4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
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TRAVERSÉE DE LA SAMARIE
À la fin de juin de l'an 27, à cause de l'opposition croissante des chefs religieux juifs, Jésus et les douze quittèrent Jérusalem après avoir envoyé leurs tentes et leurs maigres effets personnels à la garde de Lazare à Béthanie. Allant vers le nord en Samarie, ils s'arrêtèrent à Béthel. Ils prêchèrent là durant plusieurs jours aux gens qui venaient de Gophna et d'Ephraïm. Un groupe de citoyens d'Arimathie et de Thamna vint inviter Jésus à visiter leurs villages. Le Maître et ses apôtres passèrent plus de quinze jours à enseigner les Juifs et les Samaritains de cette région, dont beaucoup venaient d'aussi loin qu'Antipatris pour entendre la bonne nouvelle de l'avènement du royaume.
Les populations de la Samarie du sud écoutèrent Jésus avec joie, et à l'exception de Judas Iscariot, les apôtres réussirent à vaincre une grande partie de leurs préjugés contre les Samaritains. Il était très difficile à Judas d'aimer ces Samaritains. La dernière semaine de juillet, Jésus et ses associés se préparèrent à partir pour les nouvelles villes grecques de Phasaélis et d'Archélaïs, proches du Jourdain.
1. -- PRÉDICATION À ARCHÉLAÏS
Durant la première quinzaine d'août, le groupe apostolique établit son quartier général dans les villes grecques d'Archélaïs et Phasaélis; il y fit sa première expérience de prédication à des rassemblements composés presque exclusivement de Gentils -- Grecs, Romains, et Syriens -- car il y avait peu d'habitants juifs dans ces deux villes grecques. Au contact de ces citoyens romains, les apôtres rencontrèrent de nouvelles difficultés à proclamer le message du royaume à venir et de nouvelles critiques des enseignements de Jésus. À l'une des nombreuses conférences du soir avec ses apôtres, Jésus écouta attentivement les objections à l'évangile du royaume rapportées par les douze à la suite de leurs expériences avec les gens touchés par leur travail personnel.
Une question posée par Philippe décrivait typiquement leurs difficultés. Philippe dit: « Maître, ces Grecs et ces Romains prennent notre message à la légère et disent que ces enseignements ne conviennent qu'à des chétifs et à des esclaves. Ils affirment que la religion des païens est supérieure à notre enseignement parce qu'elle incite à acquérir un caractère, fort, robuste, et vigoureux. Ils disent que nous cherchons à convertir tous les hommes en spécimens débiles de non-résistants passifs, inaptes à subsister longtemps sur terre. Ils t'aiment, Maître, et ils admettent largement que ton enseignement est céleste et idéal, mais ils refusent de nous prendre au sérieux. Ils affirment que ta religion n'est pas pour ce monde, que les hommes ne peuvent pas vivre selon ton enseignement. Maintenant, Maître, qu'allons-nous dire à ces Gentils? »
Après avoir entendu des objections similaires contre l'évangile du royaume présentées par Thomas, Nathanael, Simon Zélotès, et Matthieu, Jésus dit aux douze:
« Je suis venu dans ce monde pour faire la volonté de mon Père et pour révéler à toute l'humanité son caractère aimant. Cela, mes frères, c'est ma mission, et cette chose-là je la ferai sans me soucier que mes enseignements risquent d'être mal compris par les Juifs et les Gentils de notre époque ou d'une autre génération. Il ne devrait pas vous échapper que même l'amour divin a ses disciplines sévères. L'amour d'un père pour son fils oblige souvent le père à mettre un frein aux activités malencontreuses de son rejeton étourdi. L'enfant ne comprend pas toujours les motifs sages et affectueux de la discipline restrictive du Père. Mais je vous déclare que mon Père au Paradis gouverne effectivement un univers d'univers par le pouvoir contraignant de son amour. L'amour est la plus grande de toutes les réalités spirituelles. La vérité est une révélation libératrice, mais l'amour est la relation suprême. Quelles que soient les bévues de vos contemporains dans l'administration actuelle de leur monde, l'évangile que je vous proclame gouvernera ce même monde dans un âge à venir. Le but ultime du progrès humain consiste à reconnaître respectueusement la paternité de Dieu et à matérialiser affectueusement la fraternité des hommes.
« Qui vous a dit que mon évangile était destiné seulement à des esclaves et à des débiles? Vous, mes apôtres choisis, ressemblez-vous à des débiles? Jean avait-il une apparence chétive? Remarquez-vous que je sois esclave de la peur? Il est vrai que l'évangile est prêché aux pauvres et aux opprimés de cette génération. Les religions du monde les ont négligés, mais mon Père ne fait pas acception de personnes. En outre, les pauvres d'aujourd'hui sont les premiers à prêter attention à l'appel à la repentance et à accepter la filiation. L'évangile du royaume doit être prêché à tous les hommes -- Juifs et Gentils, Grecs et Romains, riches et pauvres, libres et esclaves -- et également aux jeunes et aux vieux, aux hommes et aux femmes.
« Parce que mon Père est un Dieu d'amour et se réjouit de pratiquer la miséricorde, ne vous imprégnez pas de l'idée que le service du royaume est d'une facilité monotone. L'ascension au Paradis est la suprême aventure de tous les temps, la rude obtention de l'éternité. Le service du royaume sur terre fera appel à toute la courageuse virilité que vous et vos collaborateurs pourrez rassembler. Beaucoup d'entre vous seront mis à mort à cause de votre fidélité à l'évangile de ce royaume. Il est facile de mourir au front, dans une guerre matérielle, quand votre courage est renforcé par la présence de vos camarades de combat, mais il faut une forme supérieure et plus profonde de courage et de dévouement pour sacrifier sa vie, calmement et tout seul, pour l'amour d'une vérité enchâssée dans le coeur humain.
« Aujourd'hui les incroyants peuvent vous reprocher avec mépris de prêcher un évangile de non-résistance et de vivre une vie de non-violence, mais vous êtes les premiers volontaires d'une longue lignée de croyants sincères à l'évangile de ce royaume, qui étonneront toute l'humanité par leur consécration héroïque à ces enseignements. Aucune armée n'a jamais déployé plus de courage et de bravoure que vous et vos loyaux successeurs n'en montreront en allant proclamer au monde entier la bonne nouvelle -- la paternité de Dieu et la fraternité des hommes. Le courage de la chair est la forme inférieure de bravoure. La bravoure mentale est un type plus élevé de courage humain, mais la bravoure supérieure et suprême est une fidélité intransigeante aux convictions éclairées sur les réalités spirituelles profondes. Ce courage constitue l'héroïsme des hommes qui connaissent Dieu. Or vous êtes tous des hommes qui connaissez Dieu; vous êtes même en vérité les associés personnels du Fils de l'Homme ».
Ceci n'est pas la totalité de ce que Jésus dit en cette occasion, mais c'est l'introduction de son discours. Il s'étendit ensuite longuement sur cette déclaration pour l'amplifier et l'illustrer. Ce fut l'une des allocutions les plus passionnées que Jésus ait jamais adressées aux douze. Le Maître parlait rarement à ses apôtres en laissant apparaître de la véhémence dans ses sentiments, mais ce fut une des rares circonstances où il parla avec une gravité manifeste accompagnée d'une émotion marquée.
Le résultat sur la prédication publique et le ministère personnel des apôtres fut immédiat; à partir de ce jour-là, leur message prit un nouveau ton de maîtrise courageuse. Les douze continuèrent à acquérir l'esprit positivement dynamique du nouvel évangile du royaume. Désormais, ils ne s'occupèrent plus autant de prêcher les vertus négatives et les injonctions passives de l'enseignement aux multiples facettes donné par leur Maître.
2. -- LEÇON SUR LA MAÎTRISE DE SOI
Jésus était un exemple, devenu parfait, d'un homme maître de soi. Quand il fut injurié, il n'injuria pas; quand il souffrit, il ne proféra aucune menace contre ses tortionnaires; quand il fut accusé par ses ennemis, il s'en remit simplement au juste jugement de son Père céleste.
À l'une des conférences du soir, André demanda à Jésus: « Maître, devons-nous pratiquer le renoncement à soi comme Jean nous l'a enseigné, ou devons-nous rechercher la maîtrise de soi comme tu l'enseignes? En quoi ton enseignement diffère-t-il de celui de Jean? » Jésus répondit:
« En vérité, Jean vous a enseigné la voie de la droiture conforme à la lumière et aux lois de ses ancêtres; c'était la religion de l'examen de conscience et du renoncement à soi. Mais je viens avec un nouveau message d'oubli de soi et de maîtrise de soi. Je vous montre le chemin de la vie tel que mon Père céleste me l'a révélé.
« En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commande sa propre personnalité est plus grand que celui qui s'empare d'une ville. La maîtrise de soi est la mesure de la nature morale d'un homme et l'indice de son développement spirituel. Dans l'ancien ordre, vous pratiquiez le jeûne et la prière. En tant que créature nouvelle née d'esprit, vous apprenez à croire et à vous réjouir. Dans le royaume du Père, vous deviendrez de nouvelles créatures; les anciennes choses sombreront dans l'oubli; voici, je vous montre comment toutes choses doivent devenir nouvelles. Par votre amour réciproque, vous allez convaincre le monde que vous avez passé de l'esclavage à la liberté, de la mort à la vie éternelle.
« Par l'ancienne manière de faire, vous cherchez à supprimer, à obéir, et à vous conformer à des règles de vie; par la nouvelle méthode, vous êtes d'abord transformés par l'Esprit de Vérité, ce qui renforce votre âme intérieure par le constant renouvellement de votre pensée; vous êtes alors doués du pouvoir d'accomplir avec certitude et joie la gracieuse, acceptable, et parfaite volonté de Dieu. Ne l'oubliez pas -- c'est votre foi personnelle dans les promesses extrêmement grandes et précieuses de Dieu qui assure que vous partagerez la nature divine. Ainsi, par votre foi et la transformation de l'esprit, vous devenez en réalité les temples de Dieu, et son esprit habite réellement en vous. Si donc l'esprit demeure en vous, vous n'êtes plus des esclaves liés à la chair, mais des fils de l'esprit, libres et affranchis. La nouvelle loi spirituelle vous dote de la liberté due à la maîtrise de soi, qui remplace l'ancienne loi de la peur, la servitude de soi et l'esclavage du renoncement à soi-même.
« Maintes fois, quand vous avez mal agi, vous avez pensé à attribuer la responsabilité de vos actes à l'influence du malin, alors qu'en réalité vous vous êtes simplement laissé égarer par vos propres tendances naturelles. Le prophète Jérémie ne vous a-t-il pas dit jadis que le coeur humain est plus trompeur que tout, et même parfois désespérément pervers? Combien il est facile de vous tromper vous-mêmes et de vous adonner ainsi à des craintes stupides, à des plaisirs assujettissants, à la méchanceté, à l'envie, et même à une haine vengeresse?
« Le salut vient par la régénération de l'esprit, et non par les actes pharisaïques de la chair. Vous êtes justifiés par la foi et admis à la communion par la grâce, et non par la peur et le renoncement à la chair, bien que les enfants du Père qui sont nés d'esprit soient constamment et toujours maîtres d'eux-mêmes et de tout ce qui concerne les désirs de la chair. Quand vous savez que vous êtes sauvés par la foi, vous êtes réellement en paix avec Dieu. Tous ceux qui suivent la voie de cette paix céleste sont destinés à être sanctifiés dans le service perpétuel des fils toujours progressants du Dieu éternel. Dorénavant ce n'est plus un devoir, mais plutôt votre privilège exalté, que de vous purifier de tous les maux de la pensée et du corps tandis que vous cherchez à vous perfectionner dans l'amour de Dieu.
« Votre filiation est basée sur la foi, et vous devez rester insensibles à la peur. Votre joie est née de la confiance dans la parole divine; vous ne serez donc pas amenés à douter de la réalité de l'amour et de la miséricorde du Père. C'est la bonté même de Dieu qui conduit les hommes à un repentir sincère et authentique. Pour vous, le secret de la maîtrise de soi est lié à votre foi en l'esprit qui vous habite et qui opère toujours par amour. Et même cette foi qui sauve, vous ne l'avez pas par vous-mêmes; elle est aussi un don de Dieu. Si vous êtes les enfants de cette foi vivante, vous n'êtes plus les esclaves de vous-mêmes, mais plutôt les maîtres triomphants de vous-mêmes, les fils de Dieu affranchis.
« Si donc, mes enfants, vous êtes nés de l'esprit, vous êtes délivrés pour toujours de l'esclavage conscient d'une vie de renoncement et de surveillance perpétuelle des désirs de la chair; vous êtes transférés dans l'heureux royaume de l'esprit, d'où vous produisez spontanément les fruits de l'esprit dans votre vie quotidienne; or les fruits de l'esprit sont l'essence du type supérieur de contrôle de soi agréable et ennoblissant, allant jusqu'aux sommets de l'aboutissement humain -- la véritable maîtrise de soi.
3. -- DIVERSION ET DÉTENTE
À cette époque, un état de grande tension émotive et nerveuse se développa parmi les apôtres et parmi leurs disciples immédiatement associés. Ils ne s'étaient guère habitués à vivre et à travailler ensemble. Ils éprouvaient des difficultés croissantes à maintenir des relations harmonieuses avec les disciples de Jean. Le contact avec les Gentils et les Samaritains était une grande épreuve pour ces Juifs. En outre, les récents propos de Jésus avaient accru le trouble de leurs pensées. André était désemparé; ne sachant plus que faire, il alla trouver le Maître avec ses problèmes et ses perplexités. Lorsque Jésus eut entendu le chef apostolique lui raconter ses difficultés, il dit: « André, tu ne peux tirer les hommes de leur confusion par des explications quand ils se trouvent dans un pareil imbroglio et que tant de personnes éprouvant des sentiments violents sont impliquées. Je ne puis faire ce que tu me demandes -- je ne me mêlerai pas de ces difficultés sociales personnelles -- mais je me joindrai à vous pour jouir d'une période de trois jours de repos et de détente. Va vers tes frères, et annonce leur que vous allez tous monter avec moi sur le Mont Sartaba où je désire me reposer un jour ou deux.
« Maintenant, va trouver individuellement tes onze frères et dis leur à chacun: Le Maître désire que nous prenions, seuls avec lui, une période de repos et de détente. Nous avons tous éprouvé récemment beaucoup de tourments et de tension mentale; je suggère donc que durant ces vacances nous ne fassions aucune mention de nos épreuves et de nos difficultés. Puis-je compter sur toi pour coopérer avec moi dans cette affaire? Prends ainsi contact avec chacun de tes frères personnellement et en privé ». Et André fit ce que le Maître lui avait recommandé.
Ce fut une merveilleuse expérience pour chacun d'eux; ils n'oublièrent jamais cette journée d'ascension de la montagne. Durant tout le trajet, ils ne dirent presque rien de leurs difficultés. En arrivant au sommet du Mont Sartaba, Jésus les fit asseoir autour de lui et leur dit: « Mes frères, il faut que vous appreniez tous la valeur du repos et l'efficacité de la détente. Comprenez bien que la meilleure méthode pour résoudre certains problèmes embrouillés consiste à les laisser de côté pendant quelque temps. Ensuite, quand vous revenez rafraîchis par le repos ou l'adoration, vous êtes en mesure d'attaquer vos difficultés avec une tête plus claire et une main plus ferme, sans mentionner un coeur plus résolu. Par ailleurs, vous trouverez bien souvent que l'importance et les proportions de votre problème se sont amenuisées pendant que vous reposiez votre pensée et votre corps ».
Le lendemain, Jésus assigna à chacun des douze un thème de discussion. La journée entière fut consacrée à des souvenirs et à des conversations sur des sujets étrangers à leur apostolat. Ils furent momentanément choqués lorsque Jésus négligea même -- verbalement -- de dire ses grâces en rompant le pain pour leur déjeuner de midi. C'était la première fois qu'ils le voyaient omettre cette formalité.
Au cours de leur ascension de la montagne, la tête d'André était farcie de problèmes. Jean était démesurément perplexe dans son coeur. Jacques était cruellement troublé dans son âme. Matthieu était très à court d'argent parce que le groupe avait séjourné parmi les Gentils. Pierre était surmené et avait été récemment plus fantasque que d'habitude. Judas souffrait d'une attaque périodique de susceptibilité et d'égoïsme. Simon était anormalement bouleversé par ses efforts pour concilier son patriotisme avec l'amour de la confraternité humaine. Philippe était de plus en plus interloqué par la manière dont les événements se déroulaient. Nathanael avait moins d'humour depuis son contact avec la population des Gentils, et Thomas traversait une période de profonde dépression. Seuls les jumeaux étaient dans un état normal et ne s'inquiétaient de rien. Tous étaient très perplexes sur la manière de s'entendre paisiblement avec les disciples de Jean.
Le troisième jour, lorsqu'ils se remirent en route pour descendre de la montagne et revenir à leur camp, un grand changement s'était produit en eux. Ils avaient fait l'importante découverte que bien des perplexités humaines n'ont pas d'existence réelle, que beaucoup de difficultés pressantes sont les créations d'une peur exagérée et le résultat d'une appréhension excessive. Ils avaient appris que la meilleure manière de traiter ces ennuis consistait à les négliger. En s'en allant, ils avaient laissé ces problèmes se résoudre d'eux-mêmes.
Leur retour de ces vacances marque le commencement d'une période de relations considérablement améliorées avec les partisans de Jean. Une grande partie des douze céda réellement à l'hilarité lorsqu'ils notèrent le changement mental de chacun et observèrent l'absence d'irritation nerveuse dont ils bénéficiaient par suite de leurs trois jours de vacances loin de la routine des devoirs quotidiens de la vie. La monotonie des contacts humains risque toujours de multiplier sérieusement les perplexités et d'accroître les difficultés.
Dans les deux villes grecques d'Archélaïs et de Phasaélis, le nombre des Gentils qui crurent à l'évangile fut restreint, mais les douze apôtres gagnèrent une précieuse expérience dans ce premier travail important auprès de populations exclusivement païennes. Un lundi matin vers le milieu du mois, Jésus dit à André: « Pénétrons en Samarie ». Et les douze partirent immédiatement pour la ville de Sychar, près du puits de Jacob.
4. -- LES JUIFS ET LES SAMARITAINS
Depuis plus de six cents ans, les Juifs de Judée, et plus tard ceux de Galilée, avaient été en mauvais termes avec les Samaritains. Voici à peu près comment était née la discorde entre Juifs et Samaritains. Environ 700 ans avant J.-C., Sargon, roi d'Assyrie, réprima une révolte en Palestine centrale et emmena en captivité plus de vingt cinq mille Juifs du nord du royaume d'Israël. Il installa à leur place un nombre à peu près égal de descendants des Cuthites, des Sépharvites, et des Hamathites. Plus tard, Assurbanipal envoya encore d'autres colonies habiter la Samarie.
L'inimitié religieuse entre Juifs et Samaritains datait du retour de captivité des Juifs de Babylone, quand les Samaritains essayèrent d'empêcher la reconstruction de Jérusalem. Plus tard, ils offensèrent les Juifs en prêtant assistance aux armées d'Alexandre. En remerciement de leur amitié, Alexandre octroya aux Samaritains la permission de bâtir un temple sur le Mont Gérizim; ils y adorèrent Jéhovah et leurs dieux tribaux, et offrirent des sacrifices très semblables à ceux des services du temple à Jérusalem. Du moins continuèrent-ils ce culte jusqu'à l'époque des Macchabées, où Jean Hyrcanus détruisit leur temple du Mont Gérizim. Au cours de ses travaux en faveur des Samaritains après la mort de Jésus, l'apôtre Philippe tint de nombreuses réunions sur le lieu de cet ancien temple samaritain.
Les antagonismes entre Juifs et Samaritains étaient devenus classiques et historiques. Depuis l'époque d'Alexandre, les deux groupes avaient de moins en moins de rapports. Les douze apôtres ne répugnaient pas à prêcher dans les villes grecques et autres cités païennes de la Décapole et de la Judée, mais ce fut pour eux une rude épreuve de fidélité envers leur Maître quand celui-ci leur dit: « Allons en Samarie ». Toutefois, au cours de l'année qu'ils avaient passée avec Jésus, ils avaient acquis une forme de fidélité personnelle qui transcendait même leur foi dans ses enseignements et leurs préjugés contre les Samaritains.
5. -- LA FEMME DE SYCHAR
Lorsque le Maître et les douze arrivèrent au puits de Jacob, Jésus était fatigué du voyage et s'arrêta près du puits, tandis que Philippe emmenait les apôtres à Sychar pour l'aider à rapporter des vivres et des tentes, car ils se proposaient de demeurer quelque temps dans le voisinage. Pierre et les fils de Zébédée auraient bien voulu rester avec Jésus, mais il les pria d'accompagner leurs collègues en disant: « Ne craignez rien pour moi. Les Samaritains seront amicaux. Ce sont seulement nos frères, les Juifs, qui cherchent à nous faire du mal ». Il était à peu près six heures cette soirée d'été quand Jésus s'assit près du puits pour attendre le retour des apôtres.
