pouvons-nous concilier ces enseignements? » Jésus répondit à Philippe en disant:
« Mes enfants, je ne suis pas surpris que vous posiez de telles questions. Au commencement, c'est seulement par la peur que l'homme pouvait apprendre le respect; mais je suis venu révéler l'amour du Père afin que vous soyez incités à adorer l'Éternel par l'attrait de la reconnaissance affectueuse d'un fils et la réciprocité de l'amour parfait et profond du Père. Je voudrais vous délivrer de l'esclavage consistant à vous soumettre, par peur servile, au service fastidieux d'un Roi-Dieu jaloux et courroucé. Je voudrais vous apprendre les relations de Père à fils entre Dieu et les hommes, de manière à vous conduire joyeusement à la libre adoration sublime et céleste d'un Père-Dieu affectueux, juste, et miséricordieux.
« La « crainte du Seigneur » a eu différentes significations dans les âges successifs; elle a commencé par la peur, continué par l'angoisse et la frayeur, et fini par la crainte et le respect. Partant du respect, je voudrais maintenant vous élever à l'amour en vous le faisant reconnaître, comprendre clairement, et apprécier. Quand l'homme ne reconnaît que les oeuvres de Dieu, il est conduit à avoir peur du Suprême; quand il commence à comprendre la personnalité et à connaître par expérience le caractère du Dieu vivant, il est conduit à aimer de plus en plus ce bon et parfait Père universel et éternel. C'est précisément ce changement de relation entre l'homme et Dieu qui constitue la mission du Fils de l'Homme sur terre.
« Des enfants intelligents ne cherchent pas à obtenir de larges dons de leur père par des manifestations de crainte. L'affection du père pour ses fils et ses filles lui a déjà dicté de leur donner une abondance de bonnes choses. Les ayant reçues d'avance, ces enfants bien-aimés sont conduits à aimer leur père en faisant montre de gratitude et d'appréciation pour cette générosité bienfaisante. La bonté de Dieu conduit à la repentance; sa bienveillance conduit à le servir; sa miséricorde conduit au salut; et enfin l'amour de Dieu conduit à l'adorer intelligemment de tout coeur.
« Vos ancêtres craignaient Dieu parce qu'il était puissant et mystérieux. Vous l'adorerez parce qu'il est magnifique en amour, généreux en miséricorde, et glorieux en vérité. La puissance de Dieu fait naître la peur dans le coeur humain, mais la noblesse et la droiture de sa personnalité engendrent le respect, l'amour, et l'adoration spontanée. Un fils affectueux et déférent ne craint ni ne redoute un père, même puissant et noble. Je suis venu dans le monde pour remplacer la peur par l'amour, le chagrin par la joie, la crainte par la confiance, l'esclavage servile et les cérémonies dépourvues de sens par le service affectueux et le culte appréciateur. Il reste cependant vrai pour ceux qui siègent dans les ténèbres que « la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse ». Quand la lumière brillera plus pleinement, les fils de Dieu seront amenés a louer Dieu pour ce qu'il est, plutôt qu'à le craindre pour ce qu'il fait.
« Quand les enfants sont jeunes et étourdis, il faut bien qu'ils soient réprimandés pour respecter leurs parents; mais quand ils grandissent et commencent à mieux apprécier les bienfaits du ministère et de la protection de leurs parents, un respect compréhensif et une affection croissante les élèvent à un niveau d'expérience où ils aiment effectivement leurs parents pour ce qu'ils sont, plus que pour ce qu'ils ont fait. Le père aime naturellement son enfant, mais l'enfant doit développer son amour pour son père en commençant par la peur de ce que le père peut faire, puis en continuant par la crainte, la frayeur, la dépendance, et le respect, pour arriver à l'amour avec sa considération élogieuse et affectueuse.
« On vous a enseigné qu'il faut « craindre Dieu et observer ses commandements, car c'est là tout ce qui est demandé à l'homme ». Or je suis venu vous donner un commandement nouveau et supérieur. Je voudrais vous enseigner à « aimer Dieu et à apprendre à faire sa volonté, car c'est le plus grand privilège des fils de Dieu libérés ». On a appris à vos pères à « craindre Dieu -- le Roi Tout Puissant ». Moi je vous enseigne: « Aimez Dieu -- le Père infiniment miséricordieux ».
« Dans le royaume des cieux, que je suis venu proclamer, il n'y a pas de roi élevé et puissant; ce royaume est une famille divine. Le centre et le chef, universellement reconnu et adoré sans réserve, de cette immense famille d'êtres intelligents est mon Père et votre Père. Je suis son Fils, et vous êtes également ses fils. Il est donc éternellement vrai que vous et moi nous sommes frères dans l'état céleste, et cela d'autant plus que nous sommes devenus frères incarnés dans la vie terrestre. Cessez donc de craindre Dieu comme un roi ou de le servir comme un maître; apprenez à le respecter comme le Créateur; honorez-le comme Père de votre jeunesse spirituelle; aimez-le comme un défenseur miséricordieux; et finalement adorez-le comme le Père aimant et infiniment sage de votre épanouissement dans la maturité et l'appréciation spirituelles.
« Vos fausses conceptions du Père céleste donnent naissance à vos idées erronées sur l'humilité et à une grande partie de votre hypocrisie. L'homme est peut-être un ver de terre par sa nature et son origine, mais lorsqu'il est habité par l'esprit de mon Père, il devient divin par sa destinée. L'esprit ainsi effusé par mon Père retournera sûrement à sa source divine et au niveau universel de son origine. Et l'âme humaine du mortel qui sera devenu l'enfant né à nouveau de cet esprit intérieur s'élèvera certainement avec lui jusqu'à la présence même du Père éternel.
« Certes l'humilité sied aux mortels qui reçoivent tous ces dons du Père céleste, bien qu'une dignité divine soit attachée à tous les candidats par la foi à l'ascension éternelle du royaume des cieux. Les pratiques serviles et dépourvues de sens d'une fausse humilité ostentatoire sont incompatibles avec l'appréciation de la source de votre salut et la récognition de la destinée de vos âmes nées d'esprit. Il sied parfaitement d'être humble devant Dieu dans le fond de votre coeur; la résignation devant les hommes est louable; mais l'hypocrisie d'une humilité consciente de soi et cherchant à attirer l'attention est enfantine et indigne des fils éclairés du royaume.
