4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
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LE SÉJOUR À PHILADELPHIE
DANS le récit de ce ministère en Pérée, il a été fait mention de Jésus et des apôtres visitant les diverses localités où les soixante-dix étaient à l'oeuvre. Il faut se rappeler qu'en règle générale, durant cette période, Jésus n'était accompagné que de dix apôtres, car il en laissait au moins deux à Pella pour instruire la multitude. Pendant qu'il se préparait à aller à Philadelphie, Simon Pierre et son frère André retournèrent au camp de Pella pour enseigner les foules qui y étaient assemblées. Quand le Maître quittait le camp de Pella pour ses visites en Pérée, il n'était pas rare que trois cents à cinq cents campeurs le suivent. Lorsqu'il arriva à Philadelphie, il était accompagné de plus de six cents disciples.
Il n'y avait pas eu de miracles au cours de la récente tournée de prédication à travers la Décapole. A part la purification des dix lépreux, il n'y en avait pas eu non plus jusqu'ici dans cette mission en Pérée. Ce fut une période où l'évangile fut proclamé avec puissance, sans miracles, et la plupart du temps hors de la présence personnelle de Jésus ou même de ses apôtres.
Jésus et les dix apôtres arrivèrent à Philadelphie le mercredi 22 février et passèrent le jeudi et le vendredi à se reposer de leurs récents voyages et travaux. Dans la soirée du vendredi, Jacques parla dans la synagogue, et un conseil général fut convoqué pour le lendemain soir. Le groupe se réjouit beaucoup des progrès de l'évangile à Philadelphie et dans les villages environnants. Les messagers de David apportèrent aussi des nouvelles de l'expansion du royaume dans toute la Palestine, ainsi que de bonnes nouvelles d'Alexandrie et de Damas.
1. -- LE DÉJEUNER AVEC LES PHARISIENS
Il y avait à Philadelphie un pharisien très riche et influent qui avait accepté les enseignements d'Abner, et qui invita Jésus à déjeuner dans sa maison le matin du sabbat. On savait que Jésus était attendu incessamment à Philadelphie, de sorte qu'un grand nombre de visiteurs, dont beaucoup de pharisiens, étaient venus de Jérusalem et d'ailleurs. En conséquence, une quarantaine de ces dirigeants et quelques docteurs de la loi furent invités à ce déjeuner, qui avait été arrangé en l'honneur du Maître.
Tandis que Jésus s'attardait près de la porte en causant avec Abner et après que l'hôte se fût assis, un des principaux pharisiens de Jérusalem, membre du sanhédrin, entra dans la salle; selon son habitude, il alla directement à la place d'honneur à la gauche du maître de maison. Mais cette place avait été réservée à Jésus et celle de droite à Abner; l'hôte pria donc le pharisien de Jérusalem de s'asseoir quatre sièges plus loin à gauche, et ce dignitaire fut très offensé de ne pas recevoir la place d'honneur.
Bientôt tous les invités furent assis et prirent plaisir à converser entre eux, car ils étaient en majorité des disciples de Jésus ou des partisans de l'évangile. Seuls ses ennemis notèrent le fait que le Maître n'avait pas observé le rite du lavage cérémoniel des mains avant de s'asseoir pour manger. Abner se lava les mains au commencement du repas, mais non durant le service.
Vers la fin du repas, un homme venant de la rue entra dans la salle, il avait longtemps souffert d'une maladie chronique, et maintenant il était hydropique. Cet homme était un croyant et avait récemment été baptisé par les compagnons d'Abner. Il ne demanda pas à Jésus d'être guéri, mais le Maître savait bien que ce malade était venu au moment du déjeuner, espérant ainsi éviter la foule qui se pressait le reste du temps autour de Jésus et avoir ainsi plus de chances d'attirer son attention. Cet homme savait que les miracles étaient alors rares, mais il avait supputé intérieurement que son triste état attirerait peut-être la compassion du Maître. Il ne s'était pas trompé car, dès son entrée dans la salle, le Maître et l'orgueilleux pharisien de Jérusalem le remarquèrent. Le pharisien ne tarda pas à exprimer son ressentiment de voir un hôte pareil autorisé à entrer dans la salle. Mais Jésus regarda le malade et lui sourit avec tant de bienveillance que l'arrivant s'approcha et s'assit sur le sol. A la fin du repas, Jésus promena son regard sur les convives, puis, après avoir fait un clin d'oeil significatif à l'homme atteint d'hydropisie, il dit: « Mes amis, éducateurs en Israël et savants docteurs de la loi, je voudrais vous poser une question: Est-il licite ou non de guérir les malades et les affligés le jour du sabbat?» Mais les assistants connaissaient trop bien Jésus; ils se tinrent cois et ne répondirent pas à sa question.
Alors Jésus se dirigea vers l'endroit où le malade était assis, le prit par la main, et dit: « Lève-toi et va ton chemin. Tu n'as pas demandé à être guéri, mais je connais le désir de ton coeur et la foi de ton âme ». Avant que l'homme n'eût quitté la salle, Jésus revint à sa place et s'adressa aux convives attablés en disant: « Mon Père accomplit de telles oeuvres, non pour vous inciter à entrer dans le royaume, mais pour se révéler a ceux qui s'y trouvent déjà. Vous pouvez percevoir qu'il est conforme à la volonté du Père de faire ces choses, car qui d'entre vous, si son animal favori tombait dans le puits le jour du sabbat, ne sortirait pas immédiatement pour l'en tirer? » Puisque personne ne voulait lui répondre et que son hôte approuvait évidemment la tournure que prenaient les événements, Jésus se leva et dit à tous les assistants: « Mes frères, quand vous êtes invités à un festin de mariage, ne vous asseyez pas à la place d'honneur, de crainte qu'un homme plus honoré que vous ait été invité, et que l'hôte ne soit obligé de venir vous prier de coder votre place à cet autre invité d'honneur. Quand vous êtes invités à une fête, il est sage, en arrivant à la table du festin, de chercher la place la plus humble et de vous y asseoir. Alors, en regardant les convives, le maître de maison pourra vous dire: « Mon ami, pourquoi t'es-tu assis à une place si humble? Monte plus haut ». Alors ce modeste sera glorifié en présence des autres convives. N'oubliez pas ceci: « quiconque s'élève sera abaissé, mais quiconque s'humilie sincèrement sera élevé. Donc, si vous recevez à déjeuner ou si vous offrez un souper, n'invitez pas toujours vos amis, vos frères, votre famille, ou vos riches voisins, afin qu'à leur tour ils vous invitent à leurs festins à titre de récompense. Si vous offrez un banquet, invitez parfois les pauvres, les infirmes, et les aveugles. De cette manière, vous serez bénis dans votre coeur, car vous savez bien que les boiteux et les estropiés ne peuvent vous rembourser vos soins affectueux.
2. -- LA PARABOLE DU GRAND DÎNER
Après que Jésus eut fini de parler à la table du pharisien, l'un des légistes présents voulut rompre le silence et dit étourdiment: « Béni soit celui qui mangera du pain dans le royaume de Dieu » -- ce qui était une expression courante à l'époque. Alors Jésus conta une parabole dont même son hôte bienveillant fut obligé de faire son profit. Il dit:
« Un important personnage offrit un grand dîner auquel il invita de nombreux convives. A l'heure du souper, il dépêcha ses serviteurs pour dire aux invités: « Venez, car tout est maintenant prêt ». Mais les invités commencèrent unanimement à s'excuser. Le premier dit: « Je viens d'acheter une ferme, et il faut absolument que j'aille l'inspecter je te prie de m'excuser ». Un autre dit: « J'ai acheté cinq couples de boeufs, et il faut que j'aille les recevoir; je te prie de me tenir pour excusé ». Un autre encore dit: « Je viens de prendre femme, et à cause de cela je ne puis venir ». Les serviteurs revinrent donc rapporter cela à leur maître. Alors le maître de la maison fut très irrité; il se tourna vers ses serviteurs et dit: « J'ai préparé ce festin de mariage; les jeunes bêtes grasses sont tuées et tout est prêt pour mes hôtes, mais ils ont dédaigné mon invitation. Chacun est allé vers ses terres et ses marchandises, et ils ont même été grossiers envers mes serviteurs qui leur demandaient de venir à mon festin. Allez donc promptement dans les rues et les ruelles de la ville, sur les grandes routes et les chemins détournés, et amenez ici les pauvres et les déshérités, les aveugles et les boiteux, pour qu'il y ait des convives au festin de mariage ». Les serviteurs firent ce que leur maître ordonnait, et même alors il y restait de la place pour d'autres invités. Alors ce Seigneur dit à ses serviteurs: « Allez maintenant sur les routes et dans la campagne, et amenez de force ceux qui s'y trouvent, pour que ma maison soit remplie. Je déclare qu'aucun des premiers invités ne goûtera à mon souper ». Et la maison fut remplie » (1).
(1) Cf. Luc XIV.
Lorsque les convives du pharisien entendirent ces paroles, ils rentrèrent chacun chez eux. Parmi les pharisiens sarcastiques présents ce matin-là, il y en eut au moins un qui comprit la signification de cette parabole, car il fut baptisé le jour même et confessa publiquement sa foi dans l'évangile du royaume. Ce soir-là, Abner fit un sermon sur cette parabole au conseil général des croyants.
Le lendemain, tous les apôtres s'exercèrent à la philosophie en essayant d'interpréter la signification de cette parabole du grand dîner. Jésus écouta avec intérêt leurs diverses interprétations, mais refusa fermement de les aider à comprendre la parabole. Il se borna à dire: « Que chacun en trouve la signification pour lui-même et pour son âme ».
3. -- LA FEMME MENTALEMENT INFIRME
Abner s'était arrangé pour que le Maître enseignât dans la synagogue ce jour de sabbat. C'était la première fois que Jésus apparaissait dans une synagogue depuis qu'elles avaient toutes été fermées à son enseignement par ordre du sanhédrin. A la fin de l'office, Jésus aperçut devant lui une femme assez âgée, fort abattue, et dont le corps était plié en deux. Cette femme était depuis longtemps tyrannisée par la peur, et sa vie avait perdu toute joie. Jésus descendit de l'estrade, s'approcha d'elle, toucha à l'épaule son corps courbé, et lui dit: « Femme, si seulement tu voulais croire, tu pourrais être entièrement libérée de ton infirmité imaginaire ». Et cette femme, qui avait été courbée et liée depuis dix-huit ans par les dépressions de la peur, crut aux paroles du Maître; elle se redressa immédiatement en vertu de sa foi. Voyant qu'elle se tenait droite, elle éleva la voix et glorifia Dieu.
L'infirmité de cette femme était entièrement mentale; la courbure de son corps provenait de sa pensée déprimée. Malgré cela, le public crut que Jésus avait guéri une véritable infirmité physique. La congrégation de Philadelphie accueillait favorablement les enseignements de Jésus, mais le chef de la synagogue était un pharisien hostile. Il partagea l'opinion de la congrégation que Jésus avait guéri une maladie physique et s'indigna de ce que Jésus ait osé le faire un jour de sabbat. Il se dressa donc devant la congrégation et dit: « Les hommes n'ont-ils pas six jours pour effectuer leur travail? Venez donc vous faire guérir pendant les jours ouvrables, mais non le jour du sabbat ».
Après ces paroles du chef hostile, Jésus remonta sur l'estrade des orateurs et dit: « Pourquoi jouer un rôle d'hypocrite? Chacun de vous, le jour du sabbat, ne détache-t-il pas son boeuf de l'étable pour le conduire à l'abreuvoir? Si cette bonne action est licite le jour du sabbat, cette femme, une fille d'Abraham que le mal a courbée pendant dix-huit ans, ne devait-elle pas être délivrée de cette servitude et conduite à s'abreuver aux eaux vives de la liberté, même en ce jour de sabbat? (2) » Tandis que la femme continuait à glorifier Dieu, la congrégation se réjouit avec elle de sa guérison, et le critique fut couvert de confusion.
(2) Cf. Luc XIII-11 à 17.
Comme suite à sa critique publique de Jésus en ce jour de sabbat, le chef de la synagogue fut destitué et remplacé par un disciple de Jésus.
Jésus délivrait fréquemment de leur infirmité d'esprit, de leur dépression mentale, et de leur asservissement à la crainte les victimes de la peur. Mais la population croyait que toutes ces afflictions étaient soit des infirmités physiques, soit des possessions par de mauvais esprits.
Jésus enseigna de nouveau dans la synagogue le dimanche, et de nombreux croyants furent baptisés ce jour-là, à midi, dans la rivière qui coulait au sud de la ville. Le lendemain matin, Jésus et les dix apôtres seraient repartis pour Pella si l'un des messagers de David n'était arrivé, apportant à Jésus un message urgent de la part de ses amis de Béthanie près de Jérusalem.
4. -- LE MESSAGE DE BÉTHANIE
Très tard dans la soirée du dimanche 26 février, un coureur arriva de Béthanie à Philadelphie, apportant un message de Marthe et Marie disant: « Seigneur, celui que tu aimes est très malade ». Ce message parvint à Jésus à la fin de la conférence du soir, juste au moment où il prenait congé des apôtres pour la nuit. Tout d'abord, Jésus ne répondit rien. Il se produisit un étrange intermède, un temps où il parut être en communication avec un domaine extérieur à lui, situé au delà de lui. Puis il releva les yeux et s'adressa aux messagers de manière à être entendu par les apôtres, en disant: « Cette maladie ne va pas réellement jusqu'à la mort. Ne doutez pas qu'elle puisse être utilisée pour glorifier Dieu et exalter le Fils ».
Jésus avait beaucoup d'amitié pour Marthe, Marie, et leur frère Lazare. Sa première pensée humaine fut d'aller immédiatement à leur secours, mais sa pensée conjuguée, humaine et divine, lui suggéra une autre idée. Il avait à peu près abandonné l'espoir de voir les dirigeants juifs de Jérusalem accepter un jour le royaume, mais il aimait encore son peuple, et il eut l'idée d'un plan qui donnerait aux scribes et aux pharisiens de Jérusalem une chance de plus d'accepter ses enseignements. Il décida, si son Père le voulait, de faire de cet ultime appel à Jérusalem la manifestation extérieure la plus profonde et la plus stupéfiante de toute sa carrière terrestre. Les Juifs restaient attachés à l'idée d'un libérateur accomplissant des prodiges, et Jésus refusait de s'abaisser à des prodiges matériels ou de faire des démonstrations temporelles de pouvoir politique. En la circonstance, il demanda cependant le consentement du Père pour manifester son pouvoir non encore démontré sur la vie et sur la mort.