L'eau du puits de Jacob était moins saline que celle des puits de Sychar; elle était donc très appréciée comme boisson. Jésus avait soif, mais ne disposait d'aucun moyen pour tirer de l'eau du puits. Aussi, lorsqu'une femme de Sychar arriva avec sa cruche et se prépara à puiser, Jésus lui dit: «Donne-moi un peu à boire ». Cette femme de Samarie savait que Jésus était un Juif à cause de son apparence et de ses vêtements, et elle supposa qu'il était un Juif de Galilée à cause de son accent. Elle s'appelait Nalda, et elle était une créature avenante. Elle fut très surprise de voir un homme juif lui parler ainsi près du puits et lui demander à boire, car en ces temps-là on n'estimait pas convenable pour un homme qui se respectait de parler en public à une femme, et encore bien moins pour un Juif d'adresser la parole à une Samaritaine. Nalda demanda donc à Jésus: « Comment se fait-il que toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une Samaritaine? » Jésus répondit: « En vérité je t'ai demandé un peu à boire, mais si seulement tu pouvais comprendre, tu me demanderais une gorgée d'eau vivante ». Alors Nalda dit: «Mais tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond. D'où tirerais-tu donc cette eau vivante? Es-tu plus grand que notre père Jacob qui nous donna ce puits, qui y but lui-même, et qui y fit aussi boire ses fils et son bétail? »
Jésus répliqua: « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif, mais quiconque boit de l'eau de l'esprit vivant n'aura jamais soif. Cette eau vivante deviendra en lui une source de rafraîchissement qui jaillira jusque dans la vie éternelle ». Nalda dit alors: « Donne-moi de cette eau pour que je n'aie pas soif et que je n'aie plus besoin de faire tout ce chemin pour puiser. En outre, tout ce qu'une Samaritaine pourrait recevoir d'un homme aussi digne d'éloges que toi sera un plaisir ».
Nalda ne savait comment interpréter l'empressement de Jésus à lui parler. Elle voyait sur le visage du Maître l'expression d'un homme intègre et saint, mais elle prit sa bienveillance pour une familiarité ordinaire et interpréta faussement son symbolisme comme une manière de lui faire des avances. Étant une femme de moralité peu sévère, elle se disposait à devenir ouvertement coquette lorsque Jésus, la regardant droit dans les yeux, lui dit d'une voix impérative: « Femme, va chercher ton mari et amène-le ici ». Ce commandement ramena Nalda au sens des réalités. Elle vit qu'elle avait mal jugé la bonté du Maître et perçut qu'elle avait mal interprété le sens de ses paroles. Elle eut peur; elle commença à comprendre qu'elle se trouvait en face d'une personne exceptionnelle et chercha à l'aveuglette dans sa pensée une réponse appropriée. En grande confusion elle dit: « Mais, Monseigneur, je ne puis appeler mon mari, car je n'ai pas de mari ». Alors Jésus reprit: « Tu as dit la vérité, car tu as peut-être eu jadis un mari, mais l'homme avec qui tu vis maintenant n'est pas ton mari. Il vaudrait mieux que tu cesses de prendre mes paroles à la légère et que tu recherches l'eau vivante que je t'ai offerte aujourd'hui ».
Nalda fut alors dégrisée, et son moi supérieur fut éveillé. Ce n'était pas entièrement de son gré qu'elle était une femme immorale. Elle avait été brutalement et injustement rejetée par son mari et réduite à la misère; elle avait alors consenti à vivre avec un Grec, mais sans mariage régulier. Nalda se sentait maintenant très honteuse d'avoir si étourdiment parlé à Jésus. Fort contrite, elle dit alors au Maître: « Mon Seigneur, je me repens de la manière dont je t'ai parlé, car je perçois que tu es un saint homme et peut-être un prophète ». Elle était sur le point de demander une aide directe et personnelle au Maître lorsqu'elle fit ce que tant de personnes ont fait avant et après elle -- elle éluda la question du salut personnel en s'orientant vers une discussion de théologie et de philosophie. Elle détourna rapidement la conversation ayant trait à sa personne vers une controverse théologique. Montrant du doigt le Mont Gérizim, elle continua en disant: « Nos pères adoraient sur cette montagne, et cependant toi tu dis que le lieu où les hommes devraient adorer se trouve à Jérusalem; où donc est le bon endroit pour adorer Dieu? »
Jésus perçut la tentative de l'âme de la femme pour éviter un contact direct et scrutateur avec son Créateur, mais il vit aussi la présence dans cette âme d'un désir de connaître la meilleure manière de vivre. Après tout, il y avait dans le coeur de Nalda une véritable soif d'eau vive. Il la traita donc avec patience en disant: « Femme, laisse-moi te dire que le jour vient bientôt où tu n'adoreras le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem. Tu adores actuellement quelque chose que tu ne connais pas, un mélange de la religion de nombreux dieux païens et de la philosophie des Gentils. Les Juifs au moins savent qui ils adorent; ils ont dissipé toute confusion en concentrant leur adoration sur un seul Dieu, Jéhovah. Tu devrais me croire quand je dis que l'heure viendra bientôt -- elle est même déjà venue -- où tous les adorateurs sincères adoreront le Père en esprit et en vérité, car ce sont précisément de tels adorateurs que le Père recherche. Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité. Tu n'obtiendras pas le salut en connaissant simplement un lieu de culte ou la manière dont les autres devraient adorer. Ton salut viendra quand tu recevras dans ton propre coeur l'eau vivante que je t'offre dès maintenant ».
Mais Nalda tenta encore un effort pour éluder la discussion du problème embarrassant de sa propre vie sur terre et du statut de son âme devant Dieu. Une fois de plus elle recourut à des questions générales sur la religion en disant: « Oui, je sais que Jean a prêché au sujet de la venue du « Convertisseur », celui que l'on appellera le Libérateur, et que, lors de sa venue, il nous annoncera toutes choses -- ». Interrompant Nalda, Jésus lui dit avec une assurance impressionnante: « Moi qui te parle, je suis celui-là ».
C'était la première proclamation de sa nature et de sa filiation divines que Jésus eût fit faite directement, positivement, et ouvertement sur terre. Et elle fut faite à une femme, à une Samaritaine, et à une femme dont la réputation était jusqu'alors douteuse aux yeux des hommes. Mais l'oeil divin voyait plus en cette femme une victime du péché des autres qu'une pécheresse volontaire; elle était maintenant une âme humaine qui désirait le salut; elle le souhaitait sincèrement et de tout coeur, et cela suffisait.
Nalda était sur le point d'exprimer son ardent désir personnel pour des choses meilleures, mais juste au moment où elle allait exposer le véritable désir de son coeur, les douze apôtres revinrent de Sychar. Arrivant sur la scène où Jésus parlait si intimement avec cette femme -- une Samaritaine et une femme seule -- ils furent plus qu'étonnés. Ils déposèrent rapidement leurs approvisionnements et s'écartèrent, nul n'osant faire d'observations à Jésus tandis qu'il disait à Nalda: « Femme, va ton chemin; Dieu t'a pardonné. Tu vivras désormais une nouvelle vie. Tu as reçu l'eau vivante; une joie nouvelle jaillira dans ton âme et tu deviendras une fille du Très-Haut ». Percevant la désapprobation des apôtres, la femme abandonna sa cruche et s'enfuit vers la ville.
En y entrant, elle déclara à tous ceux qu'elle rencontra: « Sortez vers le puits de Jacob et allez y vite, car vous y rencontrerez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait dans ma vie. Pourrait-il être le Convertisseur? » Avant le coucher du soleil, une foule de gens s'était rassemblée au puits de Jacob pour entendre Jésus. Et le Maître leur développa le sujet de l'eau vivante, le don de l'esprit intérieur.
Les apôtres ne cessèrent jamais d'être choqués par l'empressement de Jésus à parler aux femmes, à des femmes de réputation douteuse, ou même immorales. Il fut très difficile à Jésus d'enseigner à ses apôtres que les femmes, même qualifiées d'immorales, ont une âme qui peut choisir Dieu pour Père, et qu'elles peuvent devenir ainsi des filles de Dieu candidates à la vie éternelle. Même dix-neuf siècles plus tard, bien des gens montrent la même répugnance à saisir les enseignements du Maître. La religion chrétienne elle-même a été bâtie avec persistance autour du fait de la mort du Christ au lieu de l'être autour de la vérité de sa vie. Le monde devrait s'occuper davantage de sa vie bienfaisante, révélatrice de Dieu, que de sa mort tragique et désolante.
Le lendemain, Nalda raconta toute l'histoire à l'apôtre Jean, mais il ne la révéla jamais entièrement aux autres apôtres, et Jésus ne leur donna pas de détails.
Nalda informa Jean que Jésus lui avait dit « tout ce qu'elle avait fait dans sa vie ». Jean eut souvent envie d'interroger Jésus sur son entretien avec Nalda, mais ne le fit jamais. Jésus n'avait dit à la Samaritaine qu'une seule chose sur elle-même, mais son regard planté dans ses yeux et la manière dont il l'avait traitée avaient fait repasser en un instant dans la pensée de Nalda une revue panoramique de sa vie accidentée, si bien qu'elle associa toute cette rétrospection de sa vie passée avec le regard et les paroles du Maître. Jésus ne lui avait jamais dit qu'elle avait eu cinq maris. Elle avait vécu avec quatre hommes différents depuis que son mari l'avait répudiée. Au moment où elle comprit clairement que Jésus était un homme de Dieu, ce fait et tout son passé lui revinrent à la mémoire avec tant de vivacité qu'elle répéta ultérieurement à Jean que Jésus lui avait réellement tout raconté sur elle-même.
6. -- LE RENOUVEAU RELIGIEUX EN SAMARIE
À la fin du jour où Nalda attira la foule hors de Sychar pour voir Jésus, les douze venaient d'arriver de Sychar avec le ravitaillement. Ils supplièrent Jésus de manger avec eux au lieu de parler à la population, car ils n'avaient rien pris de toute la journée et ils avaient faim. Mais Jésus savait que l'obscurité allait bientôt les envelopper, de sorte qu'il persista dans sa détermination de parler aux gens rassemblés avant de les renvoyer. Lorsqu'André essaya de le persuader de manger un morceau avant de parler à la foule, Jésus dit: « J'ai un aliment à manger que vous ne connaissez pas ». Quand les apôtres entendirent cela, ils se dirent entre eux: « Quelqu'un lui a-t-il apporté quelque chose à manger? Se peut-il que la femme lui ait donné de la nourriture en même temps que de l'eau? » Lorsque Jésus les entendit parler entre eux, il alla vers les douze avant de haranguer la multitude et leur dit: « Mon aliment est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé et d'accomplir Son travail. Vous devriez cesser de dire qu'il y a encore tant et tant de temps avant la moisson. Voyez ces gens qui sortent d'une ville de Samarie pour nous entendre; je vous dis que les champs ont déjà blanchi pour la moisson. Celui qui récolte reçoit des gages et rassemble ce fruit pour la vie éternelle; en conséquence, les semeurs et les moissonneurs se réjouissent ensemble, car c'est en ceci que réside la vérité du dicton: l'un sème et l'autre récolte. Je vous envoie maintenant pour faire une récolte à laquelle vous n'avez pas travaillé; d'autres ont peiné, et vous allez bénéficier de leur travail ». Il disait cela en se référant aux prédications de Jean le Baptiste.
Jésus et les apôtres allèrent à Sychar et prêchèrent deux jours avant d'établir leur camp sur le Mont Gérizim. Beaucoup d'habitants de Sychar crurent à l'évangile et demandèrent à être baptisés, mais les apôtres de Jésus ne baptisaient pas encore.
Lors de la première nuit de campement sur le Mont Gérizim, les apôtres s'attendaient à des reproches de Jésus en raison de leur comportement envers la femme au puits de Jacob, mais il ne fit aucune allusion à la question. Au lieu de cela, il leur fit la mémorable causerie sur « Les réalités qui sont centrales dans le royaume de Dieu ». Dans chaque religion, il est très facile de laisser certaines valeurs devenir disproportionnées et de permettre à des faits d'occuper, en théologie, la place de la vérité. En fait, la croix est devenue le centre même du christianisme ultérieur, mais elle n'est pas la vérité centrale de la religion que l'on peut tirer de la vie et des enseignements de Jésus de Nazareth. (pas en gras dans le texte original)
Le thème de l'enseignement de Jésus sur le Mont Gérizim fut le suivant: il désirait que tous les hommes voient Dieu comme un Père-ami, de même que lui (Jésus) est un frère-ami. Maintes et maintes fois il leur inculqua que l'amour est le plus grand lien dans le monde -- dans l'univers -- de même que la vérité est la plus grande proclamation de l'observance de ce lien divin.
Jésus affirma pleinement sa personnalité aux Samaritains parce qu'il pouvait le faire en sécurité, et parce qu'il savait qu'il ne reviendrait plus jamais au coeur de la Samarie prêcher l'évangile du royaume.
Jésus et les douze campèrent sur le Mont Gérizim jusqu'à la fin d'août. Durant la journée, ils prêchaient la bonne nouvelle -- la paternité de Dieu -- aux Samaritains, et ils passaient la nuit au camp. Le travail que Jésus et les douze firent dans les villes de Samarie amena quantité d'âmes au royaume et contribua grandement à préparer la voie à l'oeuvre merveilleuse de Philippe dans ces régions, après la mort et la résurrection de Jésus et après la dispersion des apôtres aux confins de la terre par suite de la cruauté avec laquelle les croyants furent persécutés à Jérusalem.
7. -- ENSEIGNEMENTS SUR LA PRIÈRE ET LE CULTE
Aux conférences du soir sur le Mont Gérizim, Jésus enseigna nombre de grandes vérités; il insista en particulier sur les suivantes:
1. La vraie religion est l'activité d'une âme individuelle dans ses relations auto-conscientes avec le Créateur. La religion organisée est la tentative des hommes pour rendre collectif le culte des personnes religieuses individuelles.
2. L'adoration la contemplation du monde de l'esprit doit alterner avec le service, avec le contact de la réalité matérielle.
Le travail doit alterner avec les divertissements; la religion devrait avoir l'humour pour contrepoids. La philosophie profonde devrait être relayée par la poésie rythmique. Le surmenage de la vie -- la tension de la personnalité dans le temps -- devrait être allégé par le repos que procure l'adoration.
Le sentiment d'insécurité né de la peur de l'isolement de la personnalité dans l'univers devrait avoir pour antidote la contemplation du Père au moyen de la foi et les tentatives pour concevoir clairement le Suprême.
3. La prière est destinée à moins faire réfléchir les hommes et à mieux leur faire comprendre la vérité. Elle n'est pas destinée à provoquer l'accroissement des connaissances, mais plutôt l'expansion de la clairvoyance.
4. L'adoration a pour but d'anticiper sur la vie meilleure qui nous attend, et d'en refléter ensuite les nouvelles significations spirituelles sur la vie actuelle. La prière est un soutien spirituel, mais l'adoration est divinement créative.
5. L'adoration est la technique consistant à se tourner vers l'Être Unique pour recevoir l'inspiration permettant de servir la multitude. L'adoration est l'étalon qui mesure le degré auquel l'âme s'est détachée de l'univers matériel et s'est attachée simultanément en sécurité aux réalités spirituelles de toute la création.
6. La prière est la réminiscence du moi supérieur -- la pensée sublime. L'adoration est l'oubli de soi -- la super-pensée. L'adoration est l'attention sans effort, le vrai repos idéal de l'âme, une forme d'exercice spirituel reposant.
7. L'adoration est l'acte d'une fraction qui s'identifie avec le Tout, le fini avec l'Infini, le fils avec le Père; le temps consiste à emboîter le pas à l'éternité. L'adoration est la communion personnelle du fils avec le Père divin, l'imagination par l'âme et l'esprit humains de comportements reposants, créatifs, fraternels, et romanesques.
Les apôtres ne comprirent qu'une faible partie des enseignements du Maître au camp, mais les habitants de certaines autres planètes les comprirent aussitôt et de nouvelles générations les comprendront sur Urantia.
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- Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
LA PÂQUE À JÉRUSALEM
DURANT le mois d'avril, Jésus et les apôtres travaillèrent à Jérusalem, en sortant de la ville tous les soirs pour se reposer la nuit à Béthanie. Toutefois, Jésus passait une ou deux nuits par semaine à Jérusalem chez Flavius, un Juif grec chez qui beaucoup de Juifs éminents venaient le consulter en secret.
Au cours de sa première journée à Jérusalem, Jésus annonça sa visite à l'ancien grand-prêtre Annas, son ami d'autrefois, un parent de Salomé, femme de Zébédée. Annas avait entendu parler de Jésus et de ses enseignements, et lorsque Jésus se présenta chez le grand-prêtre, il fut reçu avec beaucoup de réserve. Quand Jésus perçut la froideur d'Annas, il prit immédiatement congé et lui dit en partant: « C'est principalement la peur qui rend les hommes esclaves, et l'orgueil qui est leur grande faiblesse. Te trahiras-tu toi-même en te faisant esclave de ces deux destructeurs de la joie et de la liberté? » Mais Annas ne répondit rien, et le Maître ne le revit plus jusqu'au moment où Annas siégea avec son gendre pour juger le Fils de l'Homme.
1. -- ENSEIGNEMENT DANS LE TEMPLE
Durant tout ce mois, Jésus ou l'un de ses apôtres enseignèrent quotidiennement dans le temple. Quand les foules de la Pâque étaient trop nombreuses pour avoir accès à l'enseignement du temple, les apôtres organisaient de nombreux groupes éducatifs en dehors de l'enceinte sacrée. Voici l'essentiel de leur enseignement:
| 1. Le royaume des cieux est à portée de la main. |
| 2. En ayant foi dans la paternité de Dieu, vous pouvez entrer dans le royaume des cieux et devenir ainsi les fils de Dieu. |
| 3. L'amour est la règle de vie dans le royaume -- être suprêmement dévoué à Dieu, tout en aimant son prochain comme soi-même. |
| 4. L'obéissance à la volonté du Père produit les fruits de l'esprit dans votre vie personnelle; elle est la loi du royaume. |
Les multitudes qui venaient célébrer la Pâque entendaient cet enseignement, et des centaines d'auditeurs se réjouissaient de la bonne nouvelle. Les chefs civils et religieux des Juifs commencèrent à se préoccuper sérieusement de l'activité de Jésus et de ses apôtres; ils examinèrent entre eux la conduite à tenir vis à vis du groupe apostolique.
En plus de leur enseignement dans le temple et au dehors, les apôtres et autres croyants faisaient beaucoup de travail personnel parmi les foules de la Pâque. Les hommes et les femmes touchés par le message de Jésus lors de la célébration de cette Pâque en répandirent la nouvelle jusqu'aux frontières les plus lointaines de l'empire romain, et aussi en Orient. Ce fut le commencement de la diffusion de l'évangile du royaume à l'étranger. L'oeuvre de Jésus n'était plus limitée à la Palestine.
2. -- LA COLÈRE DE DIEU
Il y avait à Jérusalem, assistant aux festivités de la Pâque, un riche négociant juif de Crète nommé Jacob qui aborda André et lui demanda de voir Jésus en privé. André arrangea une rencontre secrète chez Flavius pour le lendemain soir. Ce Jacob ne pouvait comprendre les enseignements du Maître et venait par désir de se renseigner plus complètement sur le royaume de Dieu. Il dit à Jésus: « Rabbi, Moïse et les anciens prophètes nous disent que Jéhovah est un Dieu jaloux, un Dieu très courroucé et d'une colère féroce. Les prophètes disent qu'il hait les pécheurs et se venge de ceux qui n'obéissent pas à sa loi. Toi et tes disciples vous nous enseignez au contraire que Dieu est un Père compatissant et bon, qui aime tellement les hommes qu'il voudrait les accueillir tous dans ce nouveau royaume céleste que tu proclames si proche ».
Lorsque Jacob eut fini de parler, Jésus répondit: « Jacob, tu as bien exposé les enseignements des prophètes de jadis qui instruisirent les enfants de leur génération conformément aux lumières de leur temps. Notre Père au Paradis est invariant, mais le concept de sa nature s'est élargi et accru depuis l'époque de Moïse jusqu'à l'époque d'Amos, et même jusqu'à la génération du prophète Isaïe. Maintenant je me suis incarné pour révéler le Père dans une nouvelle gloire et annoncer son amour et sa miséricorde à tous les hommes sur tous les mondes. À mesure que l'évangile de ce royaume se répandra sur terre avec son message de courage et de bonne volonté à tous les hommes, il s'établira des relations meilleures chez les familles de toutes les nations. Le temps passant, les pères et les enfants s'aimeront davantage les uns les autres, ce qui amènera une meilleure compréhension de l'amour du Père céleste pour ses enfants terrestres. Rappelle-toi, Jacob, qu'un père sincère et bon non seulement aime sa famille collectivement en tant que famille -- mais aussi qu'il en aime individuellement chaque membre et prend de lui un soin affectueux ».
Après une discussion prolongée sur le caractère du Père céleste, Jésus s'arrêta pour dire: « Toi, Jacob, qui es père d'une famille nombreuse, tu connais bien la vérité de mes paroles ». Et Jacob dit: « Mais, Maître, qui t'a dit que j'étais le père de six enfants? Comment as-tu su cela à mon sujet? » Et le Maître répliqua: « Il suffit de dire que le Père et le Fils connaissent toutes choses, car en vérité ils voient tout. Aimant tes enfants comme un père terrestre, il faut maintenant que tu acceptes comme une réalité l'amour du Père céleste pour toi -- non pas simplement pour tous les enfants d'Abraham, mais pour toi, pour ton âme individuelle ».
Jésus poursuivit: « Quand tes enfants sont très jeunes et que tu dois les punir, ils peuvent penser que leur père est courroucé, plein de rancune et de colère. Leur manque de maturité ne leur permet pas de pénétrer au delà de la punition pour discerner l'affection prévoyante et corrective du Père. Mais quand ces mêmes enfants deviennent des hommes et des femmes, ne serait-il pas insensé de leur part de s'attacher à ces anciennes et fausses conceptions au sujet de leur père? À mesure que les siècles s'écoulent, l'humanité ne devrait-elle pas mieux comprendre la vraie nature et le caractère aimant du Père qui est aux cieux? Quel profit tires-tu de l'illumination spirituelle des générations successives si tu persistes à envisager Dieu comme Moïse et les prophètes? Je te dis, Jacob, qu'à la brillante lumière de cette heure, tu devrais voir le Père comme aucun de tes prédécesseurs ne l'a jamais aperçu. En le voyant ainsi, tu devrais te réjouir d'entrer dans le royaume où règne un Père aussi miséricordieux, et tu devrais veiller à ce que sa volonté d'amour domine désormais ta vie ».
Et Jacob répondit: « Rabbi, je crois, et je désire que tu me conduises dans le royaume du Père ».