« Vous faites bien d'être humbles devant Dieu et de vous contrôler devant les hommes, mais il faut que votre humilité ait une origine spirituelle et ne soit pas l'exhibition trompeuse d'un sens de supériorité conscient de votre propre valeur morale. Le prophète a sagement parlé en disant: « Marchez humblement devant Dieu », car bien que le Père Céleste soit l'Infini et l'Éternel, il habite aussi « chez celui qui a la pensée contrite et un esprit humble ». Mon Père dédaigne l'orgueil, exècre l'hypocrisie, et abhorre l'iniquité. C'est pour faire ressortir la valeur de la sincérité et de la parfaite confiance dans le soutien affectueux et les fidèles directives du Père céleste que j'ai si souvent fait allusion aux petits enfants, pour illustrer l'attitude mentale et la réaction spirituelle qui sont si essentielles pour permettre aux mortels d'entrer dans les réalités spirituelles du royaume des cieux.
« Le Prophète Jérémie a bien décrit beaucoup d'hommes en disant: « Vous êtes proches de Dieu par la bouche, mais loin de lui dans votre coeur ». N'avez-vous pas également lu le lugubre avertissement du prophète qui a dit: «Les prêtres de ce monde enseignent pour un salaire, et ses prophètes prédisent pour de l'argent. En même temps ils font profession de piété et proclament que le Seigneur est avec eux » (1)? N'avez-vous pas été bien mis en garde contre ceux « qui parlent de paix à leurs voisins tout en méditant des méfaits dans leur coeur », contre ceux « qui flattent des lèvres alors que leur coeur joue double jeu »? Parmi tous les chagrins d'un homme confiant, il n'y en a pas de plus terrible que d'être « blessé dans la maison d'un ami sûr».
(1) Michée III-11.
7. -- RETOUR À BETHSAÏDE
Après avoir consulté Simon Pierre et reçu l'approbation de Jésus, André avait chargé David à Bethsaïde d'envoyer des messagers aux divers groupes de prédicateurs, avec instruction de terminer leur tournée et de revenir à Bethsaïde dans la journée du jeudi 30 décembre. À l'heure du souper du soir de ce jour pluvieux, tout le groupe apostolique et les éducateurs évangélistes étaient arrivés chez Zébédée.
Le groupe passa ensemble le jour du sabbat et logea dans des foyers de Bethsaïde et de Capharnaüm, la ville voisine. Ensuite le groupe entier fut gratifié de quinze jours de vacances pour que ses membres puissent se rendre dans leur famille, visiter leurs amis, ou aller à la pêche.
Les deux ou trois jours où le groupe resta réuni à Bethsaïde furent vraiment tonifiants et inspirants; même les anciens éducateurs furent édifiés en entendant les jeunes prédicateurs raconter leurs expériences.
Parmi les 117 évangélistes qui participèrent à cette seconde tournée de prédication en Galilée, 75 seulement réussirent à passer l'épreuve de l'expérience réelle et se trouvèrent disponibles pour recevoir une affectation à l'expiration des deux semaines de congé. Jésus resta chez Zébédée avec André, Pierre, Jacques, et Jean et passa beaucoup de temps en conférence avec eux au sujet de la prospérité et de l'expansion du royaume.
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- Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
LA FORMATION D'ÉVANGÉLISTES À BETHSAÏDE
Du 3 mai au 3 octobre de l'an 28, Jésus et le groupe apostolique résidèrent chez Zébédée à Bethsaïde. Durant ces cinq mois de la saison sèche, un vaste camp fut entretenu au bord de la Mer de Galilée, près de la maison de Zébédée, laquelle avait été considérablement agrandie pour loger la famille spirituelle croissante de Jésus. Le camp du bord de la mer fut occupé par une population constamment renouvelée de chercheurs de vérité, de candidats à la guérison, et de dévots curieux, comptant de cinq cents à quinze cents personnes. David Zébédée, assisté des jumeaux Alphée, assurait la supervision générale de cette ville de toile. Le campement était un modèle d'ordre, d'hygiène, et de bonne administration générale. Les malades de différentes catégories étaient séparés, et surveillés par un médecin croyant, un Syrien nommé Elman.
Durant toute cette période, les apôtres allèrent à la pêche au moins un jour par semaine; ils vendaient leur poisson à David pour la consommation du camp du bord de la mer. Les fonds étaient remis au trésorier du groupe. Les douze avaient la permission de passer une semaine par mois dans leur famille ou chez leurs amis.
André continuait à assumer la responsabilité générale des activités apostoliques, tandis que Pierre avait la charge complète de l'école des évangélistes. Le matin, les apôtres s'occupaient tous d'éduquer des groupes d'évangélistes. L'après-midi, maîtres et élèves enseignaient les campeurs. Après le repas du soir, et cinq jours par semaine, les apôtres dirigeaient des conférences où les évangélistes pouvaient poser des questions. Une fois par semaine, Jésus présidait ces séances d'interrogations et répondait aux questions reportées des sessions précédentes.
En cinq mois, plusieurs milliers de personnes passèrent par ce camp. On y voyait souvent des intéressés venant de toutes les parties de l'empire romain et des pays à l'est de l'Euphrate. Ce fut la plus longue période stable et bien organisée de l'enseignement du Maître. La famille terrestre de Jésus passa la majeure partie de ce temps soit à Nazareth soit à Cana.
Le camp n'était pas dirigé comme une communauté d'intérêts, à l'instar de la famille apostolique. David Zébédée géra cette grande ville de tentes de manière à en faire une entreprise autonome, bien que l'accès n'en ait jamais été refus à personne. Ce camp constamment renouvelé était un facteur indispensable de l'école de Pierre pour la formation des évangélistes.
1. -- UNE NOUVELLE ÉCOLE DES PROPHÈTES
Pierre, Jacques, et Jean formaient le comité désigné pour admettre les candidats à l'école des évangélistes. Toutes les races et nationalités de l'empire romain, ainsi que celles de l'Orient jusqu'aux Indes, étaient représentées parmi les étudiants de cette nouvelle école des prophètes. Le programme consistait à apprendre et à exécuter. Ce que les étudiants apprenaient le matin, ils l'enseignaient à l'assemblée de l'après-midi au bord de la mer. Après le souper, ils analysaient librement les leçons du matin et les enseignements de l'après-midi.