Les Juifs avaient l'habitude d'enterrer leurs morts le jour de leur décès, ce qui était une pratique nécessaire dans un climat aussi chaud. Il arrivait souvent qu'ils mettaient au tombeau un individu simplement plongé dans le coma, de sorte qu'au bout de deux jours, ou même de trois, ce pseudo-mort sortait de la tombe. D'après la croyance des Juifs, l'esprit ou l'âme pouvait s'attarder près du corps pendant deux ou trois jours, mais ne restait jamais après le troisième jour; selon eux, la décomposition était bien avancée le quatrième jour, et personne ne revenait jamais de la tombe après ce laps de temps. C'est pourquoi Jésus demeura encore deux jours pleins à Philadelphie avant de se préparer à partir pour Béthanie.
En conséquence, le mercredi matin de bonne heure il dit à ses apôtres: « Préparons-nous immédiatement à aller une fois de plus en Judée ». après avoir entendu Jésus dire cela, les apôtres se retirèrent à l'écart pendant un temps pour se consulter entre eux. Jacques prit la direction des débats, et les apôtres furent unanimes à penser que c'était pure folie que de permettre à Jésus de retourner en Judée. Ils revinrent comme un seul homme pour faire part de leur opinion à Jésus. Jacques dit: « Maître, tu as été à Jérusalem il y a quelques semaines, et les dirigeants ont cherché à te faire mourir, tandis que la foule était prête à te lapider. A ce moment-là, tu as donné à ces hommes leur chance de recevoir la vérité, et nous ne te permettrons pas de retourner en Judée ».
Alors Jésus dit: « Ne comprenez-vous pas que chaque journée a douze heures pendant lesquelles on peut faire son travail en sécurité? Si un homme marche le jour, il ne trébuche pas, attendu qu'il a de la lumière. S'il marche la nuit, il risque de trébucher, car il est sans lumière. Tant que mon jour dure, je ne crains pas d'entrer en Judée. Je voudrais accomplir encore une puissante oeuvre pour les Juifs. Je voudrais leur donner une chance de plus de croire, même dans les conditions qui leur plaisent -- gloire extérieure et manifestation visible du pouvoir du Père et de l'amour du Fils. En outre, n'avez-vous pas compris que notre frère Lazare s'est endormi, et que je voudrais aller le réveiller de ce sommeil? »
Alors l'un des apôtres dit: « Maître, si Lazare s'est endormi, il est d'autant plus sûr de se rétablir ». A cette époque, les Juifs avaient l'habitude de parler de la mort comme d'une forme de sommeil, mais les apôtres n'avaient pas compris que Jésus voulait dire que Lazare avait quitté ce monde. Le Maître s'expliqua donc clairement: « Lazare est mort. Dans votre intérêt, et même si cela ne doit pas sauver les autres, je suis heureux de ne pas m'être trouvé là, afin que vous ayez maintenant une nouvelle raison de croire en moi. Vous allez être témoins d'un événement qui devrait vous fortifier tous et vous préparer au jour où je prendrai congé de vous pour retourner vers le Père ».
Devant l'impossibilité de persuader Jésus de s'abstenir d'aller en Judée, et l'hésitation de certains apôtres à l'y accompagner, Thomas s'adressa à ses compagnons et dit: « Nous avons exprimé nos craintes au Maître, mais il est décidé à aller à Béthanie. J'estime qu'il court à sa perte; on va sûrement le tuer. Mais si c'est le choix du Maître, conduisons-nous comme des braves; allons-y aussi pour mourir avec lui ».
Comme toujours dans les affaires nécessitant un courage délibéré et soutenu, Thomas fut le point d'appui du groupe des douze apôtres.
5. -- SUR LE CHEMIN DE BÉTHANIE
Une compagnie de près de cinquante amis et ennemis suivit Jésus sur la route de Judée. Le mercredi à l'heure du repas de midi, il fit à ses apôtres et à ce groupe d'accompagnateurs un exposé sur « Les Conditions du Salut », et à la fin de cette leçon il raconta la parabole du pharisien et du publicain. Jésus dit: « Vous voyez ainsi que le Père donne le salut aux enfants des hommes, et que ce salut est un don gratuit à tous ceux qui ont la foi d'accepter la filiation dans la famille divine. L'homme ne peut rien faire d'autre pour gagner ce salut. Les oeuvres du pharisaïsme ne peuvent acheter la faveur de Dieu, et de longues prières en public ne compenseront pas le manque de foi vivante dans le coeur. Vous pouvez tromper les hommes par des services extérieurs, mais Dieu scrute votre âme. Ce que je vous dis est bien illustré par l'exemple de deux hommes, un pharisien et un publicain, qui allèrent au temple pour prier. Le pharisien se dressa et pria en lui-même: « O Dieu, je rends grâces de ne pas ressembler au reste des hommes, qui sont exacteurs, ignorants, injustes, et adultères, ni même à ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je donne la dîme de tout ce que j'acquiers ». Par contre, le publicain se tenait à l'écart et n'osait même pas lever les yeux au ciel; il se frappait la poitrine en disant: « O Dieu, sois miséricordieux pour un pécheur comme moi ». Je vous dis que le publicain rentra chez lui avec l'approbation de Dieu, et non le pharisien, car quiconque s'élève sera humilié et quiconque s'humilie sera élevé » (1).
(1) Cf. Luc XVIII-9 à 14.
Ce soir-là, à Jéricho, les pharisiens hostiles cherchèrent à prendre Jésus au piège en l'incitant à discuter le mariage et le divorce, comme leurs compagnons l'avaient jadis fait en Galilée; mais le Maître évita adroitement de se laisser entraîner dans une opposition à leurs lois concernant le divorce. De même que les publicains et les pharisiens donnaient l'exemple de la bonne et de la mauvaise religion, leurs pratiques du divorce établissaient un contraste entre les meilleures lois matrimoniales du code juif appliqué par les publicains et le honteux relâchement avec lequel les pharisiens interprétaient les règles du divorce formulées par Moïse. Les pharisiens se jugeaient eux-mêmes d'après le critère le plus bas; les publicains se mettaient au diapason de l'idéal le plus élevé. Pour les pharisiens, la dévotion était un moyen d'aboutir à l'inactivité justifiée et à l'assurance d'une fausse sécurité spirituelle. Pour les publicains, la dévotion était un moyen de vivifier leur âme pour qu'elle comprenne la nécessité de se repentir, de se confesser, et d'accepter par la foi un pardon miséricordieux. Les pharisiens cherchaient la justice, et les publicains la miséricorde. La loi de l'univers reste la suivante: Demandez, et vous recevrez; cherchez, et vous trouverez.
Bien que Jésus eût refusé de se laisser entraîner dans une controverse avec les pharisiens au sujet du divorce, il proclama un enseignement positif des idéaux supérieurs concernant le mariage. Il exalta le mariage comme la relation humaine la plus idéale et la plus élevée. De même, il marque sa forte désapprobation pour la pratique relâchée et injuste du divorce chez les Juifs de Jérusalem, qui, à cette époque, permettaient à un homme de divorcer pour les raisons les plus futiles. Il suffisait que l'intéressé accuse sa femme d'être une mauvaise cuisinière ou de mal tenir la maison, ou simplement qu'il se soit amouraché d'une femme plus jolie.
Les pharisiens étaient même allés jusqu'au point d'enseigner que ce genre de divorce facile était un privilège spécial accordé au peuple juif, et particulièrement aux pharisiens. Ainsi, tandis que Jésus refusait de faire des déclarations sur le mariage et le divorce, il condamna sévèrement ces honteuses caricatures du mariage et fit ressortir leur injustice vis-à-vis des femmes et des enfants. Jamais il ne sanctionna aucune pratique de divorce donnant à l'homme un avantage sur la femme; le Maître n'approuva que les enseignements accordant aux femmes l'égalité avec les hommes.
Bien que Jésus n'eût pas offert de nouvelles règles concernant le mariage et le divorce, il incita les Juifs à se conformer à leurs propres lois et à leurs enseignements les plus élevés. Il s'appuya constamment sur les Écritures dans son effort pour améliorer les pratiques selon cette tendance sociale. Tout en soutenant ainsi les concepts idéaux et supérieurs du mariage, Jésus évita habilement le conflit avec ses questionneurs au sujet des moeurs sanctionnées soit par leurs lois écrites, soit par leurs privilèges de divorce auxquels ils tenaient beaucoup.
Il fut très difficile aux apôtres de comprendre la répugnance du Maître à faire des déclarations positives au sujet des problèmes scientifiques, sociaux, économiques, et politiques. Ils ne comprenaient pas tout à fait que sa mission terrestre concernait exclusivement la révélation de vérités spirituelles et religieuses.
Tard dans la soirée, après que Jésus eut parlé du mariage et du divorce, ses apôtres lui posèrent en privé de nombreuses questions additionnelles. Ses réponses à leurs enquêtes délivrèrent leur pensée de beaucoup de fausses conceptions. A la fin de cette conférence, Jésus dit: « Le mariage est honorable et devrait être désiré par tous les hommes. Le fait que le Fils de l'Homme poursuit seul sa mission terrestre ne porte aucune atteinte au caractère désirable du mariage. C'est la volonté du Père que j'agisse ainsi, mais le même Père a ordonné la création des mâles et des femelles; Dieu veut que les hommes et les femmes trouvent leur service le plus élevé et la joie correspondante en établissant des foyers pour accueillir et élever des enfants, pour la création desquels les parents sont co-associés aux Créateurs du ciel et de la terre. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'un » (2).
(2) Genèse II-24 ; Matthieu XIX-5 ; Marc X-7 et 8 ; Éphésiens V-31.
De cette manière, Jésus soulagea la pensée des apôtres d'un grand nombre de soucis et clarifia de nombreux malentendus concernant le divorce. En même temps, il contribua largement à exalter leurs idéaux d'union sociale, et à accroître leur respect pour les femmes, les enfants, et le foyer.
6. -- LA BÉNÉDICTION DES PETITS ENFANTS
Le message vespéral de Jésus sur le mariage et sur le caractère sacré des enfants se répandit dans tout Jéricho, de sorte que le lendemain matin, longtemps avant que Jésus et les apôtres aient été sur le point de partir, et même avant le petit déjeuner, un grand nombre de mères se rassemblèrent près du logement de Jésus, apportant leurs enfants dans leurs bras ou les conduisant par la main, et désirant qu'il bénisse les tout petits. Lorsque les apôtres sortirent et virent ce rassemblement de mères avec leurs enfants, ils tentèrent de les renvoyer, mais ces femmes refusèrent de partir avant que le Maître ait imposé les mains sur leurs enfants et les ait bénis. Quand les apôtres réprimandèrent bruyamment ces mères, Jésus, entendant le tumulte, sortit et leur fit des reproches indignés en disant « Laissez venir à moi les petits enfants ne le leur interdisez pas, car le royaume des cieux est composé de petits enfants (1). En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque ne reçoit pas le royaume de Dieu comme un petit enfant ne pourra y entrer pour y atteindre la plénitude de la virilité spirituelle » (2).
| (1) Cf. Matthieu XIX-13. |
| (2) Cf. Matthieu XVIII-3. |
Après avoir ainsi parlé à ses apôtres, Jésus accueillit tous les enfants et leur imposa les mains en adressant des paroles d'encouragement et d'espoir à leurs mères.
Jésus parlait souvent à ses apôtres des maisons célestes et leur enseignait que les enfants évoluants de Dieu doivent y croître spirituellement, comme les enfants grandissent physiquement sur ce monde. Les choses sacrées paraissent souvent banales; ainsi, en ce jour, ces enfants et leurs mères ne se rendaient pas compte que les intelligences de Nébadon observaient les enfants de Jéricho jouant avec le Créateur d'un univers.
Le statut des femmes en Palestine fut grandement amélioré par l'enseignement de Jésus. Il en aurait été de même dans le monde entier si les disciples ne s'étaient pas tellement écartés de ce que le Maître leur avait si péniblement appris.
Ce fut également à Jéricho, au cours d'une discussion sur l'éducation religieuse initiale des enfants quant à leurs habitudes d'adoration divine, que Jésus inculqua à ses apôtres la grande valeur de la beauté en tant qu'influence incitant à l'adoration, spécialement chez les enfants. Par ses préceptes et son exemple, le Maître enseigna la valeur de l'adoration du Créateur au milieu des paysages naturels de la création. Il préférait communier avec le Père parmi les arbres et les humbles créatures du monde naturel. Il prenait plaisir à contempler le Père à travers le spectacle vivifiant des royaumes étoilés des Fils Créateurs.
Quand il n'est pas possible d'adorer Dieu dans les tabernacles de la nature, les hommes devraient faire de leur mieux pour se ménager des maisons de beauté, des sanctuaires d'une simplicité attrayante et artistement embellis, de manière à éveiller les sentiments humains les plus élevés associés à l'approche intellectuelle de la communion spirituelle avec Dieu. La vérité, la beauté, et la sainteté apportent une aide puissante et efficace à la véritable adoration. La communion spirituelle n'est pas encouragée par une ornementation massive et les excès de décoration d'un art compliqué et fastueux. Il est bien malheureux que certains petits enfants aient leur premier contact avec les concepts du culte public dans des salles froides et nues si dépourvues de l'attrait de la beauté et inspirant si peu l'allégresse et la sainteté! Il faudrait que l'initiation de l'enfant à l'adoration ait lieu dans les paysages de la nature, et que plus tard il accompagne ses parents dans des édifices publics d'assemblées religieuses qui aient au moins autant d'attrait matériel et de beauté artistique que la maison où il a son domicile habituel.
7. -- L'ENTRETIEN AU SUJET DES ANGES
Tandis que le groupe apostolique remontait les collines allant de Jéricho à Béthanie, Nathanael marcha presque tout le temps aux côtés de Jésus; leur discussion sur les rapports des enfants avec le royaume des cieux les conduisit indirectement à étudier le ministère des anges. Nathanael finit par poser au Maître la question suivante: « Vu que le grand-prêtre est un sadducéen, et attendu que les sadducéens ne croient pas aux anges, qu'allons-nous enseigner au peuple au sujet des ministres célestes? » Alors Jésus donna, entre autres, les indications suivantes:
« Les armées d'anges forment un ordre séparé d'êtres créés. Elles sont entièrement différentes de l'ordre matériel des créatures mortelles et opèrent comme un groupe distinct d'intelligences de l'univers. Les anges n'appartiennent pas au groupe de créatures dénommé « Fils de Dieu » dans les Ecritures (1). Ils ne sont pas non plus les esprits glorifiés des humains qui ont poursuivi leurs progrès à travers les mondes élevés des maisons. Les anges sont une création directe, et ne se reproduisent pas. Les armées d'anges n'ont qu'une parenté spirituelle avec la race humaine. Tandis que l'homme progresse sur son chemin vers le Père du Paradis, il passe à un moment donné par un stade analogue à l'état des anges, mais un homme ne devient jamais un ange.
(1) Genèse VI-2 et 4. Job I-6 et II-1, etc.
« Contrairement aux hommes, les anges ne meurent jamais. Ils sont immortels, à moins de se trouver impliqués dans le péché, comme certains le furent par les tromperies de Lucifer. Les anges sont les serviteurs spirituels du ciel et ne sont ni infiniment sages ni tout-puissants; mais tous les anges loyaux sont vraiment purs et saints.