3. -- LE CONCEPT DE DIEU
Ce soir-là les douze apôtres, dont la plupart avaient écouté cette analyse du caractère de Dieu, posèrent à Jésus de nombreuses questions sur le Père qui est aux cieux. La meilleure manière de présenter les réponses du Maître à ces questions consiste à les résumer en terminologie moderne.
Jésus réprimanda doucement les douze en leur disant en substance: « Ne connaissez-vous pas les traditions d'Israël se rapportant à la croissance de l'idée de Jéhovah, et ignorez-vous l'enseignement des Écritures concernant la doctrine de Dieu? » Puis le Maître se mit à instruire les apôtres sur l'évolution du concept de Dieu tout au long du développement du peuple juif. Il attira leur attention sur les phases suivantes de la croissance de l'idée de Dieu:
1. Jéhovah -- le dieu des clans du Sinaï. C'était le concept primitif de la Déité que Moïse éleva au niveau supérieur de Seigneur Dieu d'Israël. Le Père céleste ne manque jamais d'accepter l'adoration sincère de ses enfants terrestres, si rudimentaire que soit leur concept de la Déité ou le nom par lequel ils symbolisent sa divine nature.
2. Le Très Haut. Ce concept du Père céleste fut proclamé à Salem par Melchizédek à Abraham, et transmis au loin par ceux qui crurent ultérieurement à cette idée agrandie et élargie de la Déité. Abraham et son frère avaient quitté Ur parce que l'adoration du soleil y avait été instaurée. Ils crurent à El Elyon -- le Dieu Très Haut -- enseigné par Melchizédek. Ils avaient une conception mixte de Dieu, consistant en un mélange de leurs anciennes idées mésopotamiennes et de la doctrine du Très Haut.
3. El Shaddai. À cette époque reculée, beaucoup d'Hébreux adoraient El Shaddai, le concept égyptien du Dieu du ciel, concept qu'ils avaient appris à connaître durant leur captivité dans le territoire du Nil. Longtemps après l'époque de Melchizédek, ces trois conceptions de Dieu se fondirent en une seule et formèrent la doctrine de la Déité créatrice, le Seigneur Dieu d'Israël.
4. Elohim. Depuis l'époque d'Adam, l'enseignement de la Trinité du Paradis a subsisté. Rappelez-vous que les Écritures commencent par affirmer que « Au commencement les Dieux créèrent les cieux et la terre » (1). Cela dénote qu'au moment où ce passage fut rédigé, le concept trinitaire de trois Dieux en un avait trouvé place dans la religion de nos ancêtres.
(1) Cf. Genèse I-1. La Bible classique emploie le singulier: Dieu créa les cieux et la terre.
5. Le Suprême Jéhovah. À l'époque d'Isaïe, ces croyances au sujet de Dieu s'étaient élargies en un concept du Créateur Universel à la fois tout-puissant et infiniment miséricordieux. Ce concept évoluant et grandissant de Dieu supplanta finalement toutes les idées antérieures sur la Déité dans la religion de nos pères.
6. Le Père qui est aux cieux. Maintenant nous connaissons Dieu comme notre Père céleste. Notre enseignement fournit une religion où le croyant est un fils de Dieu. Telle est la bonne nouvelle de l'évangile du royaume céleste. Le Fils et l'Esprit coexistent avec le Père, et la révélation de la nature et du ministère de ces Déités du Paradis continuera à s'élargir et à s'éclaircir au cours des âges sans fin de la progression spirituelle éternelle des fils ascendants de Dieu. En tous temps et au long des âges, l'adoration sincère de tout être humain -- quant au progrès spirituel individuel -- est reconnue par l'esprit intérieur comme un hommage rendu au Père qui est aux cieux.
Jamais auparavant les apôtres n'avaient été aussi choqués qu'en entendant raconter cette croissance du concept de Dieu dans la pensée juive des générations antérieures; ils étaient trop désemparés pour poser des questions. Tandis qu'ils restaient assis en silence devant Jésus, le Maître poursuivit: «Vous auriez connu ces vérités si vous aviez étudié les Écritures. N'avez-vous pas lu le passage de Samuel disant: « Et la colère du Seigneur s'embrasa contre les Israélites, au point qu'il excita David contre eux en disant: Va dénombrer Israël et Juda? (2)» Ce n'était pas étonnant, car à l'époque de Samuel les enfants d'Abraham croyaient réellement que Jéhovah avait créé à la fois le bien et le mal. Mais lorsqu'un écrivain ultérieur narra ces événements après l'agrandissement du concept juif de la nature de Dieu, il n'osa pas attribuer le mal à Jéhovah, et c'est pourquoi il dit: « Et Satan s'éleva contre Israël et incita David à dénombrer les Israélites » (3). Ne pouvez-vous discerner que ces passages des Écritures montrent clairement comment le concept de la nature de Dieu continua à grandir de génération en génération?
| (2) 2 Samuel XXIV-1. |
| (3) 1 Chroniques XXI-1. |
« Vous devriez aussi avoir discerné la croissance de la compréhension de la loi divine en parfaite harmonie avec ces conceptions grandissantes de la divinité. Quand les enfants d'Israël sortirent d'Égypte à une date antérieure à la révélation élargie de Jéhovah, ils avaient reçu dix commandements qui leur servirent de loi jusqu'à l'époque où ils campèrent devant le Sinaï, et voici ces dix commandements:
| « 1. Vous n'adorerez aucun autre dieu, car l'Éternel est un Dieu jaloux. | |
| « 2. Vous ne fondrez pas de statues des dieux. | |
| « 3. Vous ne négligerez pas d'observer la fête des pains sans levain. | |
| « 4. Tous les miles premiers-nés des hommes et du bétail sont à moi, dit l'Éternel. | |
| « 5. Vous travaillerez six jours, mais le septième jour vous vous reposerez. | |
| « 6. Vous ne manquerez pas d'observer la fête des premiers fruits et la fête des moissons à la fin de l'année. | |
| « 7. Vous n'offrirez le sang d'aucun sacrifice avec du pain levé. | |
| « 8. L'animal sacrifié pour la fête de la Pâque ne sera pas laissé sur place jusqu'au matin. | |
| « 9. Vous apporterez à la maison de l'Éternel votre Dieu les premiers des premiers fruits de la terre. | |
| « 10. Vous ne ferez pas bouillir un chevreau dans le lait de sa mère. |
« Ensuite, au milieu des tonnerres et des éclairs du Sinaï, Moïse leur donna les dix nouveaux commandements, et vous serez tous d'accord qu'ils sont des expressions plus dignes d'accompagner l'élargissement des concepts de la Déité de Jéhovah. N'avez-vous jamais remarqué le double enregistrement de ces commandements dans les Écritures? La première fois, la délivrance du joug égyptien est donnée comme raison pour observer le sabbat (1) mais, dans une rédaction ultérieure, les croyances religieuses évoluantes de nos ancêtres exigèrent que ce texte soit changé pour reconnaître le fait de la création comme motif d'observer le sabbat (2).
| (1) Deutéronome V-6. |
| (2) Exode XX-11. |
« Ensuite vous vous souviendrez qu'une fois de plus -- au temps spirituellement mieux éclairé d'Isaïe -- ces dix commandements négatifs furent changés en la grande loi positive d'amour, l'injonction d'aimer Dieu suprêmement et d'aimer son prochain comme soi-même. Moi aussi je proclame que cette loi suprême d'amour pour Dieu et pour les hommes constitue tout le devoir des hommes ».
Quand le Maître eut fini de parler, aucun des apôtres ne lui posa de questions. Ils allèrent chacun se reposer pour la nuit.
4. -- FLAVIUS ET LA CULTURE GRECQUE
Flavius, le Juif grec, était un prosélyte n'ayant pas accès au temple, car il n'avait été ni circoncis ni baptisé. Comme il appréciait beaucoup la beauté dans l'art et la sculpture, la maison qu'il occupait durant ses séjours à Jérusalem était un bâtiment magnifique. Elle était délicieusement ornée de trésors sans prix qu'il avait acquis çà et là au cours de ses voyages dans le monde. Quand il eut pour la première fois l'idée d'inviter Jésus, il craignit que le Maître ne s'offensât de voir ces « images ». Mais lorsque Jésus entra chez lui, Flavius fut agréablement surpris de voir qu'au lieu de le réprimander pour avoir ces objets soi-disant idolâtres ornant la maison, le Maître manifestait un grand intérêt pour toute la collection. Jésus posa maintes questions flatteuses sur chaque objet, tandis que Flavius l'accompagnait de pièce en pièce en lui montrant ses statues favorites.
Le Maître vit que son hôte était désorienté par son attitude favorable vis-à-vis des arts; en conséquence, quand ils eurent fini d'inspecter toute la collection, Jésus lui dit: « Parce que tu apprécies la beauté des choses créées par mon Père et façonnées par des mains d'artistes, pourquoi t'attendrais-tu à recevoir des reproches? Parce que Moïse a jadis cherché à combattre l'idolâtrie et l'adoration des faux dieux, pourquoi tous les hommes devraient-ils réprouver la reproduction de la grâce et de la beauté? Je te dis, Flavius, que les enfants de Moïse l'ont mal compris, et maintenant ils transforment en faux dieux sa prohibition des statues et des images des choses célestes et terrestres. Même si Moïse a enseigné ces restrictions à la pensée enténébrée de jadis, en quoi cela concerne-t-il notre temps où le Père céleste est révélé en tant que Souverain Spirituel universel? Flavius, je te déclare que dans le royaume à venir on n'enseignera plus n'adorez pas ceci et n'adorez pas cela; on ne s'occupera plus de commandements pour s'abstenir de ceci et pour prendre garde d'éviter cela, mais tout le monde s'occupera plutôt d'un devoir suprême. Ce devoir des hommes s'exprime en deux grands privilèges: l'adoration sincère du Créateur infini, le Père paradisiaque, et le service aimant rendu à nos semblables. Si tu aimes ton prochain comme toi-même, tu sais réellement que tu es un fils de Dieu.
« À une époque où mon Père n'était pas bien compris, Moïse avait raison d'essayer de résister à l'idolâtrie, mais dans l'âge à venir le Père aura été révélé dans la vie du Fils, et cette nouvelle révélation de Dieu rendra définitivement vain de confondre le Père Créateur avec des idoles de pierre ou des statues d'or et d'argent. Désormais les hommes intelligents peuvent jouir des trésors de l'art sans confondre cette appréciation matérielle de la beauté avec l'adoration et le service du Père céleste, le Dieu de toutes les choses et de tous les êtres».
Flavius crut tout ce que Jésus lui enseigna. Le lendemain il alla à Béthanie au delà du Jourdain se faire baptiser par les disciples de Jean. Il le fit parce que les apôtres de Jésus ne baptisaient pas encore les croyants. Lors de son retour à Jérusalem, Flavius donna un grand festin pour Jésus et invita soixante de ses amis. Et parmi ces invités, beaucoup se mirent aussi à croire au message du royaume à venir.
5. -- LE DISCOURS SUR L'ASSURANCE
L'un des grands sermons que Jésus prêcha dans le temple durant cette semaine de la Pâque fut une réponse à une question posée par un de ses auditeurs, un habitant de Damas. Cet homme demanda à Jésus: « Rabbi, comment saurons-nous avec certitude que tu es envoyé par Dieu et que nous pouvons vraiment entrer dans ce royaume dont toi et tes disciples vous proclamez qu'il est à portée de la main? » Et Jésus répondit:
Quant à mon message et à l'enseignement de mes disciples, vous devriez les juger à leurs fruits. Si nous vous proclamons les vérités de l'esprit, l'esprit témoignera dans votre coeur que notre message est authentique. Quant au royaume et à votre assurance d'être acceptés par le Père céleste, je vous demande s'il y aurait parmi vous un père, digne de ce nom et ayant du coeur, qui laisserait son fils dans l'anxiété ou dans le doute au sujet de son appartenance à sa famille ou de l'affection de son père? Vous autres pères terrestres, prenez-vous plaisir à torturer vos enfants en les laissant dans le doute sur la permanence de l'amour que vous leur portez dans votre coeur humain? Votre Père céleste ne laisse pas non plus ses enfants, nés d'esprit par la foi, dans l'incertitude sur leur position dans le royaume. Si vous recevez Dieu en tant que Père, alors en vérité vous êtes certainement les fils de Dieu. Et si vous êtes ses fils, alors vous êtes en sécurité dans la position et la situation de tout ce qui concerne la filiation divine et éternelle. Si vous croyez à mes paroles, vous croyez par là-même à Celui qui m'a envoyé, et en croyant ainsi au Père, vous avez rendu certain votre statut dans la citoyenneté céleste. Si vous faites la volonté du Père qui est aux cieux, vous ne manquerez jamais d'obtenir la vie éternelle de progrès dans le royaume divin.
« L'Esprit Suprême témoignera avec votre esprit que vous êtes vraiment les enfants de Dieu. Si vous êtes les fils de Dieu, alors vous êtes nés de l'esprit de Dieu, et quiconque est né de l'esprit a en lui-même le pouvoir de vaincre tous les doutes; c'est cela la victoire qui triomphe de toute incertitude, c'est votre foi elle-même.
« Le Prophète Isaïe a dit en parlant de cette époque: « Quand l'esprit sera répandu d'en haut sur nous, alors l'oeuvre de droiture sera la paix, la tranquillité, et l'assurance pour toujours ». Pour tous ceux qui croient sincèrement à ce royaume, je deviendrai une garantie de leur admission dans la miséricorde éternelle et la vie perpétuelle du royaume de mon Père. Vous donc qui entendez ce message et croyez à cet évangile du royaume, vous êtes les fils de Dieu et vous avez la vie perpétuelle. La preuve pour le monde entier que vous êtes nés d'esprit est que vous vous aimez sincèrement les uns les autres.
La foule des visiteurs resta de longues heures avec Jésus, lui posant des questions et écoutant attentivement ses réponses encourageantes. L'enseignement de Jésus enhardit même les apôtres à prêcher l'évangile du royaume avec plus de force et d'assurance. L'expérience à Jérusalem fut une grande inspiration pour les douze. C'était leur premier contact avec des foules aussi nombreuses, et ils apprirent bien des leçons profitables qui leur furent ultérieurement fort utiles pour leur apostolat.
6. -- LA VISITE DE NICODÈME
Un soir chez Flavius, un certain Nicodème vint voir Jésus; il était un membre riche et assez âgé du sanhédrin juif. Il avait beaucoup entendu parler des enseignements du Galiléen, si bien qu'il alla un jour l'écouter pendant qu'il enseignait dans la cour du temple. Il aurait voulu aller souvent écouter les leçons de Jésus, mais il craignait d'être vu parmi les auditeurs assistant à son enseignement. En effet, les dirigeants des Juifs s'écartaient déjà tellement du point de vue de Jésus que nul membre du sanhédrin n'aurait accepté d'être identifié ouvertement d'une manière quelconque avec lui. En conséquence, Nicodème avait pris des dispositions avec André pour voir Jésus en privé et précisément ce soir-là après la tombée de la nuit. Pierre, Jacques, et Jean se trouvaient dans le jardin de Flavius lorsque l'entretien commença, mais plus tard ils entrèrent tous dans la maison, où le discours se poursuivit.
En recevant Nicodème, Jésus ne fit pas montre d'une déférence spéciale. En parlant avec lui, il ne fit ni compromis ni tentative indue de persuasion. Le Maître n'essaya pas de repousser son interlocuteur recherchant le secret, et ne fut pas sarcastique. Dans tous ses rapports avec le distingué visiteur, Jésus fut calme, grave, et digne. Nicodème n'était pas délégué officiellement par le sanhédrin; il venait voir Jésus essentiellement à cause du sincère intérêt qu'il portait personnellement à l'enseignement du Maître.
Après avoir été présenté par Flavius, Nicodème dit: « Rabbi, nous savons que tu es un instructeur envoyé par Dieu, car nul homme ne pourrait enseigner de la sorte si Dieu n'était pas avec lui. Je désirerais en savoir plus long sur tes enseignements au sujet du royaume à venir ».
Jésus répondit à Nicodème: « En vérité, en vérité, je te dis, Nicodème, qu'à moins d'être né d'en haut un homme ne peut voir le royaume de Dieu ». Alors Nicodème répondit: « Mais comment un homme peut-il naître de nouveau quand il est vieux? Il ne peut entrer une seconde fois dans le sein de sa mère pour renaître ».
Jésus dit: « Néanmoins je te déclare qu'à moins de naître de l'esprit, un homme ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'esprit est esprit. Ne t'étonne pas que j'aie dit qu'il fallait naître d'en haut. Quand le vent souffle, tu entends le bruissement des feuilles, mais tu ne vois pas le vent -- ni d'où il vient ni où il va - et il en est ainsi pour quiconque est né de l'esprit. Avec les yeux de la chair on peut apercevoir les manifestations de l'esprit, mais on ne peut effectivement discerner l'esprit ».
Nicodème répondit: « Mais je ne comprends pas -- comment cela peut-il être? » Jésus dit: « Est-il possible que tu sois un éducateur d'Israël et que tu ignores tout cela? Ceux qui connaissent les réalités de l'esprit ont donc le devoir de révéler ces choses à ceux qui discernent seulement les manifestations du monde matériel. Nous croiras-tu si nous te parlons des vérités célestes? As-tu le courage, Nicodème, de croire en quelqu'un qui est descendu du ciel, au Fils de l'Homme lui-même? »
Nicodème dit alors: « Mais comment puis-je commencer à saisir cet esprit qui doit me recréer en me préparant à entrer dans le royaume? » Jésus répondit: « L'esprit du Père céleste demeure déjà en toi. Si tu désires être conduit par cet esprit d'en haut, tu commenceras très bientôt à voir avec les yeux de l'esprit; ensuite si tu choisis de tout coeur la gouverne de l'esprit, tu naîtras d'esprit, car le dessein unique de ta vie sera de faire la volonté de ton Père qui est aux cieux. En te trouvant ainsi né de l'esprit et heureux dans le royaume de Dieu, tu commenceras à produire dans ta vie quotidienne les abondants fruits de l'esprit ».
Nicodème était entièrement sincère. Il fut profondément impressionné, mais repartit désorienté. Il était un homme accompli quant au développement de soi, à la maîtrise de soi, et même quant aux hautes qualités morales. Il était raffiné, égocentrique, et altruiste, mais il ne savait pas comment soumettre sa volonté à celle du divin Père, comme un petit enfant accepte de se soumettre aux directives d'un père terrestre sage et aimant, et devenir ainsi en réalité un fils de Dieu, un héritier progressif du royaume éternel.
Mais Nicodème rassembla assez de foi pour prendre possession du royaume. Il protesta timidement lorsque ses collègues du sanhédrin cherchèrent à condamner Jésus sans l'entendre. Plus tard, avec Joseph d'Arimathie, il reconnut audacieusement sa foi et réclama le corps de Jésus, même au moment où la plupart des disciples avaient fui, terrorisés, la scène des souffrances et de la mort finale de leur Maître.
7. -- LA LEÇON SUR LA FAMILLE
Après la période active d'enseignement et de travail personnel de la semaine de la Pâque à Jérusalem, Jésus passa le mercredi suivant à se reposer à Béthanie avec ses apôtres. Cet après-midi-là, Thomas posa une question qui provoqua une longue et instructive réponse. Thomas dit: « Maître, le jour où nous avons été sélectionnés comme ambassadeurs du royaume, tu nous as dit beaucoup de choses et tu nous as donné des instructions sur notre mode personnel de vie, mais qu'allons-nous enseigner aux foules? Comment ces gens devront-ils vivre après la venue du royaume dans sa plénitude? Tes disciples posséderont-ils des esclaves? Tes fidèles rechercheront-ils la pauvreté et fuiront-ils la richesse? La miséricorde sera-telle seule à prévaloir, de sorte que nous n'aurons plus de lois ni de tribunaux? » Jésus et les douze passèrent tout l'après-midi et toute la soirée après le souper a discuter les questions de Thomas. Pour la clarté de notre exposé, nous présentons le résumé suivant des instructions du Maître:
Jésus chercha d'abord à faire comprendre à ses apôtres que lui-même vivait sur terre une vie unique d'incarnation, et qu'eux, les douze, avaient été appelés à participer à cette expérience d'effusion du Fils de l'Homme. En tant que collaborateurs, eux aussi devaient participer à bien des restrictions et obligations spéciales de l'expérience d'effusion. Il y eut une indication voilée que le Fils de l'Homme était la seule personne ayant jamais vécu sur terre qui pouvait simultanément voir dans le coeur même de Dieu et dans les profondeurs de l'âme humaine.
Jésus expliqua très clairement que le royaume des cieux est une expérience évolutionnaire, commençant ici sur terre et progressant par étapes successives de vie jusqu'au Paradis. Au cours de la soirée, il affirma nettement qu'à un certain stade futur de développement du royaume il reviendrait visiter ce monde avec puissance spirituelle et gloire divine.
Il expliqua ensuite que « l'idée du royaume » n'était pas la meilleure manière d'illustrer les relations de l'homme avec Dieu, mais qu'il employait cette métaphore parce que le peuple juif était dans l'attente du royaume et que Jean avait prêché en parlant du royaume à venir. Jésus dit: « Les gens d'une autre époque comprendront mieux l'évangile du royaume s'il est présenté en termes exprimant les relations de famille -- le jour où ils comprendront la religion comme l'enseignement de la paternité de Dieu, de la fraternité humaine, et de la filiation avec Dieu ». Ensuite le Maître discourut assez longuement sur la famille terrestre comme une illustration de la famille céleste et répéta les deux lois fondamentales de la vie: le premier commandement d'amour pour le père, pour le chef de famille, et le second commandement d'amour mutuel entre les enfants, tu aimeras ton frère comme toi-même. Il expliqua ensuite que cette qualité d'affection fraternelle se manifestait invariablement par un service social désintéressé et plein d'amour.