Chaque instructeur apostolique enseignait son propre point de vue sur l'évangile du royaume. Ils ne s'efforçaient pas d'enseigner tous exactement de la même manière. L'élaboration des doctrines théologiques n'était ni uniforme ni dogmatique. Ils enseignaient tous la même vérité, mais chaque apôtre présentait sa propre interprétation personnelle de l'enseignement du Maître. Jésus approuvait cette présentation variée des expériences personnelles diverses dans les choses du royaume. Lors de la séance hebdomadaire de questions, il harmonisait et coordonnait d'une manière infaillible les nombreux points de vue divergents sur l'évangile. Malgré ce grand degré de liberté personnelle en matière d'enseignement, Simon Pierre tendait à dominer la théologie de l'école des évangélistes. Après Pierre, c'était Jean Zébédée qui exerçait la plus grande influence personnelle.
Les cent et quelque évangélistes instruits durant ces cinq mois au bord du lac représentaient la réserve d'où furent tirés plus tard (en dehors d'Abner et des apôtres de Jean) les soixante-dix éducateurs et prédicateurs de l'évangile. Les évangélistes de l'école ne mettaient pas tout en commun au même degré que les douze apôtres.
Ces soixante-dix évangélistes enseignèrent et prêchèrent l'évangile, mais ne baptisèrent pas les croyants avant la date plus tardive où Jésus leur conféra l'ordination et la mission d'être des messagers du royaume. Parmi le grand nombre de personnes qui avaient été guéries en cet endroit lors de la scène au coucher du soleil, sept seulement devinrent des étudiants évangélistes. Le fils du noble de Capharnaüm comptait parmi ceux qui furent évangélisés à l'école de Pierre.
2. -- L'HÔPITAL DE BETHSAÏDE
En liaison avec le camp du bord du lac, Elman, le médecin syrien, aidé de vingt-cinq jeunes femmes et de douze hommes, organisa et dirigea durant quatre mois ce que l'on peut considérer comme le premier hôpital du royaume. Dans cette infirmerie située un peu au sud du centre de la ville de tentes, ils traitèrent les malades selon toutes les méthodes matérielles connues, utilisant en même temps les pratiques spirituelles d'encouragement par la prière et la foi. Jésus visitait au moins trois fois par semaine les malades de ce campement et prenait un contact personnel avec chacun d'eux. Autant que nous le sachions, nul miracle de guérison surnaturelle ne se produisit parmi les mille malades qui sortirent améliorés ou guéris de cette infirmerie. Toutefois, en grande majorité, ils ne cessèrent de proclamer que Jésus les avait guéris.
En vérité, un grand nombre de cures effectuées par Jésus en liaison avec son ministère auprès des patients d'Elman ressemblaient à des miracles. Mais nous avons été informés qu'elles étaient simplement des transformations de pensée et d'esprit, comme il peut s'en produire dans l'expérience de personnes expectantes et dominées par la foi quand elles se trouvent sous l'influence immédiate et vivifiante d'une forte personnalité, affirmée et bienveillante, dont le ministère bannit la peur et supprime l'anxiété.
Elman et ses associés s'efforcèrent d'enseigner à ces malades la vérité au sujet de la « possession par de mauvais esprits », mais sans grand succès. La croyance que les maladies physiques et les dérangements mentaux pouvaient être causés par la présence d'esprits, dits impurs, dans la pensée ou le corps de la personne atteinte était à peu près universelle.
Dans tous ses contacts avec les malades et les affligés, quand on en venait à la technique du traitement ou à la révélation des causes inconnues de la maladie, Jésus tenait compte des instructions que son frère paradisiaque Emmanuel lui avait données avant qu'il ne s'engageât dans l'aventure de son incarnation sur Urantia. Malgré cela, ceux qui soignèrent les patients apprirent bien des leçons utiles en observant la manière dont Jésus inspirait la foi et la confiance aux malades et aux souffrants.
Le camp se dépeupla un peu avant l'approche de la saison des refroidissements et des fièvres.
3. -- LES AFFAIRES DU PÈRE
Durant toute cette période, Jésus ne dirigea qu'une douzaine de cérémonies publiques au campement; il ne prit la parole qu'une seule fois dans la synagogue de Capharnaüm, le jour du second sabbat avant son départ avec les évangélistes nouvellement entraînés pour la seconde tournée de prédication publique en Galilée.
Jamais depuis son baptême, le Maître n'avait passé dans la solitude autant de temps que durant cette période d'éducation des évangélistes au camp de Bethsaïde. Toutes les fois qu'un apôtre s'aventurait à demander à Jésus pourquoi il les quittait si souvent, Jésus répondait invariablement qu'il s'occupait des « affaires du Père ».
Durant ses absences, Jésus n'était accompagné que par deux apôtres. Il avait libéré temporairement Pierre, Jacques, et Jean de leur affectation comme compagnons personnels pour leur permettre de participer à l'entraînement des nouveaux candidats évangélistes, dont le nombre dépassait la centaine. Quand le Maître désirait aller dans la montagne pour s'occuper des affaires du Père, il se faisait accompagner par deux quelconques des apôtres se trouvant libres. De la sorte, chacun des douze eut des occasions d'association étroite et de communion intime avec Jésus.
Bien que cela ne nous ait pas été révélé en vue du présent exposé, nous avons été amenés à conclure que, durant beaucoup de ces périodes de solitude dans la montagne, le Maître était en liaison directe et exécutive avec un grand nombre des principaux administrateurs des affaires de son univers. Depuis l'époque de son baptême, le Souverain incarné de notre univers avait pris consciemment une part de plus en plus active à la direction de certaines phases de l'administration universelle. Nous avons toujours estimé que, durant ces semaines de moindre participation aux affaires terrestres, et d'une manière non révélée à ses compagnons immédiats, il s'occupait de diriger les hautes intelligences spirituelles chargées d'assumer la bonne marche d'un vaste univers; ce sont ces activités que le Jésus humain avait choisi d'appeler « s'occuper des affaires de son Père ».