« Ne vous rappelez-vous pas m'avoir déjà entendu vous dire que, si vos yeux spirituels étaient oints, vous verriez les cieux ouverts et vous apercevriez les anges de Dieu montant et descendant? C'est par le ministère des anges qu'un monde peut être maintenu en contact avec les autres, car ne vous ai-je pas maintes fois dit que j'ai d'autres brebis n'appartenant pas à ce bercail? Les anges ne sont pas des espions du monde spirituel qui vous surveillent et vont ensuite raconter au Père les pensées de votre coeur et lui faire un rapport sur vos activités physiques. Le Père n'a pas besoin de ce genre de services, puisque son propre esprit vit en vous. Mais les esprits angéliques servent à tenir une partie de la création céleste au courant des actes accomplis dans d'autres parties lointaines de l'univers. Un grand nombre d'anges sont affectés au service des races humaines, tout en travaillant dans le gouvernement du Père et les univers des Fils. Quand je vous ai appris que beaucoup de ces séraphins étaient des esprits tutélaires, je ne parlais ni au figuré ni poétiquement. Tout ceci est vrai, indépendamment de votre difficulté à comprendre ces questions.
« Beaucoup de ces anges travaillent à sauver des hommes; ne vous ai-je pas parlé de la joie séraphique lorsqu'une âme décide d'abandonner le péché et de commencer la recherche de Dieu? Je vous ai même parlé de la joie en présence des anges du ciel à propos d'un seul pécheur qui se repent; cela dénotait l'existence d'autres catégories supérieures d'êtres célestes qui s'occupent aussi du bien-être spirituel et du progrès divin des mortels.
« Ces anges s'intéressent également beaucoup aux moyens par lesquels l'esprit des hommes est libéré des tabernacles de la chair et leur âme escortée aux mondes célestes des maisons. Les anges sont les fidèles guides célestes de l'âme des hommes durant la période inexplorée et imprécise qui intervient entre la mort physique et la vie nouvelle dans les demeures de l'esprit ».
Jésus se serait entretenu plus longuement avec Nathanael du ministère des anges s'il n'avait été interrompu par l'approche de Marthe. Elle avait été informée de l'arrivée du Maître à Béthanie par des amis qui l'avaient vu monter les collines à l'est, et elle s'était hâtée d'aller à sa rencontre.
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DERNIÈRE TOURNÉE EN PÉRÉE DU NORD
DU 11 au 18 février de l'an 30, Jésus et les douze firent une tournée en Pérée du Nord dans toutes les villes où opéraient les collaborateurs d'Abner et les femmes du corps évangélique. Ils trouvèrent que ces messagers de l'évangile réussissaient bien, et Jésus attira maintes fois l'attention de ses apôtres sur le fait que l'on pouvait répandre l'évangile du royaume sans accompagnement de miracles ou de prodiges.
Toute cette mission de trois mois en Pérée fut exécutée avec succès et avec un minimum d'aide des douze apôtres. Depuis ce moment-là, l'évangile refléta davantage les enseignements de Jésus que sa personnalité. Mais ses disciples ne suivirent pas longtemps ses instructions; en effet, peu après la mort et la résurrection du Maître, ils s'écartèrent de ses enseignements et commencèrent à former l'Eglise primitive autour des concepts miraculeux et des souvenirs glorifiés de sa personnalité à la fois divine et humaine.
1. -- LES PHARISIENS DE RAGABA
Le samedi 18 février, Jésus se trouvait a Ragaba où vivait un riche pharisien nommé Nathaniel. Une vingtaine d'autres pharisiens suivaient Jésus et les douze dans la tournée du pays. Nathaniel prépara donc, pour cette matinée de sabbat, un déjeuner pour eux tous, et invita Jésus comme hôte d'honneur.
Au moment où Jésus arriva à ce repas, la plupart des pharisiens, ainsi que deux ou trois docteurs de la loi, étaient déjà assis à table. Le Maître prit immédiatement place à gauche de Nathaniel sans se laver les mains aux aiguières. Beaucoup de pharisiens, et spécialement ceux qui voyaient d'un bon oeil les enseignements de Jésus, savaient qu'il se lavait les mains uniquement par souci de propreté et qu'il abhorrait les rites purement cérémoniels; ils ne furent donc pas surpris de le voir s'asseoir directement à table sans s'être deux fois lavé les mains. Mais Nathaniel fut choqué de ce que le Maître ne se soit pas conformé aux strictes exigences des pratiques pharisiennes. Jésus ne se lavait d'ailleurs pas non plus les mains, comme le faisaient les pharisiens, à la fin de chaque service d'un nouveau plat, ni à la fin du repas.
Après que Nathaniel eut longuement chuchoté avec un pharisien inamical assis à sa droite, et que les invités assis en face du Maître eurent maintes fois levé les sourcils en réprobation et fait sarcastiquement la moue, Jésus finit par dire: « Je croyais que vous m'aviez invité dans cette maison pour rompre le pain avec vous, et peut-être pour me poser des questions concernant la proclamation du nouvel évangile du royaume de Dieu. Mais je vois que vous m'avez amené ici pour assister à une exhibition de dévotion cérémonielle à votre pharisaïsme. Maintenant que vous l'avez fait, qu'allez-vous offrir à votre invité d'honneur en cette occasion? »
Après que le Maître eut ainsi parlé, ils baissèrent les yeux en regardant la table et ne dirent rien. Personne ne prenant la parole, Jésus poursuivit: « Parmi les pharisiens ici présents, beaucoup sont mes amis, et certains sont même mes disciples, mais la majorité des pharisiens persiste à refuser de voir la lumière et de reconnaître la vérité, même quand l'oeuvre de l'évangile leur est montrée avec grande puissance. Vous nettoyez soigneusement l'extérieur des coupes et des écuelles, alors que les récipients de nourriture spirituelle sont malpropres et pollués! Vous veillez à offrir une apparence pieuse et sainte au peuple, mais l'intérieur de votre âme est rempli de pharisaïsme, de convoitise, d'exactions, et de toutes sortes de perversités d'esprit. Vos dirigeants osent même compléter et faire des plans pour assassiner le Fils de l'Homme. Insensés, ne comprenez-vous pas que le Dieu du ciel regarde les mobiles intérieurs de votre âme aussi bien que vos simulacres extérieurs et vos pieuses professions de foi? Ne croyez pas qu'en donnant des aumônes et en payant des dîmes vous serez purifiés de votre iniquité et capables de vous présenter purs devant le Juge de tous les hommes. Malheur à vous, pharisiens, qui avez persisté à rejeter la lumière de la vie! Vous payez méticuleusement la dîme et vous faites l'aumône avec ostentation, mais vous méprisez sciemment la visitation de Dieu et vous récusez la manifestation de son amour. Vous avez raison de prêter attention à vos devoirs mineurs, mais vous ne devriez pas négliger les exigences majeures. Malheur à tous ceux qui fuient la justice, dédaignent la miséricorde, et rejettent la vérité! Malheur à tous ceux qui méprisent la révélation du Père, alors qu'ils recherchent des sièges d'honneur dans la synagogue et des salutations flatteuses sur la place du marché! (1) »
(1) Cf. Luc XI-37 à 54.
Jésus allait se lever pour partir lorsqu'un des légistes assis à la table lui demanda: « Maître, dans certains de tes propos tu nous fais également des reproches. N'y a-t-il rien de bon chez les scribes, les pharisiens, et les docteurs de la loi? » Jésus se leva et répondit au légiste: « Comme les pharisiens, vous prenez plaisir à occuper les premières places aux fêtes et à porter de longues robes, tandis que vous mettez sur les épaules des hommes de lourds fardeaux, pénibles à porter. Et quand les âmes des hommes chancellent sous ces lourds fardeaux, vous ne levez même pas le petit doigt pour les soulager. Malheur à vous qui trouvez vos plus grandes délices à bâtir des tombeaux pour les prophètes que vos pères ont tués! Votre consentement aux actes de vos pères est rendu manifeste, en ce sens que vous projetez actuellement de tuer ceux qui viennent aujourd'hui faire les mêmes choses que les prophètes en leur temps -- proclamer la justice de Dieu et révéler la miséricorde du Père céleste. Le sang des prophètes et des apôtres de toutes les générations passées sera redemandé à cette génération perverse et pharisaïque. Malheur à tous les docteurs de la loi qui ont enlevé la clef de la connaissance au commun du peuple! Vous mêmes, vous refusez d'entrer dans la voie de la vérité, et en même temps vous voudriez empêcher tous les autres chercheurs d'y entrer. Mais vous ne pouvez fermer ainsi les portes du royaume; nous les avons ouvertes à tous ceux qui ont assez de foi pour entrer. Ces portes de miséricorde ne seront pas closes par les préjugés et l'arrogance de faux éducateurs et de bergers menteurs qui ressemblent à des sépulcres blanchis; à l'extérieur, ils apparaissent magnifiques, mais à l'intérieur ils sont pleins d'ossements et de toutes sortes d'impuretés spirituelles.
Lorsque Jésus eut fini de parler à la table de Nathaniel, il sortit de la maison sans avoir pris de nourriture. Parmi les pharisiens qui l'avaient entendu, certains crurent à son enseignement et entrèrent dans le royaume, mais la majorité persista dans la voie des ténèbres. Ils furent d'autant plus résolus à le guetter pour surprendre certaines de ses paroles susceptibles de servir à le faire arrêter et juger par le sanhédrin de Jérusalem.
Il y avait trois choses auxquelles les pharisiens prêtaient une attention particulière:
| 1. Pratiquer strictement la dîme. |
| 2. Observer scrupuleusement les règles de purification. |
| 3. Éviter de s'associer avec des non-pharisiens. |
À ce moment, Jésus chercha à mettre à nu la stérilité spirituelle des deux premières pratiques. Quant à ses remarques destinées à reprocher aux pharisiens leur refus d'entretenir des relations sociales avec des non-pharisiens, il les réserva pour une occasion ultérieure où il dînerait à nouveau avec de nombreux convives du même genre.
2. -- LES DIX LÉPREUX
Le lendemain, Jésus se rendit avec les douze à Amathus, près de la frontière de Samarie. En approchant de la ville, ils rencontrèrent un groupe de dix lépreux qui séjournaient dans le voisinage, et dont l'un était samaritain et les neuf autres juifs. Ordinairement ces Juifs se seraient abstenus de toute association ou de tout contact avec ce Samaritain, mais leur affliction commune était plus que suffisante pour triompher de tous les préjugés religieux. Ils avaient beaucoup entendu parler de Jésus et de ses premières cures miraculeuses; en outre, les soixante-dix avaient pris l'habitude d'annoncer l'heure probable de l'arrivée de Jésus quand le Maître faisait une tournée avec les douze apôtres. Les dix lépreux avaient donc été informés que l'on s'attendait à voir apparaître le Maître dans le voisinage vers cette heure; en conséquence ils s'étaient postés là, aux abords de la ville, avec l'espoir d'attirer son attention et de demander à être guéris. Quand les lépreux virent Jésus à proximité, ils n'osèrent pas l'approcher et se tinrent à distance en lui criant: « Maître, aie pitié de nous. Purifie-nous de notre mal. Guéris-nous comme tu en as guéri d'autres ».
Jésus venait d'expliquer aux douze pourquoi les Gentils de Pérée et les Juifs peu orthodoxes étaient plus disposés que les Juifs de Judée (plus orthodoxes et liés par la tradition) à croire à l'évangile prêché par les soixante-dix. Il avait attiré leur attention sur le fait que leur message avait également été reçu plus aisément par les Galiléens, et même par les Samaritains. Mais les douze apôtres n'étaient pas encore prêts à entretenir des sentiments amicaux envers les Samaritains, méprisés depuis si longtemps.
En conséquence, lorsque Simon le Zélote remarque le Samaritain parmi les lépreux, il incita le Maître à poursuivre carrément son chemin vers la ville sans échanger de salutations avec eux. Jésus dit à Simon: « Allons-nous juger nos semblables? Suppose que le Samaritain aime Dieu autant que les Juifs? Qui peut le dire? Si nous guérissons ces dix hommes, peut-être le Samaritain se montrera-t-il plus reconnaissant que les Juifs? Te sens-tu bien certain de ton opinion, Simon? » Et Simon répondit vivement: « Si tu les purifies, tu ne tarderas pas à le savoir ». Jésus répliqua: « Ainsi soit-il, Simon; tu connaîtras bientôt la vérité sur la gratitude des hommes et l'amour miséricordieux de Dieu ».
Jésus s'approcha des lépreux et dit: « Si vous voulez devenir bien portants, allez immédiatement vous montrer aux prêtres comme le prescrit la loi de Moïse' » Et pendant qu'ils y allaient, ils furent guéris. Voyant qu'il était bien portant, le Samaritain revint sur ses pas à la recherche de Jésus et commença à glorifier Dieu à haute voix. Quand il eut trouvé le Maître, il tomba à genoux à ses pieds et rendit grâces pour, sa purification. Les neuf autres, les Juifs, s'étaient également rendu compte de leur guérison et furent également reconnaissants pour leur purification, mais ils continuèrent leur chemin pour se montrer aux prêtres.
Tandis que le Samaritain restait agenouillé aux pieds de Jésus, le Maître promena son regard sur les douze et l'arrêta sur Simon Zélotès en disant: « Les dix n'ont-ils pas été purifiés? L'un d'eux seulement, cet étranger, est revenu rendre gloire à Dieu ». Puis il dit au Samaritain: « Lève-toi et va ton chemin; ta foi t'a rendu bien portant » (2).
(2) Cf. Luc XVII-12 à 19.
Jésus regarda de nouveau ses apôtres tandis que l'étranger s'éloignait. Et tous les apôtres regardèrent Jésus, sauf Simon Zélotès, qui garda les yeux baissés. Les douze ne dirent pas un mot; et Jésus ne parla pas non plus, car c'était superflu.
Les dix hommes croyaient sincèrement qu'ils avaient la lèpre, mais quatre seulement en étaient atteints. Les six autres furent guéris d'une maladie de peau qu'ils avaient confondue avec la lèpre. Mais le Samaritain était réellement lépreux.
Jésus enjoignit aux douze de ne rien dire sur la purification des lépreux. En entrant à Amathus, il fit remarquer: « Vous voyez comment les enfants de cette maison, même quand ils sont insubordonnés à la volonté de leur Père, considèrent leurs bénédictions comme un droit. Ils attachent peu d'importance à négliger de rendre grâces quand le Père leur confère la guérison, mais quand les étrangers reçoivent des dons du chef de maison, ils sont émerveillés et contraints de rendre grâces en reconnaissance des bonnes choses qui leur où été données ». Et les apôtres continuèrent à ne rien répondre aux paroles de leur Maître.