Vint ensuite l'analyse mémorable des caractéristiques fondamentales de la vie de famille et de leur application aux relations existant entre Dieu et l'homme. Jésus exposa qu'une vraie famille se fonde sur les sept faits suivants:
1. Le fait de l'existence. Les rapports naturels et les phénomènes de ressemblance physique sont liés dans la famille: les enfants héritent certains traits de leurs parents. Les enfants tirent leur origine de leurs parents; l'existence de leur individualité dépend de l'acte des parents. La relation de père à enfant est inhérente à toute la nature et imprègne toutes les existences vivantes.
2. Sécurité et plaisir. Les pères dignes de ce nom prennent grand plaisir à pourvoir aux besoins de leurs enfants. Beaucoup de pères ne se contentent pas de leur fournir simplement le nécessaire, mais aiment aussi à veiller à leurs plaisirs.
3. Instruction et éducation. Les pères avisés font soigneusement des plans pour instruire et éduquer convenablement leurs fils et leurs filles. Ils les préparent dès leur jeunesse aux responsabilités plus grandes de leur vie d'adulte.
4. Discipline et contrainte. Les pères prévoyants prennent aussi des dispositions pour la discipline, la gouverne, la réprimande, et parfois la contrainte nécessaires à leurs jeunes enfants dépourvus de maturité.
5. Camaraderie et loyauté. Un père affectueux entretient des rapports intimes et aimants avec ses enfants. Il prête toujours une oreille attentive à leurs demandes; il est toujours prêt à partager leurs épreuves et à les aider dans leurs difficultés. Le père porte un intérêt suprême aux étapes du bonheur de sa progéniture.
6. Amour et miséricorde. Un père compatissant pardonne généreusement. Les pères ne nourrissent pas d'idées de vengeance contre leurs enfants. Ils ne ressemblent ni à des juges, ni à des ennemis, ni à des créanciers. Les vraies familles sont fondées sur la tolérance, la patience, et le pardon.
7. Dispositions pour l'avenir. Les pères temporels aiment laisser un héritage à leurs fils. La famille continue d'une génération à la suivante. La mort ne met fin à une génération que pour marquer le début d'une autre. La mort termine une vie individuelle, mais non nécessairement la vie d'une famille.
Pendant des heures le Maître étudia l'application de ces caractéristiques de la vie de famille aux relations de l'homme (l'enfant terrestre) avec Dieu (le Père au Paradis) et voici sa conclusion: « Je connais à la perfection l'ensemble des relations d'un fils avec le Père, car j'ai déjà atteint maintenant, dans le domaine de la filiation, tout ce que vous devrez atteindre dans l'éternel futur. Le Fils de l'Homme est prêt pour son ascension à la droite du Père, de sorte qu'en moi le chemin est encore plus largement ouvert à chacun de vous pour voir Dieu et, avant que vous ayez achevé la glorieuse progression, pour devenir parfaits comme votre Père céleste est parfait ».
Lorsque les apôtres entendirent ces paroles saisissantes, ils se rappelèrent les déclarations que Jean avait faites à l'époque du baptême de Jésus; ils gardèrent aussi un souvenir très vif de cette expérience en liaison avec leurs prédications et leurs enseignements après la mort et la résurrection du Maître.
Jésus est un Fils divin à qui le Père Universel fait pleine confiance. Il a été avec le Père et l'a totalement compris. Il avait maintenant vécu sa vie terrestre à la pleine satisfaction du Père, et son incarnation dans la chair lui avait permis de comprendre pleinement les hommes. Jésus était la perfection de l'homme; il avait atteint la perfection que tous les croyants sincères sont destinés à atteindre en lui et par lui. Jésus révéla aux hommes un Dieu de perfection et se présenta lui-même à Dieu comme fils perfectionné des mondes.
Bien que Jésus eût discouru durant des heures, Thomas n'était pas encore satisfait, car il dit: « Maître, nous ne trouvons pas que le Père céleste nous traite toujours avec bonté et miséricorde. Bien des fois nous souffrons amèrement sur terre, et nos prières ne sont pas toujours exaucées. Sur quels points manquons-nous de saisir le sens de ton enseignement? »
Jésus répondit: « Thomas, Thomas, combien de temps faudra-t-il pour que tu acquières l'aptitude à écouter avec l'oreille de l'esprit? Combien s'écoulera-t-il d'années avant que tu discernes que notre royaume est un royaume de l'esprit et que notre Père est aussi un être spirituel? Ne comprends-tu pas que je vous enseigne en tant qu'enfants de l'esprit dans la famille spirituelle des cieux, dont le chef paternel est un esprit infini et éternel? Ne me laisseras-tu pas dépeindre la famille terrestre comme une homologie des relations divines, sans appliquer littéralement mon enseignement aux affaires matérielles? Ne pouvez-vous séparer mentalement les réalités spirituelles du royaume d'avec les problèmes matériels, sociaux, économiques, et politiques de notre temps? Quand je parle le langage de l'esprit, pourquoi persistez-vous à traduire ma pensée dans le langage de la chair, simplement parce que je me permets d'employer des comparaisons avec le monde physique de la vie courante? Mes enfants, je vous supplie de cesser d'appliquer l'enseignement du royaume de l'esprit aux sordides affaires d'esclavage, de misère, de maisons, et de terres et aux problèmes matériels d'équité et de justice humaines. Ces questions temporelles concernent les hommes de ce monde, et bien que d'une certaine manière elles affectent tous les hommes, vous avez été appelés à me représenter dans le monde comme je représente mon Père. Vous êtes les ambassadeurs spirituels d'un royaume d'esprit, les représentants spéciaux du Père spirituel. Il devrait déjà m'être possible de vous instruire comme des adultes du royaume de l'esprit. Faudra-t-il toujours que je vous parle comme à des enfants? Ne croîtrez-vous jamais en perception spirituelle? Néanmoins je vous aime et vous supporterai jusqu'au bout de notre association dans la chair. Et même après cela, mon esprit vous précédera dans le monde entier ».
8. -- EN JUDÉE MÉRIDIONALE
Vers la fin d'avril, l'opposition contre Jésus était devenue si prononcée chez les pharisiens et les sadducéens que le Maître et ses apôtres décidèrent de quitter Jérusalem pour un temps et d'aller vers le sud enseigner à Bethléhem et à Hébron. Tout le mois de mai fut employé à faire de l'apostolat personnel dans ces villes et chez les habitants des villages environnants. Au cours de ce déplacement, les apôtres ne firent aucune prédication en public, mais seulement des visites de maison en maison. Pendant qu'ils enseignaient l'évangile et soignaient les malades, Jésus et Abner passèrent une partie du mois à Engaddi à visiter la colonie naziréenne. Jean le Baptiste avait quitté les lieux, et Abner était devenu chef de ce groupe. Beaucoup de membres de la confrérie naziréenne se mirent à croire en Jésus, mais la majorité de ces hommes ascétiques et originaux refusa de l'accepter comme un instructeur envoyé du ciel, parce qu'il n'enseignait ni le jeûne ni d'autres formes de renoncement.
Les habitants de cette région ne savaient pas que Jésus était né à Bethléhem. Comme la majorité des disciples, ils supposaient toujours que le Maître était venu au monde à Nazareth, mais les douze apôtres connaissaient le fait.
Ce séjour en Judée méridionale fut une période de travail utile et reposant; le royaume s'accrut de nombreux adeptes. Au début de juin, l'agitation contre Jésus s'était si bien calmée à Jérusalem que le Maître et les apôtres y retournèrent pour instruire et encourager les croyants.
Bien que Jésus et les apôtres eussent passé tout le mois de juin à Jérusalem où aux environs, ils ne prêchèrent pas publiquement durant cette période. Ils vécurent la plupart du temps sous des tentes qu'ils plantaient dans un parc ou jardin ombragé nommé Gethsémani, situé sur la pente ouest du Mont des Oliviers, non loin des gorges du Cédron. Ils passaient généralement les sabbats de fin de semaine chez Lazare et ses soeurs à Béthanie. Jésus ne pénétra que rarement à l'intérieur des murs de Jérusalem, mais un grand nombre d'investigateurs allèrent jusqu'à Gethsémani pour le voir. Un vendredi soir, Nicodème et un certain Joseph d'Arimathie s'aventurèrent à rendre visite à Jésus mais, après être arrivés devant l'entrée de la tente du Maître, ils rebroussèrent chemin par peur. Bien entendu, ils ne se doutaient pas que Jésus avait connaissance de tous leurs déplacements.
Quand les dirigeants des Juifs apprirent que Jésus était revenu à Jérusalem, ils se préparèrent à l'arrêter; mais remarquant qu'il ne faisait pas de sermons publics, ils conclurent qu'il avait été effrayé par leurs menaces antérieures et décidèrent de le laisser poursuivre son enseignement de cette manière privée, sans le molester davantage. Les affaires suivirent donc tranquillement leur cours jusqu'aux derniers jours de juin lorsqu'un certain Simon, membre du sanhédrin, se rallia publiquement aux enseignements de Jésus après l'avoir annoncé au préalable aux chefs des Juifs. Immédiatement une nouvelle agitation s'éleva pour appréhender Jésus, et elle devint si forte que le Maître décida de se retirer dans les villes de la Samarie et de la Décapole.
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- Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
LE COMMENCEMENT DE L'OEUVRE PUBLIQUE
LE 19 janvier de l'an 27, premier jour de la semaine, Jésus et les douze apôtres se préparèrent à quitter leur quartier général de Bethsaïde. Les douze ne savaient rien des plans de leur Maître, sinon qu'ils iraient a Jérusalem pour assister à la fête de la Pâque d'avril, et que l'itinéraire projeté passait par la vallée du Jourdain. Ils ne partirent guère avant midi de la maison de Zébédée, parce les familles des apôtres et d'autres disciples étaient venues leur dire adieu et leur souhaiter bonne chance dans la nouvelle tâche qu'ils étaient sur le point d'entreprendre.
Au moment du départ, les apôtres ne virent pas le Maître, et André partit à sa recherche. Il ne tarda pas à le trouver assis dans un bateau sur la plage, et Jésus pleurait. Les douze avaient souvent vu leur Maître à des moments où il semblait triste et ils avaient été témoins de ses brèves périodes de graves préoccupations mentales, mais aucun ne l'avait jamais vu verser des larmes. André fut quelque peu stupéfait de voir le Maître ainsi affecté le jour de leur départ pour Jérusalem. Il osa s'approcher de Jésus et lui demanda: « En ce grand jour, Maître, au moment où nous allons nous rendre à Jérusalem pour proclamer le royaume du Père, comment se fait-il que tu pleures? Qui de nous t'a offensé? } Et Jésus, revenant avec André vers les douze, lui répondit: « Aucun de vous ne m'a causé de chagrin. Je suis attristé seulement parce qu'aucun membre de la famille de mon père Joseph n'a songé à venir nous souhaiter bon voyage ».
A ce moment-là Ruth était en visite chez son frère Joseph à Nazareth; les autres membres de la famille s'étaient tenus à l'écart par orgueil, déception, incompréhension, et mesquine rancune éprouvée parce que leurs sentiments avaient été froissés.
1. -- DÉPART DE GALILÉE
Capharnaüm n'était pas loin de Tibériade; la renommée de Jésus avait commencé à se répandre dans toute la Galilée, et même au delà. Jésus savait qu'Hérode ne tarderait pas à prêter attention à son oeuvre; il estima donc qu'il valait mieux se diriger vers le sud et entrer en Judée avec ses apôtres. Une compagnie de plus de cent croyants désirait faire route avec eux, mais Jésus leur parla et les pria de ne pas accompagner le groupe apostolique sur le chemin descendant le Jourdain. Ils consentirent à rester en arrière, mais au bout de quelques jours, nombre d'entre eux suivirent le Maître.
Le premier jour, Jésus et les apôtres n'allèrent pas plus loin que Tarichée, où ils se reposèrent pour la nuit. Le lendemain, ils voyagèrent jusqu'à un point du Jourdain proche de Pella, où Jean avait prêché environ un an auparavant, et où Jésus avait reçu le baptême. Ils s'arrêtèrent là durant plus de deux semaines, enseignant et prêchant. A la fin de la première semaine, plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées dans un camp proche de l'endroit où demeuraient Jésus et les douze; cette foule était venue de Galilée, de Phénicie, de Syrie, de la Décapole. de Pérée, et de Judée.
Jésus ne prêcha pas en public. André divisa la foule et désigna des prédicateurs pour les réunions du matin et de l'après-midi. Après le repas du soir, Jésus s'entretenait avec les douze. Il ne leur enseignait rien de nouveau, mais passait en revue son enseignement antérieur et répondait à leurs nombreuses questions. Au cours de l'une de ces soirées, il donna aux douze quelques indications sur les quarante jours qu'il avait passés dans la montagne à proximité de ce lieu.
Bien des auditeurs venus de Pérée et de Judée avaient été baptisés par Jean et voulaient en apprendre davantage sur les enseignements de Jésus. Les apôtres firent beaucoup de progrès en instruisant les disciples de Jean, en ce sens qu'ils ne déprécièrent en aucune manière les prédications de Jean, et qu'à cette époque ils ne baptisèrent même pas leurs nouveaux disciples. Mais ce fut toujours une pierre d'achoppement pour les partisans de Jean de voir que Jésus, s'il était vraiment ce que Jean avait annoncé, ne faisait rien pour le tirer de prison. Les disciples de Jean ne purent jamais comprendre pourquoi Jésus n'empêcha pas la mort cruelle de leur chef bien-aimé.
Soirée après soirée, André enseigna à ses compagnons apôtres la tâche délicate et difficile de bien s'entendre avec les disciples de Jean le Baptiste. Durant cette première année du ministère public de Jésus, plus des trois quarts de ses disciples avaient antérieurement suivi Jean et reçu son baptême. Toute cette année 27 se passa à prendre tranquillement la suite de l'oeuvre de Jean en Pérée et en Judée.
2. -- LA LOI DE DIEU ET LA VOLONTÉ, DU PÈRE
Le soir avant leur départ de Pella, Jésus donna aux apôtres quelques enseignements supplémentaires sur le nouveau royaume. Le Maître dit: « On vous a appris à envisager la venue du royaume de Dieu, et maintenant je viens vous annoncer que ce royaume longtemps attendu est à portée de la main, qu'il est même déjà là, au milieu de nous. Tout royaume comporte un roi siégeant sur son trône et décrétant les lois du royaume. Vous avez donc conçu le royaume des cieux comme une souveraineté glorifiée du peuple juif sur tous les peuples de la terre, avec le Messie siégeant sur le trône de David et, de ce lieu de pouvoir miraculeux, promulguant les lois du monde entier. Mais, mes enfants, vous ne voyez pas avec l'oeil de la foi et vous n'entendez pas avec l'intelligence de l'esprit. J'affirme que le royaume du ciel est la compréhension claire et la récognition de la loi de Dieu dans le coeur des hommes. Il est vrai qu'il y a un Roi dans ce royaume; ce Roi est mon Père et votre Père. Nous sommes en vérité ses sujets loyaux, mais la vérité transformatrice que nous sommes ses fils transcende de loin notre sujétion. Dans ma vie, cette vérité doit devenir manifeste pour tous. Notre Père siège aussi sur un trône, mais sur un trône non fait de main d'homme. Le trône de l'Infini est sa résidence éternelle dans le ciel des cieux; le Père remplit toute la création et proclame ses lois à des myriades d'univers. Il règne aussi dans le coeur de ses enfants terrestres par l'esprit qu'il a envoyé vivre dans l'âme des mortel ».
« Si vous êtes les sujets de ce royaume, il vous devient en vérité possible d'entendre la loi du Souverain de l'Univers. Mais si, à cause de l'évangile que je suis venu proclamer, vous découvrez par la foi que vous êtes des fils, vous ne vous considérerez plus comme des créatures soumises à la loi d'un roi tout-puissant, mais comme des fils privilégiés d'un Père divin et aimant. En vérité, en vérité, je vous le dis, si la volonté du Père est votre loi, vous n'êtes pas dans le royaume. Mais si la volonté Père devient vraiment votre volonté, alors vous êtes indiscutablement dans le royaume, parce que le royaume est devenu de ce fait une expérience établie en vous. Quand la volonté de Dieu est votre loi, vous êtes de nobles sujets esclaves; mais si vous croyez à ce nouvel évangile de filiation divine, la volonté de mon Père devient la votre, et vous êtes élevés à la haute position de libres enfants de Dieu, de fils affranchis dans le royaume.
Certains apôtres saisissaient quelque peu cet enseignement, mais aucun d'eux ne comprenait la pleine signification de cette prodigieuse annonce, sauf peut-être Jean Zébédée. Toutefois, ces paroles s'enfonçaient dans leur coeur et ils se les rappelèrent avec joie durant leurs années ultérieures d'apostolat.
3. -- LE SÉJOUR À AMATH
Le Maître et ses apôtres restèrent aux environs d'Amath pendant près de trois semaines. Les apôtres continuèrent à prêcher deux fois par jour devant la foule, et Jésus prêcha tous les après-midis de sabbat. Il devint impossible de poursuivre les récréations du mercredi; alors André décida que deux apôtres se reposeraient chacun des six jours de la semaine par roulement, et que tous seraient de service durant le jour du sabbat.
Pierre, Jacques, et Jean firent la plupart des sermons publics. Philippe, Nathanael, Thomas, et Simon exécutèrent une grande partie du travail personnel et dirigèrent des classes pour des groupes spéciaux d'investigateurs. Les jumeaux continuèrent leur supervision générale de la police, tandis qu'André, Matthieu, et Judas s'organisèrent en un comité d'administration générale de trois membres, mais chacun des trois effectuait aussi un travail religieux considérable.
André était fort occupé à régler les malentendus et les désaccords perpétuellement renouvelés entre les disciples de Jean et les plus récents disciples de Jésus. Des crises sérieuses éclataient constamment, mais André, avec l'aide de ses collègues apostoliques, s'arrangeait pour amener les parties en conflit et conclure un accord quelconque, au moins temporairement. Jésus refusa de participer à aucune de ces conférences; il ne voulut pas non plus donner le moindre conseil pour le règlement approprié des différends. Pas une seule fois il n'offrit de suggestion sur la manière dont les apôtres devraient résoudre ces problèmes embarrassants. Quand André abordait ces questions, Jésus disait toujours: « Il est malavisé pour l'hôte de participer aux querelles de famille de ses invités; un parent sage ne prend jamais parti dans les mesquines querelles de ses propres enfants ».
Le Maître déployait une grande sagesse et manifestait une parfaite équité dans tous ses rapports avec ses apôtres, ainsi qu'avec tous ses disciples. Jésus était vraiment un conducteur d'hommes. Il exerçait une grande influence sur ses semblables à cause de la combinaison de charme et de force de sa personnalité. De sa rude vie de nomade sans foyer, il se dégageait une subtile influence de commandement. Il y avait une attirance intellectuelle et un pouvoir d'attraction spirituelle dans sa manière d'enseigner pleine d'autorité, dans sa logique lucide, dans sa force de raisonnement, dans sa clairvoyance sagace, dans sa pensée alerte, dans son équilibre incomparable, et dans sa sublime tolérance. Jésus était simple, viril, honnête, et intrépide. Accompagnant toute l'influence physique et intellectuelle manifestée dans sa présence, il y avait aussi tous les charmes spirituels désormais attachés à sa personnalité -- la patience, la tendresse, la mansuétude, la douceur, et l'humilité.
Jésus de Nazareth était vraiment une personnalité vigoureuse et énergique; il était une puissance intellectuelle et une forteresse spirituelle. Non seulement sa personnalité attirait parmi ses disciples des femmes enclines a la spiritualité, mais aussi des hommes instruits et intellectuels comme Nicodème et le hardi soldat romain, le capitaine de garde auprès de la croix qui, après avoir assisté aux derniers moments du Maître, dit: « En vérité, c'était un Fils de Dieu ». Et les robustes et rudes pêcheurs Galiléens l'appelaient Maître.
Les portraits de Jésus ont été fort malencontreux. Ces tableaux peints du Christ ont exercé une influence délétère sur la jeunesse. Les marchands du temple n'auraient guère fui devant Jésus s'il avait été un homme tel que vos artistes le dépeignent généralement. Il avait une nature humaine dignifiée; il était bon, mais naturel. Jésus ne posait pas au mystique doux, agréable, gentil, et aimable. Son enseignement avait un dynamisme galvanisant. Non seulement la bonté animait ses intentions, mais il parcourait le pays en faisant efficacement du bien.
Le Maître n'a jamais dit: « Venez à moi, vous tous qui êtes indolents et rêveurs ». Mais il a dit à maintes reprises: « Venez à moi, vous tous qui peinez, et je vous donnerai du repos -- de la force spirituelle ». En vérité, le joug du Maître est léger, mais même ainsi, il ne l'impose jamais; chaque individu doit prendre ce joug de son propre gué.
Jésus décrivit la conquête par sacrifice, le sacrifice de l'orgueil et de l'égoïsme. En montrant de la miséricorde, il voulait dépeindre la manière spirituelle de se libérer de toutes les rancunes, des griefs, de la colère, et de la soif de vengeance et de pouvoir personnel. Lorsqu'il dit: « Ne résistez pas au mal », il expliqua plus tard qu'il n'entendait pas approuver le péché ni conseiller de fraterniser avec l'iniquité. Il avait davantage l'intention d'enseigner à pardonner, à « ne pas résister aux mauvais traitements infligés à votre personnalité, aux cruelles blessures infligées à vos sentiments de dignité personnelle ».
4. -- ENSEIGNEMENT AU SUJET DU PÈRE
Durant son séjour à Amath, Jésus passa beaucoup de temps à enseigner aux apôtres le nouveau concept de Dieu. Maintes et maintes fois il leur inculqua que Dieu est un Père, et non un grand et suprême teneur de livres, principalement occupé à inscrire au compte débiteur de ses enfants terrestres égarés, avec un préjugé défavorable, leurs péchés et leurs mauvaises actions pour les utiliser ultérieurement contre eux quand il les jugera en tant que juste Juge de toute la création. Les Juifs avaient depuis longtemps conçu Dieu comme un souverain universel, et même comme un Père de la nation, mais jamais auparavant une multitude humaine n'avait conçu Dieu en tant que Père de chaque individu.