Durant ses longues heures de solitude, il arriva maintes fois que deux de ses apôtres se trouvèrent assez près de lui pour observer de rapides et multiples changements sur les traits de son visage, mais sans l'entendre prononcer aucune parole. Ils ne remarquèrent nulle manifestation visible d'êtres célestes susceptibles de communiquer avec leur Maître, comme certains apôtres eurent l'occasion d'en voir plus tard (1).
(1) Durant la Transfiguration.
4. -- LE MAL, LE PÉCHÉ, ET L'INIQUITÉ
Dans un coin isolé et abrité du jardin de Zébédée, Jésus avait l'habitude de réserver deux soirées par semaine à des entretiens privés avec des personnes désireuses de lui parler. Au cours dune de ces conversations du soir, Thomas posa au Maître la question suivante: « Pourquoi est-il nécessaire que les hommes soient nés d'esprit pour entrer dans le royaume? La renaissance est-elle indispensable pour échapper au contrôle du malin? Maître, qu'est-ce que le mal? » Après avoir entendu ces questions, Jésus dit à Thomas:
« Ne commets pas la faute de confondre le mal et le malin, qu'il serait plus exact d'appeler l'inique. Celui que tu appelles le malin est le fils de l'amour de soi, le haut administrateur qui se rebelle délibérément contre le règne de mon Père et de ses Fils loyaux. J'ai déjà vaincu ces rebelles impies. Clarifie dans ta pensée les divers comportements envers le Père et son univers, et n'oublie jamais les lois suivantes réglant les rapports avec la volonté du Père.
« Le mal est la transgression inconsciente ou involontaire de la loi divine, de la volonté du Père. Le mal est également la mesure de l'imperfection avec laquelle on obéit à la volonté du Père.
« Le péché est la transgression consciente, connue et délibérée, de la loi divine, de la volonté du Père. Le péché mesure la mauvaise volonté à se laisser conduire divinement et diriger spirituellement.
« L'iniquité est la transgression volontaire, déterminée, et persistante de la loi divine, de la volonté du Père. L'iniquité mesure le rejet continu de l'affectueux plan du Père pour la survie des personnalités, et du miséricordieux ministère de salut du Fils.
« Avant leur renaissance d'esprit, les hommes sont sujets aux mauvaises tendances inhérentes à leur nature, mais ces imperfections naturelles de conduite ne sont ni des péchés ni des iniquités. Les mortels ne font que commencer leur longue ascension vers la perfection du Père au Paradis. Ce n'est pas un péché que d'être imparfait ou de n'avoir que des dons naturels partiels. Il est vrai que l'homme est soumis au mal, mais il n'est en aucun sens le fils du malin, à moins d'avoir sciemment et délibérément choisi les sentiers du péché et la vie d'iniquité. Le mal est inhérent à l'ordre naturel de ce monde, mais le péché est une attitude de rébellion consciente qui fut amenée sur terre par ceux qui déchurent de la lumière spirituelle pour tomber dans de grossières ténèbres.
« Thomas, tu es troublé par les doctrines des Grecs et les erreurs des Persans. Tu ne comprends pas les relations entre le mal et le péché parce que tu considères l'humanité comme ayant commencé sur terre avec un Adam parfait, puis dégénéré rapidement, par le péché, jusqu'au déplorable état actuel des hommes. Mais pourquoi refuses-tu de comprendre la signification de l'histoire qui révèle comment Caïn, le fils d'Adam, alla dans le pays de Nod et s'y choisit une femme? Et pourquoi refuses-tu d'interpréter la signification de l'histoire qui décrit les Fils de Dieu prenant des femmes parmi les filles des hommes? (1)
(1) Genèse IV-16 et VI-2.
« Il est exact que les hommes sont naturellement pervers, mais non nécessairement pêcheurs. La nouvelle naissance -- le baptême de l'esprit -- est essentielle pour être délivré du mal et nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux, mais rien de cela n'infirme le fait que l'homme est fils de Dieu. La présence inhérente du mal potentiel ne signifie pas non plus que, d'une manière mystérieuse, l'homme soit séparé du Père céleste de sorte qu'il doive, en tant qu'étranger ou enfant d'un autre mariage, chercher à se faire adopter légalement par le Père. Toutes ces notions sont nées en premier lieu de votre mauvaise compréhension du Père, et en second lieu de votre ignorance sur l'origine, la nature, et la destinée des hommes.
« Les doctrines grecques et autres vous ont enseigné que l'homme descend continuellement de sa perfection divine vers l'oubli ou la destruction. Je suis venu démontrer que l'homme, en entrant dans le royaume, s'élève d'une façon sûre et certaine vers Dieu et la perfection divine. Tout être qui, d'une manière quelconque, ne s'aligne pas sur les idéaux divins et spirituels de la volonté du Père, est potentiellement pervers, mais en aucun sens pêcheur, et encore bien moins inique.
« Thomas, n'as-tu pas lu à ce sujet les passages des Écritures où il est dit: « Vous êtes les enfants du Seigneur votre Dieu ». « Je serai son Père et il sera mon fils ». « Je l'ai choisi pour être mon fils -- je serai son Père ». « Amène mes fils de loin et mes filles des confins de la terre, et aussi quiconque porte mon nom, car je les ai créés pour ma gloire ». « Vous êtes les fils du Dieu vivant ». « Ceux qui ont l'esprit de Dieu sont en vérité les ils de Dieu ». L'enfant terrestre contient une fraction matérielle de son père humain, et il existe une fraction spirituelle du Père céleste dans chaque fils du royaume par la foi.
Jésus exposa à Thomas toutes ces choses et encore bien d'autres, et l'apôtre en comprit une grande partie. Toutefois Jésus lui recommanda « de ne pas parler aux autres de ces sujets avant que je ne sois retourné auprès du Père ». Et Thomas ne fit jamais mention de cet entretien avant que le Maître n'eût quitté ce monde.