3. -- LE SERMON À GÉRASA
Pendant que Jésus et les douze visitaient les messagers du royaume à Gérasa, l'un des pharisiens qui croyaient en lui posa la question suivante: « Seigneur, les personnes réellement sauvées seront-elles rares ou nombreuses? » Et Jésus répondit:
« On vous a enseigné que seuls les enfants d'Abraham seront sauvés, que seuls les Gentils d'adoption peuvent espérer le salut. Les Ecritures relatent que, parmi toutes les foules de l'exode d'Egypte, seuls Caleb et Josué vécurent pour entrer dans la terre promise. Certains d'entre vous en ont conclu qu'un nombre relativement faible de ceux qui cherchent le royaume des cieux parviendront à y pénétrer.
« Vous avez aussi un autre dicton qui contient beaucoup de vérité: Le chemin qui mène à la vie éternelle est droit et étroit, et la porte qui y conduit est également étroite, de sorte que parmi ceux qui cherchent le salut, rares sont ceux qui parviennent à entrer par cette porte. Vous avez également un proverbe disant que le chemin qui mène à la destruction est large, que son entrée l'est aussi, et que beaucoup choisissent de suivre cette route. Ce proverbe n'est pas dépourvu de signification, mais je déclare que le salut est d'abord une affaire de choix personnel. Même si la porte du chemin de la vie est étroite, elle est assez large pour admettre tous ceux qui cherchent sincèrement à entrer, car je suis cette porte. Le Fils ne refusera l'entrée à aucun enfant de l'univers cherchant par la foi à trouver le Père par le chemin du Fils.
« Mais voici le danger pour tous ceux qui voudraient retarder leur entrée dans le royaume pour continuer à rechercher les plaisirs de l'immaturité et à s'adonner aux satisfactions de l'égoïsme. Ayant refusé d'entrer dans le royaume à titre d'expérience spirituelle, ils chercheront peut-être à y pénétrer quand la gloire du meilleur chemin sera révélée dans l'âge à venir. En conséquence, ceux qui ont repoussé le royaume quand je suis venu dans la similitude de l'humanité chercheront à y entrer quand il sera révélé dans la similitude de la divinité. Mais alors je dirai à tous ces égoïstes: Je ne sais d'où vous venez. Vous avez eu l'occasion de vous préparer à cette citoyenneté céleste, mais vous avez refusé toutes les offres de miséricorde; vous avez rejeté toutes les invitations à venir pendant que la porte était ouverte. Maintenant, à vous qui avez refusé le salut, la porte est fermée. Elle n'est pas ouverte à ceux qui voudraient entrer dans le royaume pour se glorifier égoïstement. Le salut est refusé à ceux qui ne veulent pas payer le prix d'une consécration sincère à faire la volonté de mon Père. Si vous avez spirituellement et psychiquement tourné le dos au royaume de mon Père, il est inutile de vous tenir mentalement et corporellement devant la porte et de frapper en disant: « Seigneur, ouvre nous; nous voudrions aussi être grands dans le royaume ». Alors je déclarerai que vous n'appartenez pas à mon bercail. Je ne vous recevrai pas parmi ceux qui ont mené le bon combat de la foi et gagné la récompense du service désintéressé du royaume sur terre. Quand vous direz: « N'avons-nous pas mangé et bu avec toi, et n'as-tu pas enseigné dans nos rues? » je déclarerai de nouveau que vous êtes des étrangers en esprit, que nous n'avons pas servi ensemble sur terre dans le ministère de miséricorde du Père, et que je ne vous connais pas. Alors le Juge de toute la terre dira: « Allez-vous en, vous tous qui avez pris plaisir aux oeuvres d'iniquité ».
« Toutefois ne craignez point; quiconque désire sincèrement trouver la vie éternelle en entrant dans le royaume de Dieu obtiendra certainement le salut éternel. Mais vous qui refusez ce salut, vous verrez un jour les prophètes de la semence d'Abraham siéger dans le royaume glorifié avec les croyants des nations païennes pour partager le pain de vie et se rafraîchir avec l'eau vive. Ceux qui s'empareront ainsi du royaume avec puissance spirituelle et par les assauts persévérants de la foi vivante viendront du nord et du midi, de l'orient et de l'occident. Et voici, beaucoup de ceux qui étaient les premiers seront les derniers, et ceux qui étaient les derniers seront bien souvent les premiers » (1).
(1) Cf. Marc X-31 et Luc XIII-30.
Ce sermon fut en vérité une version nouvelle et insolite du vieux proverbe bien connu au sujet du chemin droit et étroit.
Les apôtres et nombre de disciples apprenaient lentement la signification de la déclaration antérieure de Jésus: « Si vous n'êtres pas nés de nouveau, nés d'esprit, vous ne pouvez entrer dans le royaume de Dieu ». Néanmoins, pour tous ceux qui ont un coeur honnête et une foi sincère, la citation suivante reste éternellement vraie: « Voici, je me tiens à la porte du coeur des hommes et je frappe; si quelqu'un veut m'ouvrir, j'entrerai, je souperai avec lui, et je le nourrirai du pain de vie; nous ne ferons qu'un en esprit et n'aurons qu'un dessein; ainsi nous serons toujours frères dans la longue et féconde tâche de rechercher le Père du Paradis ». Donc le petit ou le grand nombre de ceux qui doivent être sauvés dépend entièrement du petit ou du grand nombre de ceux qui tiendront compte de l'invitation: « Je suis la porte, je suis le chemin nouveau et vivant; quiconque le veut peut entrer et se lancer dans la recherche sans fin, par la vérité, de la vie éternelle ».
Même les apôtres furent incapables de comprendre pleinement l'enseignement du Maître sur la nécessité d'utiliser la force spirituelle pour se frayer un passage à travers toutes les résistances matérielles. C'est ainsi que l'on surmonte tous les obstacles terrestres bloquant le chemin où l'on saisit les valeurs spirituelles majeures de la nouvelle vie vécue en esprit en tant que fils de Dieu affranchi.
4. -- UNE LECON SUR LES ACCIDENTS
Alors que la plupart des Palestiniens ne prenaient que deux repas par jour, Jésus et les apôtres avaient l'habitude, quand ils étaient en déplacement, de s'arrêter à midi pour se reposer et se restaurer. Ce fut à l'une de ces pauses de midi, sur la route de Philadelphie, que Thomas demanda à Jésus: « Maître, après avoir entendu tes remarques au cours du trajet de ce matin, je voudrais savoir si les êtres spirituels participent à la production d'événements étranges et extraordinaires dans le monde matériel; en outre, je voudrais demander si les anges ou d'autres êtres spirituels sont capables d'empêcher les accidents ».
En réponse à la question de Thomas, Jésus dit: « N'ai-je pas été assez longtemps avec vous pour que vous cessiez de me poser de telles questions? N'avez-vous pas observé que le Fils de l'Homme vit en communion avec vous et refuse avec persistance d'employer les forces célestes pour son soutien personnel? Ne vivons-nous pas par les mêmes moyens qui permettent à tous les hommes d'exister? Voyez-vous le pouvoir du monde spirituel se manifester dans la vie matérielle en dehors de la révélation du Père et de la guérison occasionnelle de ses enfants malades?
« Vos ancêtres ont bien trop longtemps cru que la prospérité était le signe de l'approbation divine, et l'adversité la preuve du déplaisir de Dieu. Je proclame que ces croyances sont des superstitions. Ne remarquez-vous pas que les pauvres, en bien plus grand nombre que les riches, reçoivent joyeusement l'évangile et entrent immédiatement dans le royaume? Si les richesses prouvent la faveur divine, pourquoi les riches refusent-ils si souvent de croire à cette bonne nouvelle venant du ciel?
« Le Père fait tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes; le soleil éclaire pareillement les bons et les méchants. Vous avez entendu parler des Galiléens dont Pilate a mêlé le sang à celui des sacrifices; je vous dis que ces Galiléens n'étaient pas de plus grands pécheurs que leurs compatriotes simplement parce qu'ils furent les victimes. Vous connaissez l'histoire des dix-huit hommes tués par la chute de la tour de Siloé (1). Ne croyez pas que les hommes ainsi anéantis étaient plus coupables que tous leurs frères de Jérusalem. Ils furent simplement d'innocentes victimes d'un accident du temps.
(1) Luc XIII-4.
« Trois sortes d'événements peuvent se produire dans votre vie:
« 1. Vous pouvez participer aux événements normaux faisant partie de l'existence que vous et vos compagnons vivez sur terre.
« 2. Vous pouvez par hasard être victime d'un accident de la nature, de l'une des malchances humaines, en sachant parfaitement que ces événements ne sont aucunement concertés d'avance ni produits autrement par les forces spirituelles du royaume.
« 3. Vous pouvez récolter la moisson de vos efforts directs pour vous conformer aux lois naturelles qui gouvernent le monde.
« Un jour un homme planta un figuier dans sa cour. Après y avoir maintes fois cherché du fruit sans en trouver, il appela les vignerons et leur dit: « Je suis venu ici au cours des trois dernières saisons pour chercher des fruits sur ce figuier, et je n'en ai trouvé aucun. Coupez cet arbre stérile; pourquoi encombrerait-il le sol? » Mais le chef jardinier répondit à son maître: « Laisse le encore une année pour que je puisse creuser autour de lui et y mettre de l'engrais. S'il ne porte pas de fruits l'année prochaine, alors on le coupera ». Et lorsqu'ils se furent ainsi conformés aux lois de la fertilité, ils furent récompensés par une abondante récolte, car l'arbre était vivant et bon (2).
(2) Cf. Luc XIII-6 et suite.
« En matière de maladie et de santé, vous devriez savoir que ces états physiques résultent de causes matérielles. La santé n'est pas un sourire du ciel, ni la maladie un froncement de sourcils de Dieu.
« Les enfants terrestres du Père sont égaux quant à leur aptitude à recevoir des bénédictions matérielles; c'est pourquoi il donne des objets physiques à tous les enfants des hommes sans discrimination. Quand on en vient à l'attribution des dons spirituels, le Père est limité par l'inaptitude des hommes à recevoir ces présents divins. Bien que le Père ne fasse pas acception de personnes, il est limité, dans l'effusion des dons spirituels, par la foi des hommes et leur désir d'obéir toujours à la volonté du Père.
Tandis que les apôtres poursuivaient leur route vers Philadelphie, Jésus continua à les enseigner et à répondre à leurs questions concernant les accidents, les maladies, et les miracles, mais ils furent incapables de comprendre pleinement cette leçon. Une heure d'enseignement ne suffit pas pour changer de fond en comble les croyances de toute une vie. Jésus trouva donc nécessaire de réitérer son message, de répéter à maintes reprises ce qu'il voulait leur faire comprendre. Même ainsi, ils ne saisirent la signification de sa mission terrestre qu'après sa mort et sa résurrection.
5. -- LA CONGRÉGATION DE PHILADELPHIE
Jésus et les douze allèrent rendre visite à Abner et à ses collaborateurs, qui prêchaient et enseignaient à Philadelphie. Parmi toutes les villes de Pérée, c'est à Philadelphie (1) que le groupe le plus nombreux de Juifs et de Gentils, riches et pauvres, instruits et ignorants, adopta les enseignements des soixante-dix et entra ainsi dans le royaume des cieux. La synagogue de Philadelphie n'avait jamais été soumise à la juridiction du sanhédrin de Jérusalem; elle n'avait donc jamais été fermée aux enseignements de Jésus et de ses collaborateurs. A ce moment même, Abner donnait trois leçons par jour dans la synagogue de Philadelphie.
| (1) Actuellement Amman, capitale de la Jordanie. Cette ville avait été hellénisée au IIIe siècle avant J.-C. par Ptolémée Philadelphe. |
Cette synagogue devint plus tard une Eglise chrétienne et fut le quartier général des missionnaires qui promulguèrent l'évangile dans les régions situées plus à l'est. Elle fut longtemps une forteresse des enseignements du Maître; durant des siècles, elle se dressa seule dans cette région en tant que centre d'éducation chrétienne.
Les Juifs de Jérusalem s'étaient toujours querellés avec les Juifs de Philadelphie. Après la mort et la résurrection de Jésus, l'Eglise de Jérusalem, dont Jacques, frère du Seigneur, était le chef, commença à avoir de graves difficultés avec la congrégation des croyants de Philadelphie. Abner devint le chef de l'Eglise de Philadelphie et le resta jusqu'à sa mort. Cette séparation d'avec Jérusalem explique pourquoi les récits évangéliques du Nouveau Testament ne mentionnent jamais Abner et son oeuvre. Cette querelle entre Jérusalem et Philadelphie dura pendant toute la vie de Jacques et d'Abner et continua encore quelque temps après la destruction de Jérusalem. Philadelphie fut réellement le quartier général de l'Eglise primitive dans le sud et l'est, comme Antioche le fut dans le nord et l'ouest.
Ce fut apparemment un malheur pour Abner d'être en désaccord avec tous les chefs de l'Eglise chrétienne primitive. Il se brouilla avec Pierre et Jacques (frère de Jésus) à propos de questions concernant l'administration et la juridiction de l'Eglise de Jérusalem. Il se sépara de Paul à propos de divergences philosophiques et théologiques. Abner avait une philosophie plus babylonienne qu'hellénique; il résista obstinément à toutes les tentatives que fit Paul pour remanier les enseignements de Jésus de manière à ce qu'ils soulèvent moins d'objections d'abord chez les Juifs, et ensuite chez les Gréco-Romains croyant aux mystères.
Abner fut ainsi contraint de vivre une vie d'isolement. Il était chef d'une Eglise qui ne jouissait d'aucune considération à Jérusalem. Il avait osé défier Jacques, frère du Seigneur, qui fut ultérieurement soutenu par Pierre. Cette conduite le sépara effectivement de tous ses anciens collaborateurs. Ensuite il eut l'audace de résister à Paul. Bien qu'il sympathisât entièrement avec Paul dans sa mission auprès des Gentils, et bien qu'il le soutint dans ses disputes avec l'Eglise de Jérusalem, il s'opposa avec acharnement à la version des enseignements de Jésus que Paul avait choisi de prêcher. Vers la fin de sa vie, Abner dénonça Paul comme étant « l'habile corrupteur des enseignements de la vie de Jésus de Nazareth, Fils du Dieu vivant ».
Durant les dernières années de la vie d'Abner et pendant quelque temps après sa mort, les croyants de Philadelphie observèrent plus strictement que toute autre collectivité de la terre la religion telle que jésus l'avait vécue et enseignée (2).
Abner vécut jusqu'à 89 ans et mourut à Philadelphie le 21 novembre de l'an 74. Jusqu'à sa mort, il fut un fidèle croyant et instructeur de l'évangile du royaume des cieux.
(2) Cf. Apocalypse III-7 à 13.