En réponse à la question de Thomas « Qui est ce Dieu du royaume? » Jésus répliqua: « Dieu est ton Père, et la religion -- mon évangile -- n'est rien de plus ou de moins que de reconnaître, en y croyant, la vérité que tu es son fils. Je suis incarne ici parmi vous pour clarifier ces deux idées par ma vie et mes enseignements ».
Jésus chercha aussi à libérer la pensée de ses apôtres de l'idée que les sacrifices d'animaux étaient un devoir religieux. Mais ces hommes élevés dans la religion du sacrifice quotidien étaient lents à comprendre ce qu'il voulait dire. Néanmoins le Maître ne se lassa pas d'enseigner. Quand il ne réussissait pas à atteindre la pensée de tous les apôtres par un seul exemple, il répétait son message en employant une autre parabole pour les éclairer.
En même temps, Jésus commença à instruire plus complètement les douze sur leur mission « de consoler les affligés et de soigner les malades » Le Maître leur parla longuement de l'homme total -- de l'union d'un corps, d'une pensée, et d'un esprit pour former un homme ou une femme. Jésus exposa a ses apôtres les trois formes d'affliction qu'ils allaient rencontrer, et poursuivit en leur expliquant comment ils devraient apporter leur ministère à tous ceux qui souffrent des inconvénients des maladies humaines. Il leur apprit à reconnaître:
| 1. Les maux de la chair -- les afflictions communément considérées comme des maladies physiques. |
| 2. Les pensées désaxées -- les afflictions non physiques, ultérieurement considérées comme les troubles et des dérangements émotionnels et mentaux. |
| 3. La possession par de mauvais esprits. |
En plusieurs occasions, Jésus expliqua à ses apôtres la nature des mauvais esprits et leur donna quelques indications sur leur origines; à cette époque, on les appelait souvent esprits impurs. Le Maître connaissait bien la différence entre la possession par de mauvais esprits et la démence, mais les autres l'ignoraient. Vu leur connaissance limitée de l'histoire primitive d'Urantia, Jésus ne pouvait pas non plus entreprendre de leur rendre cette question pleinement compréhensible. Mais il leur dit à maintes reprises en faisant allusion aux mauvais esprits: « Ils ne molesteront plus les hommes quand je serai monté au ciel auprès de mon Père et que j'aurai répandu mon esprit sur toute chair à l'époque ou le royaume viendra en grande puissance et en gloire spirituelle ».
De semaine en semaine et de mois en mois durant toute cette année, les apôtres tournèrent de plus en plus leur attention vers la guérison des malades.
5. -- UNITÉ SPIRITUELLE
L'une des conférences du soir les plus mouvementées d'Amath fut la session où l'on discuta de l'unité spirituelle. Jacques Zébédée avait demandé: « Maître, comment apprendrons nous à avoir le même point de vue et à jouir ainsi d'une plus grande harmonie entre nous? » Lorsque Jésus entendit cette question, son esprit fut tellement ému qu'il répliqua: « Jacques, Jacques, quand t'ai-je enseigné que vous deviez avoir le même point de vue? Je suis venu dans le monde pour proclamer la liberté spirituelle afin que les mortels aient le pouvoir de vivre des vies individuelles originales et libres devant Dieu ». Je ne désire pas que l'harmonie sociale et la paix fraternelle soient achetées par le sacrifice de la libre personnalité et de l'originalité spirituelle. Ce que je vous demande, mes apôtres, c'est l'unité spirituelle -- et vous pouvez la ressentir dans la joie de votre consécration unie à faire de tout coeur la volonté de notre Père céleste. Vous n'avez pas besoin d'avoir le même point de vue, les mêmes sentiments, ni même des pensées semblables, pour être spirituellement semblables. L'unité spirituelle dérive de la conscience que chacun de vous est habité, et de plus en plus dominé, par le don d'esprit du Père céleste. Votre harmonie apostolique doit naître du fait que l'espoir spirituel de chacun de vous est identique par son origine, sa nature, et sa destinée.
« De cette manière, vous pouvez atteindre dans vos desseins et votre compréhension une parfaite unité spirituelle provenant de la conscience mutuelle de l'identité de chacun des esprits du Paradis qui vous habitent; et vous pourrez jouir de cette profonde unité spirituelle même devant la plus extrême diversité de vos comportements individuels dans les domaines de la réflexion intellectuelle, des sentiments innés, et de la conduite sociale. Vos personnalités peuvent avoir une diversité reposante et des différences marquées, en même temps que vos natures spirituelles et les fruits spirituels de votre adoration divine et de votre amour fraternel peuvent être bien unifiés; alors tous ceux qui observent votre vie prendront certainement acte de cette identité spirituelle et de cette unité d'âme. Ils reconnaîtront que vous avez vécu auprès de moi et que vous avez ainsi appris à faire d'une manière acceptable la volonté du Père qui est aux cieux. Vous pouvez atteindre l'unité dans le service de Dieu, même pendant que vous accomplissez ce service selon la technique de vos propres dons originaux de corps, de pensée, et d'âme.
« Votre unité spirituelle implique deux facteurs qui s'harmonisent toujours dans la vie individuelle des croyants: premièrement vous possédez un motif commun pour la vie d'apostolat; chacun de vous désire par-dessus tout faire la volonté du Père céleste. Et deuxièmement vous avez tous un but commun d'existence; vous avez tous le dessein de trouver le Père céleste, et de prouver par là à l'univers que vous commencez à ressembler à Dieu ».
Jésus revint bien des fois sur ce thème durant l'éducation des douze. A maintes reprises il leur répéta qu'il ne désirait pas voir ceux qui croyaient en lui devenir dogmatiques et uniformisés conformément aux interprétations religieuses des gens de bien. Il ne cessa de mettre ses apôtres en garde contre l'élaboration de credos et l'établissement de traditions comme moyen de guider et de contrôler les croyants dans l'évangile du royaume.
6. -- LA DERNIÈRE SEMAINE À AMATH
Vers la fin de la dernière semaine à Amath, Simon le Zélote amena à Jésus un certain Téherma, un Persan qui faisait des affaires à Damas. Ayant entendu parler de Jésus, Téherma était venu à Capharnaüm pour le voir. Apprenant que jésus était parti avec les apôtres pour Jérusalem en descendant le Jourdain, il partit à sa recherche. André avait présenté Téherma à Simon afin qu'il l'instruise. Simon considérait le Persan comme un « adorateur du feu », bien que Téherma ait pris grand soin de lui expliquer que le feu n'était que le symbole visible de l'Être Pur et Saint. Après un entretien avec Jésus, le Persan signifia son intention de rester plusieurs jours à écouter l'enseignement et les prédications.
Quand Simon le Zélote et Jésus furent seuls, Simon demanda au Maître: «Comment se fait-il que je n'aie pas réussi à le persuader? Pourquoi m'a-t-il tant résisté et t'écoute-t-il si volontiers? » Jésus répondit: « Simon, Simon, combien de fois t'ai-je recommandé de t'abstenir de tout effort pour faire jaillir quelque chose du coeur de ceux qui cherchent le salut? Combien souvent je t'ai dit de ne travailler que pour faire pénétrer quelque chose dans ces âmes assoiffées. Conduis les hommes dans le royaume, et ensuite les grandes vérités vivantes du royaume ne tarderont pas à éliminer toute erreur sérieuse. Une fois que tu as annoncé à un mortel la bonne nouvelle que Dieu est son Père, tu peux d'autant plus facilement le persuader qu'il est réellement un fils de Dieu. Après avoir fait cela, tu as apporté la lumière du salut à un être plongé dans les ténèbres. Simon, la première fois que le Fils de l'Homme est venu vers toi, a-t-il condamné Moïse et les prophètes pour proclamer une nouvelle et meilleure manière de vivre? Non. Je ne suis pas venu pour enlever ce que vous tenez de vos ancêtres, mais pour vous montrer une vision plus parfaite de ce que vos pères n'ont vu qu'en partie. Donc, Simon, va enseigner et prêcher le royaume, et quand tu y auras conduit un homme sain et sauf, alors il sera temps, s'il vient vers toi avec des questions, de lui communiquer un enseignement relatif à l'avancement progressif de l'âme à l'intérieur du royaume divin ».
Simon fut étonné par ces paroles, mais fit ce que Jésus lui avait recommandé, et Téherma le Persan compta au nombre des participants au royaume.
Ce soir-là, Jésus fit aux apôtres un discours sur la nouvelle vie dans le royaume. Il dit notamment: « Lorsque vous entrez dans le royaume, vous êtes nés de nouveau. Vous ne pouvez enseigner les choses profondes de l'esprit à ceux qui sont seulement nés de la chair. Veillez d'abord à ce que les hommes soient nés de l'esprit avant de chercher à les instruire des voies avancées de la spiritualité. N'entreprenez pas de leur montrer les beautés du temple avant de les avoir d'abord fait entrer dans le temple. Présentez les hommes à Dieu en tant que fils de Dieu avant de discourir sur les doctrines de la paternité de Dieu et de la filiation des hommes. Ne luttez pas avec les hommes -- soyez toujours patients. Le ciel n'est pas votre royaume, vous n'en êtes que les ambassadeurs. Contentez-vous d'aller proclamer: Voici le royaume des cieux -- Dieu est votre Père et vous êtes ses fils, et si vous croyez de tout coeur à cette bonne nouvelle, elle est votre salut éternel ».
Les apôtres firent de grands progrès durant leur séjour à Amath, mais ils furent très déçus que Jésus n'ait voulu leur faire aucune suggestion au sujet des rapports avec les disciples de Jean. Même sur l'importante question du baptême, Jésus se borna à dire: « En vérité Jean a baptisé d'eau, mais quand vous entrerez dans le royaume des cieux, vous serez baptisés d'esprit ».
7. -- À BÉTHANIE AU DELÀ DU JOURDAIN
Le 26 février, Jésus, ses apôtres, et un groupe nombreux de disciples suivirent le Jourdain en descendant jusqu'au gué proche de Béthanie en Pérée, à l'endroit où Jean avait fait sa première proclamation du royaume a venir. Jésus resta là quatre semaines avec ses apôtres avant de repartir pour se rendre à Jérusalem.
Durant la seconde semaine du séjour à Béthanie au delà du Jourdain, Jésus emmena Pierre, Jacques, et Jean se reposer trois jours dans les montagnes situées de l'autre côté du fleuve, au sud de Jéricho. Le Maître enseigna à ces trois hommes de nouvelles vérités supérieures sur le royaume des cieux. Nous les avons remises en ordre et classées de la manière suivante pour la clarté de notre exposé:
Jésus s'efforça d'expliquer ce qu'il désirait de ses disciples ayant ressenti le bon esprit des réalités du royaume. Il voulait les voir vivre dans le monde de telle sorte que les hommes, en voyant leur vie, deviennent conscients du royaume et soient ainsi amenés à s'enquérir auprès des croyants sur les voies du royaume. Les sincères chercheurs de vérité sont toujours heureux d'entendre la bonne nouvelle du don de la foi, qui assure l'admission dans le royaume avec ses réalités spirituelles éternelles et divines.
Le Maître cherchait à inculquer à tous ceux qui enseignaient l'évangile du royaume que leur seule affaire consistait à révéler individuellement aux hommes que Dieu est leur Père -- à rendre ces hommes personnellement conscients de leur filiation, et ensuite à les présenter à Dieu comme ses fils par la foi. Ces deux révélations essentielles étaient accomplies en Jésus. Il devint réellement « le chemin, la vérité, et la vie ». La religion de Jésus était entièrement fondée sur la manière de vivre sa vie d'effusion sur terre. Lorsque Jésus quitta ce monde, il ne laissa derrière lui ni livres, ni lois, ni autres formes d'organisation humaine affectant la vie religieuse des individus.
Jésus expliqua clairement qu'il était venu pour établir avec les hommes des relations personnelles et éternelles qui auraient définitivement préséance sur toutes les autres relations humaines. Il fit ressortir que cette communion spirituelle intime devait être étendue à tous les hommes de tous les âges et de toutes les conditions sociales chez tous les peuples. La seule récompense qu'il faisait miroiter à es enfants était: dans ce monde la joie spirituelle et la communion divine et dans l'autre monde la vie éternelle avec l'assimilation progressive des divines réalités spirituelleS du Père du Paradis.
Jésus insista beaucoup sur ce qu'il appelait les deux vérités de première importance dans les enseignements du royaume, à savoir: l'obtention du salut par la foi et la foi seule, associée à l'enseignement révolutionnaire de l'obtention de la liberté humaine par la récognition de la vérité. « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira ». Jésus était la vérité manifestée dans la chair, et il promit d'envoyer son Esprit de Vérité dans le coeur de tous ses enfants après son retour auprès de son Père céleste.
Le Maître enseignait aux apôtres les éléments essentiels de la vérité pour tout un âge terrestre. Les enseignements qu'ils écoutaient étaient souvent destinés en réalité à inspirer et à édifier d'autres planètes. Il donna l'exemple d'un plan de vie nouveau et original. Du point de vue humain, il était véritablement un Juif, mais il vécut sa vie comme un mortel du royaume pour l'édification du monde entier.
Pour être sur que son Père serait reconnu au cours du développement du plan du royaume, Jésus expliqua qu'il avait volontairement ignoré « les grands de la terre ». Il commença son travail avec les pauvres, la classe même qui avait été si négligée par les religions évolutionnaires des époques précédentes. Il ne méprisait personne; son plan était à l'échelle de la planète, et même de l'univers. Jésus montrait tant d'audace et d'énergie dans ces annonces que même Pierre, Jacques, et Jean furent tentés de croire qu'il ne se possédait plus.
Il chercha doucement à faire comprendre à ses apôtres qu'il accomplissait cette mission d'effusion non pour donner un exemple à quelques créatures d'Urantia, mais pour établir et montrer un critère de vie humaine pouvant servir à tous les peuples de toutes les planètes de tout son univers. Ce modèle de vie approchait de la plus haute perfection, et même de la bonté suprême du Père Universel, mais les apôtres ne pouvaient saisir la signification des paroles du Maître.
Il annonça qu'il était venu opérer comme instructeur, un instructeur envoyé du ciel pour présenter la vérité spirituelle à la pensée matérielle. Or c'est exactement ce qu'il fit; il était un instructeur et non un prédicateur. Du point de vue humain, Pierre était un prédicateur beaucoup plus efficace que Jésus. Les sermons de Jésus avaient une grande portée, due à sa personnalité extraordinaire bien plus qu'à un irrésistible attrait oratoire ou émotionnel. Jésus parlait directement aux âmes. Il instruisait l'esprit par l'intermédiaire de la pensée. Il vivait avec les hommes.
Ce fut à cette occasion que Jésus signifia à Pierre, Jacques, et Jean que son oeuvre sur terre devait, sous certains rapports, être limitée conformément au mandat reçu de son « associé céleste ». Il faisait allusion aux instructions données avant son effusion par son frère paradisiaque Emmanuel. Il leur dit qu'il était venu faire la volonté de son Père, et uniquement la volonté de son Père. En raison de ce dessein unique qui était son mobile sincère, il ne se tourmentait pas de l'emprise du mal dans le monde.
Les apôtres commençaient à reconnaître l'inaltérable amitié de Jésus. Bien que le Maître fût d'un abord facile, il vivait toujours indépendamment de tous les êtres humains et au-dessus d'eux. Jamais il ne fut dominé, même un instant, par une influence purement terrestre, ni sujet à la fragilité du jugement humain. Il né prêtait aucune attention à l'opinion publique, et les louanges le laissaient indifférent. Il s'interrompait rarement pour corriger des malentendus ou pour s'offenser d'une présentation erronée des faits. Il ne demanda jamais conseil à personne; il ne réclama jamais de prières.
Jacques s'étonnait de la manière dont Jésus prévoyait la fin dès le commencement. Le Maître paraissait rarement surpris. Il n'était jamais agité, vexé, ou déconcerté. Il ne présenta jamais d'excuses à personne. Il était parfois attristé, mais jamais découragé.
Jean comprit plus clairement que, malgré tous ses dons divins, Jésus était après tout un homme. Il vivait humainement parmi les hommes, il les comprenait, les aimait, et savait les diriger. Dans sa vie personnelle, il était extrêmement humain et parfaitement irréprochable. Et il était toujours désintéressé.
Bien que Pierre, Jacques, et Jean n'aient pu comprendre grand'chose à ce que Jésus leur dit en cette occasion, ses paroles bienveillantes se gravèrent dans leur coeur. Ils se les remémorèrent après la crucifixion et la résurrection, et elles leur apportèrent la joie d'un grand enrichissement dans leur ministère ultérieur. Il n'y a rien d'étonnant à ce que les apôtres n'aient pas pleinement compris les explications du Maître, car il projetait devant eux le plan d'un nouvel âge.
8. -- TRAVAIL À JÉRICHO
Durant leurs quatre semaines de séjour à Béthanie au delà du Jourdain, André envoya plusieurs fois par semaine deux apôtres ensemble à Jéricho pour un jour ou deux. Jean le Baptiste avait de nombreux fidèles à Jéricho, et la majorité d'entre eux accueillait volontiers les enseignements plus évolués de Jésus et de ses apôtres. Lors de ces visites à Jéricho, les apôtres commencèrent à exécuter plus strictement les instructions de Jésus concernant les soins aux malades; ils entrèrent dans chacune des maisons de la ville et cherchèrent à consoler tous les affligés.
Les apôtres exercèrent quelque peu leur apostolat en public à Jéricho, mais ils opérèrent surtout en privé d'une manière plus discrète. Ils firent alors la découverte que l'évangile du royaume apportait beaucoup de réconfort aux malade; et que leur message amenait la guérison des affligés. Ce fut à Jéricho que les douze mirent pleinement en pratique, pour la première fois, la recommandation de Jésus de prêcher la bonne nouvelle du royaume et de soigner les affligés.
Ils s'arrêtèrent à Jéricho sur le chemin allant à Jérusalem et y furent rattrapés par une délégation de Mésopotamiens qui étaient venus conférer avec Jésus. Les apôtres avaient projeté de passer seulement un jour à Jéricho, mais lorsque ces Orientaux à la recherche de la vérité arrivèrent, Jésus passa trois jours avec eux. Ils retournèrent à leurs diverses demeures de la vallée de l'Euphrate, heureux de connaître les nouvelles vérités du royaume des cieux.
9. -- DÉPART POUR JÉRUSALEM
Le dernier jour de mars, un lundi, Jésus et les douze entreprirent de passer par les montagnes pour se rendre à Jérusalem. Lazare de Béthanie était descendu deux fois au Jourdain pour voir Jésus, et toutes les dispositions avaient été prises pour que le Maître et ses apôtres installent leur quartier général à Béthanie chez Lazare et ses soeurs, aussi longtemps qu'ils désireraient séjourner à Jérusalem.
Les disciples de Jean restèrent à Béthanie au delà du Jourdain, enseignant et baptisant les foules, de sorte que Jésus était seulement accompagné par les douze lorsqu'il arriva chez Lazare. Jésus et les apôtres s'attardèrent là, durant cinq jours, à se reposer et à se délasser avant d'aller à Jérusalem pour la Pâque. Ce fut un grand événement dans la vie de Marthe et de Marie que de recevoir le Maître et ses apôtres dans la maison de leur frère, où elles étaient en mesure de pourvoir à leurs besoins.
Le dimanche matin 6 avril, Jésus et les apôtres se rendirent à Jérusalem. C'était la première fois que le Maître et les douze s'y trouvaient tous ensemble.
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- Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
L'ORDINATION DES DOUZE
UN peu avant midi, le dimanche 12 janvier de l'an 27, Jésus réunit les apôtres pour leur ordination comme prédicateurs publics de l'évangile du royaume. Les douze s'attendaient à être appelés d'un jour à l'autre; ce matin-là, ils ne s'éloignèrent donc pas beaucoup du rivage pour pêcher. Plusieurs d'entre eux étaient restés au bord de l'eau, réparant leurs filets et bricolant avec leur attirail de pêche.
Lorsque Jésus descendit au rivage pour réunir les apôtres, il appela d'abord André et Pierre qui pêchaient assez près du bord. Il fit signe ensuite à Jacques et Jean qui rendaient visite à leur père Zébédée sur un bateau peu éloigné et raccommodaient leurs filets, puis il rassembla deux par deux les autres apôtres. Lorsqu'il eut réuni les douze il partit avec eux pour les montagnes du nord de Capharnaüm et se mit à les instruire pour les préparer à leur ordination officielle.
Pour une fois, les douze apôtres se taisaient; même Pierre était d'humeur à réfléchir. Enfin l'heure si longtemps attendue était arrivée! Ils partaient seuls avec le Maître pour participer à une sorte de cérémonie solennelle de consécration, à la fois personnelle et collective, à l'oeuvre sacrée de représenter leur Maître dans la proclamation de la venue du royaume de son Père.
1. -- INSTRUCTION PRÉLIMINAIRE
Avant le service officiel d'ordination, Jésus fit un exposé aux douze apôtres assis autour de lui. Il leur dit: « Mes frères, l'heure du royaume est arrivée. Je vous ai amenés ici seuls avec moi pour vous présenter au Père comme ambassadeurs du royaume. Certains d'entre vous m'ont entendu parler de ce royaume dans la synagogue au moment où vous fûtes appelés. Chacun de vous en a appris davantage sur le royaume du Père depuis que vous m'avez accompagné en travaillant dans les villes qui entourent la Mer de Galilée. Maintenant j'ai quelque chose de plus à vous dire à ce sujet.
« Le nouveau royaume que mon Père est sur le point d'établir dans le coeur de ses enfants terrestres est destiné à être un empire éternel. Il n'y aura point de fin à ce règne de mon Père dans le coeur de ceux qui désirent faire sa volonté divine. Je vous déclare que mon Père n'est pas le Dieu des Juifs ou des Gentils. De nombreux élus viendront de l'orient et de l'occident siéger avec nous dans le royaume du Père, tandis que bien des enfants d'Abraham refuseront d'entrer dans cette nouvelle confraternité où l'esprit du Père règne dans le coeur des enfants des hommes.