5. -- LE BUT DE L'AFFLICTION
Au cours d'un autre entretien privé dans le jardin, Nathanael demanda à Jésus: « Maître, bien que je commence à saisir pourquoi tu refuses de guérir sans discrimination, j'ai de la peine à comprendre pourquoi le Père céleste qui nous aime permet qu'un si grand nombre de ses enfants terrestres souffrent de tant d'afflictions ». Le Maître répondit à Nathanael en disant:
Toi et beaucoup d'autres vous êtes ainsi perplexes parce que vous ne comprenez pas que l'ordre naturel du monde a été maintes fois désorganisé par les aventures coupables de certains traîtres rebelles à la volonté du Père. Je suis venu pour commencer à rétablir l'ordre, mais il faudra bien des âges pour réorienter cette partie de l'univers dans la voie préétablie et libérer ainsi les enfants des hommes des fardeaux supplémentaires du péché et de la rébellion. À elle seule, la confrontation avec le mal est une épreuve suffisante pour juger si un homme est digne de survivre -- il n'est pas indispensable qu'il y ait succombé.
« Mon fils, tu devrais savoir que le Père n'afflige pas délibérément ses enfants. Ce sont les hommes qui attirent sur eux-mêmes des afflictions inutiles par suite de leur refus persistant de marcher dans les voies meilleures de la volonté divine. Les afflictions sont potentiellement contenues dans le mal, mais une grande partie d'entre elles résultent du péché et de l'iniquité. Bien des événements anormaux se sont produits sur ce monde, et il n'est pas étonnant que tous les penseurs soient perplexes devant les scènes de souffrance et d'affliction dont ils sont témoins. Vous pouvez toutefois être certains d'une chose, c'est que le Père n'envoie pas d'affliction à titre de châtiment arbitraire pour de mauvaises actions. Les imperfections et les handicaps sont inhérents au mal; la punition des péchés est inévitable; les conséquences destructrices de l'iniquité sont inexorables. Les hommes ne doivent pas blâmer Dieu pour des maux résultant naturellement de la vie qu'ils ont choisi de vivre; ils ne devraient pas non plus se plaindre des expériences qui font partie de la vie telle quelle est vécue sur ce monde. Le Père veut que les mortels travaillent avec persévérance et logique au perfectionnement de leur état sur terre. Une application intelligente devrait permettre aux hommes de triompher d'une grande partie de leurs misères physiques.
« Nathanael, notre mission consiste à aider les hommes à résoudre leurs problèmes spirituels et à vivifier ainsi leur pensée pour qu'ils soient mieux préparés et incités à s'occuper de résoudre leurs multiples problèmes matériels. Je sais que vous êtes embarrassés après avoir lu les Écritures. La tendance a trop souvent prévalu d'attribuer à Dieu la responsabilité de tout ce que les ignorants n'ont pas réussi à comprendre. Le Père n'est pas personnellement responsable de ce que vous ne comprenez pas. Ne doutez pas de l'amour du Père simplement parce qu'une loi juste et sage de ses ordonnances vous punit pour voir involontairement ou délibérément transgressé un commandement divin.
« Toutefois, Nathanael, bien des passages des Écritures t'auraient instruit si seulement tu les avais lus avec discernement. Ne te souviens-tu pas qu'il est écrit: « Mon fils, ne méprise pas la mortification du Seigneur et ne te lasse pas de sa réprimande, car l'Éternel corrige celui qu'il aime comme un père corrige le fils en qui son âme prend plaisir » (1). « L'Éternel n'afflige pas volontiers ». « Avant d'être affligé, je m'étais égaré, mais maintenant j'observe la loi. L'affliction a été bonne pour moi, car elle m'a permis d'apprendre les statuts divins ». « Je connais vos chagrins. Dieu est votre refuge et vous soutient de ses bras éternels ». « Le Seigneur est aussi un refuge pour les opprimés, un havre de repos dans les temps troublés ». « Le Seigneur le fortifiera sur le lit de l'affliction. Le Seigneur n'oubliera pas les malades ». « De même qu'un père montre de la compassion à ses enfants, de même L'Éternel est compatissant pour ceux qui le craignent. Il connaît votre corps; il se souvient que vous êtes poussière ». « Il guérit les coeurs brisés et panse leurs blessures ». « Il est l'espoir du pauvre, la force de l'indigent dans sa détresse, un refuge contre la tempête, une ombre qui protège de la chaleur suffocante ». « Il donne du pouvoir aux faibles et accroît la force de ceux qui ne disposent d'aucune puissance ». « Il ne brisera pas le roseau froissé et n'éteindra pas la mèche qui fume encore » (2). «Quand vous traverserez les eaux de l'affliction, je serai avec vous, et quand les fleuves de l'adversité déborderont sur vous, je ne vous abandonnerai pas». « Il m'a envoyé pour panser les coeurs brisés, pour proclamer la liberté aux captifs, et pour consoler tous les endeuillés ». La souffrance contient en soi un redressement. L'affliction n'est pas issue de la poussière ».
| (1) Proverbes III-11; Job V-17, etc. |
| (2) Isaïe XLII-3. |
Le même soir à Bethsaïde, Jean demanda également à Jésus pourquoi un si grand nombre de personnes apparemment innocentes souffraient de tant de maladies et subissaient tant d'afflictions. En répondant aux questions de Jean, le Maître donna entre autres les indications suivantes:
« Mon fils, tu ne comprends ni la signification de l'adversité ni la mission de la souffrance. N'as-tu pas lu le chef-d'oeuvre de la littérature sémitique -- l'histoire de l'affliction de Job? Ne te souviens-tu pas que cette merveilleuse parabole commence par le récit de la prospérité du serviteur de l'Éternel? Tu te rappelles bien que Job jouissait de la bénédiction d'avoir des enfants, de la fortune, de la dignité, une situation, une bonne santé, et tout le reste des choses auxquelles les hommes attachent de la valeur dans leur vie temporelle. Selon les enseignements traditionnellement respectés des enfants d'Abraham, cette prospérité matérielle était une preuve indiscutable de la faveur divine. Or les possessions matérielles et la prospérité matérielle ne dénotent pas la faveur de Dieu. Mon Père céleste aime les pauvres tout autant que les riches; il ne fait pas acception de personnes.