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- Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
LA MISSION EN PÉRÉE COMMENCE
ABNER LE NAZIRÉEN, ancien chef des douze apôtres de Jean le Baptiste et jadis chef de l'école naziréenne d'Engaddi, était maintenant le chef des soixante-dix messagers du royaume. Le mardi 3 janvier de l'an 30, il convoqua ses collaborateurs et leur donna les instructions finales avant de les envoyer en mission dans toutes les villes et tous les villages de Pérée. Cette mission en Pérée se poursuivit durant presque trois mois et fut le dernier ministère du Maître. Après cette mission, Jésus alla directement à Jérusalem pour traverser les ultimes expériences de son incarnation. Secondés par l'appui périodique de Jésus et des douze apôtres, les soixante-dix évangélistes opérèrent dans les villes et cités suivantes et dans une cinquantaine d'autres villages: Zaphon, Gadara, Macad, Arbéla, Rama, Edréi, Bosora, Caspin, Mispeh, Gérasa, Ragaba, Succoth, Amathus, Adam, Pénuel, Capitoliade, Dion, Hatita, Gadda, Philadelphie, Jogbéha, Giléad, Beth-Nimra, Tyr, Eléala, Hesbon, Callirhoé, Beth-Péor, Sittim, Sibma, Médéba, Beth-Méon, Aréopolis, et Aroer.
Durant cette tournée de Pérée, le corps évangélique féminin, qui comptait maintenant soixante-deux membres, prit en charge la majeure partie des soins aux malades. Ce fut la période finale de développement des aspects spirituels supérieurs de l'évangile du royaume, et en conséquence aucun miracle ne fut accompli. Dans nulle autre région de Palestine les apôtres et les disciples de Jésus ne firent un travail aussi approfondi, et nulle part ailleurs l'enseignement du Maître ne fut accepté aussi généralement par les classes supérieures de citoyens.
A cette époque, la Pérée était peuplée à peu près également de Gentils et de Juifs. Dans l'ensemble, les Juifs avaient été évincés de ces régions à l'époque de Judas Macchabée. La Pérée était la province la plus belle et la plus pittoresque de toute la Palestine. Les Juifs l'appelaient généralement « le pays au delà du Jourdain ».
Durant cette période, Jésus partagea son temps entre le camp de Pella et des déplacements avec les douze pour assister les soixante-dix dans les diverses villes où ils enseignaient et prêchaient. Selon les instructions d'Abner, les soixante-dix baptisèrent tous les croyants, bien que Jésus ne les eût pas chargés de le faire.
1. -- AU CAMP DE PELLA
Au milieu de janvier, plus de douze cents personnes étaient rassemblées à Pella. Quand Jésus résidait au camp, il enseignait cette foule au moins une fois par jour; il parlait généralement à neuf heures du matin lorsqu'il n'en était pas empêché par la pluie. Pierre et les autres apôtres enseignaient tous les après-midi. Jésus réservait la soirée pour les sessions habituelles de questions et de réponses avec les douze et d'autres disciples avancés. Les groupes du soir comptaient en moyenne une cinquantaine de personnes.
Au milieu de mars, au moment où Jésus commença son voyage vers Jérusalem, plus de quatre mille personnes composaient le vaste auditoire qui écoutait Jésus ou Pierre prêcher tous les matins. Le Maître décida de terminer son oeuvre terrestre à un moment où le public y portait un grand intérêt, à l'apogée de la seconde phase -- dépourvue de miracles -- des progrès du royaume. Les chercheurs de vérité constituaient les trois quarts de la foule, mais l'auditoire comprenait également un bon nombre de pharisiens de Jérusalem et d'ailleurs, ainsi que de nombreux incrédules et ergoteurs.
Jésus et les douze apôtres consacrèrent beaucoup de temps à la multitude assemblée au camp de Pella. Les douze ne s'occupèrent que très peu du travail extérieur au camp; ils se bornèrent à s'absenter de temps en temps avec Jésus pour aller visiter les collaborateurs d'Abner. Abner connaissait fort bien le district de Pérée, car c'était le domaine où son ancien maître Jean le Baptiste avait accompli la plus grande partie de son oeuvre. Après avoir entamé la mission en Pérée, Abner et les soixante-dix ne revinrent plus jamais au camp de Pella.
2. -- LE SERMON SUR LE BON BERGER
Une compagnie de plus de trois cents habitants de Jérusalem, pharisiens et autres, suivit Jésus au nord de Pella lorsqu'il quitta précipitamment le domaine de juridiction des dirigeants juifs à la fin de la fête de la Dédicace. Ce fut en présence de ces éducateurs et notables juifs, et des douze apôtres, que Jésus prêcha son sermon sur le « Bon Berger ». Après une demi-heure de discussions amicales, Jésus s'adressa à une centaine de personnes en disant:
« J'ai bien des choses à vous dire ce soir. Vu que beaucoup d'entre vous sont mes disciples, et quelques autres mes ennemis acharnés, je présenterai mon enseignement sous la forme d'une parabole. Ainsi, chacun de vous pourra prendre pour lui ce que son coeur accueillera.
« Ce soir, il y a devant moi des hommes disposés à mourir pour moi et pour l'évangile du royaume; plusieurs d'entre eux se sacrifieront ainsi dans les années à venir. Par ailleurs, d'autres auditeurs parmi vous sont esclaves de la tradition; ils m'ont suivi depuis Jérusalem et, sous l'égide de leurs chefs qui vivent dans les ténèbres et les illusions, ils cherchent à faire mourir le Fils de l'Homme. La vie incarnée que je vis actuellement jugera les deux catégories, les vrais bergers et les faux bergers. Si les faux bergers étaient aveugles, ils ne seraient pas coupables de péché, mais vous prétendez voir; vous vous présentez comme les éducateurs d'Israël; c'est pourquoi votre péché reste attaché à vous.
« A l'époque du danger, le vrai berger rassemble son troupeau au bercail pour la nuit. Au lever du jour, il entre au bercail par la porte, et quand il appelle, les brebis connaissent sa voix. Tout berger qui pénètre dans le bercail autrement que par la porte est un voleur et un brigand. Le vrai berger entre au bercail après que le gardien lui ait ouvert la porte, et ses brebis, connaissant sa voix, sortent à son appel; une fois qu'elles sont rassemblées à la sortie, le bon berger les précède; il montre le chemin, et les brebis le suivent. Elles le suivent parce qu'elles connaissent sa voix; elles refuseront de suivre un étranger. Elles fuiront l'étranger parce qu'elles ne connaissent pas sa voix. La foule assemblée ici autour de nous ressemble à des brebis sans berger, mais quand nous lui parlons, elle connaît la voix du berger et nous suit; tout au moins ceux qui où faim de vérité et soif de droiture nous suivent. Quelques uns d'entre vous n'appartiennent pas à mon bercail; vous ne connaissez pas ma voix et vous ne me suivez pas. Parce que vous êtes de faux bergers, les brebis ne connaissent pas votre voix et ne veulent pas vous suivre.
Lorsque Jésus eut conté cette parabole, nul ne lui posa de questions. Après un moment, il reprit la parole et poursuivit en analysant la parabole:
« Vous qui voudriez être les bergers auxiliaires des troupeaux de mon Père, il vous faut non seulement être des chefs méritants, mais aussi alimenter le troupeau avec de la bonne nourriture. Vous n'êtes de bons bergers qu'à condition de conduire vos troupeaux dans de verts pâturages et auprès d'eaux tranquilles.
« Et maintenant, de crainte que certains d'entre vous ne comprennent trop facilement cette parabole, je déclare que je suis la porte du bercail du Père, et en même temps le vrai berger des troupeaux de mon Père. Tout berger qui cherche à entrer sans moi au bercail n'y parviendra pas, et les brebis n'écouteront pas sa voix. Avec mes compagnons de service, je suis la porte. Toute âme qui aborde la voie éternelle par les moyens que j'ai créés et ordonnés sera sauvée et pourra poursuivre sa route jusqu'aux éternels pâturages du Paradis.
«.Mais je suis aussi le bon berger qui va jusqu'à offrir sa vie pour ses brebis. Un larron ne pénètre par effraction dans le bercail que pour voler, tuer, et détruire, mais moi je suis venu pour que vous puissiez tous avoir la vie, et l'avoir plus abondamment. Quand le danger surgit, le mercenaire s'enfuit et laisse les brebis être dispersées et détruites; mais le bon berger ne fuit pas à l'arrivée du loup; il protège son troupeau et, si nécessaire, il donne sa vie pour ses brebis. En vérité, en vérité, je vous le dis à tous, amis et ennemis, je suis le vrai pasteur. Je connais les miens, et les miens me connaissent. Je ne fuirai pas en face du danger. Je terminerai mon service en parachevant la volonté de mon Père, et je n'abandonnerai pas le troupeau que le Père a confié à ma garde.
« Toutefois, j'ai bien d'autres brebis qui n'appartiennent pas à ce bercail, et mes paroles ne s'appliquent pas uniquement à ce monde. Mes autres brebis entendent et connaissent également ma voix, et j'ai promis à mon Père qu'elles seraient toutes réunies en un seul bercail, en une seule confraternité des fils de Dieu. Alors vous connaîtrez tous la voix du seul et vrai berger, et vous reconnaîtrez tous la paternité de Dieu (1).
(1) Cf. Jean X-1 à 18.
« Vous connaîtrez ainsi pourquoi le Père m'aime et a remis tous les troupeaux de ce domaine entre mes mains pour que je les garde; il sait en effet que je ne chancellerai pas dans la protection du bercail, que je ne déserterai pas mes brebis, et que, si c'était nécessaire, je n'hésiterais pas à donner ma vie au service de ses multiples troupeaux. Mais prenez garde, si j'abandonne ma vie, je la reprendrai. Nul homme et nulle autre créature ne peuvent m'enlever la vie. J'ai le droit et le pouvoir de la donner, et j'ai le même pouvoir et le même droit de la reprendre. Vous ne pouvez comprendre cela, mais j'ai reçu cette autorité de mon Père bien avant que ce monde n'existe.
Lorsqu'ils entendirent ces paroles de Jésus, ses apôtres furent confondus et ses disciples stupéfaits, tandis que les pharisiens de Jérusalem et des environs partirent dans la nuit en disant: « Ou bien il est fou, ou bien il est possédé par un démon ». Toutefois, même certains éducateurs de Jérusalem disaient: « Il parle comme quelqu'un ayant autorité. D'ailleurs, qui a jamais vu un possédé ouvrir les yeux d'un aveugle-né et accomplir toutes les choses merveilleuses que cet homme a faites? »
Le lendemain matin, la moitié de ces éducateurs juifs confessaient leur croyance en Jésus, tandis que les autres retournaient consternés chez eux à Jérusalem.
3. -- LE SERMON DE SABBAT À PELLA
À la fin de janvier, l'auditoire de l'après-midi du sabbat comptait presque trois mille personnes. Le samedi 28 janvier, Jésus prêcha le mémorable sermon sur « La Confiance et l'Etat de Préparation Spirituelle ». Après des remarques préliminaires de Pierre, Jésus dit:
« Ce que j'ai maintes fois dit à mes apôtres et à mes disciples, je le proclame maintenant à cette foule: Méfiez-vous du levain des pharisiens qui est l'hypocrisie, née des préjugés et nourrie des servitudes de la tradition. Cependant, beaucoup de pharisiens sont honnêtes dans leur coeur, et certains comptent parmi mes disciples ici présents. Bientôt vous comprendrez tous mon enseignement, car il n'y a rien de secret qui ne doive être révélé. Ce qui vous est actuellement caché sera proclamé au monde entier quand le Fils de l'Homme aura parachevé sur terre sa mission en incarnation.
« Bientôt, très bientôt, les choses que nos ennemis projettent actuellement dans le secret et dans l'obscurité seront amenées à la lumière et proclamées sur tous les toits. Mais je vous le dis, mes amis, n'ayez pas peur d'eux quand ils chercheront à anéantir le Fils de l'Homme. Ne craignez pas ceux qui sont peut-être capables de tuer le corps, mais ensuite n'ont plus aucun pouvoir sur vous. Je vous adjure de ne craindre personne, ni dans le ciel ni sur terre, mais de vous réjouir dans la connaissance de Celui qui a pouvoir de vous libérer de toute iniquité et de vous présenter irréprochables devant le Tribunal d'un univers.
« Ne vend-on pas cinq passereaux pour deux deniers? Et cependant, quand ces oiseaux volètent à la recherche de leur subsistance, aucun d'eux n'existe à l'insu du Père, source de toute vie. Pour les anges gardiens, les cheveux même de votre tête sont comptés. Si tout cela est vrai, pourquoi vivez-vous dans la crainte de nombreuses vétilles qui émaillent votre vie quotidienne? Je vous le dis: ne craignez pas, vous valez plus que beaucoup de passereaux (1).
(1) Matthieu X-27 à 29 ; Luc XII-1 à 7.
« Tous ceux d'entre vous qui ont eu le courage de confesser devant les hommes leur foi dans mon évangile, je les reconnaîtrai devant les anges des cieux. Mais quiconque aura sciemment nié devant les hommes la vérité de mes enseignements sera renié par le gardien de sa destinée devant les anges des cieux.
« Dites ce que vous voulez sur le Fils de l'Homme; cela vous sera pardonné. Mais quiconque a la présomption de blasphémer contre Dieu ne trouvera guère de pardon. Quand des hommes s'égarent au point d'attribuer sciemment les actes de Dieu aux forces du mal, ces rebelles délibérés n'ont pas l'intention de rechercher le pardon de leur péchés.
« Si vos ennemis vous font comparaître devant les chefs de la synagogue et devant d'autres autorités, ne vous préoccupez pas de ce qu'il faudrait dire et ne vous inquiétez pas de la manière de répondre à leurs questions, car l'esprit qui habite en vous vous enseignera certainement sur l'heure ce qu'il faut dire à l'honneur de l'évangile du royaume.
« Combien de temps vous attarderez-vous dans la vallée de la décision? Pourquoi vous arrêtez-vous entre deux opinions? Pourquoi un Juif ou un Gentil hésiterait-il à accepter la bonne nouvelle qu'il est un fils du Dieu éternel? Combien de temps vous faudra-t-il pour vous persuader d'entrer joyeusement dans votre héritage spirituel? Je suis venu dans ce monde pour vous révéler le Père et vous conduire vers le Père. J'ai exécuté la première partie de ce programme, mais je n'ai pas le droit d'accomplir la seconde sans votre consentement; le Père n'oblige jamais personne à entrer dans le royaume. L'invitation a toujours été et restera toujours la même: si quelqu'un veut entrer, qu'il vienne et partage librement l'eau vive ».
Après cette allocution, un grand nombre d'auditeurs allèrent se faire baptiser dans le Jourdain par les apôtres, tandis que Jésus écoutait les questions de ceux qui étaient restés.