« La puissance de ce royaume ne consistera ni dans la force des armées ni dans le pouvoir des richesses, mais plutôt dans la gloire de l'esprit divin qui viendra enseigner la pensée et diriger le coeur des citoyens, nés à nouveau, de ce royaume céleste -- les fils de Dieu. C'est la fraternité de l'amour où règne la droiture, et dont le cri de ralliement sera: Paix sur terre et bonne volonté envers tous les hommes. Ce royaume, que vous allez si prochainement proclamer, est le désir des hommes de bien de tous les âges, l'espoir de toute la terre, et l'accomplissement des sages promesses de tous les prophètes.
« Mais pour vous, mes enfants, et pour tous ceux qui voudront vous suivre, une sévère épreuve est instaurée. Seule la foi vous permettra de franchir les portes du royaume, et il vous faudra produire les fruits de l'esprit de mon Père si vous souhaitez poursuivre l'ascension dans la vie progressive de la communauté divine. En vérité, en vérité, je vous le dis, ceux qui disent » Seigneur, Seigneur » n'entreront pas tous dans le royaume du ciel, mais plutôt ceux qui font la volonté de mon Père qui est aux cieux.
« Votre message au monde sera: Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa droiture, et quand vous les aurez trouvés, tous les autres éléments essentiels à la survie éternelle vous seront assurés en même temps. Maintenant je voudrais vous faire comprendre que ce royaume de mon Père ne viendra ni avec un étalage extérieur de pouvoir, ni avec des démonstrations malséantes. Il ne faut pas partir d'ici et proclamer le royaume en disant: « il est ici » ou «il est là », car le royaume que vous prêchez est Dieu en vous.
« Quiconque veut être grand dans le royaume de mon Père doit devenir un ministre pour tous; et si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il devienne le serviteur de ses frères. Quand vous serez véritablement reçus comme citoyens du royaume céleste, vous ne serez plus des serviteurs, mais des fils, des fils du Dieu vivant. C'est ainsi que ce royaume progressera dans le monde jusqu'à ce qu'il ait rompu toutes les barrières et amené tous les hommes à connaître mon Père et à croire à la vérité libératrice que je suis venu proclamer. Dès maintenant le royaume est à portée de la main, et plusieurs d'entre vous ne mourront pas sans avoir vu le règne de Dieu advenir en grande puissance.
« Ce que vos yeux aperçoivent maintenant, ce petit début de douze hommes quelconques, se multipliera et croîtra jusqu'à ce que finalement toute la terre soit remplie des louanges de mon Père. C'est moins par les paroles que vous prononcerez mais plutôt par la vie que vous vivrez que les hommes sauront que vous avez été avec moi et que vous avez appris les réalités du royaume. Je ne voudrais imposer à vos pensées aucun fardeau trop lourd, mais je vais charger vos âmes de la responsabilité solennelle de me représenter dans le monde quand je vous quitterai bientôt, de même que je représente mon Père dans ma présente vie incarnée ». Et lorsque Jésus eut fini de parler, il se leva.
2. - L'ORDINATION
Jésus commanda ensuite aux douze hommes, qui venaient d'écouter sa déclaration au sujet du royaume, de s'agenouiller en cercle autour de lui. Le Maître posa alors ses mains sur la tête de chaque apôtre en commençant par Judas Iscariot et en finissant par André. Après les avoir bénis, il étendit les mains et pria:
« Mon Père, je t'amène maintenant ces hommes, mes messagers. Parmi nos enfants sur terre, j'ai choisi ces douze pour aller me représenter comme je suis venu te représenter. Aime-les et accompagne-les comme tu m'as aimé et accompagné. Et maintenant, mon Père, donne-leur la sagesse, car je place toutes les affaires du royaume à venir entre leurs mains. Si telle est ta volonté, je voudrais rester quelque temps sur terre pour les aider dans leurs travaux pour le royaume. À nouveau, mon Père, je te remercie pour ces hommes et je les remets à ta garde, tandis que je vais achever l'oeuvre que tu m'as donnée a accomplir ».
Lorsque Jésus eut fini de prier, les apôtres restèrent chacun incliné à sa place. Il s'écoula plusieurs minutes avant que même Pierre osât lever les yeux pour regarder le Maître. Un à un ils embrassèrent Jésus, mais aucun d'eux ne dit rien. Un grand silence envahit la place, tandis qu'une foule d'êtres célestes contemplait d'en haut cette scène solennelle et sacrée -- le Créateur d'un univers plaçant les affaires de la confraternité divine des hommes sous la direction de penseurs humains.
3. -- LE SERMON D'ORDINATION
Jésus reprit alors la parole et dit: « Maintenant que vous êtes ambassadeurs du royaume de mon Père, vous êtes devenus une classe d'hommes séparés et distincts de tous les autres habitants de la terre. Vous n'existez plus en tant qu'hommes parmi les hommes, mais en tant que citoyens éclairés d'un autre pays céleste parmi les créatures ignorantes de ce monde enténébré. Il ne suffit plus que vous viviez comme avant cette heure; il vous faut désormais vivre comme ceux qui ont goûté les gloires d'une vie préférable et ont été renvoyés sur terre comme ambassadeurs du Souverain de ce monde nouveau et meilleur. On attend davantage du professeur que de l'élève; on exige plus du maître que du serviteur. On demande plus aux citoyens du royaume céleste qu'à ceux du règne terrestre. Certaines choses que je vais vous dire pourront vous sembler dures, mais vous avez choisi de me représenter dans le monde comme moi-même je représente actuellement le Père. Étant mes agents sur terre, vous serez obligés de vous conformer aux enseignements et aux pratiques qui reflètent mes idéaux de vie humaine sur les mondes de l'espace, et dont je donne l'exemple dans ma vie terrestre révélant le Père qui est aux cieux.
« Je vous envoie dans le monde pour annoncer la liberté aux captifs spirituels et la joie aux prisonniers de la crainte, et pour guérir les malades selon la volonté de mon Père céleste. Quand vous trouverez certains de mes enfants dans la détresse, parlez-leur d'une manière encourageante en disant:
« Heureux les pauvres en esprit, les humbles, car les trésors du royaume des cieux sont à eux.
« Heureux ceux qui ont faim et soif de droiture, car ils seront rassasiés.
« Heureux les débonnaires, car ils hériteront de la terre.
« Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu.
« Et dites encore à mes enfants ces paroles supplémentaires de consolation spirituelle et de promesse:
« Heureux les affligés, car ils seront consolés. Heureux ceux qui pleurent, car ils connaîtront l'esprit d'allégresse.
« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
« Heureux les pacificateurs, car on les appellera fils de Dieu.
« Heureux les persécutés à cause de leur droiture, car le royaume des cieux leur appartient. Soyez heureux quand les hommes vous insulteront et vous persécuteront et diront faussement toutes sortes de méchancetés contre vous. Réjouissez-vous et soyez dans un bonheur extrême, car votre récompense sera grande dans les cieux.
« Mes frères, tandis que je vous envoie au-dehors, vous êtes le sel de la terre, un sel ayant un goût de salut. Mais si ce sel a perdu sa saveur, avec quoi l'assaisonnera-t-on? Il n'est désormais plus bon à rien qu'à être jeté et foulé aux pieds par les hommes.
« Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Les hommes n'allument pas non lus une chandelle pour la mettre sous un boisseau, mais sur un chandelier; et elle donne de la lumière à tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille devant les hommes de telle sorte qu'ils puissent voir vos bonnes oeuvres et être amenés à glorifier votre Père qui est aux cieux.
« Je vous envoie dans le monde pour me représenter et agir comme ambassadeurs du royaume de mon Père. En allant proclamer la bonne nouvelle, mettez votre confiance dans le Père dont vous êtes les messagers. Ne résistez pas à l'injustice par la force; ne mettez pas votre confiance dans votre vigueur corporelle. Si votre prochain vous frappe sur la joue droite, tendez-lui aussi la gauche. Acceptez l'injustice plutôt que de recourir a la loi entre vous. Occupez-vous avec tendresse et miséricorde de tous ceux qui sont dans le malheur et le besoin.
« Je vous le dis: aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui se servent de vous avec dédain. Faites aux hommes tout ce que vous croyez que je leur aurais fait.
« Votre Père céleste fait briller le soleil sur les méchants aussi bien que sur les bons; de même il envoie la pluie sur les justes et les injustes. Vous êtes les fils de Dieu, et plus encore, vous êtes maintenant les ambassadeurs du royaume de mon Père. Soyez miséricordieux comme Dieu est miséricordieux, et dans l'éternel futur du royaume vous serez parfaits, de même que votre Père céleste est parfait.
« Vous êtes chargés de sauver les hommes et non de les juger. A la fin de votre vie terrestre, vous espérerez tous être traités avec miséricorde. Je vous demande donc, durant votre vie humaine, de témoigner de la miséricorde à tous vos frères incarnés. Ne commettez pas la faute d'essayer d'ôter une paille de l'oeil de votre frère alors qu'il y a une poutre dans le votre. Après avoir jeté la poutre de votre propre oeil, vous verrez d'autant plus clair pour ôter la paille de l'oeil de votre frère.
« Discernez clairement la vérité; vivez avec intrépidité la vie de droiture; c'est ainsi que vous serez mes apôtres et les ambassadeurs de mon Père. Vous avez entendu dire que si des aveugles conduisent des aveugles, ils tomberont tous dans la fosse. Si vous voulez guider d'autres hommes vers le royaume, il faut vous-mêmes marcher dans la claire lumière de la vérité vivante. Dans toutes les affaires du royaume, je vous exhorte à montrer un juste jugement et une sagesse pénétrante. N'offrez pas les choses saintes aux chiens et ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de crainte qu'ils ne piétinent vos joyaux et ne se retournent pour vous déchirer.
« Je vous mets en garde contre les faux prophètes qui viendront vers vous habillés en moutons, alors qu'à l'intérieur ils ressemblent à des loups dévorants. Vous les connaîtrez à leurs fruits. Les hommes cueillent-ils des raisins sur des ronces ou des figues sur des chardons? Tout bon arbre produit de bons fruits, mais l'arbre corrompu porte de mauvais fruits. Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits est bientôt abattu et jeté au feu. Pour entrer dans le royaume des cieux, c'est le mobile qui compte. Mon Père regarde dans le coeur des hommes et juge selon leurs désirs intérieurs et leurs intentions sincères.
« Au grand jour du jugement du royaume, beaucoup me diront: «N'avons-nous pas prophétisé en ton nom et accompli par ton nom bien des oeuvres merveilleuses? » Je serai obligé de leur dire: « Je ne vous ai jamais connus; éloignez-vous de moi, vous qui êtes de faux éducateurs ». Mais quiconque écoute le devoir et exécute sincèrement sa mission de me représenter devant les hommes comme j'ai représenté mon Père devant vous trouvera d'abondantes occasions d'entrer à mon service et dans le royaume du Père céleste ».
Jamais auparavant les apôtres n'avaient entendu Jésus s'exprimer de cette manière, car il venait de leur parler avec une autorité suprême. Ils descendirent de la montagne au coucher du soleil, mais aucun d'eux ne posa de question à Jésus.
4. -- VOUS ÊTES LE SEL DE LA TERRE
Ce que l'on appelle le « Sermon sur la Montagne » n'est pas l'évangile de Jésus. Ce sermon contient nombre d'instructions utiles, mais c'était celui de Jésus conférant l'ordination aux douze apôtres. C'était la délégation personnelle du Maître à ceux qui devaient aller prêcher l'évangile et qui aspiraient à représenter Jésus dans le monde des hommes, comme lui-même représentait son Père avec tant d'éloquence et de perfection.
« Vous êtes le sel de la terre, un sel ayant un goût de salut. Mais si ce sel a perdu sa saveur, avec quoi l'assaisonnera-t-on? Il n'est désormais plus bon à rien qu'à être jeté et foulé aux pieds par les hommes ».
Au temps de Jésus le sel était précieux. On l'utilisait même comme monnaie. Le mot moderne « salaire » dérive étymologiquement de sel. Non seulement le sel donne du goût à la nourriture, mais encore il la conserve. Il donne plus de saveur à d'autres aliments et il sert tout en étant dépensé.
« Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Les hommes n'allument pas non plus une chandelle pour la mettre sous un boisseau, mais sur un chandelier; alors elle donne de la lumière à tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille ainsi devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et soient amenés à glorifier votre Père qui est aux cieux ».
Bien que la lumière dissipe les ténèbres, elle peut aussi devenir « aveuglante » au point de troubler et de décevoir. Nous sommes exhortés à laisser notre lumière briller de telle sorte que nos semblables soient guidés dans de nouveaux sentiers divins de vie rehaussée. Notre lumière ne doit pas briller de manière à attirer l'attention sur nous. Vous pouvez aussi utiliser votre activité comme « réflecteur » efficace pour diffuser cette lumière de vie.
Les caractères forts ne se forment pas en ne faisant pas le mal, mais plutôt en faisant réellement le bien. Le désintéressement est l'insigne de la grandeur humaine. Les plus hauts niveaux d'épanouissement de soi sont atteints par l'adoration et le service. La personne heureuse et efficace est motivée par l'amour de bien faire et non par la peur de mal faire.
« Vous les connaîtrez à leurs fruits ». La personnalité est fondamentalement invariante. Ce qui change -- ce qui grandit -- c'est le caractère moral. L'erreur majeure des religions modernes est la négation. L'arbre qui ne porte pas de fruits est « abattu et jeté au feu ». La valeur morale ne peut provenir d'une simple répression -- de l'obéissance à l'injonction « Tu ne feras pas ». La peur et la honte sont des mobiles sans valeur pour la vie religieuse. La religion n'est valable que si elle révèle la paternité de Dieu et rehausse la fraternité des hommes.
Une personne se forme une philosophie efficace de la vie en conjuguant la clairvoyance cosmique avec ses propres réactions émotionnelles envers son entourage social et économique. Rappelez-vous ceci: les tendances héréditaires ne peuvent as être fondamentalement modifiées, mais les réponses à ces tendances peuvent être changées. Il est donc possible de modifier la nature morale, d'améliorer le caractère. Dans un caractère fort, les réactions émotives sont intégrées et coordonnées, ce qui produit une personnalité unifiée. Le manque d'unification affaiblit la nature morale et engendre l'insatisfaction.
À défaut de but méritoire, la vie devient sans intérêt et inutile, et il en résulte bien des chagrins. Le discours de Jésus à l'ordination des douze constitue une philosophie magistrale de la vie. Jésus exhorta ses disciples à exercer leur foi par l'expérience. Il les avertit qu'il ne fallait pas se borner à dépendre d'un assentiment intellectuel, de la crédulité, ou de l'autorité établie.
L'éducation devrait être une technique pour apprendre (découvrir) les meilleures méthodes de satisfaire nos impulsions naturelles et héréditaires. Le bonheur est la résultante finale de ces techniques améliorées pour satisfaire les sentiments. Le bonheur dépend peu de l'entourage, bien qu'une ambiance agréable puisse beaucoup y contribuer.
Tout mortel désire ardemment devenir un être complet, parfait comme le Père céleste est parfait, et cette réalisation est possible parce qu'en dernière analyse « l'univers est vraiment paternel ».
5. -- AMOUR PATERNEL ET AMOUR FRATERNEL
Depuis le Sermon sur la Montagne jusqu'au discours du Dernier Souper, Jésus apprit à ses disciples à manifester un amour paternel plutôt qu'un amour fraternel. Ce dernier consiste à aimer votre prochain comme vous-même, ce qui est une bonne application de la « règle d'or »; mais l'affection paternelle exige que vous aimiez vos compagnons mortels comme Jésus vous aime.
Jésus aime l'humanité d'une double affection. Il a vécu sur terre sous une double personnalité -- humaine et divine. En tant que Fils de Dieu, il aime les hommes d'un amour paternel -- il est leur Créateur, leur Père dans l'univers. En tant que Fils de l'Homme, Jésus aime les mortels comme un frère -- il était vraiment un homme parmi les hommes.
Jésus ne comptait pas sur ses disciples pour une manifestation impossible d'amour fraternel, mais il comptait qu'ils s'efforceraient de ressembler à Dieu -- d'être parfaits comme le Père Céleste est parfait. Ils pourraient ainsi commencer à regarder les hommes comme Dieu regarde ses créatures -- donc à commencer à les aimer comme Dieu les aime -- et à manifester les débuts d'une affection paternelle. Au cours de ces exhortations aux douze apôtres, Jésus chercha à révéler ce nouveau concept d'amour paternel en liaison avec certains comportements émotionnels liés à de nombreuses adaptations au milieu social.
Le Maître commença ce très important discours en attirant l'attention sur quatre attitudes de foi, comme prélude à la description subséquente des quatre réactions transcendantes et suprêmes d'amour paternel, en contraste avec les limitations du simple amour fraternel.
Il parla d'abord de ceux qui étaient pauvres en esprit, qui avaient soif de droiture, qui supportaient l'humilité, et qui avaient le coeur pur. On pouvait espérer que ces mortels discernant l'esprit atteindraient des niveaux suffisants d'altruisme pour être capables de tenter le prestigieux exercice de l'affection paternelle; que même dans le deuil ils auraient le pouvoir de témoigner de la miséricorde, de promouvoir la paix, de supporter des persécutions; au cours de toutes ces situations éprouvantes, on pouvait escompter qu'ils aimeraient d'un amour paternel une humanité même peu digne d'être aimée. L'affection d'un père peut atteindre des niveaux de dévouement qui transcendent immensément l'affection d'un frère.
La foi et l'amour ressortant de ces béatitudes renforcent le caractère moral et créent le bonheur. La peur et la colère affaiblissent le caractère et détruisent le bonheur. Cet important sermon débuta par des promesses de bonheur.
1. « Heureux les pauvres en esprit les humbles ». Pour un enfant, le bonheur est la satisfaction immédiate de son désir d'un plaisir. L'adulte est disposé à semer des graines de renoncement pour récolter des moissons ultérieures de bonheur accru. À l'époque de Jésus et depuis lors, le bonheur a été bien trop souvent associé à l'idée de posséder de la fortune. Dans l'histoire du pharisien et du publicain qui priaient dans le temple (1), l'un se sentait riche en esprit -- égocentrique, l'autre se sentait « pauvre en esprit » -- humble. L'un se suffisait à lui-même, l'autre était enseignable et cherchait la vérité. Les pauvres en esprit recherchent des buts de richesse spirituelle -- recherchent Dieu. Ces chercheurs de vérité n'ont pas besoin d'attendre leurs récompenses dans un lointain futur; ils sont récompensés dès maintenant. Ils trouvent le royaume de Dieu dans leur propre coeur et font aussitôt l'expérience du bonheur.
(1) Luc XVIII-10.
2. « Heureux ceux qui ont faim et soif de droiture, car ils seront rassasiés ». Seuls ceux qui se sentent pauvres en esprit auront soif de droiture. Seuls les humbles recherchent la force divine et désirent ardemment le pouvoir spirituel. Il est fort dangereux de pratiquer sciemment le jeûne spirituel en vue d'accroître votre faim de dons spirituels. Le jeûne physique devient dangereux après quatre ou cinq jours, car on risque de perdre tout désir de nourriture. Le jeûne prolongée, soit physique soit spirituel, tend à détruire la faim.
L'expérience de la droiture est un plaisir, et non un devoir. La droiture de Jésus est un amour dynamique -- une affection paternelle-fraternelle. Ce n'est pas une droiture négative du type « tu ne feras pas ». Comment pourrait-on avoir soif de quelque chose de négatif -- de quelque chose à ne pas faire?
Il n'est pas facile d'enseigner ces deux premières béatitudes à une mentalité d'enfant, mais une pensée mûre devrait en saisir la signification.
3. « Heureux les débonnaires, car ils hériteront de la terre ». La mansuétude authentique n'a aucun rapport avec la peur. Elle est plutôt un comportement de l'homme coopérant avec Dieu -- « Que ta volonté soif faite ». Elle englobe la patience et la longanimité, et elle est motivée par une foi inébranlable en un univers amical obéissant à des lois. Elle domine toute tentation de se rebeller contre la gouverne divine. Jésus était le débonnaire idéal d'Urantia, et il hérita d'un vaste univers.
4. « Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu ».. La pureté spirituelle n'est pas une qualité négative, sauf par défaut d'esprit de suspicion et de revanche. En analysant la pureté, Jésus n'avait pas l'intention de parler exclusivement du comportement sexuel des hommes. Il se référait davantage à la foi que les hommes devraient avoir en leurs semblables, la foi que les parents ont en leurs enfants et qui leur permet d'aimer leurs semblables comme un père les aimerait. Un amour de père n'a pas besoin de cajoleries et ne cherche pas excuses au mal, mais il est toujours opposé au cynisme. L'amour paternel a un but unique et recherche toujours ce qu'il y a de meilleur dans l'homme; c'est le comportement des véritables parents.
Voir Dieu -- par la foi -- signifie acquérir la vraie clairvoyance spirituelle. La clairvoyance spirituelle met en valeur la gouverne de l'Ajusteur, et les deux réunies vous rendent plus conscient de Dieu. Quand vous connaissez le Père, vous êtes confirmé dans l'assurance de votre filiation divine; vous pouvez alors aimer de plus en plus vos frères incarnés, non seulement comme un frère -- d'un amour fraternel -- mais aussi comme un père -- d'une affection paternelle.
Il est facile d'enseigner cette exhortation à un enfant. Les enfants sont naturellement confiants, et les parents devraient veiller à ce qu'ils ne perdent pas cette simple foi. Dans les rapports avec les enfants, évitez toute tromperie et abstenez-vous de suggérer la suspicion. Aidez-les sagement à choisir leurs héros et à sélectionner le travail de leur vie.