« La transgression de la loi divine est suivie tôt ou tard par la moisson du châtiment. Bien que les hommes doivent certainement récolter en fin de compte ce qu'ils ont semé, tu devrais savoir que les souffrances humaines ne représentent pas toujours une punition pour des péchés antérieurs. Ni Job ni ses amis ne trouvèrent la vraie réponse à leurs perplexités. Avec les lumières que tu possèdes maintenant, tu n'aurais guère l'idée d'attribuer à Dieu ou à Satan les rôles qu'ils jouent dans cette parabole extraordinaire. Job ne trouva pas, par la souffrance, la solution de ses soucis intellectuels ou de ses difficultés philosophiques, mais il gagna de grandes victoires. Même devant l'effondrement de ses défenses théologiques, il s'éleva aux hauteurs spirituelles où il put dire sincèrement: « Je m'abhorre moi-même ». Alors lui fut accordé le salut d'une vision de Dieu. Donc, même par des souffrances incomprises, Job s'éleva au niveau surhumain de compréhension morale et de clairvoyance spirituelle. Quand le serviteur souffrant obtient une vision de Dieu, il s'ensuit une paix indicible (1).
(1) Philippiens IV-7.
« Le premier ami de Job, Eliphaz, exhorta le malheureux à montrer dans ses afflictions la même force d'âme qu'il recommandait autour de lui à l'époque de sa prospérité. Ce faux consolateur dit: « Aie confiance en ta religion, Job. Souviens-toi que ce sont les méchants et non les justes qui souffrent. Tu dois mériter cette punition, car autrement tu ne serais pas affligé. Tu sais bien que nul homme ne peut être juste aux yeux de Dieu. Tu sais que les méchants ne prospèrent jamais réellement. Quoi qu'il en soit, l'homme paraît prédestiné à des troubles, et peut-être que l'Éternel te châtie seulement pour ton propre bien ». Bien entendu, le pauvre Job ne fut guère consolé par cette interprétation du problème de la souffrance humaine.
« Les conseils de son second ami, Bildad, furent encore plus déprimants, malgré leur justesse au point de vue de la théologie alors acceptée. Bildad dit: « Dieu ne peut être injuste. Tes enfants doivent avoir été des pécheurs, puisqu'ils ont péri. Tu dois être dans l'erreur, car autrement tu ne serais pas affligé ainsi. Si tu es réellement juste, Dieu te délivrera certainement de tes afflictions. L'histoire des rapports de Dieu avec les hommes devrait t'apprendre que le Tout-Puissant ne détruit que les pervers ». « Ensuite tu te rappelles comment Job répondit à ses amis en disant: « Je sais bien que Dieu n'entend pas mon appel au secours. Comment Dieu peut-il être juste et en même temps méconnaître si complètement mon innocence? J'apprends que je ne peux tirer aucune satisfaction d'un appel au Tout-Puissant. Ne pouvez-vous discerner que Dieu tolère la persécution des bons par les méchants? Et puisque l'homme est si faible, quelle chance a-t-il de trouver de la considération auprès d'un Dieu omnipotent? Dieu m'a fait tel que je suis, et quand il se retourne ainsi contre moi, je suis sans défense. Pourquoi Dieu m'a-t-il créé simplement pour souffrir de cette misérable façon? »
« Qui peut critiquer le comportement de Job, vu les conseils de ses amis et les idées erronées sur Dieu qui occupaient sa propre pensée? Ne vois-tu pas que Job désirait ardemment un Dieu humain? Il avait soif de communier avec un Être divin qui connaisse l'état mortel des hommes et comprenne que les justes doivent souvent souffrir dans l'innocence; cette souffrance fait partie de leur première vie au cours de la longue ascension du Paradis. C'est pourquoi le Fils de l'Homme est venu de chez le Père pour vivre une vie incarnée capable de réconforter et de secourir tous ceux qui vont désormais être appelés à endurer les afflictions de Job.
« Le troisième ami de Job, Zophar, lui adressa des paroles encore moins consolantes lorsqu'il lui dit: « Tu es stupide de prétendre que tu es juste, puisque tu es ainsi affligé. Mais j'admets que les voies de Dieu sont insondables. Peut-être y a-t-il un dessein caché dans toutes tes misères ». Après avoir écouté ses trois amis, Job appela directement Dieu au secours, plaidant le fait que « l'homme, né de femme, a peu de jours à vivre et qu'il est rassasié de misères » (2).
(2) Job XIV-1.
« Puis commença la seconde séance avec ses amis. Eliphaz devint plus sévère, accusateur, et sarcastique. Bildad s'indigna du mépris de Job pour ses amis. Zophar réitéra ses conseils mélancoliques. Alors Job fut dégoûté de ses amis et fit à nouveau appel à Dieu; cette fois il fit appel à un Dieu juste, contre le Dieu d'injustice incorporé dans la philosophie de ses amis et inclus dans le comportement religieux de Job lui-même. Ensuite Job se réfugia dans la consolation d'une vie future dans laquelle les injustices de l'existence terrestre pourraient être plus équitablement rectifiées. Faute de recevoir de l'aide des hommes, Job est poussé vers Dieu. La grande lutte entre la foi et le doute s'ensuit dans son coeur. Finalement, l'affligé humain commence à apercevoir la lumière de la vie; son âme torturée s'élève à de nouvelles hauteurs d'espérance et de courage; il peut souffrir et même mourir, mais son âme illuminée pousse maintenant le cri de triomphe: « Mon Justificateur est vivant » (3).
(3) Job XIX-25.