4. -- LE PARTAGE DE L'HÉRITAGE
Un jeune homme lui dit: « Maître, mon père est mort en laissant de grands biens à mon frère et à moi, mais mon frère refuse de me donner ma part. Voudrais-tu lui demander de partager l'héritage avec moi? » Jésus fut quelque peu indigné de voir ce jeune matérialiste amener la discussion sur une pareille question d'affaires, mais il saisit l'occasion pour communiquer de nouvelles instructions. Il dit: « Mon garçon, qui m'a chargé de faire vos partages (1) ? D'où as-tu tiré l'idée que je m'occupe des affaires matérielles de ce monde? » Puis, se tournant vers tout l'auditoire, il dit: « Faites attention, et gardez-vous de la convoitise; la vie d'un homme ne consiste pas dans l'abondance des biens qu'il possède. Le pouvoir de la fortune n'apporte pas le bonheur, et la joie ne provient pas des richesses. La fortune, par elle-même, n'est pas une malédiction, mais l'amour des richesses conduit bien souvent à se consacrer tellement aux choses de ce monde que l'âme devient aveugle aux attraits magnifiques des réalités spirituelles du royaume de Dieu sur terre, et aux joies de la vie éternelle dans les cieux.
(1) Luc XII-13 et 14.
« Laissez-moi vous raconter l'histoire d'un homme riche dont les terres produisaient des récoltes abondantes. Quand il fut devenu très riche, il se mit à raisonner en lui-même en se disant: « Que vais-je faire de tous mes biens? J'en ai maintenant tellement que je n'ai plus de place pour emmagasiner mes richesses ». Après avoir médité sur son problème, il dit: « Voici ce que je vais faire. Je vais démolir mes granges et en bâtir de plus grandes, de sorte que j'aurai beaucoup de place pour conserver le fruit de mes biens. Alors je pourrai dire à mon âme: tu as une grande fortune en réserve pour bien des années; prends en maintenant à ton aise; mange, bois, et sois heureuse, car tu es riche et pourvue de biens ».
« Mais ce riche était également insensé. En pourvoyant aux nécessités matérielles de sa pensée et de son corps, il avait négligé d'accumuler des trésors dans les cieux pour la satisfaction de son esprit et le salut de son âme. Même ainsi, il ne devait pas jouir du plaisir de consommer ses biens thésaurisés, car le soir même son âme lui fut redemandée. Cette nuit-là des brigands entrèrent par effraction dans sa maison pour le tuer, et après avoir pillé ses granges, ils mirent le feu à ce qui restait. Quant à la propriété, que les voleurs ne pouvaient emporter, les héritiers de l'homme riche se battirent entre eux à son sujet. Cet homme avait amassé des trésors pour lui-même sur terre, mais il n'était pas riche au regard de Dieu » (2).
(2) Luc XII-16 à 21.
Jésus traita ainsi le jeune homme et son héritage, parce qu'il savait que ses difficultés provenaient de sa convoitise. Même si cela n'avait pas été le cas, le Maître ne serait pas intervenu dans le partage, car il ne se mêlait jamais des affaires temporelles, même de celles de ses apôtres, et encore moins de celles de ses disciples.
Lorsque Jésus eut terminé son histoire, un autre homme se leva et lui demanda: « Maître, je sais que tes apôtres ont vendu toutes leurs possessions terrestres pour te suivre, et qu'ils ont tout en commun comme le pratiquent les Esséniens. Mais tiens-tu à ce que nous tous, qui sommes tes disciples, nous fassions de même? Est-ce un péché que de posséder une fortune honnête? » à cette question Jésus répondit: « Mon ami, ce n'est pas un péché d'avoir une fortune honnête; mais c'est un péché de convertir une fortune de biens matériels en trésors susceptibles d'absorber votre intérêt et de détourner votre affection de la dévotion aux buts spirituels du royaume. Il n'y a pas de péché à détenir des possessions honnêtes sur terre, pourvu que votre trésor soit au ciel, car là où est votre trésor, là sera aussi votre coeur. Il existe une grande différence entre la fortune conduisant à la convoitise et à l'égoïsme, et la fortune détenue et dépensée dans un esprit de gérance par ceux qui disposent en abondance des biens de ce monde et contribuent si libéralement à soutenir ceux qui consacrent toutes leurs énergies à l'oeuvre du royaume. Beaucoup d'entre vous, ici présents et dépourvus d'argent, sont nourris et logés dans le village de tentes voisin parce que des hommes et des femmes riches et généreux ont remis à cet effet des fonds à votre hôte David Zébédée.
« N'oubliez pas qu'en fin de compte la fortune n'est pas durable. L'amour des richesses obscurcit trop souvent la vision spirituelle, et même la détruit. Ne manquez pas de reconnaître le danger de voir l'argent devenir votre maître et non votre serviteur ».
Jésus n'enseigna et n'approuva jamais l'imprévoyance, l'oisiveté, l'indifférence à fournir à sa famille le nécessaire sur le plan matériel, ou le fait de dépendre d'aumônes. Par contre, il enseigna que les affaires matérielles et temporelles doivent être subordonnées au bonheur de l'âme et au progrès de la nature spirituelle dans le royaume des cieux.
Ensuite, tandis que la foule descendait vers le fleuve pour assister aux baptêmes, le premier jeune homme riche revint s'entretenir en privé avec Jésus de son héritage, car il estimait que Jésus l'avait traité durement. Après l'avoir écouté à nouveau, le Maître dit: « Mon fils, pourquoi laisses-tu échapper l'occasion de te nourrir du pain de vie en un jour comme celui-ci, et t'abandonnes-tu à ta tendance à la convoitise? Ne sais-tu pas que les lois successorales juives seront appliquées avec justice si tu vas porter ta plainte au tribunal de la synagogue? Ne vois-tu pas que mon oeuvre consiste à m'assurer que tu connais ton héritage céleste? N'as-tu pas lu dans les Ecritures: « Celui qui devient riche par excès de précaution et de parcimonie reçoit la récompense que voici. Il dit: « J'ai trouvé le repos, et maintenant je pourrai manger continuellement mes biens », mais il ne sait pas ce que les années lui apporteront, et oublie qu'il devra laisser toutes ces choses à d'autres quand il mourra ». Et n'as-tu pas lu le commandement: « Tu ne convoiteras pas ». Et aussi: « Ils ont mangé et se sont rassasiés, et ils sont devenus gras, et ensuite ils se sont tournés vers d'autres dieux ». As-tu lu dans les Psaumes que « l'Éternel abhorre les cupides », et que « le peu que possède un homme juste vaut mieux que les richesses de beaucoup de méchants ». « Si ta fortune s'accroît, n'y attache pas ton coeur ». As-tu lu le passage où Jérémie dit: « Que le riche ne se glorifie pas dans ses richesses ». Ezéchiel a exprimé la vérité en disant: « Avec leur bouche ils font parade de bienveillance, mais leur coeur est attaché à leurs gains égoïstes ».
Jésus congédia le jeune homme en lui disant: « Mon fils, quel profit auras-tu à gagner le monde entier, si tu perds ton âme? (3)»
(3) Cf. Matthieu XVI-26.
Un autre auditeur voisin demanda comment les riches seraient traités au jour du jugement, et Jésus répondit: « Je ne suis venu juger ni les riches ni les pauvres; c'est la manière de vivre des hommes qui les jugera tous. Quant au reste de ce qui concerne le jugement des riches, toute personne ayant acquis une grande fortune devra répondre au moins aux trois questions suivantes:
| 1. Quelle fortune as-tu accumulée? |
| 2. Comment l'as-tu acquise? |
| 3. Quel emploi en as-tu fait |
Ensuite Jésus se retira dans sa tente pour s'y reposer un moment avant le repas du soir. Quand les apôtres eurent fini de baptiser, ils arrivèrent aussi et auraient voulu s'entretenir avec lui des richesses sur terre et du trésor au ciel, mais le Maître dormait.
5. -- CONFÉRENCE AUX APÔTRES SUR LA RICHESSE
Ce soir-là après le souper, lorsque Jésus et les douze se réunirent pour leur conférence quotidienne, André demanda: « Maître, pendant que nous baptisions les croyants, tu as longuement parlé à la foule attardée, et nous n'avons pas entendu ce que tu as dit. Voudrais-tu le répéter à notre intention? » En réponse à la requête d'André, Jésus dit:
Oui, André, je vais vous parler de ces questions de fortune et de moyens d'existence, mais ce que je vous dirai, à vous mes apôtres, devra différer quelque peu des paroles adressées aux disciples et à la multitude; en effet, vous avez tout quitté, non seulement pour me suivre, mais pour recevoir l'ordination d'ambassadeurs du royaume. Vous avez déjà plusieurs années d'expérience et vous savez que le Père, dont vous proclamez le règne, ne vous abandonnera pas. Vous avez consacré votre vie au ministère du royaume; donc n'ayez ni inquiétude ni soucis à propos des choses de la vie temporelle, pour ce que vous mangerez, ni même pour votre corps ou pour les vêtements que vous porterez. Le bonheur de l'âme vaut plus que la nourriture et la boisson; le progrès en esprit transcende le besoin de vêtements. Si vous êtes tentés de mettre en doute la sécurité de votre pain quotidien, considérez les corbeaux; ils ne sèment ni ne récoltent, ils n'ont ni entrepôts ni greniers, et cependant le Père procure de la nourriture à tous ceux d'entre eux qui la cherchent. Combien vous valez plus que beaucoup d'oiseaux! En outre, toute votre anxiété ou vos doutes rongeurs ne peuvent rien faire pour satisfaire vos besoins matériels. Qui d'entre vous, par son inquiétude, peut ajouter une largeur de main à sa stature ou un jour à sa vie? Puisque ces questions ne dépendent pas de vous, pourquoi réfléchissez-vous avec anxiété à ces problèmes?
« Considérez les lis et comment ils croissent; ils ne travaillent ni ne filent, et cependant je vous dis que dans toute sa gloire, Salomon lui-même n'a pas été vêtu comme l'un d'eux. Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui aujourd'hui est vivante et demain sera coupée et jetée au feu, combien mieux vous vêtira-t-il, vous les ambassadeurs du royaume céleste (1). Hommes de peu de foi! Quand vous vous consacrez de tout coeur à proclamer l'évangile du royaume, vous ne devriez pas avoir de pensées de doute sur la subsistance de vos personnes ou des familles que vous avez abandonnées. Si vous donnez vraiment votre vie à l'évangile, vous vivrez par l'évangile. Si vous êtes simplement des disciples croyants, il vous faut gagner votre propre vie et contribuer à l'entretien de tous ceux qui enseignent, prêchent, et guérissent. Si vous êtes inquiets de votre nourriture et de votre boisson, en quoi êtes-vous différents des nations du monde qui recherchent ces nécessités avec tant de diligence? Consacrez-vous à votre travail avec la conviction que mon Père et moi nous savons tous deux que vous avez besoin de ces choses. Laissez-moi vous assurer, une fois pour toutes, que si vous dédiez votre vie à l'oeuvre du royaume, tous vos besoins réels seront satisfaits. Cherchez la grande chose, et vous trouverez que les moindres y sont contenues; demandez les choses célestes, et les choses terrestres y seront incluses. L'ombre est certaine de suivre la substance.
(1) Matthieu VI-28 et Luc XII-27.
« Vous n'êtes qu'un petit groupe, mais si vous avez la foi, si la peur ne vous fait pas trébucher, je déclare que le bon plaisir de mon Père est de vous donner ce royaume. Vous avez amassé vos trésors à l'endroit où l'argent ne s'épuise pas, où nul voleur ne peut vous dépouiller, où nul insecte ne peut détruire. Comme je l'ai dit au peuple, là où est votre trésor, là sera aussi votre coeur.
« Dans l'oeuvre qui nous attend immédiatement, et dans celle qui vous restera à accomplir après mon retour auprès du Père, vous serez sévèrement mis à l'épreuve. Il faut que vous soyez tous sur vos gardes contre la peur et les doutes. Que chacun de vous se ceigne les reins mentalement et garde sa lampe allumée. Conduisez-vous comme des hommes qui veillent en attendant que leur maître revienne de la fête de mariage, de sorte qu'au moment où il viendra et frappera, vous pourrez rapidement lui ouvrir. Le maître bénira ces serviteurs vigilants qu'il trouvera veillant en cette grande occasion. Il les fera alors asseoir, tandis que lui-même les servira. En vérité, en vérité, je vous le dis, une crise est imminente dans votre vie; il vous incombe de veiller et d'être prêts.
« Vous comprenez bien que nul homme ne laisserait un voleur pénétrer par effraction dans sa maison s'il connaissait l'heure où le voleur doit venir. Veillez donc aussi sur vous-mêmes, car à l'heure que vous soupçonnerez le moins, et d'une manière que vous n'imaginez pas, le Fils de l'Homme s'en ira ».
Les douze restèrent assis quelques minutes en silence. Ils avaient déjà entendu précédemment certains de ces avertissements, mais jamais dans le cadre où Jésus venait de les leur donner.
6. -- RÉPONSE À LA QUESTION DE PIERRE
Tandis qu'ils étaient pensivement assis, Simon Pierre demanda: «Racontes-tu cette parabole pour nous, tes apôtres, ou est-elle destinée à tous les disciples? » Jésus répondit:
« À l'heure de l'épreuve, l'âme de l'homme est révélée; l'épreuve dévoile ce qu'il a réellement dans son coeur. Quand un serviteur est éprouvé et qualifié, alors le maître de la maison peut l'établir sur sa maisonnée et s'en remettre en sécurité à ce fidèle intendant du soin de veiller à la nourriture et aux besoins de ses enfants. Ainsi, je saurai bientôt à qui je peux confier le bien-être de mes enfants après mon retour auprès du Père. De même que le maître de maison confiera au serviteur fidèle et éprouvé les affaires de sa famille, de même j'élèverai ceux qui supporteront les épreuves de cette heure dans les affaires de mon royaume.
« Mais si le serviteur est indolent et commence à dire dans son coeur « mon maître retarde son retour », s'il commence à maltraiter les autres serviteurs et à manger et à boire avec les ivrognes, alors le maître arrivera à un moment où le serviteur ne s'y attendra pas et, le trouvant infidèle, il le chassera dans la disgrâce. Vous ferez donc bien de vous préparer pour le jour où vous serez visités à l'improviste et d'une manière inattendue. Souvenez-vous qu'il vous a été beaucoup donné; il vous sera donc beaucoup demandé. De terribles épreuves sont imminentes pour vous. Il faut que je subisse un baptême, et je reste sur mes gardes jusqu'à ce que ce soit accompli. Vous prêchez la paix sur terre, mais ma mission n'apportera pas la paix dans les affaires matérielles des hommes -- du moins pas avant un certain temps. Si deux membres d'une famille croient en moi et si trois autres rejettent l'évangile, il n'en peut résulter qu'une division. Amis, parents, et personnes chéries sont destinés à se dresser les uns contre les autres à cause de l'évangile que vous prêchez. Il est vrai que chaque croyant jouira dans son coeur d'une grande paix durable, mais la paix sur terre ne viendra pas avant que tous les hommes ne soient prêts à croire et à entrer dans leur glorieux héritage de filiation avec Dieu. Malgré cela, allez dans le monde entier proclamer l'évangile à toutes les nations, à chaque homme, à chaque femme, et à chaque enfant. »
Ainsi se termina une journée de sabbat active et bien remplie. Le lendemain matin, Jésus et les douze partirent visiter les soixante-dix dans les villes du nord de la Pérée, où ils évangélisaient sous la supervision d'Abner.