Jésus continua ensuite à instruire ses disciples sur le principal but de toutes les luttes humaines -- la perfection -- c'est-à-dire l'aboutissement divin. Il leur disait toujours: « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Il n'exhortait pas les douze à aimer leur prochain comme ils s'aimaient eux-mêmes. Cela eût été un accomplissement méritoire qui aurait dénoté la réalisation de l'amour fraternel. Jésus recommandait plutôt à ses apôtres d'aimer les hommes comme lui-même les aimait -- d'une affection paternelle aussi bien que fraternelle. Il illustra sa thèse en citant quatre réactions suprêmes d'amour paternel:
1. « Heureux les affligés, car ils seront consolés ». Ce que l'on appelle le bon sens ou la meilleure logique ne suggérerait jamais que le bonheur puisse dériver de l'affliction. Jésus ne se référait pas aux signes extérieurs ou ostentatoires d'affliction. Il faisait allusion à un comportement émotif de tendresse de coeur. C'est une grande erreur que d'enseigner aux garçons et aux jeunes hommes qu'il n'est pas viril de montrer de la tendresse ou de laisser voir que l'on éprouve des émotions ou des souffrances physiques. La compassion est un attribut méritoire aussi bien masculin que féminin. Il n'est pas nécessaire d'être insensible pour être viril; c'est même la mauvaise manière de créer des hommes courageux. Les grands hommes n'ont pas peur de s'attrister. Moïse, l'affligé, était un plus grand homme que Samson ou Goliath. Moïse était un chef magnifique, mais il était aussi plein de mansuétude. Le fait d'être attentif et sensible aux besoins humains crée un bonheur authentique et durable; en même temps ce comportement bienveillant protège l'âme des influences destructives de la colère, de la haine, et de la suspicion.
2. « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ». La miséricorde dénote ici la hauteur, la profondeur, et la largeur de l'amitié la plus sincère -- la bonté affectueuse. La miséricorde est parfois passive, mais ici elle est active et dynamique -- la suprême qualité d'un père. Des parents aimants éprouvent peu de difficulté à absoudre leurs enfants, même à maintes reprises. Chez un enfant non gâté, le besoin de soulager la souffrance est naturel. Les enfants sont naturellement bons et compatissants quand ils sont assez âgés pour apprécier les situations réelles.
3. « Heureux les pacificateurs, car ils seront appelés fils de Dieu ». Les auditeurs de Jésus souhaitaient ardemment un libérateur militaire, et non des pacificateurs. Mais la paix de Jésus n'est pas un pacifisme négatif. Confronté avec les épreuves et les persécutions, il disait: « Je vous laisse ma paix ». « Que votre coeur ne se trouble pas, et n'ayez point de crainte ». Voilà la paix qui empêche les conflits ruineux. La paix personnelle intègre la personnalité. La paix sociale empêche la peur, la convoitise, et la colère. La paix politique empêche les antagonismes de race, les suspicions nationale, et la guerre. La pacification est la cure de la méfiance et de la suspicion.
Il est facile d'apprendre aux enfants à agir comme pacificateurs. Ils aiment les activités d'équipe, ils ont plaisir à jouer ensemble. À un autre moment, le Maître a dit: « Quiconque cherche à sauver sa vie la perdra, mais quiconque accepte de perdre sa vie la trouvera » (1).
(1) Matthieu XVI-25; Marc VIII-35; Jean XII-25.
4. « Heureux ceux qui sont persécutés à cause de leur droiture, car le royaume des cieux leur appartient. Soyez heureux quand les hommes vous insulteront et vous persécuteront, et diront faussement toutes sortes de méchancetés contre vous. Réjouissez-vous et ressentez un bonheur extrême, car votre récompense est grande dans les cieux ».
Bien souvent, la persécution suit la paix. Mais les jeunes gens et les adultes courageux ne fuient jamais les difficultés et les dangers. « Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (2). Un amour éternel peut facilement faire toutes ces choses -- qui ne font guère partie de l'amour fraternel. Le progrès a toujours été le résultat final de la persécution.
(2) Jean XV-13.
Les enfants répondent toujours au défi du courage. La jeunesse est toujours prête à prendre des risques excessifs. Et chaque enfant devrait apprendre de bonne heure la valeur du sacrifice.
Il est donc révélé que les béatitudes du Sermon sur la Montagne sont fondées sur la foi et l'amour, et non sur la loi (la morale et le devoir).
L'amour paternel se complaît à rendre le bien pour le mal -- à faire du bien en réponse à l'injustice.
6. -- LE SOIR DE L'ORDINATION
Le dimanche soir, en arrivant des montagnes du nord de Capharnaüm chez Zébédée, Jésus et les douze prirent un repas frugal. Ensuite, tandis que Jésus allait se promener le long du rivage, les douze parlèrent entre eux. Après une brève conférence, et tandis que les jumeaux allumaient un petit feu pour les réchauffer et les éclairer , André sortit à la recherche de Jésus. Après l'avoir trouvé, il dit: « Maître, mes frères sont incapables de comprendre ce que tu as dit sur le royaume. Nous ne nous sentons pas en mesure d'entreprendre le travail avant que tu nous aies donné plus d'explications. Je suis venu te demander de nous rejoindre dans le jardin et de nous aider à comprendre le sens de tes paroles ». Et Jésus accompagna André vers les apôtres.
Lorsqu'il fut entré dans le jardin, il les rassembla autour de lui et poursuivit leur instruction en disant: « Vous trouvez difficile de recevoir mon message parce que vous voudriez bâtir le nouvel enseignement directement sur l'ancien, mais je déclare qu'il vous faut renaître. Il vous faut repartir de zéro comme de petits enfants, être disposés à faire confiance à mon enseignement, et croire en Dieu. Le nouvel évangile du royaume ne peut être rendu conforme à ce qui existe. Vous avez des idées fausses sur le Fils de Dieu et sa mission sur terre. Ne commettez pas l'erreur de croire que je sois venu pour rejeter la loi et les prophètes. Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir, élargir, et illuminer. Je ne suis pas venu pour transgresser la loi, mais plutôt pour écrire les nouveaux commandements sur les tablettes de votre coeur.
« J'exige de vous une droiture qui surpassera la droiture de ceux qui cherchent à obtenir la faveur du Père en donnant des aumônes, en priant, et en jeûnant. Si vous voulez entrer dans le royaume, il faut avoir une droiture qui consiste en amour, en miséricorde, et en vérité -- le désir sincère de faire la volonté de mon Père qui est aux cieux ».
Alors Simon Pierre dit: « Maître, si tu as un nouveau commandement, nous voudrions l'entendre. Révèle-nous la nouvelle voie ». Jésus répondit à Pierre: « Vous avez entendu dire par ceux qui enseignent la loi: « Tu ne tueras point, et quiconque tuera sera traduit en jugement. Mais je regarde au delà de l'acte pour découvrir le mobile. Je vous déclare que quiconque se met en colère contre son frère est en danger d'être condamné. Celui qui nourrit de la haine dans son coeur et des plans de vengeance dans sa pensée est en danger d'être jugé. Vous êtes obligés de juger vos compagnons à leurs actes; le Père céleste juge d'après les intentions.
« Vous avez entendu les maîtres de la loi dire: « Tu ne commettras pas d'adultère. « Moi je vous dis que quiconque regarde une femme avec concupiscence a déjà commis dans son coeur un adultère avec elle. Vous ne pouvez juger les hommes qu'à leurs actes, mais mon Père regarde dans le coeur de ses enfants et les juge en miséricorde selon leurs intentions et leurs désirs réels ».
Jésus était disposé à analyser les autres commandements lorsque Jean Zébédée l'interrompit en demandant: « Maître, qu'allons-nous enseigner au peuple sur le divorce? Permettrons-nous la un homme de répudier sa femme comme Moïse l'a ordonné? » En réponse à cette question, Jésus dit: « Je ne suis pas venu pour légiférer, mais pour éclairer. Je ne suis pas venu pour réformer les royaumes de ce monde, mais plutôt pour établir le royaume des cieux. Ce n'est pas la volonté du Père que je cède à la tentation de vous enseigner les règles du gouvernement, du commerce, ou de la conduite sociale; elles pourraient être bonnes pour aujourd'hui, mais loin de convenir à la société d'une autre époque. Je suis sur terre uniquement pour encourager la pensée, libérer l'esprit, et sauver l'âme des hommes. Je vous dirai cependant au sujet de cette question du divorce que, si Moïse regardait avec faveur ces procédés, il n'en était pas ainsi au temps d'Adam et dans le Jardin d'Éden ».
Après que les apôtres eurent échangé leurs vues entre eux durant un bref moment, Jésus poursuivit: « Il vous faut toujours reconnaître les deux points de vue de toute conduite des mortels -- l'humain et le divin, les voies de la chair et la voie de l'esprit, l'estimation du temps et le point de vue de l'éternité ». Bien que les douze n'aient pu comprendre tout ce que le Maître leur enseignait, ils furent vraiment aidés par cette instruction.
Ensuite Jésus dit: « Vous trébucherez sur mon enseignement parce que vous avez coutume d'interpréter mon message à la lettre; vous êtes lents à discerner l'esprit de mon enseignement. Il faut aussi vous rappeler que vous êtes mes messagers. Vous êtes obligés de vivre votre vie comme j'ai vécu la mienne en esprit. Vous êtes mes représentants personnels, mais ne vous trompez pas en espérant que les hommes vivront en tous points comme vous. N'oubliez jamais que j'ai des brebis qui ne font pas partie de ce troupeau, et que je suis également tenu de leur servir de modèle pour la manière de faire la volonté de Dieu pendant la vie terrestre ».
Alors Nathanael demanda: « Maître, ne donnerons-nous aucune place à la justice? La loi de Moïse dit: oeil pour oeil et dent pour dent. Que dirons-nous? » Jésus répondit: « Vous rendrez le bien pour le mal. Mes messagers ne doivent pas lutter avec les hommes, mais être doux envers tous. Votre règle ne sera pas mesure pour mesure. Les chefs des hommes peuvent avoir de telles lois, mais il n'en est pas ainsi dans le royaume; la miséricorde déterminera toujours votre jugement, et l'amour votre conduite. Si mes préceptes vous paraissent trop sévères, vous pouvez encore rebrousser chemin. Si vous trouvez que les exigences de l'apostolat sont trop dures, vous pouvez reprendre le sentier moins rigoureux des disciples ».
Ayant entendu ces paroles saisissantes, les apôtres se réunirent entre eux durant un moment, mais ne tardèrent pas à revenir, et Pierre dit: «Maître, nous voulons continuer avec toi; aucun de nous ne voudrait revenir en arrière. Nous sommes tout prêts à payer le prix supplémentaire; nous boirons la coupe. Nous voulons être des apôtres et pas seulement des disciples ».
Ayant entendu cette réponse, Jésus dit: « Alors soyez décidés à prendre vos responsabilités et à me suivre. Accomplissez vos bonnes actions en secret; quand vous donnerez une aumône, que la main gauche ne sache pas ce qu'a fait la main droite. Quand vous prierez, allez seuls à l'écart et n'employez ni vaines répétitions ni phrases dépourvues de sens. Rappelez-vous toujours que le Père sait ce dont vous avez besoin avant même que vous le lui demandiez. Ne vous adonnez pas au jeûne avec une triste figure à montrer aux hommes. En tant qu'apôtres choisis et mis à part pour le service du royaume, n'amassez pas de trésors sur terre, par votre service désintéressé accumulez des trésors au ciel, car là où sont vos trésors, là sera aussi votre coeur.
« La lampe du corps est l'oeil; si donc votre oeil est généreux, tout votre corps sera rempli de lumière, mais si votre oeil est égoïste, tout votre corps sera plein de ténèbres. Si la lumière même qui est en vous est changée en ténèbres, combien profondes seront ces ténèbres! »
Alors Thomas demanda à Jésus si les apôtres devaient « continuer d'avoir tout en commun ». Le Maître répondit: « Oui mes frères, je voudrais que nous vivions ensemble comme une famille qui se comprend. Une grande oeuvre vous est confiée, et je désire ardemment votre service indivis. Vous savez qu'il a été dit à juste titre que nul ne peut servir deux maîtres à la fois. Vous ne pouvez sincèrement adorer Dieu et en même temps servir mammon de tout votre coeur. Maintenant que vous vous êtes engagés sans réserve au service du royaume, ne craignez pas pour votre vie, et souciez-vous encore bien moins de ce que vous mangerez et boirez, ou des vêtements que vous porterez. Déjà vous avez appris qu'avec de bons bras et un coeur fidèle on ne souffre pas de la faim. Maintenant que vous vous préparez à consacrer toutes vos énergies au travail du royaume, soyez assurés que le Père ne sera pas oublieux de vos besoins. Cherchez d'abord le royaume de Dieu, et quand vous en aurez trouvé l'entrée, toutes les choses utiles vous seront données par surcroît. Donc, ne vous souciez pas indûment du lendemain. À chaque jour suffit sa peine ».
Voyant qu'ils étaient disposés à veiller toute la nuit pour poser des questions, Jésus leur dit: « Mes frères, vous êtes soumis aux lois terrestres; il vaut mieux que vous alliez vous reposer afin d'être dispos pour le travail de demain ». Mais le sommeil avait fui leurs paupières. Pierre s'aventura à demander à son Maître « juste un petit entretien privé avec toi. Non que j'aie des secrets pour mes frères, mais je suis troublé, et si par hasard je dois recevoir une réprimande de mon Maître, je la supporterai mieux en tête-à-tête ». Jésus dit: « Viens avec moi, Pierre », et il le précéda dans la maison. Lorsque Pierre revint de l'entretien avec son Maître tout réconforté et très encouragé, Jacques décida à son tour d'aller parler à Jésus. Et ainsi de suite, jusqu'aux premières heures du matin, les autres apôtres allèrent un à un s'entretenir avec le Maître. Quand ils eurent tous conversé personnellement avec lui, sauf les jumeaux, qui s'étaient endormis, André retourna vers Jésus et dit: « Maître, les jumeaux se sont endormis près du feu dans le jardin. Dois-je les réveiller pour leur demander s'ils veulent aussi te parler? » Jésus répondit en souriant à André: « Ils font bien -- ne les dérange pas ». La nuit avait passé et l'aurore d'un nouveau jour apparaissait.
7. -- LA SEMAINE APRÈS L'ORDINATION
Après quelques heures de sommeil, les douze se réunirent pour une collation matinale, et Jésus leur dit: « Il faut maintenant que vous commenciez à prêcher la bonne nouvelle et à instruire les croyants. Préparez-vous à aller à Jérusalem ». Après que Jésus eut parlé, Thomas rassembla son courage pour dire: « Je sais, Maître, que nous devrions être prêts à entreprendre le travail, mais je crains que nous ne soyons pas encore capables d'accomplir cette grande oeuvre. Voudrais-tu consentir à ce que nous restions quelques jours de plus dans les parages avant d'aborder les tâches du royaume? » Voyant que tous ses apôtres étaient saisis de la même crainte, Jésus leur dit: « Il sera fait comme vous l'avez demandé; nous resterons ici jusqu'au lendemain du sabbat ».
Pendant des semaines et des semaines, de petits groupes de fervents chercheurs de la vérité, ainsi que des spectateurs curieux, étaient venus à Bethsaïde pour voir Jésus. Déjà sa réputation s'était répandue dans le pays; des groupes d'enquêteurs étaient venus de villes aussi éloignées que Tyr, Sidon, Damas, Césarée, et Jérusalem. Jusque-là, Jésus avait accueilli ces visiteurs et les avait instruits au sujet du royaume, mais le Maître confia désormais ce travail aux douze. André choisissait l'un des apôtres et l'affectait à un groupe de visiteurs; les douze étaient parfois tous engagés à la fois.
Durant deux jours ils travaillèrent, enseignant dans la journée et tenant des conférences privées tard dans la soirée. Le troisième jour, Jésus alla rendre visite à Zébédée et à Salomé, tandis qu'il disait à ses apôtres: «Allez à la pêche, cherchez à vous distraire sans souci, ou peut-être allez voir vos familles ». Le jeudi, ils revinrent pour trois journées d'enseignement complémentaire.
Durant cette semaine de préparation, Jésus répéta maintes fois à ses apôtres les deux grands mobiles de sa mission sur terre après son baptême:
| 1. Révéler le Père aux hommes. |
| 2. Amener les hommes à être conscients de leur filiation -- à comprendre clairement par la foi qu'ils sont les enfants du Très Haut. |
Une semaine de ces expériences variées fit faire beaucoup de progrès aux douze; certains acquirent même trop de confiance en eux-mêmes. À la dernière conférence, durant la soirée consécutive au sabbat, Pierre et Jacques s'approchèrent de Jésus en lui disant: « Nous sommes prêts; allons maintenant nous emparer du royaume ». À quoi Jésus répondit: « Puisse votre sagesse égaler votre zèle, et votre courage compenser votre ignorance ».
Bien que les apôtres ne comprissent pas grand'chose à l'enseignement du Maître, ils saisissaient parfaitement la signification de la vie de charme et de beauté qu'il vivait avec eux.
8. -- LE JEUDI APRÈS-MIDI, SUR LE LAC
Jésus savait bien que ses apôtres n'assimilaient pas entièrement ses enseignements. Il décida d'instruire Pierre, Jacques, et Jean sur certains points spéciaux, espérant qu'ils seraient ensuite capables de clarifier les idées de leurs compagnons. Les douze comprenaient certaines caractéristiques de l'idée d'un royaume spirituel, mais persistaient obstinément à rattacher directement ces nouveaux enseignements spirituels à leurs vieilles conceptions littérales et enracinées du royaume céleste en tant que restauration du trône de David et rétablissement d'Israël comme puissance temporelle sur terre. En conséquence, Jésus s'éloigna du rivage ce jeudi après-midi en emmenant Pierre, Jacques, et Jean sur un bateau pour leur parler des affaires du royaume. Ce fut une conférence éducative de quatre heures, embrassant des dizaines de questions et de réponses. La manière la plus profitable de l'insérer dans ces exposés est de remettre en ordre le résumé de cet important après-midi tel que Simon Pierre le raconta le lendemain matin à son frère André.
1. Faire la volonté du Père. L'enseignement de Jésus de se confier aux soins supérieurs du Père céleste n'était pas un fatalisme aveugle et passif. Jésus cita ce jour-là, en l'approuvant, un vieux dicton hébreu disant: « Celui qui ne veut pas travailler ne mangera pas ». Il fit remarquer que sa propre expérience était un commentaire suffisant de ses enseignements. Ses préceptes sur la confiance à témoigner au Père ne doivent pas être jugés d'après les conditions sociales ou économique des temps modernes ni de toute autre époque. Cet enseignement embrasse les principes idéaux d'une vie proche du Père dans tous les âges et sur tous les mondes.
Jésus expliqua aux trois la différence entre les exigences de l'apostolat et celles de la simple discipline. Même alors, il n'interdit pas aux douze l'exercice de la prudence et de la provision. Il ne prêchait pas contre la prévoyance, mais contre l'anxiété et les soucis. Il enseignait la soumission alerte et active à la volonté de Dieu. En réponse aux nombreuses questions des trois apôtres sur la frugalité et l'épargne, il attira simplement leur attention sur sa vie de charpentier, de constructeur de bateaux, et de pêcheur, et sur sa minutieuse organisation des douze. Il chercha à leur expliquer que le monde ne doit pas être considéré comme un ennemi, et que les circonstances de la vie constituent une loi divine opérant auprès des enfants des hommes.
Jésus éprouva de grandes difficultés à leur faire comprendre sa pratique personnelle de non-résistance. Il refusait absolument de se défendre, et il semblait aux apôtres que Jésus les verrait avec plaisir suivre la même politique. Or il leur apprenait à ne pas résister au mal, à ne pas combattre les injustices et les préjudices, mais non à tolérer passivement la malfaisance. Il rendit clair, cet après-midi-là, qu'il approuvait le châtiment social des malfaiteurs et des criminels, et que le gouvernement civil devait parfois employer la force pour maintenir l'ordre social et exécuter les décisions de la justice.
Il ne cessa jamais de mettre ses disciples en garde contre la fâcheuse pratique des représailles; il ne tolérait pas l'idée de revanche, de rendre la pareille. Il déplorait que l'on gardât rancune. Il rejetait l'idée d'oeil pour oeil, dent pour dent. Il désapprouvait tout le concept de revanche privée et personnelle; il laissait ces questions au gouvernement civil d'une part, et au jugement de Dieu d'autre part. Il expliqua aux trois apôtres que ses enseignements s'appliquaient aux individus et non à l'État. Il résuma les instructions qu'il avait données jusque là sur des questions telles que:
Aimez vos ennemis -- rappelez-vous les revendications morales de la fraternité humaine.
La futilité du mal: un tort ne se redresse pas par une vengeance. Ne commettez pas la faute de combattre le mal avec ses propres armes.
Ayez la foi -- ayez confiance dans le triomphe final de la justice divine et de la bonté éternelle.
2. Comportement politique. Jésus recommanda à ses apôtres d'être prudents dans leurs remarques concernant les relations, alors tendues, entre le peuple juif et le gouvernement romain; il leur défendit de se laisser impliquer en aucune manière dans ces difficultés. Il prenait toujours soin d'éviter les pièges politiques de ses ennemis, allant jusqu'à répliquer: « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (1). Il refusait de laisser détourner son attention de sa mission qui était d'établir un nouveau mode de salut; il ne se permettait pas de se consacrer à autre chose. Dans sa vie personnelle, il observait toujours dûment toutes les lois et règles civiles; dans ses enseignements publics, il se désintéressait des questions civiques, économiques, et sociales. Il exposa aux trois apôtres qu'il s'intéressait uniquement aux principes de la vie spirituelle intérieure et personnelle des hommes.
(1) Matthieu XXII-21; Marc XII-17; Luc XX-25.
Jésus n'était donc pas un réformateur politique. Il ne venait pas pour réorganiser le monde; même s'il l'avait fait, cela n'eût été applicable qu'à cette époque et à cette génération. Néanmoins, il montra aux hommes la meilleure manière de vivre, et nulle génération n'est dispensée de la tâche de découvrir la meilleure façon d'adapter l'exemple de la vie de Jésus à ses propres problèmes. Mais ne commettez jamais l'erreur d'identifier les enseignements de Jésus à une théorie politique ou économique, ni à un système social ou industriel quelconque.