« Job avait entièrement raison lorsqu'il critique la doctrine selon laquelle Dieu afflige les enfants pour punir leurs parents. Job était toujours prêt à admettre que Dieu est juste, mais, pour la satisfaction de son âme, il désirait ardemment une révélation du caractère personnel de l'Éternel. Or cette révélation est précisément notre mission sur terre. Les mortels souffrants ne se verront plus refuser la consolation de connaître l'amour de Dieu et de comprendre la miséricorde du Père céleste. Le discours de Dieu « dans le tourbillon » était une conception majestueuse pour l'époque où il fut proféré, mais tu as déjà appris que ce n'est pas la manière dont le Père se révèle; il parle plutôt dans le coeur humain comme une petite voix silencieuse disant: « Voilà le chemin; suis-le ». Ne comprends-tu pas que Dieu habite en toi, qu'il est devenu ce que tu es pour pouvoir faire de toi ce qu'il est! » Jésus fit ensuite l'exposé final suivant:
« Le Père céleste n'afflige pas volontairement les enfants des hommes. Les hommes souffrent en premier lieu des accidents du temps et des imperfections du mal dans leur existence physique encore dépourvue de maturité. En second lieu ils souffrent des conséquences inexorables du péché de la transgression des lois de la lumière et de la vie. Finalement, les hommes récoltent la moisson de leur propre persistance inique dans la rébellion contre la juste souveraineté du ciel sur la terre, mais leurs misères ne sont pas infligées personnellement par le jugement divin. Les hommes peuvent faire et feront beaucoup pour diminuer leurs souffrances temporelles. Sois délivré une fois pour toutes de la superstition que Dieu afflige les hommes sur ordre du malin. Étudie le Livre de Job simplement pour découvrir le nombre d'idées fausses sur Dieu que même des hommes de bien peuvent concevoir sincèrement; ensuite remarque comment Job, même douloureusement éprouvé, trouva le Dieu de consolation et de salut malgré ces enseignements erronés. À la fin, sa foi perça les nuages de la souffrance pour discerner la lumière de la vie répandue par le Père en tant que miséricorde curative et que droiture éternelle ».
Jean médita ces explications dans son coeur pendant de longs jours. Cette conversation dans le jardin avec le Maître provoqua un changement notable dans toute sa vie ultérieure. Plus tard, Jean contribua beaucoup à faire changer le point de vue des autres apôtres au sujet de la source, de la nature, et du but des afflictions humaines ordinaires. Mais Jean ne parla jamais de cet entretien avant le trépas du Maître.
7. -- L'HOMME À LA MAIN DESSÉCHÉE
Lors de l'avant-dernier sabbat avant le départ des apôtres et du nouveau corps d'évangélistes pour leur seconde tournée de prédication en Galilée, Jésus prit la parole à la synagogue de Capharnaüm sur les « Joies de la Vie de Droiture ». Lorsqu'il eut fini de parler, un groupe nombreux d'estropiés, de boiteux, de malades, et d'affligés afflua autour de lui pour chercher la guérison. Mêlés à ce groupe se trouvaient aussi les apôtres, un bon nombre des nouveaux évangélistes, et les espions pharisiens de Jérusalem. Où que Jésus allât (sauf dans la montagne pour s'occuper des affaires de son Père) on était sûr de voir les six espions de Jérusalem le suivre. Tandis que le Maître parlait au peuple, le chef des espions pharisiens incita un homme ayant une main desséchée à s'approcher de Jésus pour lui demander s'il était licite d'être guéri le jour du sabbat, ou s'il devait attendre le lendemain pour chercher secours. Quand Jésus vit l'homme, entendit ses paroles, et perçut qu'il avait été envoyé par les pharisiens, il dit: « Avance-toi pour que je te pose une question. Si tu avais une brebis et quelle tombe dans une fosse le jour du sabbat, étendrais-tu la main pour la saisir et la retirer de la fosse? (1)» Et l'homme répondit: « Oui, Maître, il serait licite de faire cette bonne action le jour du sabbat ». Alors Jésus s'adressa à tout l'auditoire en disant: « Je sais pourquoi vous avez envoyé cet homme en ma présence. Vous voudriez trouver un motif pour m'inculper en me tentant de faire preuve de miséricorde le jour du sabbat. Par votre consentement tacite, vous avez tous estimé qu'il était licite de retirer de la fosse la malheureuse brebis, même le jour du sabbat. Je vous prends tous à témoins qu'il est licite de montrer une affectueuse bonté le jour du sabbat, non seulement envers les animaux, mais envers les hommes. Combien un homme a plus de valeur qu'une brebis! Je proclame qu'il est légal de faire du bien aux hommes le jour du sabbat ». Puis, tandis que l'assemblée se tenait devant lui en silence, Jésus se tourna vers l'homme à la main desséchée et lui dit: « Tiens-toi debout à côté de moi pour que tout le monde puisse te voir. Et maintenant, afin que tu saches que mon Père veut que l'on fasse du bien le jour du sabbat, et si tu as la foi pour être guéri, je te demande d'étendre ta main » (1).
(1) Cf. Matthieu XII-9 à 13.
Pendant que l'homme étendait sa main desséchée, elle fut rendue saine. Les spectateurs eurent envie de se retourner contre les pharisiens, mais Jésus les pria de rester calmes et dit: « Je viens de vous dire qu'il est permis de faire du bien le jour du sabbat, de sauver une vie, mais je ne vous ai pas commandé de faire du mal et de céder au désir de tuer ». Les pharisiens s'en allèrent irrités et, bien que ce fût le jour du sabbat, ils se rendirent en hâte à Tibériade pour prendre conseil d'Hérode. Ils firent tout ce qui était en leur pouvoir pour éveiller ses préventions afin de s'assurer l'alliance des Hérodiens contre Jésus, mais Hérode refusa de prendre des mesures contre Jésus et leur conseilla de porter leurs doléances à Jérusalem.
Cette guérison fut le premier miracle accompli par Jésus en réponse au défi de ses ennemis. Le Maître accomplit ce miracle non pour démontrer son pouvoir de guérison, mais pour protester efficacement contre la loi transformant le repos religieux du sabbat en un véritable esclavage de restrictions vides de sens pour toute l'humanité. L'homme guéri reprit son travail de maçon et se révéla comme l'un de ceux dont la guérison fut suivie d'une vie d'actions de grâces et de droiture.
8. -- LA DERNIÈRE SEMAINE À BETHSAÏDE
Durant la dernière semaine du séjour à Bethsaïde, les espions de Jérusalem furent très partagés sur l'attitude à prendre envers Jésus et ses enseignements. Trois de ces pharisiens étaient prodigieusement impressionnés par ce qu'ils avaient vu et entendu. Entre temps, à Jérusalem, un jeune membre influent du sanhédrin, nommé Abraham, adopta publiquement les enseignements de Jésus et fut baptisé dans l'étang de Siloé par Abner. Tout Jérusalem fut en émoi à propos de cet événement, et des messagers furent immédiatement envoyés à Bethsaïde pour rappeler les six espions pharisiens.