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- Category: 4. LA VIE ET LES ENSEIGNEMENTS DE JÉSUS
LA FÊTE DE LA DÉDICACE
PENDANT que l'on installait le camp de Pella, Jésus emmena secrètement Nathanael et Thomas à Jérusalem pour assister à la fête de la Dédicace. Les deux apôtres ne se rendirent compte que leur Maître allait à Jérusalem qu'après avoir traversé le Jourdain au gué de Béthanie. Dès qu'ils perçurent son intention réelle d'assister à la fête de la Dédicace, ils lui firent les reproches les plus sérieux et s'efforcèrent de l'en dissuader en employant toutes sortes d'arguments, mais leurs efforts ne servirent à rien. Jésus était décidé à se rendre à Jérusalem. A toutes leurs supplications et à tous leurs avertissements insistant sur la folie et le danger de se mettre spontanément à la merci du sanhédrin, il se bornait à répondre: « Je voudrais donner à ces éducateurs d'Israël une nouvelle chance de voir la lumière avant que mon heure ne soit venue ».
Ils poursuivirent leur route vers Jérusalem, les deux apôtres continuant à exprimer leurs sentiments de crainte et leurs doutes sur la sagesse de cette entreprise apparemment présomptueuse. Ils atteignirent Jéricho à quatre heures et demie et se préparèrent à y loger pour la nuit.
1. -- L'HISTOIRE DU BON SAMARITAIN
Ce soir-là, une nombreuse compagnie se réunit autour de Jésus et des deux apôtres pour poser des questions. Les apôtres répondirent à beaucoup d'entre elles et Jésus analysa les autres. Au cours de la soirée, un légiste chercha à empêtrer Jésus dans une discussion compromettante en disant: «Maître, je voudrais te demander exactement ce que je dois faire pour hériter de la vie éternelle? » Jésus répondit: « Qu'est-il écrit dans la Loi et les Prophètes; comment lis-tu les Ecritures? » Connaissant à la fois les enseignements de Jésus et ceux des pharisiens, le légiste répondit: « Aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa pensée, et de toute sa force, et son prochain comme soi-même ». Jésus dit: « Tu as bien répondu; si tu le fais réellement, cela te conduira à la vie éternelle ».
Mais le légiste n'était pas entièrement sincère en posant cette question. Désireux de se justifier, et espérant aussi embarrasser Jésus, il se rapprocha un peu plus du Maître et s'aventura à poser une nouvelle question: «Maître, je voudrais que tu me dises avec précision qui est mon prochain? » Cette question était un artifice pour amener Jésus à émettre une affirmation contrevenant à la loi juive qui définissait le prochain comme « un enfant de votre propre peuple ». Les Juifs considéraient tous les autres peuples comme des « chiens de païens ». Connaissant quelque peu les enseignements de Jésus, le légiste savait bien que le Maître pensait différemment; il espérait donc l'inciter à dire quelque chose qui pourrait être interprété comme une attaque contre la loi sacrée.
Mais Jésus discernait les mobiles du légiste; au lieu de tomber dans le piège, il raconta à ses auditeurs une histoire susceptible d'être pleinement appréciée par n'importe quel auditoire de Jéricho. Il dit: « Un homme allant de Jérusalem à Jéricho tomba aux mains d'une bande de cruels brigands qui le volèrent, le dépouillèrent, le rouèrent de coups, et le laissèrent à moitié mort en partant. Par chance, un prêtre suivait la même route et arriva peu après à l'endroit où gisait le blessé; voyant son état lamentable, il passa de l'autre côté de la route sans s'arrêter. Un Lévite qui suivait aussi ce chemin passa également de l'autre côté de la route après avoir vu l'homme. A ce moment, un Samaritain allant à Jéricho croisa le blessé et vit qu'il avait été dévalisé et malmené. Emu de compassion, il s'approcha de lui, pansa ses blessures en y versant de l'huile et du vin, installa l'homme sur sa bête de somme, l'amena à l'auberge, et prit soin de lui. Le lendemain matin, il donna de l'argent à l'aubergiste en disant: « Soigne bien mon ami, et si les frais sont plus élevés, je te les rembourserai à mon retour». Maintenant, permets-moi de te demander lequel des trois passants était le prochain de l'homme tombé aux mains des voleurs? » Quand le légiste perçut qu'il était tombé dans son propre piège, il répondit: « C'est celui qui lui a témoigné de la miséricorde ». Et Jésus dit « Va, et fais de même » (1).
(1) Cf. Luc X-25 à 37.
Lorsque le légiste répondit « c'est celui qui lui a témoigné de la miséricorde », c'était pour éviter même de prononcer le nom abhorré de Samaritain. A la question: « Qui est mon prochain? », le légiste fut contraint de donner la réponse que Jésus souhaitait, alors que si Jésus l'avait donnée lui-même, cela l'aurait impliqué directement dans une inculpation d'hérésie. Non seulement Jésus confondit le légiste déloyal, mais encore il raconta à ses auditeurs une histoire qui était à la fois une magnifique recommandation à tous ses disciples et un accablant reproche à tous les Juifs sur leur comportement envers les Samaritains. Et cette histoire a continué à encourager l'amour fraternel parmi tous les croyants ultérieurs à l'évangile de Jésus.
2. -- À JÉRUSALEM
Jésus avait assisté à la fête des Tabernacles pour pouvoir proclamer l'évangile aux pèlerins de toutes les parties de l'empire. Maintenant il allait à la fête de la Dédicace uniquement dans le but de donner au sanhédrin et aux dirigeants juifs une nouvelle chance de voir la lumière. Le principal événement de ces quelques jours à Jérusalem eut lieu le vendredi soir chez Nicodème, où s'étaient rassemblés environ vingt-cinq dirigeants juifs qui croyaient à l'enseignement de Jésus. Dans ce groupe se trouvaient quatorze hommes qui étaient actuellement, ou avaient récemment été, membres du sanhédrin. Eber, Matadormus, et Joseph d'Arimathie (1) assistaient à la réunion.
| (1) Arimathie (d'après le nom grec Arimathias_ ou Arimathée (d'après le nom latin Arimathea) est le village qui porte aujourd'hui le nom de Rama. |
En cette circonstance, les auditeurs de Jésus étaient des hommes instruits. Ils furent tous surpris, ainsi que les deux apôtres, par la portée et la profondeur des remarques que le Maître fit à ce groupe distingué. Depuis l'époque où il avait enseigné à Alexandrie, à Rome, et dans les îles de la Méditerranée, jamais Jésus n'avait fait montre de tant d'érudition ni d'une pareille compréhension des affaires humaines, aussi bien religieuses que laïques.
À la fin de cette petite réunion, tous les auditeurs se séparèrent, intrigués par la personnalité du Maître, charmés par la grâce de ses manières, et remplis d'amour pour lui. Ils avaient cherché à donner des conseils à Jésus à propos de son désir de gagner à sa cause les autres membres du sanhédrin. Le Maître avait écouté attentivement, mais en silence, toutes leurs propositions. Il savait bien qu'aucun de leurs plans n'aboutirait. Il sentait que la majorité des dirigeants juifs n'accepterait jamais l'évangile du royaume; il leur donna néanmoins à tous cette nouvelle chance de prendre parti. Mais en repartant ce soir-là avec Nathanael et Thomas pour leur campement sur le Mont des Oliviers, le Maître n'avait pas encore décidé la méthode qu'il adopterait pour attirer, une fois de plus, sur son oeuvre l'attention du sanhédrin.
Nathanael et Thomas dormirent peu cette nuit-là; ils étaient trop stupéfaits par ce qu'ils avaient entendu chez Nicodème. Ils méditèrent longuement sur la remarque finale de Jésus concernant une offre des anciens membres et des membres actuels du sanhédrin de l'accompagner devant les soixante-dix. Le Maître dit: « Non, mes amis, cela ne servirait à rien. Vous multiplieriez la colère qui retombera sur vos têtes sans apaiser le moins du monde la haine qu'ils me portent. Allez chacun vous occuper des affaires du Père selon les directives que l'esprit vous donnera, tandis que j'attirerai une fois de plus leur attention sur le royaume de la manière dont mon Père me le commandera ».
3. -- LA GUÉRISON DU MENDIANT AVEUGLE
Le lendemain matin, Jésus et les deux apôtres allèrent chez Marthe à Béthanie pour prendre leur petit déjeuner, puis se rendirent immédiatement à Jérusalem. Ce matin de sabbat, tandis que les trois hommes approchaient du temple, ils rencontrèrent un mendiant bien connu, nommé Josias, né aveugle, qui était assis à sa place habituelle. Les mendiants ne sollicitaient ni ne recevaient d'aumônes le jour du sabbat, mais ils avaient la permission de s'asseoir à leur place habituelle. Jésus s'arrêta, et tandis qu'il regardait ce mendiant aveugle-né, une idée lui vint à l'esprit sur la manière d'attirer à nouveau sur sa mission terrestre l'attention du sanhédrin, des autres dirigeants juifs, et des éducateurs religieux.
Tandis que le Maître se tenait là devant l'aveugle, perdu dans de profondes pensées, Nathanael réfléchit à la cause possible de la cécité de l'homme et demanda: « Maître, pour que cet homme soit aveugle, qui donc a péché, l'homme lui-même ou ses parents? »
Les rabbins enseignaient que tous les cas de cécité de naissance étaient causés par le péché. D'après eux, non seulement les enfants étaient conçus et nés dans le péché, mais un enfant pouvait naître aveugle comme punition pour un péché spécifique commis par son père. Ils enseignaient même qu'un enfant pouvait pécher avant de naître dans le monde. Ils enseignaient également que des infirmités analogues pouvaient provenir d'un péché ou d'une faiblesse de la mère pendant sa grossesse.
Dans toutes ces régions, il y avait une vague croyance à la réincarnation. Les anciens éducateurs juifs, ainsi que Platon, Philon, et de nombreux Esséniens, toléraient la théorie que les hommes peuvent récolter dans une incarnation ce qu'ils ont semé dans une existence précédente; on croyait qu'ils expiaient dans une vie les péchés commis au cours de vies antérieures. Le Maître trouva difficile de faire croire aux hommes que leur âme n'avait pas eu d'existences antérieures.
Toutefois, si illogique que cela paraisse, puisque la cécité était considérée comme résultant d'un péché, les Juifs estimaient hautement méritoire de donner des aumônes aux mendiants aveugles. Ceux-ci avaient l'habitude de psalmodier constamment aux passants: « O coeurs sensibles, gagnez des mérites en aidant les aveugles ».
Jésus aborda la discussion de ce cas avec Nathanael et Thomas, non seulement parce qu'il avait déjà décidé d'utiliser l'aveugle comme moyen opportun pour attirer de nouveau sur sa mission, d'une manière marquante, l'attention des dirigeants juifs, mais aussi parce qu'il encourageait toujours ses apôtres à rechercher les vraies causes de tous les phénomènes naturels ou spirituels. Il les avait souvent mis en garde contre la tendance commune à attribuer des causes spirituelles à des événements physiques ordinaires.
Jésus décida d'employer ce mendiant dans ses plans pour l'oeuvre de la journée, mais avant de faire quelque chose pour Josias l'aveugle, il répondit à la question de Nathanael en disant: « Ni cet homme ni ses parents n'ont eu besoin de pécher pour que les oeuvres de Dieu se manifestent en lui. La cécité lui est venue au cours naturel des événements. Pendant qu'il fait jour, il nous faut maintenant faire les oeuvres de Celui qui m'a envoyé, car la nuit va certainement venir, et il sera alors impossible de réaliser le travail que nous allons accomplir. Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde, mais dans peu de temps, je ne serai plus avec vous » (1).
(1) Cf. Jean IX-1 à 5.
Puis il dit à Nathanael et à Thomas « Créons la vue de cet aveugle en ce jour de sabbat, afin que les scribes et les pharisiens trouvent pleinement l'occasion qu'ils cherchent d'accuser le Fils de l'Homme ». Jésus avait constamment parlé de manière à ce que le mendiant puisse l'entendre. Il se pencha ensuite pour cracher sur le sol et mélangea de l'argile au crachat, puis il alla vers Josias et mit l'argile sur ses yeux aveugles en disant: «Mon fils, va laver cette argile dans l'étang de Siloé, et tu recouvreras immédiatement ta vue ». Et lorsque Josias se fut ainsi lavé dans l'étang de Siloé, il retourna vers ses amis et sa famille en voyant.
Ayant toujours mendié, il ne savait rien faire d'autre; donc, lorsque la première excitation due à la création de sa vue fut calmée, il revint à la place habituelle où il sollicitait des aumônes. Quand ses amis, ses voisins, et tous ceux qui l'avaient connu précédemment remarquèrent qu'il pouvait voir, ils dirent tous: « Celui-ci n'est-il pas Josias, le mendiant aveugle? Certains penchaient pour l'affirmative, tandis que d'autres disaient: « Non, c'est quelqu'un qui lui ressemble, car cet homme peut voir ». Lorsqu'ils interrogèrent Josias lui-même, il répondit: « C'est moi ».
Quand ils commencèrent à lui demander comment il était devenu capable de voir, il répondit: « Un homme nommé Jésus a passé par ici et, tout en parlant de moi avec ses amis, il a mélangé de l'argile avec un crachat, oint mes yeux, et ordonné que j'aille me laver dans l'étang de Siloé. J'ai fait ce que cet homme m'a dit, et aussitôt j'ai reçu ma vue. Cela s'est passé il y a quelques heures seulement, et je ne connais pas encore la signification de beaucoup de choses que je vois ». Et lorsque les gens qui s'étaient attroupés autour de lui demandèrent où l'on pouvait trouver l'homme étrange qui l'avait guéri, Josias put seulement répondre qu'il n'en savait rien.
Il s'agit là d'un des plus étranges miracles du Maître. Josias ne demandait pas à être guéri. Il ignorait que Jésus, qui lui avait ordonné de se laver à Siloé et promis sa vision, était le prophète de Galilée qui avait prêché à Jérusalem durant la fête des Tabernacles. Josias ne croyait guère qu'il allait être doté de sa vue, mais les gens de l'époque avaient foi dans l'efficacité du crachat d'un grand homme ou d'un saint. Or, d'après la conversation de Jésus avec Nathanael et Thomas, Josias avait conclu que son bienfaiteur en intention était un grand homme, un instructeur érudit ou un saint prophète; c'est pourquoi il fit ce que Jésus lui avait commandé.