3. Comportement social. Les rabbins juifs avaient longtemps débattu la question: Qui est mon prochain? Jésus vint en présentant l'idée d'une bonté active et spontanée, un amour si sincère du prochain qu'il amplifiait la notion de voisinage jusqu'à y inclure le monde entier, ce qui fait de chaque homme votre prochain. Ceci dit, Jésus s'intéressait uniquement aux individus, et non à la masse. Il n'était pas un sociologue, mais il travailla à briser toutes les formes d'isolement égoïste. Il enseignait la pure sympathie, la compassion. Micaël de Nébadon est un Fils dominé par la miséricorde. La compassion est l'essence de sa nature.
Le Maître n'a pas dit que les hommes ne devaient jamais convier leurs amis à des repas, mais il a dit que ses disciples devraient faire des festins pour les pauvres et les malheureux. Jésus avait un solide sens de la justice, mais toujours tempéré de miséricorde. Il n'enseigna as a ses a apôtres qu'ils devaient se laisser abuser par des parasites sociaux ou des mendiants professionnels. Le moment où il fut le plus près de faire des proclamations sociologiques fut celui où il dit: « Ne jugez pas, pour n'être pas jugés » (2).
Il expliqua clairement que la sentimentalité aveugle pouvait être considérée comme responsable de nombreux maux de la société. Le lendemain, Jésus interdit franchement à Judas de prélever aucune aumône sur les fonds apostoliques, sauf à sa requête ou à la demande conjointe de deux apôtres. En toutes ces matières, Jésus avait coutume de dire: « Soyez sagaces comme des serpents, mais aussi inoffensifs que des colombes » (3). Il semblait que dans toutes les situations sociales il avait pour dessein d'enseigner la patience, la tolérance, et le pardon.
| (2) Matthieu VII-1; Luc VI-37. |
| (3) Cf. Matthieu X-16. |
La philosophie de Jésus -- sur terre et dans l'au-delà -- était centrée sur la famille. Il fonda sur la famille ses enseignements au sujet de Dieu, tout en cherchant à corriger la tendance des Juifs à rendre des honneurs excessifs à leurs ancêtres. Il loua la vie de famille comme le plus haut devoir humain, mais fit comprendre que les relations de famille ne doivent pas interférer avec les obligations religieuses. Il attira l'attention sur le fait que la famille est une institution temporelle et ne survit pas à la mort. Jésus n'hésita pas à abandonner sa famille lorsqu'elle alla à l'encontre de la volonté du Père. Il enseigna la nouvelle et plus large confraternité des hommes -- des fils de Dieu. À l'époque de Jésus, on divorçait trop facilement en Palestine et dans tout l'empire romain. Jésus refusa à maintes reprises de formuler ses lois sur le mariage et le divorce, mais nombre des premiers partisans de Jésus avaient des opinions très arrêtées sur le divorce et n'hésitaient pas à les lui attribuer. Tous les écrivains du Nouveau Testament, sauf Jean Marc, partageaient ces opinions plus strictes et évoluées sur le divorce.
4. Comportement économique. Jésus travailla, vécut, et commerça dans le monde tel qu'il le trouva. Il n'était pas un réformateur économique, bien qu'il ait fréquemment attiré l'attention sui l'injustice de la distribution inégale des richesses, mais il n'offrit aucune solution comme remède. Il expliqua à Pierre, Jacques, et Jean que ses apôtres ne devaient pas détenir de biens; il ne prêchait pas contre la fortune et la propriété, mais seulement contre leur distribution inégale et inéquitable. Il reconnaissait le besoin de justice sociale et d'équité industrielle, mais ne proposa aucune règle pour y parvenir.
Il n'enseigna jamais à ses disciples le renoncement aux possessions terrestres, mais seulement à ses douze apôtres. Luc, le médecin, croyait fermement à l'égalité sociale et contribua beaucoup à interpréter les dires de Jésus conformément à ses croyances personnelles. Jésus n'ordonna jamais à ses partisans d'adopter un mode de vie communautaire; il ne fit aucune proclamation d'aucune sorte concernant ces questions.
Jésus mit fréquemment ses auditeurs en garde contre la cupidité en déclarant que « le bonheur d'un homme ne consiste pas dans l'abondance de ses possessions matérielles ». Il réitérait constamment sa formule: « À quoi sert-il à un homme de gagner le monde entier et de perdre sa propre âme » (4). Il ne lança pas d'attaques directes contre la possession des biens, mais il insista sur le fait qu'il est éternellement essentiel de donner priorité aux valeurs spirituelles. Dans ses enseignements ultérieurs, il chercha à corriger beaucoup de points de vue urantiens erronés sur la vie, en racontant de nombreuses paraboles qu'il présenta au cours de son ministère public. Jésus n'eut jamais l'intention de formuler des théories économiques; il savait bien que chaque époque doit élaborer ses propres remèdes aux difficultés existantes. Si Jésus était sur terre aujourd'hui, vivant sa vie incarnée, il décevrait grandement la majorité des hommes et des femmes de bien, pour la simple raison qu'il refuserait de prendre parti dans les disputes politiques, sociales, et économiques du jour. Il resterait majestueusement sur la réserve, tout en vous enseignant à perfectionner votre vie intérieure de manière à vous rendre infiniment plus compétents pour attaquer la solution de vos problèmes purement humains.
(4) Matthieu XVI-26.
Jésus voulait rendre tous les hommes semblables à Dieu, et ensuite veiller avec sympathie pendant que ces fils de Dieu résoudraient leurs propres problèmes politiques, sociaux, et économiques. Ce n'était pas la fortune qu'il condamnait, mais le mal que fait la fortune à la majorité de ses thuriféraires. Ce jeudi après-midi, Jésus dit pour la première fois à ses disciples « qu'il y a plus de bénédiction à donner qu'à recevoir ».
5. Religion personnelle. Pour vous comme pour les apôtres, la meilleure manière de comprendre les enseignements de Jésus est d'observer sa vie. Il vécut une vie parfaite sur Urantia, et l'on peut comprendre ses enseignements extraordinaires qu'en imaginant sa vie dans son arrière-plan immédiat. C'est sa vie, et non ses leçons aux douze ou ses sermons aux foules, qui aidera le plus à révéler le caractère divin et la personnalité aimante du Père.
Jésus n'attaqua pas les enseignements des prophètes hébreux ou des moralistes grecs. Il reconnaissait les nombreux éléments valables que ces grands éducateurs représentaient, mais il était descendu sur terre pour enseigner quelque chose de supplémentaire « la conformité volontaire de la volonté de l'homme à celle de Dieu ». Jésus ne cherchait pas simplement à créer des hommes religieux, des mortels entièrement occupés de sentiments religieux et uniquement mus par des impulsions spirituelles. Si vous aviez pu jeter seulement un regard sur lui, vous auriez su qu'il était véritablement un homme de grand expérience dans les choses de ce monde. Les enseignements de Jésus sous ce rapport ont été grossièrement dénaturés et très souvent faussement présentés tout au long des siècles de l'ère chrétienne. Vous vous êtes aussi attachés à des idées déformées sur la mansuétude et l'humilité du Maître. Le but qu'il recherchait dans sa vie paraît avoir été un magnifique respect de soi. Il recommandait aux hommes de s'humilier uniquement pour leur permettre d'être vraiment grands; le but qu'il visait réellement était une sincère humilité envers Dieu. Il attribuait une grande valeur à la sincérité -- au coeur pur. La fidélité était une vertu cardinale dans son évaluation d'un caractère et le courage était l'essence même de ses enseignements. « N'ayez aucune crainte » était son mot de passe, et la patiente endurance était son idéal de la force de caractère. Les enseignements de Jésus constituent une religion de vaillance, de courage, et d'héroïsme. C'est précisément pourquoi il choisit comme représentants personnels douze hommes du commun, qui étaient en majorité de rudes pêcheurs virils et énergiques.
Jésus parla peu des vices sociaux de son époque; il fit rarement allusion à la culpabilité morale. Il fut un instructeur positif de la vraie vertu. Il évita soigneusement la méthode négative de donner des instructions; il refusa toute publicité pour le mal. Il n'était même pas un réformateur moral. Il savait bien et enseignait à ses apôtres que les besoins sensuels de l'humanité ne sont supprimés ni par des reproches religieux ni par des prohibitions légales. Ses rares condamnations étaient surtout dirigées contre l'orgueil, la cruauté, l'oppression, et l'hypocrisie.
Jésus ne critiqua même pas les pharisiens avec véhémence comme l'avait fait Jean le Baptiste. Il savait que bien des scribes et des pharisiens avaient un coeur honnête; il comprenait l'emprise qui les rendaient esclaves des traditions religieuses. Jésus insistait beaucoup sur la nécessité de « commencer par assainir l'arbre ». Il fit bien comprendre au trio qu'il attachait de la valeur à la vie entière, et pas seulement à quelques rares vertus.
La seule leçon que Jean Zébédée tira de l'enseignement de cette journée fut que le fond de la religion de Jésus consistait à acquérir un caractère compatissant doublé d'une personnalité mue par le désir de faire la volonté du Père céleste.
Pierre saisit l'idée que l'évangile sur le point d'être proclamé était réellement une nouvelle base de départ pour l'ensemble de l'humanité. Il transmit plus tard cette impression à Paul qui s'en servit pour formuler sa doctrine du Christ sous l'aspect du « second Adam ».
Quant à Jacques, il comprit la passionnante vérité que Jésus voulait voir vivre ses enfants sur terre comme s'ils étaient déjà des citoyens du royaume céleste parachevé.
Jésus savait que tous les hommes étaient différents, et il l'enseigna à ses apôtres. Il les exhortait constamment à s'abstenir de toute tentative pour former les disciples et les croyants selon un modèle préétabli. Il cherchait à permettre à chaque âme de se développer dans sa propre voie, à titre individuel, en se perfectionnant au regard de Dieu. En réponse à l'une des nombreuses questions de Pierre, le Maître dit: « Je voudrais libérer les hommes de manière qu'ils puissent repartir comme de petits enfants dans une vie nouvelle et meilleure ». Jésus répétait toujours que la vraie bonté doit être inconsciente, qu'en faisant la charité on ne doit pas permettre à la main gauche de savoir ce que fait la droite.
Cet après-midi, les trois apôtres furent choqués de constater que la religion de leur Maître ne prévoyait pas d'introspection rituelle. Toutes les religions qui ont précédé et suivi l'époque de Jésus, même le christianisme, prévoient soigneusement une introspection consciencieuse. Ce n'est pas le cas pour la religion de Jésus de Nazareth. La philosophie de Jésus sur la vie est dépourvue d'introspection religieuse. Le fils du charpentier n'enseigna jamais la réforme des caractères, mais leur développement, déclarant que le royaume des cieux ressemble à un grain de sénevé. Mais Jésus ne dit rien qui puisse proscrire l'analyse de soi comme moyen de prévention contre un égotisme prétentieux.
Le droit d'entrer dans le royaume est conditionné par la foi, la croyance personnelle. Le coût pour se maintenir dans l'ascension progressive du royaume est la perle de grand prix; pour la posséder, un homme vend tout ce qu'il a.
L'enseignement de Jésus est une religion à l'usage de tout le monde, et pas seulement pour les débiles et les esclaves. Sa religion ne se cristallisa jamais (durant son incarnation) en credos et en lois théologiques; il ne laissa pas une ligne d'écriture derrière lui. Sa vie et ses enseignements furent légués à l'univers comme un héritage d'inspiration et d'idéal convenant à la gouverne spirituelle et à l'instruction morale de tous les âges sur tous les mondes. Même aujourd'hui, les enseignements de Jésus se tiennent en dehors de toutes les religions, bien qu'ils constituent l'espoir vivant de chacune d'elles.
Jésus n'enseigna pas à ses apôtres que la religion est la seule occupation terrestre digne des hommes, ce qui était la conception des Juifs sur le service de Dieu; mais il affirma avec insistance que les douze devaient s'occuper exclusivement de religion. Jésus n'enseigna rien pour détourner ses fidèles de la poursuite d'une véritable culture; il rabaissa seulement le mérite des écoles religieuses de Jérusalem prisonnières de la tradition. Il était libéral, généreux, instruit, et tolérant. La piété consciente de soi n'avait nulle place dans sa philosophie pour mener une vie de droiture.
Le Maître n'offrit pas de solutions pour les problèmes non religieux de son temps ou de tout autre âge ultérieur. Il souhaitait développer la perspicacité spirituelle dans les réalités éternelles et stimuler l'initiative dans l'originalité de la vie. Il s'occupa exclusivement des besoins spirituels sous-jacents et permanents de la race humaine. Il révéla une bonté égale à celle de Dieu. Il exalta l'amour -- la vérité, la beauté, et la bonté -- comme idéal divin et réalité éternelle.
Le Maître vint pour créer chez l'homme un nouvel esprit, une nouvelle volonté pour lui communiquer une nouvelle aptitude à connaître la vérité, à éprouver de la compassion, et à choisir la bonté -- la volonté d'être en harmonie avec la volonté de Dieu, doublée du besoin éternel de devenir parfait comme le Père céleste est parfait.
9. -- LE JOUR DE LA CONSÉCRATION
Jésus consacra la journée du sabbat suivant à ses apôtres, retournant à la montagne où il leur avait conféré l'ordination. Là, après un message personnel d'encouragement magnifiquement touchant, il entreprit la consécration solennelle des douze. Au cours de cet après-midi de sabbat, Jésus les réunit autour de lui, à flanc de coteau, et les remit aux mains de son Père céleste en vue du jour où il serait obligé de les laisser seuls dans le monde. Il n'y eut pas de nouvel enseignement à cette occasion, mais simplement une causerie et une communion.
Jésus passa en revue de nombreux points du sermon d'ordination qu'il avait fait au même endroit, puis il appela les apôtres devant lui un par un et les chargea d'aller dans le monde comme ses représentants. La mission de consécration donnée par le Maître fut la suivante: « Allez dans le monde entier et prêchez la bonne nouvelle de l'avènement du royaume. Libérez les prisonniers spirituels, consolez les opprimés, et donnez vos soins aux affligés. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ».
Jésus leur recommanda de n'emporter ni argent ni vêtements de rechange, disant: « Le bon ouvrier mérite son salaire ». Et finalement il dit: « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups; soyez donc aussi prudents que des serpents et aussi inoffensifs que des colombes. Mais prenez garde, car vos ennemis vous amèneront devant leurs conseils et vous critiqueront sévèrement dans leurs synagogues. Vous serez traînés devant des gouverneurs et des chefs parce que vous croyez à cet évangile, et votre témoignage même témoignera pour moi auprès d'eux. Quand ils vous feront passer en jugement, ne vous inquiétez pas de ce que vous direz, car l'esprit de mon Père vous habite et parlera pour vous à ces moments-là. Quelques-uns d'entre vous seront mis à mort, et avant que vous établissiez le royaume sur terre vous serez haïs par bien des peuples à cause de cet évangile; mais n'ayez aucune crainte; je serai auprès de vous et mon esprit vous précédera dans le monde entier. La présence de mon Père demeurera avec vous pendant que vous irez d'abord vers les Juifs et ensuite vers les Gentils ».
Après être descendus de la montagne, ils retournèrent à leur foyer dans la maison de Zébédée.
10. -- LE SOIR APRÈS LA CONSÉCRATION
Ce soir-là, Jésus enseigna dans la maison parce que la pluie commençait à tomber; il parla très longuement aux douze pour essayer de leur montrer ce qu'ils devaient être, et non ce qu'ils devaient faire. Les apôtres connaissaient seulement une religion qui imposait de faire certaines choses comme moyen d'atteindre la droiture -- le salut. Mais Jésus répétait: « Dans le royaume, il faut être droit pour faire le travail ». Bien des fois il réitéra: « Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Le Maître expliquait tout le temps à ses apôtres désorientés que le salut qu'il était venu apporter au monde ne pouvait s'obtenir qu'en croyant, par une foi simple et sincère. Jésus dit: « Jean a prêché un baptême de repentance, une affliction pour l'ancienne manière de vivre. Vous allez proclamer le baptême de communion avec Dieu. Prêchez la repentance à ceux qui ont besoin de cet enseignement, mais à ceux qui cherchent déjà sincèrement l'entrée du royaume, ouvrez largement les portes et dites leur d'entrer dans la joyeuse communauté des fils de Dieu ». Mais c'était une tâche difficile de persuader à ces pêcheurs de Galilée que, dans le royaume, il faut d'abord être droit, par la foi, avant de faire ce qui est juste dans la vie quotidienne.
Un autre grand handicap dans cette oeuvre d'enseignement des douze était leur tendance à s'emparer de principes hautement idéalistes et spirituels de la vérité religieuse, et à les transformer en règles concrètes de conduite personnelle. Jésus leur présentait le magnifique esprit du comportement de l'âme, mais les apôtres insistaient pour traduire cet enseignement en préceptes pour leur vie courante. Bien des fois, quand ils étaient sûrs de bien se rappeler ce que le Maître avait dit, il était presque certain qu'ils oublieraient ce que le Maître n'avait pas dit. Mais ils assimilèrent lentement son enseignement, parce que Jésus était tout ce qu'il enseignait. Ce qu'ils ne purent acquérir par ses instructions verbales, ils le gagnèrent progressivement en vivant avec lui.
Les apôtres ne percevaient pas que leur Maître s'occupait de vivre une vie d'inspiration spirituelle pour toutes les personnes de toutes les époques sur tous les mondes d'un vaste univers. Malgré ce que Jésus leur disait de temps en temps, les apôtres ne saisissaient pas l'idée qu'il accomplissait une oeuvre non seulement sur ce monde, mais aussi pour tous les autres mondes de son immense création. Jésus vécut sa vie terrestre non pour établir un exemple de vie temporelle pour les hommes et les femmes d'Urantia, mais plutôt créer un haut idéal spirituel et vivifiant pour tous les humains sur toutes les planètes de son univers.
Le même soir, Thomas demanda à Jésus: « Maître, tu dis qu'il nous faut devenir comme des petits enfants avant de pouvoir gagner l'entrée dans le royaume du Père, et cependant tu nous as prévenus de ne pas nous laisser tromper par de faux prophètes et de ne pas nous rendre coupables de jeter nos perles aux pourceaux. Franchement, je suis déconcerté. Je n'arrive pas à comprendre ton enseignement ». Jésus répondit à Thomas: « Combien de temps vous supporterai-je! Vous insistez toujours pour prendre à la lettre tout ce que j'enseigne. Quand je vous ai demandé de devenir semblables à de petits enfants comme prix de votre entrée dans le royaume, je ne parlais ni de la facilité à se laisser tromper, ni de la simple bonne volonté de croire, ni de la rapidité à faire confiance à d'agréables étrangers. Ce que désirais que vous retiriez de cet exemple, c'était la relation entre enfant et père. Tu es l'enfant, et c'est dans le royaume de ton Père que tu cherches à entrer. Il existe entre tout enfant normal et son père une affection naturelle qui assure des relations compréhensives et affectueuses, et qui exclut perpétuellement toute tendance négocier pour obtenir l'amour et la miséricorde du Père. L'évangile que vous allez prêcher concerne un salut provenant de la claire compréhension par la foi de cette même et éternelle relation d'enfant à père ».
La caractéristique majeure de l'enseignement de Jésus était que la moralité de sa philosophie dérivait des relations personnelles entre l'individu et Dieu des rapports d'enfant à père. Jésus mettait l'accent sur l'individu, et non sur la race ou sur la nation. C'est au cours de ce souper que Jésus eut avec Matthieu l'entretien ou il lui expliqua que la moralité d'un acte quelconque est déterminée par le mobile de son auteur. La moralité de Jésus était toujours positive. La règle d'or remise au point par Jésus exige des contacts sociaux actifs; l'ancienne règle négative pouvait être suivie dans l'isolement. Jésus dépouilla la moralité de toutes les règles et cérémonies, et l'éleva aux hauteurs majestueuses de la pensée spirituelle et de la vie sincèrement droite.
La nouvelle religion de Jésus n'était pas dépourvue de portée pratique; mais la valeur d'application de son enseignement au point de vue politique, social, ou économique consiste en expressions naturelles de l'expérience intérieure de l'âme manifestant les fruits de l'esprit dans le ministère quotidien spontané d'une expérience religieuse personnelle et authentique.
Après que Jésus et Matthieu eurent achevé de parler, Simon Zélotès demanda: « Maître, les hommes sont-ils tous fils de Dieu? » Jésus répondit: » Oui, Simon, tous les hommes sont fils de Dieu, et c'est la bonne nouvelle que vous allez proclamer ». Mais les apôtres ne parvenaient pas à comprendre cette doctrine qui était pour eux une annonce nouvelle, étrange, et stupéfiante. Et c'était à cause de son désir d'inculquer cette vérité à ses disciples que Jésus leur apprenait à traiter tous les hommes comme des frères.
En réponse à une question posée par André, le Maître expliqua que la moralité de son enseignement était inséparable de sa manière religieuse de vivre. Il enseignait la moralité non en partant de la nature de l'homme, mais en partant de la relation de l'homme avec Dieu.
Jean demanda à Jésus: « Maître, qu'est-ce que le royaume des cieux? » Et Jésus répondit: » Le royaume des cieux se compose de trois éléments essentiels: premièrement la reconnaissance du fait de la souveraineté de Dieu; deuxièmement la croyance à la vérité de la filiation avec Dieu; et troisièmement la foi dans l'efficacité du suprême désir humain de faire la volonté de Dieu -- de ressembler à Dieu. Et voici la bonne nouvelle de l'évangile: par la foi, chaque mortel peut posséder tous ces éléments essentiels du salut ».
Maintenant que la semaine d'attente était écoulée, ils se préparèrent à partir le lendemain matin pour Jérusalem.