Le philosophe grec qui avait été gagné au royaume lors de la précédente tournée en Galilée revint avec certains riches Juifs d'Alexandrie, qui invitèrent une fois de plus Jésus à se rendre dans leur ville pour y établir une école mixte de philosophie et de religion, ainsi qu'une infirmerie pour les malades; mais Jésus déclina courtoisement leur invitation.
Vers ce moment arriva au campement de Bethsaïde un prophète extatique nommé Kirmeth, venant de Bagdad. Ce prétendu prophète avait des visions spéciales quand il était en transe, et faisait des rêves fantastiques quand il était troublé dans son sommeil. Il créa une perturbation considérable au camp. Simon le Zélote était d'avis de traiter plutôt rudement le simulateur qui se trompait lui-même, mais Jésus intervint pour lui laisser toute liberté d'action pendant quelques jours. Tous ceux qui l'entendirent prêcher reconnurent bientôt que son enseignement était malsain par comparaison avec l'évangile du royaume. Kirmeth ne tarda pas à repartir pour Bagdad en n'emmenant avec lui qu'une demi-douzaine d'âmes instables et erratiques. Toutefois, avant que Jésus n'eût intercédé en faveur du prophète de Bagdad, David Zébédée, assisté d'un comité qui s'était formé spontanément, avait emmené Kirmeth en bateau sur le lac; après l'avoir plongé à plusieurs reprises dans l'eau, on lui avait conseillé de s'en aller au plus vite -- d'organiser et de construire son propre camp.
Le même jour, une Phénicienne nommée Beth-Marion devint si fanatique quelle perdit la tête et fut renvoyée par ses amis après avoir manqué de se noyer en essayant de marcher sur l'eau.
Abraham le pharisien, le nouveau converti de Jérusalem, donna tous ses biens terrestres au trésor apostolique. Cet apport contribua beaucoup a rendre possible l'envoi immédiat en mission des cent évangélistes nouvellement instruits. André avait déjà annoncé la fermeture du camp, et chacun se prépara soit à rentrer dans ses foyers, soit à suivre les évangélistes en Galilée.
9. -- LA GUÉRISON DU PARALYTIQUE
Le vendredi après-midi 1ier octobre, Jésus tint sa dernière réunion avec les apôtres, les évangélistes, et les autres chefs du campement dispersé. Les six pharisiens de Jérusalem étaient assis au premier rang de cette assemblée dans la spacieuse salle agrandie, sur la façade de la maison de Zébédée. Un des plus étranges et des plus extraordinaires épisodes de la vie terrestre de Jésus eut alors lieu. Le Maître était en train de parler debout dans la vaste pièce qui avait été construite pour abriter ces réunions durant la saison des pluies. La maison était entièrement entourée par une grande affluence de gens qui tendaient l'oreille pour saisir quelques bribes du discours de Jésus.
Tandis que la maison était ainsi bondée et entourée d'auditeurs ardents, un homme depuis longtemps atteint de paralysie fut amené de Capharnaüm, sur un petit lit, par ses amis. Ce paralytique avait entendu dire que Jésus était sur le point de quitter Bethsaïde. Après en avoir parlé avec Aaron, le maçon tout récemment guéri, il résolut de se faire porter devant Jésus pour y chercher la guérison. Ses amis essayèrent de pénétrer dans la maison de Zébédée par la porte de devant et par la porte de derrière, mais la foule était trop compacte. Le paralytique refusa néanmoins d'accepter la défaite; il demanda à ses amis de se procurer des échelles grâce auxquelles ils montèrent sur le toit de la salle où Jésus parlait. Après avoir détaché des tuiles, ils firent audacieusement descendre le paralytique par des cordes, jusqu'à ce que son lit reposât sur le plancher immédiatement devant le Maître. Lorsque Jésus vit ce qu'ils avaient fait, il s'arrêta de parler, tandis que l'assistance dans la salle s'émerveillait de la persévérance du malade et de ses amis. Le paralytique dit: « Maître, je ne voudrais pas troubler ta leçon, mais je suis résolu à devenir bien portant. Je ne ressemble pas à ceux qui reçurent la guérison et oublièrent aussitôt ton enseignement. Je voudrais être guéri pour servir dans le royaume des cieux ». Bien que cet homme eût été frappé d'infirmité à cause de sa vie dissolue, Jésus, voyant sa foi, dit au paralytique: « Fils, ne crains point; tes péchés sont pardonnés; ta foi te sauvera » (1).
(1) Cf. Matthieu IX-2, Marc II-5 et Luc V-20.
Quand les pharisiens de Jérusalem, ainsi que d'autres scribes et légistes assis avec eux, entendirent cette déclaration de Jésus, ils commencèrent à se dire: « Comment cet homme ose-t-il parler ainsi? Ne comprend-il pas qu'il blasphème? Qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu? » Percevant dans son esprit qu'ils raisonnaient ainsi dans leur propre pensée et entre eux, Jésus s'adressa à eux en disant: « Pourquoi raisonnez-vous ainsi dans votre coeur? Qui êtes-vous pour me juger? Quelle différence y a-t-il si je dis à ce paralytique: tes péchés sont pardonnés, ou si je lui dis: lève-toi, prends ton lit, et marche? Mais afin que vous, qui assistez à tout ceci, sachiez définitivement que le Fils de l'Homme a autorité et pouvoir sur terre pour pardonner les péchés, je dis à cet infirme: Lève-toi, prends ton lit, et rentre chez toi ». Lorsque Jésus eut ainsi parlé, le paralytique se leva, l'assistance lui fit un passage, et il sortit devant tout le monde. Ceux qui virent ces choses furent stupéfaits. Pierre congédia l'assemblée, tandis que nombre de spectateurs priaient et glorifiaient Dieu en confessant que jamais auparavant ils n'avaient vu des événements aussi étonnants.
C'est à ce moment que les messagers du sanhédrin arrivèrent pour demander aux six espions de rentrer à Jérusalem. Lorsqu'ils reçurent ce message, ils eurent une sérieuse discussion entre eux. Après en avoir terminé, le chef et deux de ses associés retournèrent avec les messagers à Jérusalem, tandis que les trois autres espions pharisiens confessèrent leur foi en Jésus, allèrent immédiatement au lac, furent baptisés par Pierre, et furent admis par les apôtres dans la communauté en tant qu'enfants du royaume.