Jésus avait trois raisons pour employer le crachat et l'argile et ordonner à l'aveugle d'aller se laver dans l'étang symbolique de Siloé:
1. Ce miracle n'était pas une réponse a la foi personnelle. C'était un prodige que Jésus avait décidé d'accomplir en vue d'un but choisi par lui-même, mais il l'arrangea de manière à ce que le bénéficiaire puisse en tirer un profit durable.
2. Puisque l'aveugle n'avait pas sollicité la guérison et que sa foi était faible, Jésus lui suggéra des actes matériels pour l'encourager. Josias croyait superstitieusement à l'efficacité du crachat et savait que l'étang de Siloé était un endroit presque sacré. Il n'y serait probablement pas allé s'il n'avait pas fallu y laver l'argile de son onction. L'opération comportait juste assez de cérémonial pour l'inciter à agir.
3. Jésus avait une troisième raison pour recourir à des moyens matériels dans cette affaire extraordinaire. C'était un miracle opéré purement en conformité avec sa propre décision, et il désirait l'utiliser pour apprendre à ses disciples de l'époque et de tous les siècles ultérieurs à ne pas mépriser ou négliger les moyens matériels pour guérir les malades. Il voulait leur enseigner qu'ils devaient cesser de considérer les miracles comme la seule méthode de cure pour les maladies humaines.
En donnant la vue à Josias par une opération miraculeuse, ce matin de sabbat et à Jérusalem près du temple, Jésus avait pour but essentiel de lancer ouvertement un défi au sanhédrin et à tous les éducateurs et chefs religieux juifs. Ce fut sa manière de proclamer une franche rupture avec les pharisiens. Il était toujours positif dans ses actes. C'était en vue d'amener ces problèmes devant le sanhédrin que Jésus revint vers l'aveugle avec ses deux apôtres au début de l'après-midi de ce jour de sabbat et provoqua délibérément les discussions qui obligèrent les pharisiens à prêter attention au miracle.
4. -- JOSIAS DEVANT LE SANHÉDRIN
Au milieu de l'après-midi, la guérison de Josias avait soulevé de telles controverses autour du temple que les chefs du sanhédrin décidèrent de convoquer le conseil à son lieu habituel de réunion. Ils le firent en violant une règle établie qui interdisait les réunions du sanhédrin les jours de sabbat. Jésus savait que la violation du sabbat serait l'une des principales accusations portées contre lui au moment de l'épreuve finale. Il désirait comparaître devant le sanhédrin sous l'inculpation d'avoir guéri un aveugle le jour du sabbat au moment même où la haute cour juive, violant directement elle-même les règles qu'elle s'était imposées, siégerait pour juger cet acte de miséricorde en délibérant sur la question le jour du sabbat.
Mais, sous l'empire de la peur, les sanhédristes ne firent pas comparaître Jésus. Au lieu de cela, ils firent aussitôt chercher Josias. Après un interrogatoire préliminaire, le porte-parole du sanhédrin (dont une cinquantaine de membres étaient présents) ordonna a Josias de raconter ce qui lui était arrivé. Depuis sa guérison dans la matinée, Josias avait appris par Thomas, Nathanael, et d'autres personnes que les pharisiens étaient irrités de sa guérison le jour du sabbat et qu'ils allaient probablement susciter des difficultés à tous les intéressés. Mais Josias ne percevait pas encore que Jésus était l'homme que l'on appelait le Libérateur. En conséquence, il répondit aux questions des pharisiens en disant: « Cet homme est venu par là, il a mis de l'argile sur mes yeux et m'a dit de me laver dans l'étang de Siloé, et maintenant je vois ».
Après avoir fait un long discours, l'un des pharisiens âgés dit: « Cet homme ne peut venir de Dieu. Vous voyez bien qu'il n'observe pas le sabbat. Il viole la loi, d'abord en faisant quelque chose avec de l'argile, et ensuite en envoyant ce mendiant se laver à Siloé le jour du sabbat. Cet homme ne peut être un maître envoyé par Dieu.
Alors l'un des pharisiens plus jeunes, qui croyait secrètement en Jésus dit: « Si cet homme n'est pas envoyé par Dieu, comment peut-il faire ces choses? Nous savons qu'un pécheur ordinaire ne peut opérer de tels miracles. Nous connaissons tous ce mendiant et nous savons qu'il est né aveugle; or maintenant, il voit. Allez-vous encore dire que ce prophète accomplit tous ces prodiges par le pouvoir du prince des démons? » Et chaque fois qu'un pharisien se levait pour accuser et condamner Jésus, il s'en levait un autre pour l'empêtrer dans des questions embarrassantes de sorte qu'une sérieuse scission s'éleva entre eux. Le président vit où le débat allait les entraîner. Pour apaiser la discussion, il se prépara à poser de nouvelles questions à l'intéressé. Se tournant vers Josias, il dit: « Qu'as-tu à dire de cet homme, de ce Jésus, dont tu prétends qu'il t'a ouvert les yeux? » Josias répondit: « Je crois qu'il est un prophète ».
Les dirigeants furent très troublés et, faute de savoir que faire, ils envoyèrent chercher les parents de Josias pour apprendre d'eux si leur fils était réellement né aveugle. Ils répugnaient à croire que le mendiant avait été guéri.
On savait bien à Jérusalem que non seulement l'entrée de toutes les synagogues était interdite à Jésus, mais aussi que tous ceux qui croyaient à son enseignement étaient rejetés de la synagogue, excommuniés de la congrégation d'Israël. Cela signifiait qu'ils étaient privés de tous leurs droits et privilèges dans le monde juif, sauf du droit d'acheter le nécessaire pour vivre.
Les parents de Josias étaient de pauvres âmes apeurées. Lors de leur comparution devant l'auguste sanhédrin, ils craignirent donc de parler librement. Le porte-parole de la cour leur dit: « Celui-ci est-il votre fils? Avons-nous raison de comprendre qu'il est né aveugle? Si c'est vrai, comment se fait-il qu'il puisse maintenant voir? » Alors le père de Josias, appuyé par la mère, répondit: « Nous savons qu'il est notre fils et qu'il est né aveugle. Quant à la manière dont il s'est mis à voir et à la personne qui lui a ouvert les yeux, nous ne savons rien. Demandez-le lui; il est en âge de répondre. Qu'il parle pour lui-même ».
Les sanhédristes firent alors comparaître Josias une seconde fois devant eux. Ils ne se tiraient pas bien d'affaire en cherchant à traiter le cas officiellement, et certains d'entre eux commençaient à se sentir mal à l'aise en agissant ainsi un jour de sabbat. En conséquence, lorsqu'ils eurent rappelé Josias, ils essayèrent de le prendre au piège par une autre méthode d'attaque. Le délégué de la cour demanda à l'ex-aveugle: « Pourquoi ne rends-tu pas gloire à Dieu pour cela? Pourquoi ne nous dis-tu pas toute la vérité sur ce qui est arrivé? Nous savons tous que cet homme est un pécheur. Pourquoi refuses-tu de discerner la vérité? Tu sais que toi et cet homme vous êtes tous deux inculpés d'avoir violé le sabbat. Ne veux-tu pas expier ton péché en reconnaissant que c'est Dieu qui t'a guéri, si tu prétends toujours que tes yeux ont été ouverts aujourd'hui? »
Mais Josias n'était ni sot ni dépourvu d'humour; il répondit donc au délégué de la cour: « Je ne sais pas si cet homme est un pécheur; mais il y a une chose que je sais -- c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois». Faute d'avoir pu prendre Josias au piège, ils continuèrent à l'interroger et lui demandèrent: « De quelle manière exacte t'a-t-il ouvert les yeux? Que t'a-t-il réellement fait? Que t'a-t-il dit? T'a-t-il demandé de croire en lui?»
Josias répliqua avec un peu d'impatience: « Je vous ai dit exactement comment tout s'est passé. Si vous n'avez pas cru mon témoignage, pourquoi voulez-vous l'entendre à nouveau. Y a-t-il une chance pour que vous deveniez aussi ses disciples? » Lorsque Josias eut ainsi parlé, la réunion du sanhédrin prit fin dans le désordre et presque avec violence, car les chefs se précipitèrent sur Josias en s'écriant avec colère: « Tu peux parler d'être disciple de cet homme, mais nous, nous sommes disciples de Moïse et nous enseignons les lois de Dieu. Nous savons que Dieu a parlé par Moïse, mais quant à ce Jésus, nous ne savons d'où il vient ».
Alors Josias monta sur un siège et cria à tue-tête à tous ceux qui pouvaient l'entendre: « Ecoutez, vous qui vous prétendez les éducateurs de tout Israël; je vous déclare qu'il y a là dedans une grande merveille, puisque vous confessez ne pas savoir d'où vient cet homme, et que cependant vous savez avec certitude, par les témoignages entendus, qu'il m'a ouvert les yeux. Nous savons tous que Dieu n'accomplit pas de telles oeuvres pour les impies. Dieu ne fait une chose pareille qu'à la demande d'un sincère adorateur -- pour un saint et pour un juste. Vous savez que, depuis le commencement du monde, on n'a jamais entendu parler d'ouvrir les yeux d'un aveugle-né. Donc regardez-moi tous et rendez-vous compte de ce qui a été fait aujourd'hui à Jérusalem! Je vous le dis, si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait faire cela ». Les sanhédristes partirent en colère et dans la confusion en lui criant: « Tu es entièrement né dans le péché, et tu prétends maintenant nous enseigner? Peut-être n'es-tu pas réellement né aveugle, et même si tes yeux ont été ouverts le jour du sabbat, ce fut grâce au pouvoir du prince des démons ». Et ils allèrent aussitôt à la synagogue pour en exclure Josias.
Josias aborda cette épreuve avec de faibles notions sur Jésus et la nature de sa guérison. La majeure partie du témoignage qu'il donna avec tant d'intelligence et de courage devant ce tribunal suprême de tout Israël lui vint à la pensée à mesure que le jugement se poursuivait de cette manière injuste et dépourvue d'équité.
5. -- L'ENSEIGNEMENT SOUS LE PORCHE DE SALOMON
Durant tout le temps où, en violation du sabbat, cette session du sanhédrin se déroulait dans l'une des salles du temple, Jésus se promenait à proximité et enseignait le peuple sous le Porche de Salomon. Il espérait qu'il serait convoqué devant le sanhédrin et pourrait lui annoncer la bonne nouvelle que les croyants à la filiation divine sont libres et joyeux dans le royaume de Dieu. Mais les sanhédristes avaient peur d'envoyer chercher Jésus. Ils étaient toujours déconcertés par ses soudaines apparitions en public à Jérusalem. Jésus leur donnait maintenant l'occasion qu'ils avaient si ardemment recherchée, mais ils craignaient de le faire comparaître devant le sanhédrin, même comme témoin, et ils redoutaient encore plus de l'arrêter.
On était au milieu de l'hiver à Jérusalem, et les gens cherchaient à s'abriter partiellement sous le Porche de Salomon. Tandis que Jésus s'y attardait, les pèlerins lui posèrent un grand nombre de questions, et il les enseigna pendant plus de deux heures. Quelques éducateurs juifs cherchèrent à le prendre au piège en lui demandant publiquement: « Combien de temps nous tiendras-tu en suspens? Si tu es le Messie, pourquoi ne nous le dis-tu pas franchement? » Jésus dit: « Je vous ai maintes fois parlé de moi-même et de mon Père, mais vous n'avez pas voulu me croire. Ne voyez-vous pas que les oeuvres que j'accomplis au nom de mon Père témoignent pour moi? Mais beaucoup d'entre vous ne croient pas, parce que vous n'appartenez pas à mon troupeau. Seuls sont attirés par l'instructeur de la vérité ceux qui ont faim de vérité et soif de droiture. Mes brebis écoutent ma voix, je les connais, et elles me suivent. Et à tous ceux qui suivent mon enseignement, je donne la vie éternelle; ils ne périront jamais et nul ne me les enlèvera. Mon Père, qui m'a donné ces enfants, est plus grand que tous, de sorte que nul ne peut les arracher des mains de mon Père. Le Père et moi nous sommes un ». Quelques Juifs incroyants se précipitèrent vers un endroit où l'on bâtissait une aile du temple pour ramasser des pierres et lapider Jésus, mais les croyants les en empêchèrent.
Jésus poursuivit son enseignement: « Je vous ai montré beaucoup d'oeuvres de mon Père accomplies par amour, et maintenant je vous demande pour laquelle de ces bonnes oeuvres vous songez à me lapider? » L'un des pharisiens répondit: « Nous ne voulons te lapider pour aucune de tes bonnes oeuvres, mais à cause de tes blasphèmes, car étant un homme, tu oses t'égaler à Dieu ». Et Jésus répondit: « Vous accusez le Fils de l'Homme de blasphème parce que vous refusez de me croire quand je vous déclare que j'ai été envoyé par Dieu. Si je n'accomplis pas les oeuvres de Dieu, ne me croyez pas, mais si j'accomplis les oeuvres de Dieu, même si vous ne croyez pas en moi, je pensais que vous croiriez aux oeuvres. Afin que vous soyez certains de ce que je proclame, j'affirme à nouveau que le Père est en moi et que je suis dans le Père; de même que le Père habite en moi, J'habiterai en chacun de ceux qui croient à cet évangile ». En entendant ces paroles, beaucoup d'auditeurs allèrent en hâte chercher des pierres pour lapider Jésus, mais il sortit de l'enceinte du temple. Il retrouva Nathanael et Thomas qui avaient assisté à la session du sanhédrin, et attendit avec eux, près du temple, que Josias sortit de la salle du conseil.
Jésus et les deux apôtres n'allèrent chercher Josias chez lui qu'après avoir appris son exclusion de la synagogue. En arrivant à la maison de Josias, Thomas l'appela dans la cour et Jésus lui dit: « Josias, crois-tu au Fils de Dieu? » Et Josias répondit: « Dis-moi qui il est, pour que je puisse croire en lui ». Jésus dit: « Tu l'as vu et entendu, c'est celui qui te parle actuellement ». Et Josias dit: « Seigneur, je crois ». Puis, tombant à genoux, il l'adora.
Quand Josias apprit qu'il avait été exclu de la synagogue, il fut d'abord très déprimé, mais ensuite très encouragé lorsque Jésus lui ordonna de se préparer immédiatement à l'accompagner au camp de Pella. Ce candide habitant de Jérusalem avait en vérité été exclu d'une synagogue juive, mais voici que le Créateur d'un univers l'emmenait pour l'introduire dans la noblesse spirituelle de ce temps et de cette génération.
Jésus sortit alors de Jérusalem pour ne plus y revenir avant l'approche du jour où il se prépara à quitter ce monde. Le Maître retourna à Pella avec Josias et les deux apôtres. Et Josias compta parmi les bénéficiaires efficaces du ministère miraculeux du Maître, car il devint pour le reste de sa vie un prédicateur de l'évangile du royaume.



